A-1273-83
Trans Quebec & Maritimes Pipeline Inc. (requé-
rante)
c.
Office national de l'énergie (intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Ryan et
Le Dain—Ottawa, 21 mars et 19 avril 1984.
Pratique — Demandes d'examen et d'autorisation d'interje-
ter appel des décisions de l'Office national de l'énergie —
Requêtes enjoignant à l'Office de produire des documents
internes et tous autres documents relatifs aux décisions con-
testées — Dès qu'il a reçu la demande fondée sur l'art. 28 le
tribunal est tenu en vertu de la Règle 1402 de faire parvenir
sans délai au greffe l'original ou une copie de ce qui doit
constituer le dossier selon cette Règle — Le but de la Règle
1402 est de faire parvenir rapidement à la Cour le dossier
qu'elle doit examiner conformément à l'art. 28(5) de la Loi sur
la Cour fédérale — La Règle 1402 impose au tribunal l'obli-
gation de déterminer quels documents sont pertinents et de les
faire parvenir à la Cour — L'intimé ne s'est pas conformé à
cette Règle — Il incombe à la partie qui demande la produc
tion de renseignements supplémentaires de démontrer à la
Cour qu'ils doivent être inclus au dossier — La requérante n'a
pas fait cette démonstration — La question de savoir si les
documents internes destinés à aider un tribunal doivent faire
partie du dossier à partir duquel la décision de celui-ci sera
révisée doit être tranchée pour chaque espèce — Le caractère
confidentiel des documents n'empêche pas leur production —
L'examen des opinions du personnel n'aide nullement à déter-
miner les motifs de l'Office — La Règle 1301 qui régit les
demandes d'autorisation d'appel n'autorise ni la tenue d'un
interrogatoire préalable ni des recherches à l'aveuglette —
Requêtes rejetées — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2`
Supp.), chap. 10, art. 28(5) — Règles de la Cour fédérale.
C.R.C., chap. 663, Règles 1301(2),(3),(4), 1402(1),(3) — Loi
sur l'Office national de l'énergie, S.R.C. 1970, chap. N-6, art.
18 (mod. par S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 65).
La requérante a saisi cette Cour de deux instances: une
demande d'examen et d'annulation des décisions de l'Office
national de l'énergie et une demande d'autorisation d'interjeter
appel de ces décisions. Dans les deux cas, on a présenté des
requêtes visant à obtenir des ordonnances enjoignant à l'Office
de fournir les documents internes rédigés à l'intention de
l'Office pour qu'il puisse en tenir compte en arrivant à une
décision, ainsi que tous les autres documents afférents à l'af-
faire qui se trouvent en la possession ou sous le contrôle de
l'Office. Après que le greffe de la Cour fédérale eut demandé à
l'Office de lui faire parvenir les documents pertinents confor-
mément à la Règle 1402, l'Office a proposé de différer le dépôt
des pièces jusqu'à ce que soit résolue la question des pièces
pertinentes aux fins de la demande d'autorisation d'appel.
L'Office soutient que les documents internes sont confidentiels,
qu'ils ne sont pas pertinents et qu'ils ne font pas partie du
dossier de ses procédures.
Arrêt: les requêtes doivent être rejetées.
Suivant la Règle 1402(3), le tribunal doit, sur réception de
l'avis introductif d'instance prévu à l'article 28, envoyer au
greffe de la Cour fédérale soit toutes les pièces du dossier selon
la Règle 1402(1), soit des copies de ces documents, à moins que
la Cour n'en décide autrement. Par conséquent, la Cour ne
peut, en l'absence d'une requête en bonne et due forme à
laquelle la requérante aurait la possibilité de répondre, admet-
tre la proposition de l'Office de différer le dépôt des pièces
nécessaires. Suivant le paragraphe 28(5) de la Loi sur la Cour
fédérale, les demandes d'examen doivent être entendues et
jugées sans délai et d'une manière sommaire. La Règle 1402(3)
vise à faire parvenir promptement à la Cour le dossier qui fera
l'objet de l'examen. Un tribunal ne peut donc attendre, pour se
conformer à la Règle, qu'une partie accomplisse quelque action
en vue d'obtenir une décision quant à ce qui doit être envoyé.
La Règle 1402 impose au tribunal, du moins dans le premier
cas, l'obligation d'établir lesquels des documents il a en sa
possession ou sous son contrôle sont .pertinents à l'affaire» et de
les faire parvenir immédiatement au greffe ou d'en préparer et
en envoyer des copies. Le tribunal sait ce qui est pertinent en ce
qui concerne la décision. Par ailleurs, la Cour ne pourra se
prononcer avant qu'on ne lui ait fourni toutes les données soit
parce que le tribunal se sera conformé à la Règle soit parce que
des affidavits ou des aveux auront été versés au dossier de la
Cour. Si une partie demande la production de documents
supplémentaires, il lui incombera, par voie d'une demande
appuyée de preuves établissant l'existence de ces documents, de
convaincre la Cour que le tribunal doit les produire pour qu'ils
soient compris dans le dossier.
La requérante s'est opposée sans succès à la production de
certains documents alléguant qu'ils ne sont pas pertinents. Si
l'Office était effectivement convaincu que les documents
n'étaient pas pertinents, il n'avait qu'à se conformer à la Règle
quitte à exclure les documents en question plutôt que d'attendre
la présentation d'une requête visant à obtenir leur production.
Par ailleurs, si l'Office ne pouvait à bon droit invoquer le
caractère non pertinent des documents, il devrait les inclure
dans les pièces à envoyer.
Toutefois, la requérante ne s'est pas acquittée de son obliga
tion de convaincre la Cour que les documents de l'Office
devraient être inclus au dossier. Il faut se garder de conclure
que l'ordonnance qu'a rendue cette Cour, sans donner de motifs
écrits, dans l'affaire Sanyo Electric Trading Co. Ltd. et autre
c. Association canadienne des fabricants de gros appareils
ménagers et autres (n° du greffe A-291-82) pose le principe
général selon lequel des rapports internes destinés à aider les
membres d'un tribunal, soit dans le cours d'une procédure, soit
au stade du délibéré, doivent faire partie des documents sur
lesquels sera fondé l'examen d'une décision de ce tribunal.
Toutefois, lorsqu'il est possible de démontrer que la décision
d'un tribunal repose sur des rapports internes, il se peut fort
bien qu'on soit bien fondé à exiger leur inclusion. Le caractère
confidentiel des rapports ne leur fait pas bénéficier d'une
exemption de communication. Quant aux opinions contenues
dans des notes de service internes, elles n'aident aucunement à
déterminer les motifs de la décision de l'Office parce qu'on ne
peut à bon droit présumer qu'il les a reprises dans ses motifs.
Les motifs de la décision de l'Office sont ceux qu'il juge
opportun d'exprimer ou qui, d'après ce qui se dégage de ses
propres mots ou actes, constituent manifestement ses motifs.
En ce qui a trait à la demande d'autorisation d'appel, les
preuves produites en cette Cour ne permettent pas de conclure
que les documents demandés se rapportent aux moyens d'appel
qu'a proposés la requérante. De plus, la Règle 1301 ne prévoit
pas d'interrogatoire préalable pas plus qu'elle n'autorise à se
lancer dans des recherches à l'aveuglette. Un requérant ne peut
demander que soit communiqué à la Cour l'ensemble du dossier
d'un tribunal afin de pouvoir chercher la justification de sa
demande d'autorisation d'appel.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Sanyo Electric Trading Co. Ltd. et autre c. Association
canadienne des fabricants de gros appareils ménagers et
autres, ordonnance en date du 15 septembre 1983, Divi
sion d'appel de la Cour fédérale, A-291-82, non publiée.
AVOCATS:
H. Soloway, c.r. et James O'Grady, c.r., pour
la requérante.
John Sopinka, c.r. et Nick Schultz pour
l'intimé.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour la requérante.
F. H. Lamar, c.r., Ottawa, pour l'intimé.
' Howard, Mackie, Calgary, pour Nova, une
société de l'Alberta.
Fenerty, Robertson, Fraser & Hatch, Cal-
gary, pour l'Association pétrolière du Canada
et pour Independent Petroleum Association of
Canada.
McLaws & Company, Calgary, pour l'Alberta
Petroleum Marketing Commission.
Clarkson, Tétrault, Montréal, pour Gaz
Métropolitain Inc.
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour
TransCanada Pipelines Limited.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: La requérante a
saisi cette Cour de deux instances. La première,
introduite le 7 septembre 1983, est une demande
fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale [S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 10] (no du
greffe A-1273-83), tendant à l'examen et à l'annu-
lation de
[TRADUCTION] ... la décision en date du 29 août 1983, dans
laquelle l'Office national de l'énergie a rejeté la demande en
date du 11 août 1983, présentée par la requérante conformé-
ment à l'art. 17 de la Loi sur l'Office national de l'énergie,
S.R.C. 1970, chap. N-6, en vue d'obtenir que l'Office révise,
rescinde, change ou modifie la décision qu'il a rendue en juin
1983 ainsi que les ordonnances TG-2-83 et TG-3-83 en date du
17 mai 1983, fondées sur cette décision; ces décision et ordon-
nances portent sur la demande présentée par la requérante
conformément à la Partie IV de la Loi sur l'Office national de
l'énergie, visant au prononcé de certaines ordonnances relatives
aux droits et aux tarifs.
Dans l'autre cas, il s'agit d'une demande (83-A
370) déposée le 26 septembre 1983, conformément
à l'article 18 de la Loi sur l'Office national de
l'énergie [S.R.C. 1970, chap. N-6 (mod. par
S.R.C. 1970 (2c Supp.), chap. 10, art. 65)], ten-
dant à obtenir l'autorisation d'appeler
[TRADUCTION] a) d'une part, de la décision rendue par
l'Office national de l'énergie («l'Office») en juin 1983 relati-
vement à une demande présentée par la requérante confor-
mément à la Partie IV de la Loi sur l'Office national de
l'énergie (demande relative aux droits) et, d'autre part, des
ordonnances TG-2-83 et TG-3-83 de l'Office en date du 17
mai 1983, fondées sur ladite décision; et
b) de la décision ou ordonnance de l'Office en date du 29
août 1983, rejetant la demande en date du 11 août 1983,
présentée par l'appelante, conformément à l'art. 17 de la Loi
sur l'Office national de l'énergie, en vue d'obtenir une ordon-
nance qui obligerait l'Office à réviser, rescinder, changer ou
modifier certains aspects des ordonnances en date du 17 mai
1983 et de la décision rendue en juin 1983, à laquelle ladite
demande fait allusion;
on a demandé en outre:
[TRADUCTION] ... une ordonnance portant prorogation du
délai de dépôt de la demande d'autorisation d'appeler de la
décision rendue par l'Office national de l'énergie en juin 1983
et des ordonnances TG-2-83 et TG-3-83 en date du 17 mai
1983;
Par des avis en date du 16 novembre 1983, on a,
dans les deux instances, présenté des requêtes
visant à obtenir des ordonnances:
[TRADUCTION] ... qui exigeraient que l'intimé, l'Office natio
nal de l'énergie, prépare, pour qu'elles puissent être versées au
dossier en l'espèce, des copies des documents suivants:
Les procès-verbaux et le dossier des procédures qui ont eu
lieu devant l'Office dans le cadre de l'audience relative aux
droits à acquitter par TQM, tenue conformément à l'ordon-
nance RH-4-82 de l'Office; les procès-verbaux et les dossiers
afférents aux procédures relatives aux ordonnances TG-2-83
et TG-3-83 de l'Office et à sa décision rendue le 29 août
1983, rejetant la demande de la requérante tendant à la
révision desdites ordonnances; et aussi tout document interne
rédigé à l'intention de l'Office pour qu'il puisse en tenir
compte en arrivant à une décision, ainsi que tous les autres
documents qui se rapportent à l'affaire ou à la demande
d'autorisation d'appel et à la demande et qui se trouvent en
la possession ou sous la garde de l'Office national de
l'énergie;
À l'audience, l'avocat de la requérante a dit que,
abstraction faite du procès-verbal portant les noms
des membres de l'Office saisis de la demande de
révision, il ne demandait plus ales procès-verbaux
et le dossier des procédures qui ont eu lieu devant
l'Office». L'avocat de l'intimé a alors signalé que
fournir ces renseignements à la requérante ne pré-
senterait aucun problème.
On a déposé à l'appui des requêtes l'affidavit
d'un avocat, duquel il ressort que, par des lettres
datées du 4 et du 7 octobre 1983, l'avocat de la
requérante avait demandé à l'Office national de
l'énergie de produire, entre autres, les procès-ver-
baux et le dossier des procédures devant l'Office, y
compris tout document interne rédigé à l'intention
de l'Office pour qu'il puisse en tenir compte en
arrivant à sa décision; que, le 12 septembre 1983,
le greffe a demandé à l'Office de faire tenir à la
Cour, conformément à la Règle 1402(1)' [Règles
de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663], les docu
ments devant constituer le dossier de la demande
fondée sur l'article 28; qu'une lettre de rappel a été
envoyée à l'Office le 26 septembre 1983; et que
l'avocat de l'Office, dans une lettre en date du 28
septembre 1983 adressée au sous-administrateur
de la Cour, a donné à la demande de la Cour la
réponse suivante:
[TRADUCTION] Je vous remercie de votre lettre en date du
12 septembre 1983. Vous n'ignorez peut-être pas que, le 26
septembre 1983, TQM a déposé, conformément au paragraphe
18(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie, une demande
d'autorisation d'appeler de la décision visée par la demande
fondée sur l'article 28. La demande d'autorisation d'appel porte
le n° du greffe 83-A-370.
Compte tenu des dispositions de l'article 29 de la Loi sur la
Cour fédérale, je tiens pour acquis que, si la demande fondée
sur l'article 28 va de l'avant, elle sera entendue, dans l'hypo-
thèse où l'autorisation d'appel serait accordée, avec l'appel
interjeté en vertu de l'article 18 de la Loi sur l'Office national
de l'énergie. En ce qui concerne la demande d'autorisation
' Règle 1402. (1) Une demande en vertu de l'article 28 est
décidée sur un dossier constitué, sous réserve de l'alinéa (2), par
a) l'ordonnance ou la décision attaquée ainsi que ses motifs;
b) tous les documents pertinents à l'affaire qui sont en la
possession ou sous le contrôle du tribunal;
c) une transcription de toute déposition orale, s'il en est, faite
au cours de l'audition qui a abouti à l'ordonnance ou à la
décision attaquée;
d) les affidavits, les pièces littérales ou autres documents
déposés au cours de cette audition; et
e) les objets déposés comme pièces au cours de cette audition.
d'appel, j'ai cru comprendre que TQM signifiera, conformé-
ment à la Règle 1301(3), un avis précisant les pièces pertinen-
tes en la possession de l'Office sur lesquelles elle désire s'ap-
puyer. Une fois résolue la question des pièces pertinentes, nous
produirions auprès de la Cour les pièces nécessaires aux fins de
l'instance portant le n° du greffe 83-A-370 et tendant à l'obten-
tion de l'autorisation d'appel. Il semble que cela remplirait
aussi l'exigence de la Règle 1402. J'espère que cette façon de
procéder vous conviendra.
L'affidavit comporte en outre une copie d'une
lettre de cinq pages en date du 24 octobre 1983
adressée par le secrétaire de l'Office à l'adminis-
trateur de la Cour, exposant des motifs pour les-
quels l'Office ne devrait pas avoir à faire parvenir
à la Cour les documents en question. Il ressort de
cette lettre que l'Office a en sa possession [TRA-
DUCTION] «des notes de service internes ... qui
révèlent le processus de délibération interne de
l'Office» et que ces notes de service expriment les
points de vue de leurs auteurs. Dans sa lettre, le
secrétaire affirme qu'il s'agit de notes de service
confidentielles qui ne font pas partie du dossier des
procédures de l'Office.
Les requêtes ont été entendues simultanément
le 21 mars 1984 et il a été sursis au jugement.
Depuis lors, on a envoyé à la Cour des lettres
d'après lesquelles les parties reconnaissent que le
personnel de l'Office peut, dans le cadre de son
examen des pièces composant le dossier d'une ins
tance devant l'Office, exprimer des avis. Bien que
cela ne se dégage pas expressément des lettres, il
semble certain que les avis en question sont expri-
més dans des notes de service internes et que les
notes de service présentement en cause contiennent
des avis de ce genre.
Voilà ce qui résume, selon moi, l'ensemble de la
preuve produite en cette Cour quant à la nature
des documents dont la requérante veut obtenir
l'inclusion dans le dossier aux fins de la demande
fondée sur l'article 28 et qu'elle voudrait que
l'intimé fasse parvenir à la Cour pour qu'ils puis-
sent servir à la demande d'autorisation d'appel.
Bien que les requêtes aient été entendues ensem
ble, il me paraît opportun de les examiner séparé-
ment parce que ce qu'on attaque dans le cadre
d'une procédure fondée sur l'article 28 n'est pas
exactement la même chose que ce qu'on attaque
dans le cas d'une demande d'autorisation d'appel
et aussi parce que les Règles applicables sont
différentes.
Avant d'aborder la question précise qui est en
litige, notons que la lettre en date du 28 septembre
1983 adressée par l'avocat de l'Office au sous-
administrateur ne constitue aucunement une
réponse satisfaisante à la demande de la Cour de
se conformer à la Règle 1402(3) 2 . La Cour ne
pouvait, en l'absence d'une requête en bonne et
due forme à laquelle la requérante aurait la possi-
bilité de répondre, admettre ce 'qu'on propose dans
ladite lettre, savoir de différer l'envoi de pièces
exigé par cette Règle. Le greffe non plus ne pou-
vait accéder à la proposition. Suivant le paragra-
phe 28(5) de la Loi sur la Cour fédérale, les
demandes d'examen doivent être entendues et
jugées sans délai et d'une manière sommaire. La
Règle 1402(3) vise à faire tenir promptement à la
Cour le dossier qui fera l'objet de l'examen. La
demande du dossier remplit la même fonction que
remplissent, en vertu d'autres Règles, un bref ou
une ordonnance exigeant péremptoirement l'envoi
du dossier du tribunal. Un tribunal ne peut atten-
dre, pour se conformer à la Règle, qu'une partie
accomplisse quelque action en vue d'obtenir une
décision quant à ce qui doit être envoyé, car,
inévitablement, cela ferait traîner les procédures.
On en a d'ailleurs la preuve en l'espèce; en effet, la
demande fondée sur l'article 28 est pendante
depuis septembre dernier et, pourtant, le dossier
n'a pas encore été expédié.
2 Règle 1402... .
(3) A moins que la Cour n'en décide autrement, de sa propre
initiative ou sur demande d'une personne intéressée, du sous-
procureur général du Canada ou d'un procureur nommé spécia-
lement pour représenter le tribunal, le tribunal doit, sur récep-
tion de l'avis introductif d'instance en vertu de l'article 28,
a) soit envoyer au greffe de la Cour ce qui doit constituer le
dossier selon l'alinéa (1), ou, si certaines parties du dossier ne
sont pas en sa possession ou sous son contrôle, les parties qui
sont en sa possession ou sous son contrôle, ainsi qu'une
déclaration indiquant quelles sont les parties du dossier qui
ne sont pas en sa possession ou sous son contrôle; ou
b) soit préparer des copies des parties du dossier mentionnées
à l'alinéa a) qui sont en sa possession ou sous son contrôle
(sauf pour les objets déposés comme pièces), dûment classées
par groupes et dûment certifiées conformes par un fonction-
naire compétent, et envoyer au greffe de la Cour quatre
copies de chaque groupe ainsi que, le cas échéant, les objets
déposés comme pièces, et une déclaration indiquant quelles
sont les parties du dossier qui ne sont pas en sa possession ni
sous son contrôle, et envoyer une copie de ces copies et de
cette déclaration à chacune des personnes intéressées.
Mais il y a une raison plus importante pour
laquelle la Règle doit être observée, et cette raison,
à mon avis, touche au cœur même du problème
soulevé par la requête. La Règle 1402(1) précise
ce en quoi doit consister le dossier. Il doit com-
prendre, entre autres:
b) tous les documents pertinents à l'affaire qui sont en la
possession ou sous le contrôle du tribunal;
Il se peut que le mot «affaire» qui figure dans cet
alinéa ait une portée un peu plus large que celle de
l'expression «ordonnance ou ... décision» qu'on
trouve aux alinéas a) et c), mais, aux fins de la
présente espèce, je crois qu'on peut conclure qu'il
désigne l'ordonnance ou la décision qui doit faire
l'objet d'un examen en vertu de l'article 28. La
Règle 1402(3) exige donc que le tribunal fasse
parvenir sans délai au greffe de la Cour, conformé-
ment à l'alinéa 1402(3)a), tout ce qui doit consti-
tuer le dossier selon la Règle 1402(1) et qui se
trouve en la possession ou sous le contrôle du
tribunal, ou encore qu'il prépare le dossier confor-
mément à la Règle 1402(3)b) et qu'il envoie à la
Cour et aux parties le nombre prévu de copies.
Ce système impose au tribunal, du moins dans le
premier cas, l'obligation d'établir lesquels des
documents qu'il a en sa possession ou sous son
contrôle sont visés par l'alinéa b) de la Règle
1402(1) et de les faire parvenir immédiatement au
greffe, comme l'exige l'alinéa a), ou d'en préparer
et d'en envoyer des copies conformément à l'alinéa
b) de la Règle 1402(3). Le tribunal saura ce qu'il a
ou a eu en sa possession qui est pertinent, l'usage
qui en a été fait et son rapport avec la décision en
cause. À ce stade-là, la Cour ignorera ces choses et
ne sera pas en mesure d'en prendre connaissance.
En fait, elle ne pourra se prononcer que lorsqu'elle
aura reçu les données nécessaires y relatives soit
parce que le tribunal se sera conformé à la Règle,
soit parce qu'un affidavit ou des aveux auront été
versés au dossier de la Cour. Si, après que le
tribunal a envoyé ce qui, d'après lui, est visé par la
Règle 1402(1), une partie estime qu'il y a lieu de
présenter d'autres documents à la Cour, il incom-
bera à cette partie, par voie d'une demande
appuyée de preuves établissant l'existence de ces
documents ainsi que la raison pour laquelle on en a
besoin, de convaincre la Cour que le tribunal doit
les produire pour qu'ils soient compris dans le
dossier. On pourrait alors contester cette demande
en présentant à la Cour des affidavits démontrant
que ces documents n'existent pas, ou qu'ils n'ont
aucun rapport avec la décision ou que, pour quel-
que autre raison, il ne doit pas être ordonné au
tribunal de les produire. Mais, tant qu'on n'aura
pas passé par ces étapes, la Cour ne sera à même
de statuer ni sur la pertinence de ces autres docu
ments ni sur la nécessité d'en ordonner la produc
tion et l'inclusion dans le dossier. Inversement,
quand on aura suivi les procédures indiquées, la
Cour bénéficiera non seulement des éléments qui
lui permettront de trancher la question en litige,
mais aussi des arguments des parties.
En la présente espèce, d'après moi, l'Office
national de l'énergie ne s'est pas conformé à la
Règle. En effet, il n'a pas fait l'envoi à la Cour,
prévu à l'alinéa a) de la Règle 1402(3); il n'a pas
non plus préparé et envoyé à la Cour, conformé-
ment à l'alinéa b) de ladite Règle, des copies des
documents qu'il a en sa possession ou sous son
contrôle et qui, selon lui, sont visés par l'alinéa b)
de la Règle 1402(1). Au contraire, l'Office s'op-
pose en l'espèce à la production de certains docu
ments qu'il a en sa possession et à leur inclusion
dans le dossier, alléguant qu'ils ne sont pas perti-
nents au sens de la Règle. S'il en est ainsi, il aurait
dû, à mon avis, se conformer à la Règle quitte à
exclure les documents en question plutôt que d'at-
tendre que la partie adverse présente une requête
visant à obtenir leur inclusion. Mais, si l'Office ne
pouvait à bon droit invoquer le caractère non
pertinent des documents, à moins qu'il n'obtienne,
en vertu de la Règle 1402(2), une ordonnance
portant modification du dossier par l'exclusion de
ceux-ci, il ne pouvait alors faire autrement que de
les inclure parmi les pièces à envoyer conformé-
ment à la Règle 1402(3). Bien sûr, il ne sera fait
droit à une telle requête que si on a établi dans un
affidavit ou par une autre preuve la nature précise
et le contenu des documents en question.
D'un autre côté, à supposer que l'Office n'inclue
pas les documents en cause lorsqu'il se conforme à
la Règle, la requérante a-t-elle démontré qu'il y a
lieu de les inclure? Je crois que non. Tout ce qu'on
sait à leur sujet c'est qu'il s'agit de documents
rédigés par des membres du personnel assistant de
l'Office (personnel engagé conformément à la loi),
qui contiennent des opinions exprimées par ces
personnes. Il n'est pas inconcevable que les docu-
ments ou certains d'entre eux ont vu le jour après
les audiences publiques devant l'Office et au cours
du délibéré. Bien que les documents aient pu être
établis dans le cadre des procédures devant l'Office
qui ont abouti à la décision contestée et bien qu'ils
puissent se rapporter à ces procédures, on n'a rien
produit en cette Cour qui indique que les opinions
ou les documents les contenant constituent un
supplément de preuve ou même qu'ils constituent
autre chose que des observations ou des sugges
tions du personnel concernant les pièces soumises à
l'Office; rien n'indique non plus que la décision est
motivée en partie par les opinions ou les documents
en question. De plus, on n'a fourni aucune raison
pour laquelle ces documents doivent être déposés
auprès de la Cour aux fins de l'audition de la
demande fondée sur l'article 28. En fait, puisque
ladite demande vise le refus de l'Office de réviser
sa décision antérieure et ne constitue donc pas, à
mon avis, une demande d'examen de celle-ci, je
vois mal quelles notes de service ou opinions il peut
y avoir qui portent sur cette décision. Par consé-
quent, je suis d'avis de refuser l'ordonnance sollici-
tée et de rejeter la demande fondée sur l'article 28.
En ce qui a trait à la demande d'autorisation
d'appel, les paragraphes (2),(3) et (4) de la Règle
1301 disposent:
Règle 1301... .
(2) Une demande d'autorisation d'appel doit être appuyée
par un affidavit établissant les faits sur lesquels le requérant
fonde sa demande.
(3) Lorsqu'un requérant désire s'appuyer sur des pièces qui
sont en la possession du tribunal dont l'ordonnance ou la
décision fait l'objet de l'appel proposé, qu'il s'agisse de tout le
dossier pertinent du tribunal ou de certaines pièces, il peut
signifier au fonctionnaire compétent de ce tribunal une copie de
l'avis de la demande d'autorisation d'appel auquel est jointe une
demande de transmission de ces pièces à l'administrateur de la
Cour de façon à ce qu'elles soient à la disposition de la Cour au
moment de la demande d'autorisation d'appel; lorsqu'une telle
demande de transmission est ainsi signifiée, le tribunal doit
faire transmettre à l'administrateur de la Cour les pièces
demandées ou, si pour quelque raison il est impossible de le
faire, il doit en informer le requérant et l'administrateur, par
écrit, et envoyer un fonctionnaire supérieur compétent à l'au-
dience au moment de la présentation de la demande d'autorisa-
tion d'appel pour répondre à toutes questions que la Cour
voudra poser en ce qui concerne ces pièces.
(4) Sous réserve d'instructions contraires de la Cour, l'admi-
nistrateur doit, après que la demande d'autorisation d'appel a
été entendue, retourner les pièces reçues en vertu de l'alinéa
(3).
En plus des documents déjà mentionnés, le dos
sier de la demande d'autorisation d'appel contient
un affidavit produit à l'appui de ladite demande. Il
s'agit de l'affidavit du vice-président et trésorier de
la société requérante, auquel sont jointes copie des
motifs de la décision rendue par l'Office en juin
1983 et copie de la demande en date du 11 août
1983 tendant à obtenir que l'Office procède à la
révision de sa décision. L'affidavit énonce en outre
sept moyens d'appel. Il ne servirait à rien de
reprendre ici ces moyens qui sont d'ailleurs très
longs. De toute façon, à l'audition de la demande
qui nous intéresse présentement, c'est à peine si on
les a mentionnés et ils n'ont fait l'objet d'aucune
argumentation. D'autre part, les preuves produites
en cette Cour ne permettent pas de conclure que
les notes de service ou les documents dont la
requérante désire obtenir la production se rappor-
tent aux moyens d'appel proposés ou les appuie-
raient de quelque manière.
L'objet de la Règle précitée semble clair. Un
requérant doit établir par voie d'affidavit les faits
sur lesquels il se fonde. S'il lui faut le dossier du
tribunal ou une partie de celui-ci pour étayer
l'affidavit, il a droit à ce que ce dont il a besoin
soit transmis à la Cour aux fins de l'audition de la
demande, après quoi les documents en question
doivent être rendus au tribunal. La Règle ne pré-
voit toutefois pas d'interrogatoire préalable, pas
plus qu'elle n'autorise un requérant à se lancer
dans des recherches à l'aveuglette, ce dont la
demande en question présente tous les caractères,
en demandant l'ensemble du dossier du tribunal
afin de pouvoir chercher la justification d'une
demande d'autorisation d'appel.
La requérante invoque à l'appui de l'ordonnance
qu'elle sollicite en l'espèce une ordonnance en date
du 15 septembre 1983 que cette Cour a rendue,
sans donner de motifs écrits, dans l'affaire Sanyo
Electric Trading Co. Ltd. et autre c. Association
canadienne des fabricants de gros appareils
ménagers et autres (no du greffe A-291-82). Il
s'agissait là d'une demande présentée en vertu de
l'article 28 et l'ordonnance, fondée sur l'alinéa
(1)b) et sur le paragraphe (3) de la Règle 1402,
exigeait que le Tribunal antidumping prépare,
pour qu'elles soient versées au dossier, des copies
des [TRADUCTION] «rapports préliminaire et défi-
nitif rédigés par son personnel dans cette affaire».
À l'examen du dossier, on voit qu'il n'en dit pas
plus long sur le raisonnement qui a pu amener la
Cour à rendre l'ordonnance, mais il est à noter que
les renseignements qu'il contient concernant la
nature des rapports et leur incidence sur la déci-
sion sont sensiblement plus précis que ceux fournis
à la Cour en la présente espèce. Il y a en outre des
différences à la fois quant aux lois applicables et
quant aux règles de procédure du Tribunal anti-
dumping et cela a pu influer sur l'opinion de la
Cour relativement à la nécessité de produire les
rapports. Somme toute, j'estime qu'il faut se
garder de conclure de l'ordonnance en question à
l'existence d'un principe général selon lequel des
rapports internes destinés à aider les membres d'un
tribunal, soit au cours d'une procédure, soit au
stade du délibéré, doivent faire partie des docu
ments sur lesquels sera fondé l'examen d'une déci-
sion de ce tribunal. À ce qu'il me semble, lorsqu'il
est possible de démontrer que la décision d'un
tribunal repose sur des rapports internes que les
parties n'ont pu consulter et qui contiennent des
éléments de preuve auxquels les parties n'ont pas
eu la possibilité de répondre, il se peut fort bien
qu'on soit bien fondé à exiger leur inclusion dans le
dossier aux fins de l'examen. De plus, j'estime
qu'en pareil cas le caractère confidentiel des rap
ports ne leur ferait pas bénéficier d'une exemption
de communication. Toutefois, on n'a pas établi que
telle est la situation en l'espèce.
Il ressort du mémoire de la requérante que, si
elle cherche à obtenir l'inclusion des notes de
service internes dans le dossier, c'est surtout pour
essayer d'établir les motifs de la décision de l'Of-
fice. Or, l'analyse et les opinions contenues dans
des notes de service internes n'aident aucunement
à déterminer les motifs de la décision de l'Office
parce qu'on ne peut à bon droit présumer qu'il les
a reprises dans ses motifs. Les motifs de la décision
de l'Office sont ceux qu'il juge opportun d'expri-
mer ou qui, d'après ce qui se dégage de ses propres
mots ou actes, constituent manifestement ses
motifs.
Je suis d'avis de rejeter la demande.
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE LE DAIN: Je souscris à ces motifs.
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