T-1944-81
Corning Glass Works (demanderesse)
c.
Canada Wire & Cable Company Limited, Sumi-
tomo Electric Industries Ltd., et Canada Wire &
Cable Limited connue sous le nom de Canstar
Communications (défenderesses)
Division de première instance, juge Walsh—
Ottawa, 6 et 12 décembre 1983.
Pratique — Communication de documents et interrogatoire
préalable — Interrogatoire préalable — Requête visant à
obtenir la permission de signifier la convocation pour l'interro-
gatoire à Toronto de M, non-résident, à titre de coïnventeur
des brevets et d'employé de la demanderesse — L'autre coin-
venteur et employé a déjà été interrogé — La demanderesse
cherche à obtenir l'annulation du subpoena américain des
défenderesses prévoyant l'interrogatoire de M aux États-Unis
— Le subpoena de la Cour fédérale ne serait pas exécutoire
contre un non-résident — Malgré le droit à un interrogatoire
entier et complet, le subpoena n'est pas exécutoire — Les
défenderesses soutiennent que la jurisprudence ne s'applique
pas parce que M est contrôlé par la demanderesse qui relève de
la compétence de la Cour — Il est inapproprié de rejeter
l'action si M ne se présente pas — Le fait d'aider à empêcher
la requête pour annuler le subpoena aux États-Unis ne consti-
tue pas une raison suffisante pour rendre l'ordonnance — La
question de savoir s'il faut annuler relève de la compétence
exclusive des tribunaux des États-Unis — Les défenderesses
peuvent établir aux États-Unis que le subpoena serait disponi-
ble en vertu du droit canadien si M était un résident —
L'instruction ne doit pas être retardée — L'interrogatoire doit
être tenu devant les tribunaux américains — Seul un coinven-
teur peut être interrogé à titre de cédant aux termes de la
Règle 465(5) — Normalement une seule personne peut être
interrogée pour une société — En vertu de la Règle 465(19), il
peut y avoir un autre interrogatoire dans des cas exceptionnels
qui ne se produisent pas fréquemment — Requête rejetée —
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
465 ( 5),(12),(19),(20).
Selon l'affidavit des défenderesses, la demanderesse a fait
comparaître M. Schultz lors de l'interrogatoire préalable à titre
de dirigeant de la demanderesse et de coïnventeur de l'objet de
certains brevets. Il est ressorti de l'interrogatoire que M.
Schultz n'était pas présent au moment des premières étapes du
programme de guide d'ondes optiques de la demanderesse et
qu'il était incapable de donner des détails sur les travaux
préparatoires de la demanderesse. On a allégué que la seule
personne en mesure de donner une description complète des
travaux préparatoires était M. Maurer, également coïnventeur,
employé et responsable du programme de la demanderesse. M.
Maurer résidait aux États-Unis; par conséquent, pour l'interro-
ger dans ce pays, les défenderesses ont obtenu un subpoena
d'un tribunal américain.
Selon l'affidavit déposé pour le compte de la demanderesse,
celle-ci s'est engagée, au cours de l'interrogatoire de M.
Schultz, à se renseigner sur M. Maurer et, en fait, a obtenu
beaucoup de renseignements en réponse aux questions posées
par la défense. Le subpoena américain a été obtenu au moyen
d'une procédure ex parte et l'avocat souligne qu'il a été obtenu
avant la fin de l'interrogatoire de M. Schultz et, en fait, avant
qu'on lui ait posé des questions sur ce que savait M. Maurer.
Pourtant, le subpoena n'a pas été signifié pendant plus de six
mois, période durant laquelle la Cour fédérale a délivré une
ordonnance tranchant toutes les questions encore en suspens
avant l'instruction et, par une ordonnance subséquente (en
vertu d'une demande de la demanderesse), a fixé la date de
l'instruction. L'avocat de la demanderesse soutient que lorsque
la date de l'instruction a été fixée, les défenderesses n'ont
nullement exprimé leur intention d'interroger M. Maurer.
Il a été convenu d'une date pour l'interrogatoire de M.
Maurer à Rochester, New York. L'avocat de la défense s'est
rendu à Rochester mais, le jour fixé, il a été avisé que l'avocat
américain de la demanderesse agissant au nom de M. Maurer,
avait présenté une requête en vue d'obtenir l'annulation du
subpoena.
En l'espèce, les défenderesses cherchent à obtenir la permis
sion de signifier la convocation pour l'interrogatoire à Toronto
de M. Maurer, en sa qualité de coïnventeur et d'employé de la
demanderesse. Lorsque l'affaire est venue à audience, la
requête en annulation n'avait pas encore été entendue aux
États-Unis.
Jugement: La requête est rejetée.
La Règle 465(5) permet au cédant d'un brevet d'être inter-
rogé au préalable; toutefois, le mot «cédant» figure au singulier
dans cette disposition et rien n'indique que dans une situation
où il y a des coïnventeurs ceux-ci peuvent être interrogés.
Normalement, en vertu de notre procédure, une seule personne
peut être interrogée pour une société et en l'espèce les défende-
resses ont déjà interrogé M. Schultz à ce titre. La Règle
465(19) qui autorise exceptionnellement la Cour, pour des
raisons spéciales, à ordonner un autre interrogatoire après
qu'une partie ou cessionnaire aura été examinée n'est pas
utilisée fréquemment.
Cependant, le véritable obstacle à l'octroi de la demande de
la demanderesse est que cette Cour ne peut réellement délivrer
un subpoena enjoignant à un non-résident de venir au Canada
pour y être interrogé, même si on offre le montant des frais de
déplacement. Vu que la demanderesse conteste aux États-Unis
la tentative d'interroger M. Maurer, il est en effet peu probable
que M. Maurer se rende au Canada pour y être interrogé.
L'argument des défenderesses selon lequel les parties ont droit
à un interrogatoire entier et complet ne répond pas à la
question de savoir comment une ordonnance de cette Cour
prévoyant l'interrogatoire de M. Maurer pourrait être exécu-
toire en l'absence de consentement. Étant un employé et non
simplement un inventeur, M. Maurer n'est pas dans une situa
tion différente de celle des personnes qui ont été examinées
dans d'autres affaires dans lesquelles des ordonnances pré-
voyant l'interrogatoire de personnes qui ne se trouvaient pas au
Canada ont été refusées. La Cour a rejeté l'argument des
défenderesses selon lequel, en sa qualité d'employé, M. Maurer
est assujetti au contrôle de la demanderesse qui elle-même
relève de la compétence de cette Cour et que les décisions
mentionnées ne s'appliquent donc pas aux circonstances de
l'espèce. En outre, compte tenu de ces circonstances et de la
jurisprudence, la sanction que prévoit la Règle 465(20), savoir
le rejet de l'action, ne serait pas apparemment une réponse
appropriée si M. Maurer omettait de se rendre au Canada pour
y être interrogé.
Les défenderesses soutiennent que même si l'ordonnance
demandée ne pouvait pas être exécutée par la Cour, elle
pourrait néamoins leur permettre d'empêcher la demanderesse
de tenter de faire annuler le subpoena aux États-Unis. Toute-
fois, ce n'est pas une raison suffisante pour rendre une telle
ordonnance. L'annulation du subpoena est une question qui
relève de la compétence exclusive des tribunaux des États-Unis.
Si, comme le soutient l'avocat des défenderesses, la requête en
annulation est fondée sur l'argument selon lequel une cour
canadienne n'aurait pas délivré le subpoena même si Maurer
avait été un résident canadien, les défenderesses peuvent répon-
dre en démontrant devant les cours américaines que le droit
canadien est différent, ce qui est le cas. Elles ne devraient pas
avoir de difficulté à établir le droit canadien de la façon
habituelle.
II est essentiel que l'instruction de l'affaire ne soit pas
retardée. L'interrogatoire de M. Maurer devant les cours amé-
ricaines, auquel les défenderesses ont très correctement tenté de
procéder, constitue la procédure qui a été approuvée dans
l'arrêt Sternson. Si les défenderesses croient toujours que l'in-
terrogatoire de M. Maurer est nécessaire, elles devront prendre
les mesures qu'elles considèrent appropriées aux États-Unis
pour obtenir le plus tôt possible l'audition de la requête en
instance dans ce pays.
JURISPRUDENCE
DECISIONS SUIVIES:
Lido Industrial Products Limited c. Teledyne Industries,
Inc. et autre, [1979] 1 C.F. 310; 41 C.P.R. (2d) 1 (C.A.);
Sternson Limited c. CC Chemicals Limited, [1982] 1
C.F. 350; 124 D.L.R. (3d) 76 (C.A.); Xerox of Canada
Limited et autre c. IBM Canada Limitée, [1976] I C. F
213; 24 C.P.R. (2d) 175 (1" inst.), confirmé par [1976] 2
C.F. 781 (C.A.).
DECISIONS EXAMINÉES:
Procycle, Inc. et autre c. Deflectaire Corporation et autre
(1981), 58 C.P.R. (2d) 153 (C.F. 1" inst.); Textron
Canada Limited c. Rodi & Wienenberger Aktiengesells-
chaft, [1973] C.F. 667; 10 C.P.R. (2d) 9 (1" inst.).
AVOCATS:
R. T. Hughes pour la demanderesse.
S. Block pour Canada Wire & Cable Com
pany Limited et Canada Wire & Cable Limi
ted, défenderesses.
PROCUREURS:
Sim, Hughes, Toronto, pour la demanderesse.
Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour
Canada Wire & Cable Company Limited
et Canada Wire & Cable Limited, défende-
resses.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: La première partie de la
présente requête vise simplement à obtenir l'auto-
risation de déposer une défense et une demande
reconventionnelle supplémentaire amendées et
d'apporter des modifications aux détails de l'oppo-
sition en ajoutant simplement Canada Wire &
Cable Limited connue sous le nom de Canstar
Communications, au nom de la défenderesse,
Canada Wire & Cable Company Limited, ainsi
que certains détails supplémentaires. Cette
demande a été accueillie par consentement. La
partie de la requête des défenderesses qui est con-
testée vise à obtenir en vertu de la Règle 465 des
Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663], la
permission de signifier aux avocats de la demande-
resse, la convocation pour l'interrogatoire préala-
ble à Toronto (Ontario), à une date indéterminée,
de M. Robert D. Maurer, coïnventeur des brevets
canadiens portant les numéros 951 555 et 881 078
et employé de la demanderesse. La requête
demande qu'il y ait renonciation au montant
approprié des frais de déplacement, ces frais pou-
vant être inclus dans les dépens si la demanderesse
obtenait gain de cause à l'instruction de l'affaire.
L'affidavit présenté à l'appui de la requête établit
que la demanderesse a fait comparaître M. Peter
C. Schultz lors de l'interrogatoire, à titre de diri-
geant de la société et de coïnventeur desdits bre-
vets. L'interrogatoire a duré trois jours en février
et s'est poursuivi en avril et en juin. Il en ressort
qu'il n'était pas présent au moment des premières
étapes du programme de guide d'ondes optiques de
la demanderesse et qu'il était donc incapable de
donner des détails sur les travaux préparatoires de
la demanderesse. M. Robert D. Maurer, en sa
qualité de coïnventeur desdits brevets, était respon-
sable du programme de guide d'ondes optiques de
la demanderesse et on prétend qu'il est le seul
témoin en mesure de donner aux défenderesses une
description complète des travaux préparatoires de
la demanderesse. Des procédures ont été engagées
aux États-Unis pour l'interroger à son lieu de
résidence. Après l'échange de nombreuses lettres
avec l'avocat américain, un subpoena a été obtenu
et il a été convenu que le témoin déposerait le 11
novembre 1983 à Rochester, New York. Vers le 8
novembre, l'avocat des défenderesses a appris que
les avocats de M. Maurer cherchaient à obtenir un
report d'une semaine c'est-à-dire au 17 novembre
1983, ce qui a été accepté. Le 16 novembre, l'avo-
cat des défenderesses s'est rendu à Rochester. Le
17 au matin, une demi-heure après l'heure fixée
pour le début de l'interrogatoire, il a été avisé que
l'avocat américain de Corning Glass Works venait
de signifier à l'avocat local un avis de requête, avec
documents à l'appui, en vue d'obtenir l'annulation
du subpoena.
Un affidavit déposé par l'avocat de la demande-
resse indique que, au cours de l'interrogatoire
préalable de M. Schultz, la demanderesse lui a
posé plusieurs questions sur M. R. D. Maurer et a
obtenu beaucoup de renseignements en réponse
aux questions posées au nom des défenderesses. Le
3 juin 1983, les défenderesses ont reporté l'interro-
gatoire sous réserve seulement du droit de poser
des questions supplémentaires au sujet de certains
points examinés par la demanderesse. Par ordon-
nance datée du 26 juillet 1983, la Cour a tranché
toutes les questions encore en suspens avant l'ins-
truction et, par ordonnance datée du 15 septembre
1983, l'instruction de l'affaire a été fixée au 16
janvier 1984 Toronto. Cela a été fait en vertu
d'une demande unilatérale de la demanderesse.
L'affidavit indique en outre que le subpoena a été
signifié à M. Maurer vers le 28 octobre 1983
seulement et que l'avocat n'en a eu connaissance
que le 31 octobre 1983 bien que les défenderesses
aient obtenu l'ordonnance ex parte aux environs
du 7 avril 1983. La question du subpoena a été
contestée et les défenderesses ont demandé que
l'audience qui devait être tenue le 7 décembre
1983 Rochester soit reportée sur consentement
en attendant une décision de la présente Cour à
l'égard de la présente demande.
L'avocat des défenderesses invoque la Règle
465(5):
Règle 465... .
(5) Le cédant d'un brevet d'invention, d'un droit d'auteur,
d'une marque de commerce, d'un dessin industriel ou de tout
bien, droit ou intérêt peut être interrogé au préalable par une
partie qui est opposée à tout cessionnaire. (Lorsque le contexte
le permet, la mention faite dans la présente Règle d'un individu
qui doit être interrogé ou d'un individu qui est interrogé
comprend un tel concessionnaire).
Le mot «cédant» est employé au singulier et rien
n'indique que dans le cas d'un coïnventeur les deux
parties peuvent être interrogées au préalable. Pen
dant son interrogatoire, M. Schultz s'est engagé à
s'informer au sujet de M. Maurer et bien qu'il
puisse être utile pour les défenderesses d'interroger
le coïnventeur Maurer, cela ne justifie pas néces-
sairement un deuxième interrogatoire, puisque
normalement en vertu de notre procédure, contrai-
rement à celle en vigueur aux États-Unis, une
seule personne peut être interrogée pour une
société. En l'espèce M. Schultz a été interrogé. Il
est vrai que le paragraphe (19) de la Règle 465
autorise la Cour pour des raisons spéciales mais
exceptionnellement, et dans sa discrétion, à ordon-
ner un autre examen préalable après qu'une partie
ou cessionnaire aura été examiné au préalable en
vertu de la Règle; toutefois il s'agit d'une disposi
tion qui n'est pas utilisée fréquemment.
Cependant, la véritable question tient à ce que
la présente Cour ne peut réellement délivrer un
subpoena enjoignant un non résident à venir au
Canada pour y être interrogé, même si on offre le
montant des frais de déplacement.
La Règle 465(12) prévoit:
Règle 465... .
(12) Lorsqu'un individu qui doit être interrogé au préalable
est hors du ressort de la Cour, temporairement ou d'une façon
permanente, la Cour pourra ordonner, ou les parties pourront
convenir, que l'interrogatoire préalable soit tenu à un endroit,
et de telle manière, qui sera considérée comme juste et
convenable.
Dans l'affaire Lido Industrial Products Limited c.
Teledyne Industries, Inc. et autre', le. juge en chef
Jackett rendant la décision de la Cour d'appel
fédérale a déclaré aux pages 313 et 314 C.F.,
pages 3 et 4 C.P.R.:
La Règle 465 prévoit également (Règle 465(5)) une procé-
dure rangée sous le vocable d'interrogatoire préalable mais qui
ne s'accorde pas avec l'acception commune de cette expression.
Il ne s'agit pas d'un interrogatoire préalable d'une partie par
une autre, mais d'un interrogatoire, antérieur au procès, d'un
témoin potentiel, et la seule personne susceptible d'être interro-
gée est le cédant d'un droit qui fait l'objet du litige, cette
personne étant susceptible d'être interrogée qu'elle soit ou non
un membre de la direction ou un employé de la partie adverse.
La comparution de la personne assujettie à l'interrogatoire
prévu à la Règle 465(5) est assurée par subpoena (Règle
465(9)); dans ces conditions, cette personne n'est pas soumise
au contrôle de la partie adverse et elle ne risque pas de voir sa
défense radiée ou sa demande rejetée pour défaut ou pour refus
de répondre ainsi qu'elle en est requise. (Règle 465(20).) Il est
à croire qu'aux termes de la Règle 465(12), la Cour peut
autoriser un tel interrogatoire à l'extérieur du Canada, mais
nulle disposition des Règles n'habilite la Cour à ordonner à une
' [1979] 1 C.F. 310; 41 C.P.R. (2d) 1 (C.A.).
telle personne de comparaître, que ce soit à l'intérieur ou à
l'extérieur du Canada; un tel pouvoir est exclu si l'on tient
compte du fait que le subpoena s'applique à l'intérieur du
Canada et que la Cour ne peut rendre des ordonnances ou
autres moyens de contrainte exécutoires à l'extérieur de son
ressort territorial. (Voir McGuire c. McGuire [1953] O.R.
328.) En d'autres termes, dans le contexte de la Règle 465, la
portée de la Règle 465(5) est implicitement restreinte en ce
sens qu'elle ne s'applique pas au cas où la personne à interroger
se trouve à l'extérieur du Canada et ne peut faire l'objet d'un
subpoena émanant d'un tribunal canadien.
Dans l'affaire Sternson Limited c. CC Chemicals
Limited 2 , le juge Ryan, rendant le jugement de la
Cour d'appel fédérale, a déclaré à la page 359
C.F., page 84 D.L.R.:
Il est vrai que, pour les motifs donnés dans l'arrêt Lido, la
Division de première instance de la Cour fédérale n'aurait pu
ordonner l'interrogatoire préalable de M. Rehmar. Il en est
ainsi parce que, et seulement parce que, M. Rehmar ne serait
pas soumis à un subpoena délivré au Canada. Je ne vois
cependant pas en quoi cela empêche l'appelante de se présenter
devant un tribunal américain ayant juridiction sur M. Rehmar
pour obtenir, en vertu de la loi américaine applicable, le genre
d'ordonnance qu'elle pourrait obtenir de la Cour fédérale si M.
Rehmar, le cédant du brevet, se trouvait au Canada. La
procédure à laquelle on a eu recours à l'étranger est une
procédure admissible dans l'action dont la Cour fédérale est
saisie en ce qui concerne un cédant à qui il est possible de faire
une signification au Canada. L'interrogatoire intervenu à
l'étranger n'est évidemment pas celui prévu à la Règle 465.
Cela ne signifie cependant pas qu'il soit interdit d'y procéder.
Il s'agit précisément de la procédure que les défen-
deresses ont très correctement tenté d'utiliser en
l'espèce.
Dans l'affaire Procycle, Inc. et autre c. Deflec-
taire Corporation et autre', le juge Marceau a
mentionné ces deux jugements en rejetant une
injonction qui visait à interdire à l'un des défen-
deurs de recueillir la déposition de l'inventeur aux
États-Unis. À la page 157 du jugement, il déclare:
Au reste, la Cour ne saurait intervenir dans l'exercice par l'un
de ses justiciables d'un droit que celui-ci pourrait avoir aux
États-Unis. Il paraît clair qu'il n'existe, en vertu des règles de
notre juridiction, aucun droit d'interroger au préalable
M. Hersh qui puisse fournir un fondement à l'ordonnance de la
Cour de district des États-Unis et la question demeure de savoir
quel usage les défendeurs pourront faire de l'interrogatoire lors
de l'instruction de l'action. Mais cela devra être décidé en
temps opportun. Pour l'instant je ne vois aucune raison, ni
même aucune possibilité en vérité, pour notre juridiction de
s'immiscer dans les voies de droit d'une juridiction américaine
et de dicter aux avocats le mode de présentation d'une requête
qu'ils pourraient lui soumettre.
Les défenderesses font valoir le principe selon
lequel les parties ont droit à un interrogatoire
2 [1982] 1 C.F. 350; 124 D.L.R. (3d) 76 (C.A.).
3 (1981), 58 C.P.R. (2d) 153 (C.F. 1« inst.).
entier et complet. Ce principe ne règle pas le
problème de savoir comment et où M. Maurer
pourrait être interrogé en l'absence de consente-
ment en raison d'une ordonnance qui pourrait être
rendue par la présente Cour. On a fait mention
de l'affaire Textron Canada Limited c. Rodi &
Wienenberger Aktiengesellschaft 4 dans laquelle
le juge Kerr, en traitant de la Règle 465(12), a
refusé de faire des conjectures sur la possibilité
que les cédants qui n'étaient pas des résidents ne se
présentent pas à l'interrogatoire, ou sur le recours
dont disposerait la demanderesse s'ils ne se présen-
taient pas. Avant de rendre une ordonnance pré-
voyant l'interrogatoire préalable des cédants au
Japon et en Allemagne, le juge a voulu être con-
vaincu qu'il y aurait une probabilité raisonnable
qu'elle soit applicable en vertu des lois de ces pays
et par conséquent a différé le jugement d'un mois
afin de permettre à l'avocat de se renseigner à ce
sujet. L'avocat des défenderesses établit une dis
tinction en soulignant que dans cette affaire les
cédants n'étaient pas des employés des parties qui
devaient être interrogées, alors que M. Maurer est
un employé de la demanderesse, et que la deman-
deresse elle-même a tenté d'empêcher l'interroga-
toire aux États-Unis. En effet, son avocat a agi au
nom de M. Maurer pour tenter de faire annuler le
subpoena relatif à l'interrogatoire.
Dans l'affaire Xerox of Canada Limited et
autre c. IBM Canada Limitées, le juge Heald
mentionne ce jugement du juge Kerr dans une
action où la défenderesse désirait interroger au
préalable dix-huit inventeurs dont douze étaient
des employés de la société Xerox aux États-Unis.
Des affidavits contradictoires ont été présentés en
ce qui a trait à l'application par les tribunaux
américains d'une ordonnance provenant d'une cour
canadienne. La demande a été rejetée, la Cour
n'étant pas convaincue qu'il y avait une probabilité
raisonnable que l'ordonnance de la Cour prévoyant
l'interrogatoire soit appliquée. Cette décision a été
maintenue par la Cour d'appel [IBM Canada
Limitée c. Xerox of Canada Limited et autre,
[1976] 2 C.F. 781].
L'avocat des défenderesses soutient que cette
affaire est différente de l'arrêt Lido et des autres
affaires, car il est manifeste que la Cour est com-
pétente à l'égard de la demanderesse et que c'est la
4 [1973] C.F. 667; 10 C.P.R. (2d) 9 (1" inst.).
5 [1976] 1 C.F. 213; 24 C.P.R. (2d) 175 (1' inst.).
demanderesse elle-même qui cherche à éviter l'in-
terrogatoire de M. Maurer.
L'avocat des défenderesses soutient en outre que
la demande d'annulation du subpoena aux États-
Unis est fondée sur le fait qu'une cour canadienne
ne l'aurait pas délivré même s'il avait été un
résident. De toute évidence, cet argument est
erroné puisqu'il est possible en l'espèce d'invoquer
le paragraphe (19) de la Règle 465, et qu'en outre,
il est déclaré dans l'affaire Sternson, aux pages
357 et 358 C.F., et à la page 83 D.L.R.: «En vertu
de nos Règles, un tel interrogatoire est toutefois
permis lorsqu'il s'agit d'une partie adverse et d'une
partie dans la situation de celle que l'on cherche à
interroger dans la présente cause, soit le cédant de
l'invention. Il ne fait aucun doute que M. Rehmar
ne peut être soumis à l'interrogatoire prévu à la
Règle 465(5) parce qu'il se trouve hors du ressort
du tribunal. Mais il pourrait l'être s'il se trouvait
au Canada.» [C'est moi qui souligne.] L'avocat
soutient que si la Cour délivrait une ordonnance
autorisant les défenderesses à signifier une convo
cation pour un interrogatoire préalable à Toronto,
cette mesure, que cependant la Cour ne pourrait
rendre exécutoire permettrait toutefois d'empêcher
la demanderesse de tenter de faire annuler aux
États-Unis le subpoena relatif à l'interrogatoire de
M. Maurer. Je ne crois pas que c'est une raison
suffisante pour rendre une telle ordonnance. L'an-
nulation du subpoena relatif à l'interrogatoire de
M. Maurer aux Etats-Unis est une question qui
relève de la compétence exclusive des tribunaux
des États-Unis et il ne devrait pas être difficile
d'établir le droit canadien devant ces tribunaux de
la façon habituelle, si en fait il s'agit du seul
argument que plaide la demanderesse pour faire
annuler le subpoena.
L'avocat de la demanderesse souligne que les
défenderesses ont obtenu une ordonnance relative
au subpoena le 7 avril 1983, avant la fin de
l'interrogatoire de M. Schultz ou avant qu'on ne
lui ait posé des questions sur ce que savait M.
Maurer, mais que le subpoena n'a pas été signifié
avant le mois d'octobre. En septembre 1983, lors-
que la date de l'audition a été fixée au 16 janvier
1984, M. Schultz ayant fait ce qu'il s'était engagé
à faire, les défenderesses n'ont nullement exprimé
leur intention d'interroger M. Maurer. L'avocat
déclare que ce manque de franchise constitue un
abus des procédures de la Cour et que la demande
concernant l'interrogatoire de M. Maurer a pour
but de retarder l'instruction.
L'avocat des défenderesses pour sa part déclare
qu'elles auraient pu être averties en octobre qu'il y
aurait contestation de l'interrogatoire de M.
Maurer aux États-Unis. Elles auraient pu éviter
ainsi un voyage inutile à Rochester. Cette Cour n'a
pas l'intention de faire des reproches à l'une ou
l'autre partie, mais il est essentiel que l'instruction
de l'affaire ne soit pas retardée. Si les défenderes-
ses croient toujours que l'interrogatoire de M.
Maurer est nécessaire, elles devront prendre les
mesures qu'elles considèrent appropriées aux
États-Unis pour obtenir le plus tôt possible l'audi-
tion de la requête de M. Maurer en annulation du
subpoena. Cette question devrait être tranchée aux
États-Unis et il n'est pas souhaitable que cette
Cour délivre une convocation. Vu la position que
M. Maurer a adoptée aux États-Unis pour contes-
ter son interrogatoire, il est peu probable qu'il se
rende au Canada, même si on lui offre les frais de
déplacement pour un tel interrogatoire.
En ce qui concerne l'argument des défenderesses
selon lequel les affaires Lido et Xerox ne s'appli-
quent pas puisque la personne à interroger est
également un employé de la demanderesse car elle
est assujettie au contrôle de celle-ci, cet argument
ne serait valide que si la Cour devait invoquer le
paragraphe (19) de la Règle 465 et ordonner un
autre examen préalable et, même dans ce cas, il
n'est pas certain qu'une telle ordonnance serait
efficace. De plus, dans les affaires Lido et Xerox,
les parties qui devaient être interrogées étaient non
seulement des cédants ou des inventeurs mais éga-
lement des employés de la partie, comme en l'es-
pèce; ce motif ne peut donc être invoqué pour
établir une distinction avec ces jugements.
Les défenderesses disent que la sanction prévue
au paragraphe (20) de la Règle 465 pourrait être
appliquée si la personne à interroger omettait de se
rendre au Canada et que l'action doit être rejetée
pour ce motif; cet argument ne semble pas applica
ble, compte tenu des circonstances et de la
jurisprudence.
Par conséquent, la requête des défenderesses est
rejetée avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.