T-3843-73
La Reine (demanderesse)
c.
Navire Sun Diamond et ses propriétaires, Nichia
Kaiun K.K., C. Darnell, Demosthenes G. Gabac,
navire Erawan et ses propriétaires, John Swire &
Sons (Shipping) Ltd., John Swire & Sons Ltd., W.
H. Hurford, C. G. Cocksedge (défendeurs)
Division de première instance, juge Walsh-Van-
couver, 22, 23 mars et 15 avril 1983.
Couronne - Responsabilité délictuelle - Négligence
Nuisance - Action intentée par la Couronne en vue de recou-
vrer les frais de nettoyage du mazout déversé par un navire
dans les eaux du port de Vancouver et aux environs à la suite
d'une collision avec un autre navire - Exposé de cause soumis
pour jugement, en lieu et place d'une instruction contradictoire
des questions de droit - Est-ce à bon droit que l'action a été
intentée au nom de la Couronne plutôt qu'au nom du Conseil
des ports nationaux? - Loi sur le Conseil des ports natio-
naux, S.R.C. 1970, chap. N-8, art. 3(1),(2), 6, 7(1), 8, 11(2),
13(1),(3), 14(1), 24, 28 - Loi sur les pêcheries, S.R.C. 1970,
chap. F-14 (mod. par S.R.C. 1970 (l er Supp.), chap. 17, art. 3),
art. 33(8),(10) - Loi sur la marine marchande du Canada,
S.R.C. 1970, chap. S-9, art. 647, 734 (ajouté par S.R.C. 1970
(2' Supp.), chap. 27, art. 3(2)) - Loi sur l'administration
financière, S.R.C. 1970, chap. F-10, art. 66(1), annexe C -
Loi sur le ministère de la Justice, S.R.C. 1970, chap. J-2, art.
5d) - Loi sur le ministère des Transports, S.R.C. 1970, chap.
T-15, art. 7(3) - Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap.
I-23, art. 16 - Acte de l'Amérique du Nord britannique,
1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice
II, n° 5], art. 108, annexe III - Règlement d'exploitation du
Conseil des ports nationaux, DORS/70-279 (C.P. 1970-1135),
art. 6(2) - Fixation des limites du port de Vancouver et
transfert de l'administration, de la gérance et du contrôle de ce
port au Conseil des ports nationaux, DORS/67-417 (C.P.
1967-1581).
Transports - Action intentée par la Couronne en vue de
recouvrer les frais de nettoyage du mazout déversé par un
navire dans les eaux du port de Vancouver et aux environs à la
suite d'une collision avec un autre navire - Exposé de cause
soumis pour jugement, en lieu et place d'une instruction
contradictoire des questions de droit - Les propriétaires du
navire peuvent-ils être poursuivis en dommages-intérêts par
Sa 'Majesté en vertu de la Loi sur le Conseil des ports
nationaux, de la Loi sur les pêcheries ou de la common law et,
le cas échéant, dans quelle mesure? - Loi sur le Conseil des
ports nationaux, S.R.C. 1970, chap. N-8, art. 3(1),(2), 6, 7(1),
8, 11(2), 13(1),(3), 14(1), 24, 28 - Loi sur les pêcheries, S.R.C.
1970, chap. F-14 (mod. par S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 17,
art. 3), art. 33(8),(10) - Loi sur la marine marchande du
Canada, S.R.C. 1970, chap. S-9, art. 647, 734 (ajouté par
S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 27, art. 3(2)) - Loi sur l'admi-
nistration financière, S.R.C. 1970, chap. F-10, art. 66(1),
annexe C - Loi sur le ministère de la Justice, S.R.C. 1970,
chap. J-2, art. 5d) — Loi sur le ministère des Transports,
S.R.C. 1970, chap. T-15, art. 7(3) — Loi d'interprétation,
S.R.C. 1970, chap. I-23, art. 16 — Acte de l'Amérique du
Nord britannique, 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (S.R.C.
1970, Appendice II, n° 5], art. 108, annexe III — Règlement
d'exploitation du Conseil des ports nationaux, DORS/70-279
(C.P. 1970-1135), art. 6(2) — Fixation des limites du port de
Vancouver et transfert de l'administration, de la gérance et du
contrôle de ce port au Conseil des ports nationaux, DORS/67-
417 (C.P. 1967-1581).
Il s'agit d'une action intentée par le procureur général du
Canada, au nom de Sa Majesté la Reine, en recouvrement du
coût du nettoyage du mazout déversé par le navire Erawan à
l'intérieur et aux environs du port de Vancouver à la suite d'une
collision avec un autre navire. La Cour a été saisie de la
question par un exposé de cause soumis pour jugement, en lieu
et place d'une instruction contradictoire des questions de droit
énoncées dans l'exposé conjoint des faits. Les points litigieux
comprennent la question de savoir si et dans quelle mesure, le
cas échéant, les propriétaires du navire Erawan qui, dans un
procès antérieur, ont été tenus responsables de la collision,
peuvent être poursuivis en dommages-intérêts par Sa Majesté
en vertu de la Loi sur le Conseil des ports nationaux, de la Loi
sur les pêcheries ou en vertu de la common law pour le
nettoyage des propriétés privées et publiques. Les défendeurs
soutiennent que l'instance n'a pas été régulièrement engagée au
nom de Sa Majesté, mais qu'elle aurait dû l'être par le Conseil
des ports nationaux, un mandataire de Sa Majesté exerçant sa
compétence sur le port de Vancouver et les régions avoisinantes
et auquel on a transféré l'administration, la gérance et le
contrôle de tous les ouvrages et biens dévolus à Sa Majesté dans
les limites du port de Vancouver.
Jugement: l'instance présente a, à bon droit, été engagée au
nom de Sa Majesté qu'elle l'ait été au nom et en lieu et place
du Conseil des ports nationaux ou à titre de propriétaire des
ouvrages et des biens qui lui appartiennent et qui sont situés
dans le port de Vancouver ou aux environs, ou par suite d'un
droit général d'agir en cas de nuisance publique et d'atténuer
les dommages prévisibles. On pourrait aussi soutenir que la
demanderesse aurait pu intenter l'action sur le fondement de la
Loi sur les pêcheries. Le fait que la loi donne un droit à
quelque mandataire ou quasi-mandataire de la Couronne relati-
vement à quelque chose, ne prive pas la Couronne de son droit
d'ester relativement à cette chose.
Bien que la Couronne n'avait pas le pouvoir d'agir au nom
des personnes privées qui peuvent avoir subi des dommages, ce
qui a été fait était raisonnable et est un bon exemple du
principe parens patriae, la Couronne agissant en «bon père de
famille». En conséquence, voilà ce qui est accordé: l'ensemble
du coût du nettoyage des eaux, à l'intérieur comme à l'extérieur
des limites du port; celui du nettoyage des plages et des rives de
toutes les propriétés appartenant à la Couronne, mais non des
propriétés privées; celui du matériel endommagé ainsi que les
coûts et débours dus au nettoyage et les paiements faits aux
divers réclamants, y compris les pêcheurs, au profit des défen-
deurs, quoique ces paiements aient été volontaires.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. v. Southern Canada Power Co., Ltd., [1937] 3 All
E.R. 923 (P.C.), confirmant [1936] R.C.S. 4; The Attor-
ney General for Canada v. The Attorney General of the
Province of Ontario (1894), 23 R.C.S. 458.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Barraclough v. Brown, et al., [1897] A.C. 615 (H.L.);
Lagan Navigation Company v. Lambeg Bleaching,
Dyeing and Finishing Company, Limited, [1927] A.C.
226 (H.L.); Dominion of Canada v. Province of Ontario,
[1910] A.C. 637 (P.C.); The Attorney-General for the
Dominion of Canada v. Ewen (1895), 3 B.C.R. 468
(C.S.C.-B.); Bethlehem Steel Corporation c. L'Adminis-
tration de la voie maritime du Saint-Laurent, et autres,
[1978] 1 C.F. 464; 79 D.L.R. (3d) 522 (1" inst.);
National Harbours Board v. Imperial Oil Limited et al.
(non publié, C-773353, jugement en date du 28 avril
1981 (C.S.C.-B.)).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
The Attorney General of Canada v. Western Higbie et
al., [1945] R.C.S. 385; National Harbours Board v.
Hildon Hotel (1963) Limited et al. (1967), 64 D.L.R.
(2d) 639 (C.S.C.-B.); Langlois v. Canadian Commercial
Corporation, [ 1956] R.C.S. 954; Grant v. St. Lawrence
Seaway Authority et al. (1960), 23 D.L.R. (2d) 252
(C.A. Ont.); State of California, by and through the
Department of Fish and Game v. S.S. Bournemouth, 307
Fed. Supp. 922 (U.S.D.C. 1969); Attorney General v. P.
Y. A. Quarries Limited, [1957] 2 Q.B. 169 (C.A.); The
«Wagon Mound» (No. 2), [1963] 1 Lloyd's Rep. 402
(S.C. Austr.); Attorney-General of Canada v. Brister et
al., [1943] 3 D.L.R. 50 (C.S.N: É.).
DÉCISIONS CITÉES:
Reference re Ownership of the Bed of the Strait of
Georgia and Related Areas (1977), 1 B.C.L.R. 97
(C.A.); Reference Re: Offshore Mineral Rights, [1967]
R.C.S. 792; Southport Corporation v. Esso Petroleum
Co. Ld. et al., [1954] 2 Q.B. 182 (C.A.); Baten's Case
(1599), 9 Co. Rep. 53 b; 77 E.R. 810 (In Commun
Banco).
AVOCATS:
George Carruthers pour la demanderesse.
Peter Bernard pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Le sous -procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Campney & Murphy, Vancouver, pour les
défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: La Cour instruit un exposé de
cause soumis pour jugement, en lieu et place d'une
instruction contradictoire, des questions de droit
énoncées dans l'exposé conjoint des faits, sur le
fondement des faits évoqués dans cet exposé, que
voici:
[TRADUCTION] La demanderesse et la défenderesse John
Swire & Sons (Shipping) Ltd., propriétaire du navire défen-
deur «ERAWAN», la défenderesse John Swire & Sons Ltd., le
défendeur C.G. Cocksedge, en l'espèce, et pour les besoins de
l'espèce uniquement, sont convenus de reconnaître constants,
pour fin de décision des points litigieux en cause, sous réserve
des conditions ou restrictions ci-après indiquées (le cas échéant)
les faits suivants:
Pourvu que la présente convention ne soit que pour les fins de
la présente action uniquement et ne constitue pas un aveu
pouvant être retenu contre la demanderesse ou les défendeurs
dans d'autres affaires ou par des tiers autres que la demande-
resse ou les défendeurs.
Pourvu aussi que des preuves supplémentaires, faits ou opi
nions, puissent être administrées à la demande de la Cour si
elles n'infirment ni ne modifient les aveux faits dans les présen-
tes, aucune preuve modifiant ou infirmant les aveux quant aux
faits qui suivent n'étant admissible.
1. Le procureur général du Canada engage la présente action
au nom de Sa Majesté la Reine du chef du Canada (ci-après
«Sa Majesté») en répétition du coût du nettoyage du mazout
déversé par le navire défendeur «ERAWAN» (ci-après l'«ERA-
wAN») selon les faits relatés ci-après.
2. La défenderesse John Swire & Sons (Shipping) Ltd. est une
compagnie du Royaume-Uni dont le siège social et le principal
centre d'affaires sont situés au 66, rue Cannon à Londres en
Angleterre; le 25 septembre 1973 et à tous moments pertinents
à l'espèce, elle était propriétaire du navire britannique
«ERAWAN», de 9 229 tonneaux de jauge brute, dont le port
d'attache est Londres.
3. À tous moments pertinents à l'espèce et notamment le 25
septembre 1973, le navire défendeur était commandé par le
défendeur C.G. Cocksedge, lequel était au service de la défen-
deresse John Swire & Sons (Shipping) Ltd., et était piloté par
un pilote canadien, le capitaine W.H. Hurford, breveté en vertu
de la Loi sur le pilotage, S.C. 1970-71-72, chapitre 52,
modifiée.
4. a) Le Conseil des ports nationaux (ci-après le «Conseil») est
une personne morale constituée aux termes de la Loi sur le
Conseil des ports nationaux, S.R.C. 1970, chap. N-8, modifiée,
et en vertu du paragraphe 3(2) de ladite Loi, est réputé
mandataire de Sa Majesté pour les fins de ladite Loi.
b) Pour l'objet et comme le prévoit ladite Loi sur le Conseil des
ports nationaux, la juridiction du Conseil inclut, comme l'indi-
que l'annexe à ladite Loi, l'anse Burrard, le bras Indian (aupa-
ravant le bras North) et Port Moody, le ruisseau False et la
baie English, les bancs Sturgeon et Roberts.
5. En vertu du DORS/67-417 (C.P. 1967-1581), le gouverneur
général en conseil, sur avis conforme du ministre des Trans
ports et en vertu des articles 6 et 8 de la Loi sur le Conseil des
ports nationaux, a notamment transféré au Conseil aux fins
d'administration, de gérance et de contrôle, tous les ouvrages et
propriétés dévolus à Sa Majesté et situés dans les limites du
port, appelé parfois havre, de Vancouver (ci-après le port de
Vancouver).
6. Les biens immeubles de Sa Majesté du port de Vancouver,
dont le Conseil a l'administration, la gérance et le contrôle, sont
régis par la Loi relative à la circulation sur les terrains du
gouvernement, S.R.C. 1970, chap. G-10.
7. Les biens immeubles de Sa Majesté du port de Vancouver,
dont le Conseil a l'administration, la gérance et le contrôle, sont
aussi régis par la Loi sur les subventions aux municipalités,
S.R.C. 1970, chap. M-15.
8. En 1973 et à tous moments pertinents en l'espèce, le port de
Vancouver constituait un havre public navigable dont le Conseil
avait l'administration.
9. En 1973 et à tous moments pertinents en l'espèce, le port de
Vancouver:
a) occupait le premier rang au Canada, et sur la côte pacifique
de l'Amérique du Nord, n'étant dépassé que par New York
dans tout le continent, en termes de tonnage de commerce
international;
b) comportait un arrière-port, en eau profonde, de 49 milles
carrés et d'environ 100 milles de côte;
c) était libre de glaces à l'année longue et capable de recevoir
des navires de 125 000 t.j.b. de 50 pieds de tirant d'eau;
d) comportait un arrière et un avant-port, l'arrière-port (l'anse
Burrard) constituant le noyau central du port de Vancouver,
l'ensemble du port couvrant cependant une superficie de mer de
214 milles carrés, de Vancouver à la frontière américaine (en
excluant les approches du fleuve Fraser), les principales instal
lations de l'avant-port étant situées au banc Roberts, un termi
nal sophistiqué de manutention en vrac à quelque 20 milles au
sud de la ville;
e) se plaçait parmi les premiers ports internationaux pour le
volume de marchandises exportées: céréales, charbon et coke,
souffre, bois et billes, pâte à papier, potasse, minerai de cuivre,
fourrage et aliments pour animaux, gaz propane et conteneurs
de marchandises diverses; et importées: sucre brut, phosphates,
sel de table, mazout, fer, acier, métaux et conteneurs de
marchandises diverses;
f) a reçu 2 222 navires hauturiers, soit 31 640 000 tonneaux de
jauge brute, qui ont transporté au Canada 2 289 000 tonnes
métriques de marchandises et en ont exporté 27 164 000 tonnes
métriques;
g) a reçu 20 960 caboteurs, y compris les traversiers britanno-
colombiens à Tsawwassen, d'un tonnage de 39 211 tonneaux,
qui ont apporté 4 238 000 tonnes métriques de marchandises et
en ont expédié 4 493 000;
10. Dans le cadre des importations et exportations dont il est
question au paragraphe 9 ci-dessus, des droits sont perçus sur le
fondement notamment des règlements suivants, pris par le
gouverneur en conseil, sur avis conforme du ministre des Trans
ports: Règlement sur le tarif des droits de grues; sur le tarif des
droits de levage d'objets lourds pour la grue de Vancouver; du
terminal des pêcheurs de False Creek; sur le tarif du service
d'électricité de Vancouver; sur le tarif des droits de quai de
Vancouver; sur le tarif des droits de bassin, de corps-mort et
d'aire de flottage de Vancouver; sur le tarif des droits de service
d'eau de Vancouver; sur les droits d'élévateurs; sur le tarif des
droits de port, région du Pacifique.
11. En sus des droits perçus comme il est dit au paragraphe 10
ci-dessus, la location de terrains et de locaux est aussi une
source de revenus pour le Conseil comme le montre en annexe
la carte portant la cote 1 intitulée Havre de Vancouver (arrière-
port), les terrains et locaux, à l'exception des installations de
Lynnterm et Vanterm y indiquées, étaient à peu près les mêmes
en septembre 1973.
12. À tout moment important en l'espèce en 1973, le Conseil
était lié par 439 baux concernant des propriétés appartenant à
Sa Majesté réparties dans environ sept municipalités autour du
port de Vancouver. Ont été notamment loués: des terrains, des
terrains pris sur l'eau, des lots riverains, des entrepôts et
d'autres structures sources de revenus pour le Conseil. La
plupart des propriétés sont indiquées sur la carte portant la cote
1. En 1973, le Conseil a versé auxdites municipalités quelque
627 500 $ de subventions en lieu et place de taxes municipales
conformément aux dispositions de la Loi sur les subventions
aux municipalités, précitée.
13. Pour l'année se terminant le 31 décembre 1973, le Conseil a
déclaré un revenu net de 1 003 955 $ pour le port de Vancouver
dont voici la provenance:
a) opérations portuaires et contrôle (y compris
droits de port [péages] et de bassin, services
au client, divers et ventes) 906 431 $
b) terminaux d'entreposage à ciel ouvert (loca-
tions) 122 254 $
c) terminaux de conteneurs (droits de quai,
locations, staries) 469 177 $
d) terminaux de passagers (petits outils) 1 546 $
e) immeubles (loyers, services au client,
divers) 1 897 189 $
f) immeubles (banc Roberts) (locations) 334 022 $
g) exploitation des terminaux (déficiences en
quai, staries, services au client, divers) 1 884 131 $
h) silos à grain (droits de quai, location) 355 326 $
i) fabrique de glace (location, ventes) 14 850 $
j) installations pour petits bâtiments (bassins,
droits de quai, locations, services au client,
divers) 66 116 $
REVENU PROVENANT DE L'ENSEMBLE
DES SERVICES AUX CLIENTS 5 915 718 $
REVENU NET POUR 1973 1 003 955 $
14. Le 25 septembre 1973, l'aERAWAN» en provenance de
Tacoma, dans l'État de Washington (États-Unis), faisait route
vers le port de Vancouver (Colombie-Britannique) chargé
notamment de potasse et de produits chimiques. Vers 3 h 18
l'«ERAWAN», aux mains du pilote breveté canadien le capitaine
William Hurford, arriva aux abords du port de Vancouver.
15. Ce jour-là, quelque part au sud-ouest de la bouée à cloche
de la pointe Grey, en dehors des limites du port de Vancouver,
l'aERAWAN» a été abordé par le navire «SUN DIAMOND», de
8 176 tonneaux de jauge brute, immatriculé à Osaka (Japon) et
appartenant au défendeur Nichia Kaiun K.K., domicilié au
123-1 Higashi-Machi, Ikuta-Ku Kobe (Japon). Au moment de
l'abordage, le «SUN DIAMOND» sortait du port de Vancouver en
route vers Seattle (État de Washington, Etats-Unis) sous la
conduite du pilote canadien breveté le capitaine Colin Darnell.
16. C'est le «SUN DIAMOND» qui a abordé, comme il a été dit
précédemment, l'«ERAWAN»; sa proue l'a heurté par le travers
et a crevé des réservoirs contenant du mazout, lequel fut
déversé dans la mer en conséquence directe de l'abordage.
Après l'abordage, les deux bâtiments ont été déplacés en un
point à l'est de la ligne reliant la pointe Grey et la pointe
Atkinson, la limite extérieure du port de Vancouver. La marée
montait, ce qui avait pour effet de pousser le pétrole vers le
port.
17. Vers 3 h 19 le 25 septembre 1973, l'«ERAWAN» notifia de
l'abordage le sémaphore qu'entretient le Conseil au premier
Goulet; le maître du port du Conseil et le fonctionnaire chargé
de la lutte contre la pollution au ministère des Transports du
gouvernement du Canada arrivèrent peu après sur les lieux de
l'accident. À 3 h 40, le maître du port demanda que Clean Seas
Canada Ltd. envoie dés que possible son matériel et ses
hommes sur les lieux de l'accident pour tenter de contenir le
pétrole. Conformément à un arrangement intervenu entre le
Conseil et la Garde côtière canadienne du ministère des Trans
ports, en vertu du Plan provisoire d'urgence nationale conçu
pour parer aux marées noires, le Conseil a demandé à la Garde
côtière canadienne du ministère des Transports de lui venir en
aide, elle et ses ressources. Le ministère des Transports a pris
alors la direction des opérations de nettoyage à la demande du
Conseil et, bien que le Conseil ait continué d'apporter son aide
pendant toute la durée des opérations de nettoyage, tous les
coûts réclamés en l'espèce ont été payés par le ministère des
Transports.
18. Clean Seas Canada Ltd., qui a conclu un arrangement
verbal avec le Conseil afin de parer aux marées noires, a utilisé
ses propres ressources ainsi que celles d'un certain nombre de
sous-traitants pour le nettoyage précité, lequel a duré jusqu'au
23 octobre 1973 environ. Au cours de cette période, des travaux
ont été exécutés dans tous les secteurs indiqués, sur la carte
annexée portant la cote 2, en rouge, en vert ou en bleu et
montrant les fuites de pétrole de l'aERAwAN». On a nettoyé la
surface de l'eau aux îles Bowen et Gambier, comme il est
indiqué, pour empêcher la marée noire d'atteindre ces secteurs.
C'est le ministère des Transports qui exploite le quai du gouver-
nement de Snug Cove dans l'île Bowen.
19. Le 28 septembre 1973, l'«ERAwAN» fut remorqué de la baie
English jusqu'à la cale sèche Burrard de North Vancouver. Au
cours de ce remorquage, le premier Goulet, indiqué sur la carte
portant la cote 1, fut interdit au trafic maritime pendant
environ une heure et on a eu recours à des estacades et à
d'autres apparaux pour contenir le pétrole déversé. Une fois
l'«ERAWAN» en cale sèche, des porte-parole du ministère des
Transports ont fait savoir à Clean Seas que le Ministère ne
payerait plus leurs services en cas de persistance de la fuite de
pétrole du navire. Clean Seas convint alors d'arrangements
prévoyant la facturation de la cale sèche Burrard pour les
travaux exécutés aux abords de la cale sèche par suite de toute
fuite de pétrole ultérieure. Le compte de Clean Seas pour ces
services a été acquitté.
20. L'abordage précité fut uniquement le fait de la négligence
des responsables du «ERAWAN», préposés de la propriétaire
défenderesse du aERAWAN», John Swire & Sons (Shipping)
Ltd., ou le fait de la négligence de tiers dont ladite propriétaire,
John Swire & Sons (Shipping) Ltd., est responsable en droit
comme l'a constaté le jugement de M. le juge Collier cité
ci-après au paragraphe 21.
21. Les parties a cette convention reconnaissent fondées les
constatations de fait que l'on trouve dans le jugement de M. le
juge Collier prononcé le 6 janvier 1975, n°' de greffe T-3841-73
et T-3842-73, entre:
Les propriétaires du navire Sun Diamond,
Nichia Kaiun K.K.
demandeurs
et
Le navire ERAWAN, les propriétaires du
navire ERAWAN, John Swire & Sons Ltd.,
John Swire & Sons (Shipping) Ltd.
défendeurs
ET ENTRE T-3842-73
John Swire & Sons (Shipping) Ltd.,
propriétaire du navire ERAWAN
demanderesse
et
Le navire Sun Diamond et le capitaine Darnell
défendeurs
Est annexée, portant la cote 3, copie d'une ordonnance judi-
ciaire relative à la limitation de responsabilité fondée sur les
articles 647 et suivants de la Loi sur la marine marchande du
Canada.
22. Au moment de l'abordage la marée montait, aussi le port de
Vancouver et certaines des plages et rives des environs, à
l'intérieur des limites du port, étaient-elles dangereusement
menacées.
23. Conséquence directe de l'abordage mentionné aux paragra-
phes 15, 16 et 17 ci-dessus, comme il est dit dans le jugement
précité, environ 211 tonnes de mazout ont fui des soutes de
l'aERAWAN» pour se déverser dans les eaux du port de Vancou-
ver ou adjacentes à celui-ci et se sont déposées sur la berge des
secteurs indiqués sur la carte portant la cote 2 du présent
exposé conjoint des faits. Une partie du pétrole a été contenue à
bord du navire après l'abordage, puis pompée; une partie a été
déposée sur les plages en deça de la ligne des hautes eaux et une
autre flotta à la surface de l'eau. Il est raisonnable de conclure,
étant donné la présence d'une nappe de pétrole à la surface des
eaux de l'anse Burrard pendant quatre jours, qu'une certaine
quantité de pétrole, indiquée en bleu sur la carte portant la cote
2, peut avoir coulé au fond dans lesdits secteurs délimités en
bleu.
24. Le mazout déversé de 1'«ERAWAN» dans le port de Vancou-
ver et dans les eaux environnantes ainsi que sur les rives,
comme il a été dit auparavant et comme il est indiqué sur la
carte portant la cote 2, est la conséquence directe de l'abordage.
Quelque quarante pêcheurs commerciaux ont porté plainte,
soutenant que le pétrole de l'«ERAWAN» avait sali leurs coques
et leurs apparaux de pêche commerciale. Sa Majesté a versé
environ 12 600 $ à ces quarante pêcheurs en règlement de leurs
plaintes.
25. Après le départ de l'aERAWAN» de la baie English à
destination de la cale sèche Burrard, le 28 septembre 1973, vers
16 h environ, on a interrompu le nettoyage de la surface de la
mer (ce n'était plus nécessaire) et tous les efforts ont porté sur
les berges.
26. Un mémoire de frais exhaustif du coût du nettoyage, que le
ministère des Transports a établi, est annexé et porte la cote 4.
Pour les fins du présent exposé, John Swire & Sons (Shipping)
Ltd. et John Swire & Sons Ltd. ne mettent pas en cause le
caractère raisonnable de l'état de frais, portant la cote 4,
précité dont voici le détail:
Nettoyage de la mer 270 568,03 $
Nettoyage des plages 297 598,25 $
Matériel de nettoyage et divers 35 548,07 $
Total 603 714,35 $
Les parties sont convenues que la question du montant des
dommages fera l'objet d'une référence si c'est nécessaire.
27. Le Conseil n'a payé aucun des frais ou débours précités.
C'est le ministère des Transports qui a payé.
28. Après le déversement du pétrole de l'«ERAWAN», le Ministre
responsable de l'administration de la Loi sur les pêcheries du
Canada, par ailleurs député de West Vancouver Howe Sound,
s'est rendu sur les lieux pour constater et superviser le travail
qui s'effectuait sous la direction des ministères du Transport et
de l'Environnement (Pêches) et de Clean Seas Canada Ltd. Le
Ministre n'a pas expressément ordonné d'agir conformément au
paragraphe 33(10) de la Loi sur les pêcheries mais croyait avoir
le pouvoir et l'autorité, à titre de ministre des Pêches, d'ordon-
ner le nettoyage.
29. Si le tribunal devait juger l'article 33 de la Loi sur les
pêcheries de l'époque applicable au litige entre les parties, il est
reconnu que les propriétaires de l'«ERAWAN» ont exercé toute la
diligence nécessaire pour prévenir le déversement d'hydrocar-
bures du navire.
30. Les terrains ci-après décrits appartiennent à Sa Majesté:
a) Tout le rivage et le lit du havre public de l'anse Burrard et
les secteurs adjacents à son entrée, sise à l'est d'une ligne tirée
astronomiquement vers le sud depuis le coin sud-ouest de la
réserve indienne Capilano n° 5, jusqu'à la laisse de haute mer
du parc Stanley.
b) La réserve indienne Capilano n° 5 indiquée sur les cartes 1 et
2 sauf quelques petites superficies qui ont été aliénées et sont
sans importance en l'espèce.
c) Le parc Stanley, indiqué sur les cartes 1 et 2. La location du
parc Stanley avait été accordée pour 99 ans par Sa Majesté
Edouard VII à la ville de Vancouver, avec droit de reconduc-
tion comme il y était stipulé, sous réserve des droits de Sa
Majesté qui, aussi, y étaient stipulés. Le titre de propriété du
parc Stanley vise toute cette partie de la ville de Vancouver (et
des rives qui y sont adjacentes) bordée par la limite occidentale
du lot du district 185, groupe un, district de New Westminster
(tel qu'indiqué sur le plan officiel produit au bureau d'enregis-
trement à Vancouver) et la laisse de basse mer de l'anse
Burrard, du premier Goulet et de la baie English, soit toute
cette péninsule sise à l'ouest et au nord dudit lot du district 185
connu sous le nom de «parc Stanley».
d) L'île Deadman, qu'occupent les ministères de la Défense
nationale et du Transport.
31. Aucun des défendeurs n'a tenté de pallier la nuisance
causée par le déversement de pétrole de l'aERAWAN».
32. Après s'être déversé de l'aERAWAN», le pétrole a finalement
atteint la rive en divers points en quantité variable sur environ
vingt-cinq milles de côte; vraisemblablement si le pétrole
n'avait pas été nettoyé sur les plages, la marée haute pourrait
l'emporter à nouveau et le rejeter dans des secteurs déjà
nettoyés. Des diagrammes publiés dans la publication n° 22 du
Service hydrographique du Canada sont annexés aux présentes,
portant les cotes 5 et 6, et indiquent notamment les courants
que créaient le flux et le reflux le 25 septembre 1973.
33. a) L'esthétique et le potentiel récréatif des rives ont été
atteints à des degrés divers selon le lieu où le pétrole s'est
déposé comme il est dit au paragraphe 30 ci-dessus.
b) Les eaux et les rives de la région atteinte par la marée noire
décrite dans les cartes 1 et 2 ont les vocations suivantes:
(1) des plages publiques au parc Stanley, d'Ambleside jus-
qu'à la pointe Atkinson, à Caulfied Cove et à Snug Cove sur
l'île Bowen;
(2) trois parcs des environs de la pointe Atkinson:
Lighthouse, Whytecliff et le parc Verdun;
(3) treize ports de plaisance abritant de nombreux bateaux
de pêche commerciale et quelque 3 770 bateaux de plaisance
évalués à 16 millions de dollars, les bateaux de plaisance
mouillés dans l'anse Burrard y ayant, est-il estimé, passé
l'équivalent de 9 400 jours en septembre 1973 dont 5 000
dans l'anse Burrard proprement dite;
(4) plongée sous-marine dans les parages du parc Whytecliff
et de la pointe Atkinson, la région sous-marine entourant le
parc Whytecliff ayant été proclamée sanctuaire le 7 août
1973; entre 2 000 et 5 000 plongeurs autonomes auraient
visité le parc Whytecliff en 1973;
(5) on évalue les activités, impliquant un contact avec la mer,
pratiquées en septembre 1973 sur les plages de l'anse Bur-
rard à 8 millions de dollars.
34. Sont annexées aux présentes, portant les cotes 7, 8, 9 et 10,
des esquisses indiquant la dispersion de la nappe, ou d'une
pellicule, de pétrole sur l'eau en provenance de 1'aERAWAN» les
25, 26, 27 et 28 septembre.
35. Le ministère des Transports, au nom de Sa Majesté,
administre dans les limites du port de Vancouver les ports de
plaisance Government Floats, Caulfied et Lynwood et le quai
du gouvernement de North Vancouver qui appartiennent à Sa
Majesté et qui auraient pu être salis par le pétrole de l'aERA-
WAN» s'il n'y avait pas eu nettoyage.
36. Le ministère des Transports, au nom de Sa Majesté, assure
l'entretien de quelque 35 aides à la navigation appartenant à Sa
Majesté dans les limites du port de Vancouver notamment des
amers radio, des bouées à cloche et à feu et des cornes de
brume. Aucune de ces aides à la navigation n'a été endomma-
gée par la marée noire.
37. L'abordage précité et le déversement d'hydrocarbures se
sont produits dans un lieu poissonneux:
a) des milliers de saumons adultes se trouvaient dans les eaux
du port de Vancouver au moment du déversement; environ 550
nageaient dans le port, en route pour frayer à la piscifacture de
Capilano appartenant à Sa Majesté, sur le bord de la rivière
Capilano, quelque trois milles en amont de son embouchure, tel
qu'indiqué sur la carte portant les cotes 1 et 2. Des centaines
d'autres poissons fraient naturellement dans les autres ruis-
seaux indiqués sur la carte portant la cote 11, annexée aux
présentes. La piscifacture de Capilano, une frayère artificielle,
fait partie du programme de Sa Majesté de mise en valeur du
saumon;
b) en juin 1973, environ 600 000 jeunes saumons et 41 000
jeunes truites arc-en-ciel furent mis en liberté audit établisse-
ment piscicole après deux ans d'élevage; un grand nombre de
ces poissons devaient migrer dans les eaux avoisinant le port de
Vancouver, puis revenir à l'automne et les années suivantes
frayer dans les rivières et ruisseaux indiqués sur la carte portant
la cote 11 et remonter aussi jusqu'à la piscifacture de Capilano
mentionnée auparavant;
c) en 1973, un total d'environ 500 000 saumons adultes remon-
tèrent, depuis la mer, y compris les parages du port de Vancou-
ver, jusqu'aux ruisseaux leur servant de frayères indiqués sur la
carte 11 annexée, y compris jusqu'à la piscifacture de Capilano;
d) en 1973, la valeur commerciale au prix de gros du poisson
(principalement du saumon) associé aux six ruisseaux et riviè-
res qui se jettent dans l'anse Burrard, soit la rivière Capilano, le
ruisseau McKay, le ruisseau Mosquito, le ruisseau Lynn, la
rivière Seymour et la rivière Indian, était évaluée à 500 000 $
approximativement, dont environ 181 000 $ représentaient
145 000 livres de poissons capturés en septembre 1973 dans la
zone pointe Grey-anse Burrard, la zone 29-C de la carte
statistique du ministère de l'Environnement (opérations de
pêche), annexée aux présentes et portant la cote 12;
e) en septembre 1973, on estimait à trois ou quatre cent tonnes
les harengs et à trois cent tonnes les anchois vivant dans les
parages et dans les eaux du port de Vancouver. La valeur
estimative au prix de gros du hareng commercial était de
168 000 $ à 224 000 $ en 1973;
f) en septembre 1973, la zone pointe Grey-anse Burrard, numé-
rotée zone 29-C sur la carte statistique du ministère de l'Envi-
ronnement (opérations de pêche) annexée aux présentes et
portant la cote 12, servait de zone d'alevinage pour plusieurs
espèces de poissons plats dont certains ont une valeur
commerciale;
g) en septembre 1973, et au cours de l'année, on évalue à dix ou
douze le nombre de bateaux qui ont pêché le crabe et la
crevette au large du port de Vancouver. Environ 23 000 livres
de crabes et de crevettes, d'une valeur commerciale au prix de
gros d'environ 14 000 $, ont été capturés en septembre 1973
dans les eaux et dans les parages du port de Vancouver, la zone
29-C de la carte précitée;
h) dans les eaux du port de Vancouver vivent une quantité
appréciable de crabes dormeurs (Cancer magister). La pêche
au crabe est interdite dans le secteur borné par les ponts des
premier et second Goulets, le ruisseau False et la baie English.
Mais les crabes migrent ailleurs dans l'anse Burrard et le bras
Indian et les larves de crabe sont dispersées dans toute la région
rehaussant ainsi les captures sportives et commerciales;
i) les pêcheurs sportifs posent des pièges à crabe le long des
bancs Spanish et d'Ambleside;
j) dans les eaux, lais et relais de l'anse Burrard, du bras Indian
et du port de Vancouver, la capture des crustacés est interdite à
cause de la contamination bactériologique;
k) en raison de la congestion en partie causée par la navigation,
la pêche est interdite dans le port de Vancouver, mais il sert de
sanctuaire pour plusieurs espèces dont le saumon, les crabes, la
crevette et le poisson plat;
1) l'industrie de la pêche de la Colombie-Britannique se situe
parmi les trois principales industries de la province.
38. a) Les hydrocarbures déversés par l'aERAWAN» sont délétè-
res pour le poisson dont ils attaquent les fonctions vitales. La
chair des poissons mis en contact avec le pétrole déversé
risquait de s'avarier et les toxines accumulées pouvaient le
rendre immangeable.
b) Une partie du pétrole déversé de l'aERAWAN» a coulé,
endommageant probablement le fond de la mer et recouvrant
les bancs de crustacés et les lieux où le poisson se nourrit et
fraye.
39. Les effets du pétrole sur le saumon peuvent être indirects
aussi bien que directs. Indirectement, son habitat et les organis-
mes dont il se nourrit ont été atteints. Il est probable que les
organismes intertidaux dans plusieurs secteurs, y compris les
organismes servant de nourriture aux jeunes saumons comme
les amphipodes, ont été tués par asphyxie après avoir été
recouverts de pétrole. Il n'y a cependant aucune preuve que des
saumons aient subi un dommage ou soient morts par suite de la
marée noire.
40. À cause de ladite marée noire, les sujets de Sa Majesté
n'ont pu avoir accès aux lieux consacrés au nautisme, à la
natation et à la pêche sportive et les pêcheries commerciales en
ont aussi souffert; le dommage aurait été beaucoup plus grand
si l'on n'avait pas combattu cette marée noire.
41. L'une des conditions de l'admission de la Colombie-Britan-
nique dans l'Union de la Puissance du Canada le 16 mai 1871
avait été que le Canada prenne à sa charge le coût de la
protection et de la mise en valeur des pêcheries. Est produite,
portant la cote 13, copie de l'acte incorporant la Colombie-Bri-
tannique à l'Union.
42. Sont produites sous la cote 14, copies des actes constatant la
convention intervenue entre la province de Colombie-Britanni-
que et le Gouvernement fédéral et déclarant que le port de
l'anse Burrard constitue un havre public appartenant au
Canada.
43. Est produite, sous la cote 15, copie du bail du parc Stanley
que feu le Roi Édouard VII a consenti à la ville de Vancouver
en date du 1" novembre 1908.
44. Est produite, sous la cote 16, copie de la Loi sur le Conseil
des ports nationaux et du Règlement A-1 (le Règlement d'ex-
ploitation du Conseil des ports nationaux).
45. Est produite, sous la cote 17, copie d'une carte, et de l'index
(qui y est joint) des lieux et heures d'observation des rejets
d'hydrocarbures, décrits aux paragraphes 32 et 33 précités, sur
les rives notamment des îles Bowen et Passage.
46. Est produite, sous la cote 18, une série de photographies
montrant certains des dépôts d'hydrocarbures rejetés sur les
rives comme il est dit aux paragraphes précités 32 et 33.
Voici les points litigieux sur lesquels la Cour devra statuer:
1. Les propriétaires de l'aERAWAN» sont-ils, en vertu de la
Loi sur le Conseil des ports nationaux et de ses règlements
d'application, responsables envers Sa Majesté des dommages
causés?
2. Les propriétaires de l'oERAWAN» sont-ils, en vertu de la
Loi sur les pêcheries, responsables envers Sa Majesté des
dommages causés?
3. Les propriétaires de l'uERAWAN» sont-ils, en common law,
responsables envers Sa Majesté des dommages causés, motifs
pris de négligence, d'intrusion et de nuisance publique ou
privée?
4. En cas de responsabilité des propriétaires de l'OERAWAN»
envers Sa Majesté du paiement de tout ou partie des frais
dudit nettoyage, à quel domaine cette responsabilité pour le
nettoyage s'attache-t-elle:
i) le nettoyage des eaux (en tous ou certains lieux)?
ii) le nettoyage des rives et des plages (en tous ou certains
lieux)?
iii) l'un et l'autre domaine (en tous ou certains lieux)?
iv) le matériel endommagé et le coût de son nettoyage?
v) les paiements versés aux divers réclamants, y compris
aux pêcheurs?
Les parties reconnaissent que les montants des
factures n'ont été donnés que pour fin d'identifica-
tion et ne constituent ni une reconnaissance de
l'importance des dommages, ni un accord à ce
sujet, même s'ils sont inclus dans l'exposé conjoint
des faits. L'inclusion d'un fait particulier dans
l'exposé conjoint ne constitue ni une reconnais
sance ni une admission que ce fait est pertinent
aux points litigieux en l'espèce ou aux questions
dont est saisie la Cour comme il est dit ci-dessus.
Au début de l'audience, on a modifié la déclara-
tion afin d'ajouter, après le sous-paragraphe 17e)
un nouveau sous-paragraphe f) «Intérêt», le sous-
paragraphe f) de la déclaration originale devenant
maintenant le sous-paragraphe g). On a aussi sup-
primé les cinq premiers défendeurs et les deux
derniers de l'intitulé de cause, lequel a été modifié
en conséquence. Cela résulte des constatations de
fait des jugements prononcés par le juge Collier le
6 janvier 1975 dans les affaires nos T-3841-73 et
T-3842-73, opposant les propriétaires de l'Erawan
et du Sun Diamond, affaires citées au paragraphe
21 de l'exposé conjoint des faits, ainsi que de sa
décision en droit, que l'abordage était dû unique-
ment à la négligence soit des responsables de
l'Erawan, préposés de la propriétaire défenderesse
de l'Erawan, John Swire & Sons (Shipping) Ltd.,
soit de tiers dont ladite propriétaire, John Swire &
Sons (Shipping) Ltd., était en droit responsable de
la négligence, comme l'énonce le paragraphe 20 de
l'exposé conjoint des faits.
Au cours du débat, il n'a pas été contesté que
l'accident s'était produit en deçà de la limite de 12
milles. La propriété des eaux du détroit de Georgie
est dévolue à la Colombie-Britannique par suite
d'une décision à trois contre deux de la Cour
d'appel de la Colombie-Britannique dans Refe
rence re Ownership of the Bed of the Strait of
Georgia and Related Areas (l'Affaire de l'avis sur
la propriété du fond du détroit de Georgie et
autres aires maritimes y reliées)'. La Cour
suprême avait auparavant jugé dans Reference Re:
Offshore Mineral Rights (B.C.) (l'Affaire de l'avis
sur les droits miniers sous-marins de Colombie-
Britannique) 2 que les droits miniers sous-marins
étaient dévolus à la Couronne fédérale, les provin
ces ne pouvant prétendre qu'aux terres en deçà de
la laisse de basse mer sauf législation expresse
contraire. Cet arrêt a fait l'objet d'un distinguo
dans l'arrêt de la Colombie-Britannique et l'avocat
de la Couronne a déclaré qu'il n'était pas soutenu
en la présente espèce que la Couronne fédérale
était propriétaire de ces eaux.
Il semble, d'après une ordonnance du juge Col
lier de décembre 1979, qu'il y a eu limitation de
responsabilité et paiement aux propriétaires du
Sun Diamond et à certains tiers de la part qui leur
était due, de sorte qu'il ne reste que 377 733,15 $
pour acquitter tout jugement pouvant être rendu
en l'espèce. Certes, les défendeurs ne reconnaissent
aucune responsabilité, mais ils admettent que si
responsabilité il devait y avoir, il y aurait alors
référence quant au montant des dommages uni-
quement. L'instance dira quels éléments du dom-
mage, si dommage il y a, peuvent être à bon droit
inclus dans la réclamation.
Les défendeurs soutiennent que l'instance n'a
pas été régulièrement engagée au nom de Sa
Majesté la Reine; mais la demanderesse soutient
qu'il n'appartenait pas au Conseil des ports natio-
naux de l'intenter dans les circonstances puisque
non seulement il n'avait pas les ressources pour
combattre la marée noire, mais encore que le
nettoyage a dans les faits été ordonné et payé par
le ministère des Transports, au nom de Sa
Majesté. Si l'action avait été intentée par le Con-
seil des ports nationaux, elle l'aurait été, soutient
' (1977), 1 B.C.L.R. 97 [C.A.].
z [1967] R.C.S. 792.
la demanderesse, par un mandataire de la Cou-
ronne; or on doit reconnaître au mandant les
mêmes droits qu'à son mandataire.
Pour appuyer son argument que l'action a régu-
lièrement été engagée, la demanderesse cite la Loi
sur le Conseil des ports nationaux' et ce qu'on a
appelé la Convention des six ports, intervenue en
juin 1924 entre les deux gouvernements et stipu-
lant que le port d'anse Burrard notamment est un
havre public aux termes de la TROISIÈME CÉDULE
de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
1867 4 , étant devenu propriété du Canada à comp-
ter du 20 juillet 1871 en vertu de l'article 108
dudit Acte et d'un arrêté en conseil du 16 mai
1871, convention que confirma le décret C.P. 941
du 7 juin 1924.
Par le DORS/67-417, le gouverneur en conseil
transféra au Conseil des ports nationaux l'adminis-
tration, la gérance et le contrôle de tous les ouvra-
ges et propriétés dévolus à Sa Majesté dans les
limites du port de Vancouver.
La demanderesse soutient que Sa Majesté peut
fort bien, en son propre nom, engager une action
en dommages-intérêts pour négligence et nuisance
en raison de la pollution des eaux de sa juridiction.
Les eaux du port ne sont peut-être pas un
«ouvrage» ni une «propriété», mais la compétence
de Sa Majesté sur les ports aux fins d'ester et de
recouvrer des dommages-intérêts est de la nature
d'un droit de propriété. Le fond de la mer de la
baie English n'appartient pas à Sa Majesté, mais
c'est le cas du fond de la mer et des rives de l'anse
Burrard, en vertu de la Convention des six ports.
On a cité à cet égard l'affaire The Attorney
General of Canada v. Western Higbie et al. 5 , où
c'était le procureur général du Canada, au nom de
Sa Majesté le Roi, qui, partie demanderesse, récla-
mait la possession du terrain sous-marin qu'était le
fond du havre Coal et du port de Vancouver.
L'arrêt du juge en chef Rinfret rappelle à la page
404:
[TRADUCTION] Lorsque la Couronne du chef de la province
transporte un fonds à la Couronne du chef du Dominion, elle
n'abandonne aucun droit. Ce qui intervient n'est qu'un change-
ment de contrôle administratif.
3 S.R.C. 1970, chap. N-8.
4 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) rapporté dans S.R.C. 1970,
Appendice II, n° 5.
5 [1945] R.C.S. 385.
Le docte juge en chef note:
[TRADUCTION] ... la province de Colombie-Britannique
reconnaît que la rive du havre Coal appartient au Dominion
depuis l871.
À la page 408, on cite l'arrêt The Attorney Gen
eral for Canada v. The Attorney General of the
Province of Ontario 6 où, à la page 469, le juge en
chef Strong avait dit:
[TRADUCTION] Que la Couronne, si elle peut déléguer à ses
représentants l'exercice de certaines prérogatives, ne peut
volontairement s'en départir est, semble-t-il, un principe consti-
tutionnel bien reconnu.
Au moment où la présente action a été engagée,
le Conseil des ports nationaux pouvait ester en son
propre nom' et le peut toujours, en vertu de la
même disposition, que l'on retrouve dans la Loi sur
le Conseil des ports nationaux actuelle (précitée).
En vertu de la Loi sur le ministère de la Justi
ces les attributions du procureur général du
Canada sont les suivantes:
5....
d) il est chargé de régler et de diriger la demande ou la
défense dans toutes les contestations formées pour ou contre
la Couronne ou un ministère public sur les matières qui
rentrent dans les limites de l'autorité ou des attributions du
Canada ...
Le Conseil des ports nationaux est défini comme
une corporation de mandataire par le paragraphe
66(1) de la Loi sur l'administration financière 9 ,
étant une corporation de la Couronne nommée à
l'annexe C.
La demanderesse cite certains articles de la Loi
sur le Conseil des ports nationaux selon lesquels le
Conseil serait l'«alter ego» de Sa Majesté. Ainsi,
par exemple, le paragraphe 3(2) de la Loi porte
que le Conseil est mandataire de Sa Majesté, que
ses membres sont nommés par le gouverneur en
conseil [paragraphe 3(1)] et que la Loi sur l'in-
demnisation des employés de l'État [S.R.C. 1970,
chap. G-8] s'applique à tous les préposés qui conti-
nuent de retenir le statut, et d'avoir droit de
recevoir tous les avantages, sauf le traitement,
d'employés de la Fonction publique. Selon le para-
graphe 7(1), la juridiction du Conseil s'étend
6 (1894), 23 R.C.S. 458.
' Loi sur le Conseil des ports nationaux, 1936, S.C. 1936,
chap. 42, par. 3(3).
8 S.R.C. 1970, chap. J-2.
9 S.R.C. 1970, chap. F-10.
notamment au port de Vancouver, dont les limites
sont fixées par le gouverneur en conseil. Tout bien
acquis ou détenu par le Conseil est dévolu à Sa
Majesté du chef du Canada (paragraphe 11(2)).
Les contrats adjugés par le Conseil pour une
somme supérieure à un certain montant doivent
être approuvés par le gouverneur en conseil (para-
graphe 13(3)) lequel établit des règlements pour la
direction, la conduite et la gouverne du Conseil et
de ses employés, ainsi que pour l'administration, la
gestion, la régie des divers ports, ouvrages et biens
dans sa juridiction [paragraphe 14(1)]. Tous les
fonds reçus par le Conseil sont remis au receveur
général du Canada; le ministre des Finances auto-
rise les avances faites au Conseil à même les
deniers non affectés du Fonds du revenu consolidé
pour les fins du capital de roulement (article 28).
Les deniers que le Conseil reçoit sont versés au
crédit du receveur général dans un compte spécial
appelé Compte spécial du Conseil des ports natio-
naux (article 24). Les terrains situés dans la juri-
diction du Conseil sont assujettis à la Loi relative
à la circulation sur les terrains du gouvernement 10
et le Conseil ne paie pas de taxes mais accorde des
subventions conformément à la Loi sur les subven-
tions aux municipalités".
La demanderesse cite l'affaire R. v. Southern
Canada Power Co., Ltd. 12 . Cette instance, engagée
en Cour de l'Échiquier par la Couronne, portait
sur les dommages causés à un chemin de fer dont
l'emprise était exploitée par le CN. Le chemin de
fer appartenait au Dominion du Canada qui ne
l'avait jamais cédé au CN bien que la compagnie
en ait eu la gestion et l'exploitation de par la
législation ainsi que le droit d'engager une action
de ce genre. Tant la Cour suprême du Canada que
le Conseil privé ont statué que la Couronne était
bel et bien la partie en droit d'engager l'action. À
la page 927, lord Maugham cite l'exposé [TRA-
DUCTION] «admirablement limpide« du juge Davis
dans [ 1936] R.C.S. 4, aux pages 8 et 9:
[TRADUCTION] L'appelante avait excipé d'une exception pré-
liminaire, qu'elle renouvela devant nous, soit que la Couronne
n'avait pas le droit d'engager cette procédure devant la Cour de
l'Échiquier du Canada, le droit d'action étant par législation
dévolu à la Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada, la compagnie ne pouvant ester que devant les juridic -
10 S.R.C. 1970, chap. G-10.
" S.R.C. 1970, chap. M-15.
12 [1937] 3 All E.R. 923 [P.C.].
tions de droit commun et non devant la Cour de l'Échiquier du
Canada. Le docte premier juge a soigneusement analysé le
droit législatif sur le sujet pour conclure à bon droit je crois,
que la Couronne était propriétaire du chemin de fer et n'avait
jamais abandonné son droit d'ester pour toute créance qu'elle
pouvait avoir au sujet de l'exploitation du chemin de fer.
À nouveau, sur la même page [9]:
[TRADUCTION] Certes, un droit d'action étant conféré à la
compagnie ferroviaire par l'art. 33 de la Loi sur les chemins de
fer, S.R.C. 1927, chap. 172, l'instance aurait fort bien pu être
engagée par la Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada, mais Sa Majesté du chef du Dominion du Canada n'a
pas renoncé à son droit d'ester en tant que propriétaire.
Le ministre des Transports est responsable de
l'application de la Loi sur le Conseil des ports
nationaux et, en vertu du paragraphe 7(3) de la
Loi sur le ministère des Transports 13 , les devoirs,
pouvoirs et fonctions du Ministre s'étendent au
Conseil des ports nationaux dont il a le contrôle, la
régie, la direction et la surveillance. En l'espèce, au
moment de l'abordage, le Conseil des ports natio-
naux a d'abord demandé l'aide du ministre des
Transports pour nettoyer la nappe de pétrole, mais
il s'est rapidement rendu compte qu'il ne disposait
pas des ressources nécessaires et il s'en est alors
remis au ministère des Transports. Ces mesures
prises pour le nettoyage de la nuisance peuvent,
soutient-on, être considérées comme liées au con-
trôle que le ministre des Transports exerce sur le
Conseil des ports nationaux par le biais de ses
fonctionnaires locaux. Les défendeurs, dans leur
plaidoirie, citent le paragraphe 6(2) du Règlement
A-1, le Règlement d'exploitation du Conseil des
ports nationaux 14 que voici:
6....
(2) Le Conseil peut enlever ou supprimer tout encombre-
ment, obstacle, incommodité ou cause possible de dangers ou de
dommages, aux risques et dépens du contrevenant.
Ils soutiennent qu'il n'y a eu aucun transfert du
Conseil des ports nationaux au ministère des
Transports ou à la Couronne du droit d'ester en
répétition des débours engagés pour faire suppri-
mer la nuisance par Clean Seas, le tiers engagé par
le ministère des Transports pour effectuer le
travail.
13 S.R.C. 1970, chap. T-15.
14 [DORS/70-279] C.P. 1970-1135, le 23 juin 1970.
On a cité l'espèce National Harbours Board v.
Hildon Hotel (1963) Limited et a1. 15 , de Colom-
bie-Britannique, où le mazout qui avait fui de
l'hôtel avait accidentellement été pompé dans le
port. Le Conseil avait pris des• mesures et facturé
l'hôtel en vertu du règlement qui comportait des
dispositions présentant certaines similitudes avec le
Règlement en cause. La Cour débattit de la diffé-
rence entre une nuisance publique et une nuisance
privée pour dire que le demandeur n'avait pas de
droit d'action dans la mesure où son droit décou-
lait d'une nuisance privée. À la page 644, le juge-
ment cite l'arrêt du lord juge Denning dans
Southport Corporation v. Esso Petroleum Co. Ld.
et al. 16 :
[TRADUCTION] Le terme «nuisance publique» s'applique à une
multitude de fautes, graves et vénielles.
Le jugement Hildon Hotel poursuit [à la page
644] :
[TRADUCTION] ... le demandeur ici n'a subi aucun dommage
personnel à moins que l'on considère que l'acte des défenderes-
ses fait entrer en jeu une obligation légale du demandeur
d'affecter des deniers aux opérations de nettoyage. Il n'est pas
nécessaire cependant de discourir sur la mesure dans laquelle la
notion de nuisance publique s'applique au cas d'espèce, car
manifestement celui-ci se range sous la rubrique nuisance des
par. 4(2) et (3) du règlement précité et peut être qualifié de
«nuisance de droit législatif».
C'est le Conseil qui avait engagé l'action cepen-
dant. La défenderesse cite aussi l'arrêt de la Cour
suprême du Canada Langlois v. Canadian Com
mercial Corporation" où le juge en chef Kerwin
dit, à la page 956:
[TRADUCTION] Si l'obligation en l'espèce avait été souscrite en
son nom, la décision du Comité judiciaire International Rail
way Company v. Niagara Parks Commission ([1941] A.C.
328, [1941] 2 All E.R. 456, [1941] 3 D.L.R. 385, [1941]
W.W.R. 338, 53 C.R.T.C. 1) s'appliquerait. Il y a été jugé que
rien n'interdit au mandataire de contracter en son nom et de se
rendre responsable de l'exécution du contrat en sus de son
mandant; les commissaires, ayant contracté «en leur nom» tout
autant qu'en celui de la Couronne, avaient expressément stipulé
qu'ils seraient responsables de son exécution. De par l'art. 10 in
fine de la Loi de l'intimée, l'obligation en cause doit être
réputée souscrite en son nom. Elle est donc dans la même
position que celui qui n'est pas mandataire de la Couronne; elle
est régie par le droit commun de la province de Québec,
l'affaire ayant été débattue sur la prémisse que le droit applica
ble était celui de cette province.
15 (1967), 64 D.L.R. (2d) 639 [C.S.C.-B.].
16 [1954] 2 Q.B. 182 [C.A.], à la p. 196.
17 [ 1956] R.C.S. 954.
Dans l'arrêt Grant v. St. Lawrence Seaway
Authority et al. 1 B, il fut jugé qu'une instance au
civil, en injonction ou en déclaration, portant sur
une prétendue nuisance publique, était ouverte au
procureur général estant seul ou de concert avec
un tiers. Dans les deux cas, le procureur général
détient le pouvoir discrétionnaire d'agir ou non
alors qu'une personne privée, à moins d'avoir subi
un dommage particulier supérieur à celui du
public en général, ou à moins de se prévaloir d'un
avantage spécial de droit législatif, ne peut enga-
ger une action en nuisance publique. Ce qui tend à
confirmer l'argument de la demanderesse que l'ac-
tion a, à bon droit, été engagée par Sa Majesté la
Reine plutôt que par le Conseil des ports
nationaux.
Les défendeurs citent l'article 13 de la Loi sur le
Conseil des ports nationaux, lequel, en son para-
graphe (1), porte que le Conseil doit demander par
annonce publique des soumissions pour l'exécution
de ses travaux à moins, par exemple, que le coût
n'excède pas 15 000 $, ou dans les cas d'extrême
urgence alors que tout retard serait préjudiciable à
l'intérêt public, ce qui certainement était le cas ici.
Cependant, le paragraphe (3) dispose qu'aucun
contrat, pour l'exécution de quelque entreprise que
ce soit, ne doit de toute façon être adjugé sans
l'approbation du gouverneur en conseil pour un
montant supérieur à 15 000 $ sauf, notamment, si
le montant du contrat indiqué par la soumission de
la personne à qui le contrat doit être adjugé n'ex-
cède pas 50 000 $. Il n'y a eu, bien entendu,
aucune soumission dans le cas présent et le coût a
grandement dépassé 50 000 $. Comme il est dit au
paragraphe 17 de l'exposé conjoint des faits, le
Conseil des ports a été notifié de l'abordage; le
maître du port du Conseil, et le fonctionnaire du
ministère des Transports chargé de la lutte contre
la pollution se sont alors rendus sur les lieux de
l'abordage, puis le maître du port a requis la
présence du matériel et des hommes de Clean Seas
Canada Ltd. sur les lieux de l'abordage dès que
possible pour combattre la nappe de pétrole. Con-
formément à un arrangement intervenu entre le
Conseil et la Garde côtière canadienne du minis-
tère des Transports, arrangement fondé sur le Plan
provisoire d'urgence nationale élaboré pour com-
battre les marées noires, le Conseil demanda l'aide
18 (1960), 23 D.L.R. (2d) 252 (C.A. Ont.).
de la Garde côtière canadienne et de ses ressources
et le ministère des Transports prit la direction des
opérations de nettoyage à la demande du Conseil.
Le Conseil continua de fournir de l'aide, mais tout
le coût du nettoyage fut payé par le ministère des
Transports. Certes, le Plan provisoire d'urgence
nationale n'avait pas force de loi, mais les défen-
deurs ne prétendent pas que le Conseil et le minis-
tère des Transports n'ont pas agi prudemment
dans l'affaire et ce n'est pas aux défendeurs, je
crois, de faire valoir que l'absence de décret d'ap-
probation interdit au Conseil des ports nationaux
de réclamer les dépenses engagées lors de ce net-
toyage et au ministère des Transports de retenir et
de payer les services de Clean Seas en son nom, et
enfin à la Couronne d'ester, au cas où le Conseil
des ports nationaux, son mandataire, ne le pourrait
en raison de l'absence dudit décret. C'était là
plutôt une raison supplémentaire d'engager la pro-
cédure au nom de Sa Majesté.
La demanderesse invoque aussi le paragraphe
(10) de l'article 33 de la Loi sur les pêcheries 19
libellé, au moment où l'action fut engagée, comme
suit:
33e ...
(10) Aucun recours devant les tribunaux civils pour un acte
ou une omission n'est suspendu ni affecté du fait que l'acte ou
l'omission constitue une infraction au présent article et, lors-
qu'il se produit ou qu'il existe dans, sur ou près de toutes eaux
poissonneuses une situation résultant du fait qu'une personne
s'est rendue coupable d'un acte ou d'une omission constituant
une infraction en vertu du présent article, si le Ministre
ordonne que des mesures soient prises, par la Couronne ou pour
son compte, en vue de redresser la situation ou d'y remédier ou
de réduire ou d'atténuer tout dommage causé à la vie ou aux
biens ou toute destruction de ceux-ci qui sont ou risquent
normalement de devenir une conséquence de cette situation, les
frais directs et indirects relatifs à ces mesures, pour autant que
l'on puisse établir qu'ils ont été normalement encourus dans les
circonstances, peuvent être recouvrés par la Couronne sur cette
personne en même temps que les frais des poursuites intentées
ou engagées à cette fin au nom de Sa Majesté devant tout
tribunal compétent.
Le ministre des Pêches n'a donné aucune directive
formelle de procéder au nettoyage mais, comme il
était député de West Vancouver -Howe Sound à
l'époque, il y a assisté et a supervisé les opérations
entreprises sous la direction des ministères des
Transports et de l'Environnement (Pêches) et de
Clean Seas Canada Ltd. On reconnaît au paragra-
19 S.R.C. 1970, chap. F-14, modifié par [S.R.C. 1970] (1"
Supp.), chap. 17 [art. 3].
phe 28 de l'exposé conjoint des faits que le Minis-
tre croyait détenir le pouvoir et l'autorité, en tant
que ministre des Pêches, d'ordonner le nettoyage.
Dans ces circonstances, il semblerait que sa pré-
sence sur les lieux rendait superflue toute directive
écrite et constituait à tout le moins une approba
tion de ce qui se faisait. Mais les défendeurs
soutiennent de plus que le paragraphe (10) n'est
pas applicable à moins que les contrevenants ne
soient coupables d'une infraction, ce qui n'est pas
le cas en l'espèce.
Voici le paragraphe (8) de l'article 33:
33....
(8) Dans la poursuite d'une infraction prévue au présent
article ou à l'article 33.4, il suffit, pour établir l'infraction, de
démontrer qu'elle a été commise par un employé ou un manda-
taire de l'accusé, que cet employé ou mandataire soit ou non
identifié ou qu'il ait été poursuivi ou non pour cette infraction,
à moins que cet accusé n'établisse d'une part que la contraven
tion a été commise sans qu'il le sache ou y consente et d'autre
part qu'il s'est dûment appliqué à prévenir sa commission.
La doctrine respondeat superior peut être ainsi
introduite, mais c'est le pilote que le jugement du
juge Collier a reconnu responsable de l'abordage
dont résulta le déversement d'hydrocarbures. Il n'a
pas été poursuivi pour l'infraction et, de toute
façon, elle a été commise à l'insu du navire défen-
deur et de ses propriétaires et sans leur consente-
ment, et il n'y a eu aucun manque de diligence de
leur part à prévenir l'abordage. Les défendeurs
arguent que le paragraphe (10) ne fait qu'accorder
un droit de répétition du responsable de l'infrac-
tion, c'est-à-dire du pilote obligatoire, breveté par
le gouvernement canadien lui-même, de sorte qu'il
y aurait estoppel opérant une fin de non-recevoir à
la demande.
L'argument des défendeurs, qu'en l'absence de
preuve de perpétration d'une infraction, qui n'est
pas en cause dans l'instance dont la Cour est saisie
et dont de toute façon les défendeurs peuvent être
tenus responsables, on ne saurait faire valoir l'arti-
cle 33 de la Loi sur les pêcheries comme fonde-
ment de la demande, a beaucoup de poids. Il est
vrai que la Loi sur les pêcheries, prise globale-
ment, ne paraît attribuer aucun pouvoir de net-
toyage des déversements d'hydrocarbures même si,
cela ne fait aucun doute, ceux-ci sont fort domma-
geables pour la pêche. Néanmoins le Ministre était
présent et aide à diriger le nettoyage, à bon droit,
agissant alors, pourrait-on dire, au nom de la
Couronne. De toute façon, le droit d'action de la
demanderesse n'est pas fondé uniquement sur la
Loi sur les pêcheries.
Pour justifier encore que l'instance puisse être
engagée au nom de la Couronne, la demanderesse
fait valoir la doctrine parens patrice soutenant que
le procureur général non seulement représente les
intérêts de Sa Majesté, mais est aussi le gardien de
l'intérêt public en général. Ce qui impliquerait le
droit d'engager une instance en cas de nuisance
publique. Dans un texte de G. S. Robertson inti-
tulé: The Law and Practice of Civil Proceedings
by and against the Crown and Departments of the
Government (Le droit et la procédure des actions
civiles engagées par ou contre la Couronne et les
ministères du gouvernement) [Londres, Stevens
and Sons, Limited, 1908], je trouve l'énoncé sui-
vant à la page 2:
[TRADUCTION] Cependant le droit de la Couronne d'agir de
par sa prérogative, souvent expressément préservé, demeure
sauf interdiction formelle; il n'est pas rare qu'il soit exercé
même lorsque existe une disposition spéciale autorisant les
actions par ou contre un ministère particulier du gouvernement.
Ce principe général a été reconnu par les tribu-
naux américains dans l'arrêt State of California,
by and through the Department of Fish and Game
v. S.S. Bournemouth 20 où, à la page 929, on trouve
l'observation générale suivante:
[TRADUCTION] La pollution par le pétrole des eaux naviga-
bles de la Nation par les navires hauturiers tant étrangers que
nationaux constitue un problème inquiétant, et qui s'aggrave.
Le coût pour le public tant directement sur le plan de la
pollution même qu'indirectement sur le plan de sa réduction est
considérable. Dans les cas où il peut être prouvé qu'un tel
dommage aux biens est effectivement causé, les agences gou-
vernementales chargées de protéger l'intérêt public ont un droit
de recours in rem contre le navire contrevenant en dommages-
intérêts, en réparation de la perte.
Nul doute, un déversement d'hydrocarbures
constitue une nuisance publique qu'il importe de
nettoyer au plus vite afin de réduire les dommages.
Que cela soit fait par le Conseil des ports natio-
naux ou le ministère des Transports, peu importe;
ce n'est pas trop s'avancer que de dire que la
Couronne a au moins l'obligation morale, sinon
légale, d'y pallier. Dans l'arrêt Attorney General v.
20 307 Fed. Supp. 922 (U.S.D.C. 1969).
P. Y. A. Quarries Limited 21 , le lord juge Denning,
alors simple juge, dit à la page 190 lorsqu'il distin-
gue une nuisance publique d'une nuisance privée:
[TRADUCTION] L'exposé classique de la différence c'est qu'une
nuisance publique porte préjudice aux sujets de Sa Majesté en
général, alors qu'une nuisance privée n'atteint que certains
d'entre eux.
Il poursuit [à la page 190] :
[TRADUCTION] Aussi je ne m'interrogerai pas sur le nombre de
gens qu'il faut pour dire qu'il s'agit des sujets de Sa Majesté en
général. Je préfère m'intéresser à la raison d'être de la chose et
dire qu'une nuisance publique est une nuisance de portée si
générale et si aveugle dans ses effets qu'il ne serait pas raison-
nable de s'attendre à ce qu'un individu engage seul, de son
propre chef, une action en justice pour y mettre fin, mais
qu'elle devrait être la responsabilité de la collectivité en
général.
La question du recouvrement par la demande-
resse des dépenses qu'elle a engagées pour nettoyer
les rejets d'hydrocarbures sur des propriétés pri-
vées fera l'objet de développements ultérieurs lors-
que j'étudierai la question des dommages, mais je
ne saurais douter qu'un déversement grave d'hy-
drocarbures, même s'il a eu lieu hors des limites du
port de Vancouver (voir le paragraphe 15 de l'ex-
posé conjoint des faits), constituait une nuisance
publique, la nappe ayant dérivé dans le port et été
rejetée sur les rives. Dans l'arrêt The Attorney -
General for the Dominion of Canada v. Ewen and
The Attorney -General for the Dominion of
Canada v. Munn 22 , la demande consistait en une
demande d'injonctions pour faire interdire aux
défendeurs, à leurs préposés, mandataires ou
employés, de rejeter les restes de poisson, ou d'au-
tres matières délétères, dans le fleuve Fraser. À la
page 470 du jugement, on dit:
[TRADUCTION] Le premier moyen du défendeur est que,
l'assemblée législative du Dominion ayant légiféré expressé-
ment sur les déchets de poisson et imposé des peines d'amende
et d'emprisonnement pour infraction à la loi, imputables devant
des juges de paix, il s'ensuit que la Cour ne saurait imposer une
peine supplémentaire par voie d'injonction, et le défendeur
d'invoquer l'arrêt Institute of Patent Agents v. Lockwood
(1849), App. Cas. 347.
S'il s'agissait d'une action en dommages-intérêts pour rejet
des déchets de poisson dans le fleuve, l'argument serait irrésisti-
ble, mais ce que le demandeur veut faire interdire, c'est la
nuisance causée par le manquement à la loi du défendeur; cette
nuisance porte préjudice au public et, qu'il y ait ou non une loi
21 [1957] 2 Q.B. 169 [C.A.].
22 (1895), 3 B.C.R. 468 [C.S.C.-B.].
interdisant de rejeter les déchets de poisson dans le fleuve, le
défendeur en est responsable, même si elle découlait d'un acte
licite .. .
Un arrêt australien de la Cour suprême de la
Nouvelle-Galles du Sud, l'arrêt The «Wagon
Mound» (No. 2) 23 , est intéressant. Il y eut déverse-
ment d'hydrocarbures dans le port par un navire
qui faisait du mazout. On jugea que le résultat du
déversement n'étant pas raisonnablement prévisi-
ble, le défendeur n'était pas responsable de négli-
gence, mais que le déversement créait néanmoins
une nuisance publique. Voici un extrait du
sommaire:
[TRADUCTION] .. .(i) que les demandeurs ne pouvaient fonder
leur demande sur une nuisance privée parce qu'aucun trouble
d'usage ou de jouissance de leur terrain ne portait préjudice aux
demandeurs, mais la responsabilité pour cause de nuisance
publique n'était pas restreinte aux cas de préjudice au droit réel
des demandeurs sur leur terrain, et il n'était pas essentiel que la
nuisance émane du terrain du défendeur; que si le défendeur
créait une nuisance et qu'il y avait alors nuisance publique sur
les eaux navigables ouvertes au public, de prime abord le
défendeur était responsable, même s'il n'avait pas été négligent;
(ii) que la présence d'une grande quantité de pétrole sur les
eaux du port constituait une nuisance publique; (iii) que les
demandeurs ont subi un «préjudice particulier» en ce qu'ils ont
subi des pertes sérieuses que n'a pas subies le public en géné-
ral...
(Le pétrole avait pris feu dans le port et avarié le
navire des demandeurs.)
Les défendeurs soutiennent que la Couronne ne
saurait avoir un droit de répétition pour cause de
nuisance publique puisqu'elle n'a pas subi de dom-
mage spécifique à ses biens, meubles ou immeu-
bles. Les faits reconnus montrent cependant qu'en-
viron 211 tonnes de mazout ont été déversées tant
dans les eaux du port de Vancouver que dans les
eaux adjacentes et qu'elles ont atteint une partie
des rives et des plages, en deçà de la ligne des
hautes eaux. Quarante pêcheurs commerciaux ont
vu leurs embarcations et engins de pêche commer-
ciale salis et Sa Majesté leur a versé environ
12 600 $ en dédommagement. Sa Majesté est pro-
priétaire des terrains décrits au paragraphe 30 de
l'exposé conjoint des faits, y inclus les rives et le lit
du havre public de l'anse Burrard et du parc
Stanley. Le pétrole a atteint la rive en divers points
de la côte sur environ 25 milles (paragraphe 32) et
on pouvait craindre, si on ne procédait pas au
nettoyage de ces plages, que les marées ultérieures
23 [1963] 1 Lloyd's Rep. 402 [S.C. Austr.].
le ramèneraient dans des secteurs propres. Plu-
sieurs plages publiques, des parcs et treize ports de
plaisance se trouvent dans le secteur et il se fait de
la plongée sous-marine en un lieu où le fond marin
a été désigné réserve naturelle. Le ministère des
Transports, au nom de Sa Majesté, administre
dans les limites du port de Vancouver divers quais
et quais flottants du gouvernement, appartenant à
Sa Majesté, qui risquaient d'être salis si le pétrole
n'était pas enlevé. Sa Majesté avait consenti 439
baux au sujet de propriétés lui appartenant dans le
voisinage du port de Vancouver (paragraphe 12).
Il est difficile de comprendre comment les défen-
deurs peuvent prétendre que la Couronne n'a pas
subi de dommages spécifiques à ses biens, meubles
ou immeubles.
Mais les défendeurs soutiennent que, puisque la
Couronne possède des recours légaux, sous forme
d'amendes pour pollution par hydrocarbures et en
responsabilité civile dans certains cas, elle devrait
être restreinte à ces recours. On a cité la Partie
XX de la Loi sur la marine marchande du
Canada, insérée par le chapitre 27 du deuxième
supplément des Statuts revisés de 1970, qui traite
de pollution et plus précisément l'article 734 qui
crée une responsabilité civile et autorise expressé-
ment Sa Majesté à agir contre les propriétaires des
navires et les propriétaires des polluants, en répéti-
tion du coût raisonnable engagé pour réduire ou
pallier le dommage raisonnablement appréhendé à
la suite du déversement.
L'existence de ce recours légal ne prive pas, je
crois, Sa Majesté de son droit d'exercer les droits
que lui donne la common law, et d'ailleurs la
jurisprudence qu'ont citée les défendeurs à cet
égard ne justifie pas une conclusion aussi générale.
J'ai déjà traité de l'arrêt Attorney -General v.
Ewen (précité) et l'arrêt Barraclough v. Brown, et
a1. 24 ne portait que sur la compétence de la Cour;
il n'impliquait pas la Couronne. Dans l'affaire
Attorney -General of Canada v. Brister et al. 25 , en
Cour suprême de Nouvelle-Écosse les avis furent
partagés, les savants juges étant divisés deux
contre deux sur la question, tout en étant d'accord
sur l'appel pour d'autres motifs. L'exposé du juge
Smiley, aux pages 72 et 73, me paraît particulière-
ment intéressant:
24 [1897] A.C. 615 [H.L.].
25 [1943] 3 D.L.R. 50 [C.S.N.-É.].
[TRADUCTION] Dans 1 Hals. (2» éd.), p. 11, par. 11, on trouve
l'extrait suivant de la décision du juge Willes dans l'espèce
Wolverhampton New Waterworks Co. v. Hawkesford, 6 C.B.
(N.S.) 336, la p. 356, 141 E.R. 486:
«Il existe trois genres de cas de responsabilité fondée sur
une législation. Premièrement, il y a d'abord responsabilité
en common law, mais cette responsabilité est confirmée par
la loi, qui donne un recours spécial et particulier, différent du
recours en common law. A moins que la loi ne comporte des
termes qui, expressément ou par implication nécessaire,
excluent le recours en common law, la partie qui agit peut
alors choisir ce recours ou le recours légal. Le second genre,
c'est lorsque la loi se borne à attribuer un droit d'agir, sans
spécifier la forme particulière du recours. Alors la partie ne
peut agir que par l'action de common law. Mais il existe un
troisième genre: lorsqu'il n'y a pas responsabilité en common
law, mais que la loi en crée une, tout en prévoyant un recours
spécial et particulier pour son application ... On doit se
prévaloir du recours prévu par la loi et il n'appartient pas à la
partie agissante d'emprunter la voie applicable aux espèces
du second genre.»
Le paragraphe 11 poursuit: «Dans chaque cas, cependant,
pour décider si on entend que le recours légal soit ou non
l'unique recours réprimant l'infraction à l'obligation légale, il
faut examiner la loi particulière en cause. Et, même lorsque le
recours ordinaire en dommages-intérêts est exclu, le recours
concomitant en injonction peut demeurer.»
À mon avis, le Navigable Waters' Protection Act n'exclut
aucun recours de common law existant avant son adoption.
Les défendeurs font en outre valoir que la Cou-
ronne, ayant choisi un recours, celui de réduire le
dommage, ne saurait se prévaloir d'un autre, et de
citer l'antique Baten's Case 26 où il fut jugé que
celui à qui la nuisance porte préjudice peut y
pallier soit par une action en justice, soit par
entrée sur les lieux et suppression de la nuisance,
mais que, dans ce dernier cas, il perd son droit
d'action en dommages-intérêts, et les arrêts Ewen
et Brister (précités) ainsi que l'arrêt Lagan Navi
gation Company v. Lambeg Bleaching, Dyeing
and Finishing Company, Limited 27 dont le som-
maire dit [TRADUCTION] «La suppression d'une
nuisance par un individu privé est un recours que
la loi ne favorise pas.» Ici nous avons affaire à la
Couronne qui, par ses mandataires, a pris des
mesures pour parer à la nuisance; or, dans les
conditions contemporaines de danger croissant de
dommage écologique grave en cas de déversement
d'hydrocarbures, il ne fait aucun doute qu'il faille
26 (1599), 9 Co. Rep. 53 b; 77 E.R. 810 [In Communi
Banco].
27 [1927] A.C. 226 [H.L.].
réagir immédiatement sans que cela constitue une
solution de rechange au recours judiciaire en répa-
ration des dommages causés par le déversement.
En décider autrement constituerait un enrichis-
sement sans cause des défendeurs, qui ont reconnu
être incapables de procéder eux-mêmes au net-
toyage, mais dont le navire a causé la nuisance,
que l'action soit fondée sur la négligence dont ils
sont responsables ou non.
Les défendeurs ont un dernier moyen à faire
valoir: même si les eaux navigables sont de la
compétence de la Couronne, celle-ci se limite à la
juridiction fédérale. Il a été dit (ci-dessus) qu'en
conséquence de l'affaire Reference re Ownership
of the Bed of the Strait of Georgia and Related
Areas, Sa Majesté ne prétend pas, en l'espèce, à la
propriété des eaux du détroit. Mais je ne crois pas
qu'il s'ensuive que Sa Majesté du chef du Canada
ne puisse assumer la responsabilité de pallier la
nuisance publique qui s'y produit, plus particuliè-
rement dans le secteur en cause, y compris l'anse
Burrard, qui est de la compétence du Conseil des
ports nationaux, ayant été désigné havre public et
propriété du Canada par la Convention des six
ports.
L'arrêt Dominion of Canada v. Province of
Ontario 28 n'apporte que peu d'eau au moulin puis-
qu'il ne fait que confirmer la distinction qu'il faut
établir entre la Couronne du chef du Canada et la
Couronne du chef de la province, comme dans
l'arrêt Ewen (précité).
Avant de conclure cette partie des motifs, on
citera l'article 16 de la Loi d'interprétation 29 que
voici:
16. Nul texte législatif de quelque façon que ce soit ne lie Sa
Majesté ni n'a d'effet â l'égard de Sa Majesté ou sur les droits
et prérogatives de Sa Majesté, sauf dans la mesure y mention-
née ou prévue.
En conclusion, donc, je juge que l'instance pré-
sente a, à bon droit, été engagée au nom de Sa
Majesté la Reine du chef du Canada, qu'elle l'ait
été au nom et en lieu et place du Conseil des ports
nationaux, qui aurait peut-être pu l'engager, ou à
titre de propriétaire des ouvrages et biens du port
de Vancouver, dont l'administration, la gestion et
28 [1910] A.C. 637 [P.C.].
29 S.R.C. 1970, chap. I-23.
le contrôle ont été transférés au Conseil, et des
autres biens immeubles de l'anse Burrard notam-
ment, ou par suite d'un droit général d'agir en cas
de nuisance publique afin d'atténuer les dommages
prévisibles. On pourrait aussi soutenir que la
demanderesse aurait pu intenter l'action sur le
fondement de la Loi sur les pêcheries puisque
parmi les conditions d'incorporation de la Colom-
bie-Britannique à l'Union de la Puissance du
Canada, le 16 mai 1871, il avait été convenu que le
Canada supporterait les frais de la protection et de
la mise en valeur des pêcheries (paragraphe 41 de
l'exposé conjoint des faits). Il n'est pas nécessaire
cependant de recourir à la Loi sur les pêcheries
pour justifier Sa Majesté d'avoir engagé la
procédure.
La jurisprudence n'établit pas que, parce que la
loi donne un droit à la Couronne, ou à quelque
mandataire ou quasi-mandataire de la Couronne,
auquel certains droits sont conférés pour des rai-
sons administratives et de commodité, la Couronne
est par là privée de son droit d'ester. Voir à cet
égard R. v. Southern Canada Power Co., Ltd. et
The Attorney General for Canada v. The Attorney
General of the Province of Ontario (tous deux
précités).
J'en viens maintenant à la question des domma-
ges-intérêts. La Couronne, en combattant la marée
noire, n'agissait pas au nom des défendeurs en
vertu de quelque autorité expresse ou tacite. Les
propriétaires de terrains privés riverains qui
auraient pu subir un dommage du fait de la marée
noire auraient eu un recours contre les défendeurs
pour nuisance privée et peut-être négligence; je
n'en décide pas cependant puisque je ne suis pas
saisi de la question. Néanmoins, en prenant ou en
autorisant les mandataires appropriés à prendre les
mesures nécessaires pour combattre la marée noire
et remédier aux conséquences et donc supprimer la
nuisance publique, ces propriétaires en ont, sans
aucun doute, bénéficié, et une multitude d'actions
a par là été évitée, ce qui a profité aux défendeurs.
Certes la Couronne n'avait pas le pouvoir d'agir au
nom de ces personnes privées qui auraient peut-
être pu réclamer, ni probablement n'avait-elle de
responsabilité à leur égard en droit si elle ne l'avait
fait, puisque leur droit d'action était contre les
défendeurs; cependant, ce qui a été fait était rai-
sonnable et semble fournir un bon exemple du
principe parens patriae, la Couronne par ses man-
dataires agissant comme on dit en droit civil, en
«bon père de famille», et comme on dit habituelle-
ment en anglais en «prudent administrator».
Néanmoins, c'est chose sérieuse que de prendre
des mesures, si raisonnables soient-elles, pour
réduire les réclamations qui, n'était de cette inter
vention, pourraient être faites contre un tiers, puis
de demander d'être indemnisé du coût des travaux
ainsi entrepris; la mesure de l'indemnité de la
demanderesse pour ces travaux est fort difficile.
Au paragraphe 26 de l'exposé conjoint des faits,
un mémoire de frais rédigé par le ministère des
Transports indique: opérations de nettoyage des
eaux: 270 568,03 $; opérations de nettoyage des
plages: 297 598,25 $; matériel de nettoyage et
divers: 35 548,07 $; total: 603 714,35 $. Aucune
ventilation de ces chiffres n'est donnée; ces détails
seront précisés par la référence sur le montant des
dommages.
Le paragraphe 24 énonce que des paiements
totalisant 12 600 $ ont été faits à environ quarante
pêcheurs commerciaux qui prétendaient que leurs
embarcations et engins de pêche commerciale
avaient été salis par le pétrole. Ces paiements
auraient été faits volontairement mais, comme il a
été indiqué, de ce fait, les défendeurs ne risquaient
plus les actions en justice de ces pêcheurs.
Dans l'arrêt du 28 avril 1981, non encore publié
de la Cour suprême de Colombie-Britannique No
C-773353, National Harbours Board v. Imperial
Oil Limited et al., on jugea un employé négligent
parce que du pétrole avait été pompé par erreur
dans un tuyau d'alimentation d'un réservoir sou-
terrain abandonné. Débordant de ce réservoir, le
pétrole avait coulé sur le plancher de la chambre
des chaudières d'un dépôt d'autobus et avait été
évacué par l'égout pluvial et rejeté dans le port.
Cependant, à la page 10, l'arrêt dit:
[TRADUCTION] En dépit de mes constatations, l'action du
demandeur en négligence doit être rejetée. Le demandeur n'a
pu démontrer que lui ou ses biens avaient subi un préjudice par
le fait des défendeurs. Le coût du nettoyage des hydrocarbures
déversés dans l'eau du port est la conséquence d'une obligation
que la Loi et le règlement lui imposent.
L'arrêt poursuit en disant à la même page que
l'action en nuisance du demandeur contre Imperial
Oil Limited et son préposé, pour son fait dans
l'exercice de ses fonctions, est accueillie. L'espèce
Bethlehem Steel Corporation c. L'Administration
de la voie maritime du Saint-Laurent, et autres 30 ,
un jugement de mon collègue le juge Addy, fut
aussi citée. Il s'agissait d'une perte économique.
Mais il n'y avait aucun dommage à la personne du
demandeur ni à quelque bien susceptible d'être
grevé d'un droit réel actuel ou éventuel du deman-
deur. Il fut jugé qu'en règle générale il n'y a pas
lieu à dommages-intérêts, même si le dommage
était prévisible et qu'existe le lien approprié entre
l'acte délictuel et celui-ci. Aucune de ces espèces
n'est d'un grand secours lorsqu'il s'agit de décider
quels éléments du dommage doivent être accordés
dans le présent cas d'espèce.
Il restait, le 4 décembre 1979, date de l'ordon-
nance de limitation de responsabilité, un capital de
377 733,15 $ dans le fonds limité. Comme les
paiements faits en conséquence de ladite ordon-
nance prévoyaient le versement d'un intérêt à
compter de 1973 et, présumément, le jugement
définitif à rendre en l'espèce, après la référence, en
disposera de même, il se peut fort bien qu'il n'y ait
plus suffisamment de fonds pour couvrir une large
portion de la réclamation de la demanderesse en
l'espèce. Néanmoins, jugement doit être rendu afin
d'éclairer l'arbitre et les parties quant aux élé-
ments du dommage à considérer. A cet égard,
j'accorde l'ensemble du coût du nettoyage des
eaux, à l'intérieur comme à l'extérieur des limites
du port, ceux du nettoyage des plages et des rives
de toutes les propriétés appartenant à la Couronne,
mais non des propriétés privées, ceux du matériel
endommagé ainsi que les coûts et débours dus au
nettoyage et les paiements faits aux divers récla-
mants, y inclus les pêcheurs, au profit des défen-
deurs, quoiqu'ils aient été volontaires.
ORDONNANCE
Réponse est donnée aux questions dont est saisie
la Cour comme suit:
1. Les propriétaires de l'Erawan sont-ils, en vertu
de la Loi sur le Conseil des ports nationaux et de
30 [[1978] 1 C.F. 464]; 79 D.L.R. (3d) 522 [1" inst.].
ses règlements d'application, responsables envers
Sa Majesté des dommages causés?
R. Oui.
2. Les propriétaires de l'Erawan sont-ils, en vertu
de la Loi sur les pêcheries, responsables envers Sa
Majesté des dommages causés?
R. Peut-être pas; réponse non essentielle pour les
fins de la demande.
3. Les propriétaires de l'Erawan sont-ils, en
common law, responsables envers Sa Majesté des
dommages causés, motifs pris de négligence, d'in-
trusion et de nuisance publique ou privée?
R. Les défendeurs sont responsables, en common
law, envers Sa Majesté, motif pris de nuisance
publique et, dans la mesure où Elle, ou un
mandataire de la Couronne au nom duquel
Elle poursuit, est propriétaire d'un bien privé
endommagé par le déversement d'hydrocarbu-
res, motif pris de nuisance privée.
4. En cas de responsabilité des propriétaires de
l'Erawan envers Sa Majesté du paiement de tout
ou partie des frais dudit nettoyage, à quel domaine
cette responsabilité pour le nettoyage s'attache-
t-elle:
(i) le nettoyage des eaux (en tous ou certains
lieux)?
R. Il y a responsabilité à cet égard pour tous
lieux atteints par la marée noire.
(ii) le nettoyage des rives et des plages (en tous ou
certains lieux)?
R. Toutes plages et rives appartenant à Sa
Majesté ou à un mandataire au nom duquel
Elle poursuit.
(iii) l'un et l'autre domaine (en tous ou certains
lieux)?
R. Voir réponse ci-dessus.
(iv) le matériel endommagé et le coût de son
nettoyage?
R. Tous ces dommages.
(y) les paiements versés aux divers réclamants, y
compris aux pêcheurs?
R. Tous ces paiements, quoique volontaires, avec
exonération des défendeurs.
Il y aura référence quant aux dommages. Les
dépens de la requête sont alloués à la demande-
resse.
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