A-352-81
Affaire intéressant un appel qu'a formé Bell
Canada contre une décision rendue le 9 mars 1981
(Décision Telecom. CRTC 81-5) par le Conseil de
la radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes
Cour d'appel, juges Urie et Ryan, juge suppléant
Kelly—Toronto, 29 et 30 novembre 1982; Ottawa,
31 mars 1983.
Pratique — Frais et dépens — Adjudication des frais à des
intervenants â une audience relative à une requête en majora-
tion tarifaire générale tenue par le CRTC — L'art. 73 de la
Loi nationale sur les transports autorise l'adjudication des
frais — Avocat recevant une provision pour honoraires — Le
coût des services fournis par cet avocat constitue-t-il des
«frais» au sens de l'art. 73? — Cet avocat se trouve-t-il dans
la même situation qu'un employé salarié? — Un intervenant
a-t-il droit aux frais lorsqu'il est représenté par un avocat
engagé par une partie étrangère à l'instance? — Il est allégué
que le terme «frais» comporte l'idée d'indemnisation des
dépenses engagées — Les requêtes en majoration tarifaire
diffèrent d'un litige — II n'y a pas de litige entre la requérante
et les intervenants — Il convient peut-être d'obliger une partie
à indemniser certains participants — Le Conseil n'est pas tenu
de suivre les mêmes règles que celles utilisées dans un litige —
Le terme «frais» employé à l'art. 73 comporte effectivement
l'idée d'indemnisation des dépenses engagées — Le Conseil
aurait commis une erreur s'il avait rejeté le concept — L'adju-
dication des frais en l'espèce ne va pas à l'encontre du principe
de l'indemnisation — Il n'a pas été établi que les frais adjugés
étaient plus que compensatoires — Application du jugement
rendu par le lord juge Russell dans In re Eastwood, [1975] 1
Ch. 112 (C.A. Angl.) — Il n'a pas été établi que les rapports
avec l'avocat engagé sur la base d'une «provision pour hono-
raires» sont les mêmes que ceux existant entre une partie et un
avocat-employé — On n'a pas rapporté la preuve que l'avocat
s'était engagé à ne pas se faire payer, à quelque stade que ce
soit, par les intervenants — Le raisonnement adopté dans
l'affaire Armand v. Carr, et al., /1927] R.C.S. 348, s'applique
encore davantage à une procédure telle une audience de fixa
tion de tarifs — L'art. 73 confère au Conseil un large pouvoir
discrétionnaire quant aux frais — On peut soutenir que le
Conseil pourrait adjuger des frais à un intervenant produisant
des éléments de preuve utiles même si l'intervenant n'est pas
lié par contrat — Appel rejeté — Loi nationale sur les
transports, S.R.C. 1970, chap. N-17, art. 43, 64(2) et (5)
(abrogés et remplacés par S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10,
art. 65 (Item 32)), 73 — Loi sur les chemins de fer, S.R.C.
1970, chap. R-2, art. 2(1).
Télécommunications — Frais adjugés à des intervenants à
une audience relative à une requête en majoration tarifaire
générale tenue par le CRTC — Le Centre pour la promotion
de l'intérêt public, qui n'y est pas partie, a fourni un avocat —
Les dépenses engagées pour retenir les services d'un tel avocat
constituent-elles des «frais» au sens de l'art. 73 de la Loi
nationale sur les transports? — Les requêtes en majoration
tarifaire diffèrent d'un procès civil — Il n'existe aucun litige
entre la requérante et les intervenants — Il convient peut-être
d'obliger une partie à indemniser certains participants — Le
terme «frais» employé à l'art. 73 comporte l'idée d'indemnisa-
tion des dépenses engagées — Le Conseil aurait commis une
erreur s'il avait rejeté le concept — Le principe de l'indemni-
sation a été respecté — Le raisonnement adopté par la Cour
suprême du Canada dans l'arrêt Armand v. Carr s'applique
encore davantage à une procédure telle une audience de fixa
tion de tarifs — L'art. 73 confère au Conseil un large pouvoir
discrétionnaire quant aux frais — On peut soutenir que le
Conseil pourrait adjuger des frais lorsqu'il y a production
d'éléments de preuve utiles même si l'intervenant n'est pas lié
par contrat — Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970,
chap. N-17, art. 73.
Bell Canada a soumis au Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes une requête en majoration
tarifaire générale. Plusieurs parties sont intervenues, notam-
ment l'Association des consommateurs du Canada («l'ACC») et
l'Organisation nationale anti -pauvreté («l'ONAP»), et une
audience a été tenue. Il en est résulté la décision CRTC 78-7.
Dans cette décision, le Conseil a non seulement statué sur la
requête de Bell, mais il a aussi visé à exercer son pouvoir
discrétionnaire sous le régime de l'article 73 de la Loi nationale
sur les transports en adjugeant les frais à l'ACC et à l'ONAP.
Les frais adjugés à l'ACC ont par la suite été augmentés par la
décision CRTC 80-1. Conformément à ces adjudications, un
agent taxateur a rendu l'ordonnance de taxation 1980-1, dont
Bell a fait appel devant le Conseil.
Les frais adjugés à l'ACC se rapportaient à des services
juridiques fournis par l'avocat de l'ACC. Ce dernier recevait de
l'ACC une provision pour honoraires; par conséquent, il était,
selon Bell, dans la même position que celle d'un avocat qui est
un employé de son client et qui reçoit un salaire pour tous les
services juridiques qu'il fournit au cours de la période d'emploi.
Aucune partie de la provision ne pouvait être attribuée au
travail de l'avocat dans ce cas particulier. Il aurait reçu le
même paiement de l'ACC même si celle-ci n'était pas interve-
nue. Aussi ses efforts dans l'intervention n'ont-ils pas entraîné
de frais additionnels pour l'ACC.
Dans les circonstances, on a fait valoir que les frais adjugés à
l'ACC n'étaient pas des «frais» au sens de l'article 73. Bell a
soutenu que l'article 73 doit être considéré comme se rappor-
tant uniquement aux frais qui pourraient être adjugés dans une
action civile devant les tribunaux, et que ces frais constituent
une indemnisation des dépenses véritablement engagées dans
une procédure.
Bell a cherché à interpréter l'article 73 de la même manière à
l'encontre de l'ONAP, à qui les frais avaient été adjugés tant
pour des services juridiques que pour des débours. Aux fins de
l'affaire relative à la tarification, l'ONAP et les autres interve-
nants ont recouru aux services du Centre pour la promotion de
l'intérêt public («CPIP»), un organisme sans but lucratif. M.
Roman, l'avocat qui représentait l'ONAP relativement à l'au-
dience, recevait réellement du CPIP une provision pour hono-
raires. L'accord intervenu entre le CPIP et les intervenants
n'imposait à ces derniers aucune obligation déterminée de
payer les services du CPIP ou de Roman, bien que l'agent
taxateur ait conclu que l'ONAP et les autres peuvent avoir
conclu avec Roman une entente en vertu de laquelle, en cas
d'adjudication des frais, le montant serait remis au CPIP. La
plupart, sinon la totalité, des débours relatifs à l'intervention de
l'ONAP ont en fait été engagés par le CPIP. Bell a soutenu que
l'ONAP n'avait ni défrayé les coûts pour les services juridiques
ni engagé de débours. Elle n'était pas non plus légalement tenue
de le faire. Par conséquent, l'ONAP n'a pas réellement engagé
de dépenses et une indemnisation au moyen d'une adjudication
des «frais» ne saurait être ordonnée. Quant au CPIP lui-même,
Bell a souligné qu'il n'était pas un intervenant et que les frais
ne lui avaient pas été adjugés.
Le Conseil a rejeté l'appel de Bell; par la suite, Bell a
interjeté appel du rejet.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
Le juge Ryan (avec l'appui du juge suppléant Kelly): Toute
adjudication des frais sous le régime de l'article 73 doit com-
porter, à titre d'élément essentiel, l'idée d'indemnisation, et le
Conseil aurait commis une erreur s'il avait voulu rejeter cette
proposition. Il se peut que le Conseil ait voulu seulement mettre
en question le bien-fondé de l'interprétation particulière du
principe de l'indemnisation élaboré par les tribunaux, et il est
juste de dire que, dans la fixation des frais dans une procédure
de tarification, le Conseil n'est pas tenu de suivre exactement
les mêmes règles que celles qui s'appliquent dans les procédures
judiciaires. L'arrêt rendu dans Re Bell Canada et décision
Telecom. CRTC 79-5 qui, en tout cas, a trait à un litige très
différent de celui de l'espèce, ne constitue pas un précédent
pour imposer, de cette manière, des restrictions au Conseil. Il
existe d'importantes différences entre les procédures judiciaires
et celles du Conseil, et il faut tenir compte de ces différences.
De plus, même si le Conseil considérait effectivement le prin-
cipe de l'indemnisation comme n'étant pas un élément essentiel
dans une adjudication fondée sur l'article 73, cette erreur serait
sans importance, dans la mesure où ce principe n'a pas en fait
été enfreint par les adjudications faites.
En ce qui concerne l'ACC, le dossier n'est pas clair au sujet
des conditions du mandat de l'avocat. Toutefois, la décision
rendue par la Cour d'appel anglaise dans Re Eastwood affirme
que même devant les tribunaux, et même lorsqu'un avocat est
salarié, ce n'est pas une erreur de taxer les frais d'avocat
comme s'il s'agissait d'un avocat indépendant; il y est égale-
ment décidé que les frais taxés ne doivent pas, en général, être
plus qu'une indemnité accordée à la partie représentée par
l'avocat qui reçoit un salaire de celle-ci. Ces conclusions s'appli-
queraient davantage lorsque l'avocat reçoit une provision pour
honoraires. En ce qui concerne les frais adjugés par l'ACC, il y
aurait une erreur susceptible de contrôle uniquement s'il y avait
la preuve que l'adjudication constitue plus qu'une indemnité,
mais Bell n'a même pas tenté d'établir cela. Qui plus est, le fait
pour l'avocat de s'occuper de la requête en majoration tarifaire
présentée par Bell l'a rendu indisponible pour fournir d'autres
services à l'ACC.
Pouls ce qui est des frais adjugés à l'ONAP, il faut tenir
compte de l'arrêt Armand v. Carr rendu par la Cour suprême
du Canada. Conformément à ce précédent, il conviendrait de
refuser à l'ONAP les frais pour les services juridiques seule-
ment s'il y avait un accord exécutoire selon lequel, en aucun
cas, Roman ne se ferait payer ses honoraires par les interve-
nants. L'agent taxateur n'a tiré aucune conclusion expresse de
fait selon laquelle une entente de ce genre existait. La preuve
n'étaie pas non plus une telle conclusion. Par conséquent, le fait
que le nom de Roman ait figuré au dossier à titre d'avocat de
l'ONAP et des autres doit être considéré comme imposant aux
intervenants l'obligation de payer le coût raisonnable de ses
services. Et puisque, compte tenu de l'affaire Armand, l'adjudi-
cation relative à des services juridiques n'aurait pas constitué
une erreur de droit même dans un procès civil, incontestable-
ment il en est de même dans la présente procédure de tarifica-
tion, étant donné le large pouvoir discrétionnaire que le Conseil
tient de l'article 73.
Bien que les débours pour lesquels l'ONAP a obtenu les frais
aient été réellement engagés par le CPIP, il ne s'ensuit pas
nécessairement que, aux fins de la taxation, ces débours
n'étaient pas les frais de l'ONAP. Ce ne serait pas une erreur
de droit que d'adjuger à l'ONAP les frais à l'égard de ces
débours, faute de preuve que l'ONAP n'était pas tenue, même
éventuellement, à ces dépenses.
Même si un intervenant particulier (tel que l'ONAP) n'était
pas légalement tenu de payer pour les dépenses, on peut
soutenir que le Conseil a quand même le pouvoir d'adjuger des
frais à cet intervenant. Ce pourrait être le cas si l'intervenant a
fait une contribution utile au travail du Conseil, du moins
lorsque, dans les faits, il est également probable que les frais
adjugés seraient destinés à indemniser la personne qui a engagé
les dépenses.
Le juge Urie: Dans les procédures devant un tribunal admi-
nistratif, notamment celles auxquelles s'applique l'article 73, on
n'a pas à attribuer au terme «frais» le sens qu'il a dans les
procédures judiciaires où, en général, il comporte l'idée d'in-
demnisation pour un plaideur qui a gain de cause. La question
de savoir si un intervenant ou une autre partie a engagé des
dépenses pour comparaître devant un tribunal est un facteur
qui peut être pris en considération pour décider si la partie a
droit à des frais. Toutefois, il ne s'agit pas d'un facteur unique
ni d'un facteur nécessaire. Une audience de fixation de tarifs ne
comporte pas de litige. Son but est d'obtenir des réactions
significatives des parties intéressées, qui peuvent, dans un cas
donné, contribuer à la compréhension par le Conseil des ques
tions dont il est saisi sans avoir engagé de dépenses réelles,
mesurables. Ces contributions devraient être encouragées et
récompensées, et cela ne peut se faire si les frais ne doivent être
adjugés qu'à titre d'indemnisation des dépenses réellement
engagées. L'article 73 autorise ainsi le Conseil à exercer son
pouvoir discrétionnaire quant aux principes applicables et aux
facteurs à prendre en considération dans l'adjudication.
L'arrêt Re Bell Canada et décision Telecom. CRTC 79-5
n'empêche pas le Conseil d'adjuger des frais à un participant
qui n'a pas engagé de véritables dépenses. En tout cas, les
remarques faites dans cette affaire-là devraient être restreintes
à la question particulière y discutée, surtout lorsque d'autres
cours d'appel, examinant des lois qui portent sur des sujets et
qui comportent des termes semblables à ceux de la Loi natio-
nale sur les transports, ont préconisé que le droit à des frais n'a
pas à être lié au principe de l'indemnisation.
On ne saurait donc dire que le Conseil, en rejetant l'appel, a
abusivement exercé son pouvoir discrétionnaire en appliquant
un principe erroné.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
In re Eastwood, [1975] 1 Ch. 112 (C.A. Angl.); Armand
v. Carr, et al., [1927] R.C.S. 348; Re Green, Michaels &
Associates Ltd. et al. and Public Utilities Board (1979),
94 D.L.R. (3d) 641 (C.A. Alb.); Newfoundland &
Labrador Hydro v. Newfoundland & Labrador Federa
tion of Municipalities (1980), 24 Nfld. & P.E.I.R. 317;
65 A.P.R. 317 (C.A.T.-N.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Re Bell Canada et décision Telecom. CRTC 79-5,
[1982] 2 C.F. 681; 41 N.R. 221 (C.A.).
AVOCATS:
B. Courtois et D. C. Kidd pour Bell Canada.
G. MacKenzie et G. van Koughnett pour le
Conseil de la radiodiffusion et des télécommu-
nications canadiennes.
J. J. Robinette, c.r. et M. Wolpert pour l'Or-
ganisation nationale anti -pauvreté, Inuit
Tapirisat du Canada, Tagramiut Nipingat
Inc. et S. A. Rowan.
K. J. MacDonald pour l'Association des con-
sommateurs du Canada.
PROCUREURS:
E. E. Saunders, c.r., Hull (Québec), pour Bell
Canada.
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour
le Conseil de la radiodiffusion et des télécom-
munications canadiennes.
Le Centre pour la promotion de l'intérêt
public, Ottawa, pour l'Organisation nationale
anti -pauvreté, Inuit Tapirisat du Canada,
Tagramiut Nipingat Inc. et S. A. Rowan.
K. J. MacDonald pour l'Association des con-
sommateurs du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: J'ai pris connaissance des motifs
du jugement du juge Ryan. Bien que je sois d'ac-
cord avec lui sur sa proposition de rejeter l'appel,
je ne puis souscrire au raisonnement par lequel il
est arrivé à ce résultat. C'est la raison pour
laquelle je dois motiver brièvement la conclusion à
laquelle je suis parvenu.
Dans ses motifs, le juge Ryan a exposé les faits
et les dispositions législatives pertinentes. Je ne les
répéterai donc pas, sauf dans la mesure où cela est
nécessaire à l'articulation de mes propos.
L'adjudication des- frais, que ce soit dans une
procédure judiciaire ou devant un tribunal admi-
nistratif ou autre, et à l'exception de quelque loi,
règle ou règlement prévoyant le contraire, relève
du pouvoir discrétionnaire de la cour ou du tribu
nal. La Loi nationale sur les transports, S.R.C.
1970, chap. N-17 («la Loi»), dans son article 73',
donne au Conseil de la radiodiffusion [et des télé-
communications] canadiennes («le Conseil») un
pouvoir discrétionnaire relativement aux frais dans
une procédure devant lui. Comme l'a souligné mon
collègue le juge Ryan, l'article 43 de la Loi prévoit
que les mots et expressions de cette Loi ont la
même signification que dans la Loi sur les chemins
de fer [S.R.C. 1970, chap. R-2]. Dans celle-ci, il
est prévu à l'article 2 que «"frais" comprend les
émoluments, honoraires et déboursés de procu-
reur».
La question principale qui se pose dans le pré-
sent appel est de savoir si le sens à donner au mot
tel qu'il figure dans la Loi devrait être celui qu'on
lui attribue dans les procédures judiciaires ordinai-
res où, en général, l'adjudication des frais vise à
indemniser ou dédommager une partie des frais
réels que lui a causés le litige dans lequel elle a été
impliquée et où elle a eu gain de cause. À mon
avis, cette interprétation n'est pas nécessairement
applicable dans le cas de procédures devant les
tribunaux administratifs.
J'emploie le mot «nécessairement» parce que je
suis certain que la question de savoir si la partie a,
pour comparaître devant le tribunal, engagé des
dépenses est un facteur qui peut être pris en
considération par le tribunal pour déterminer si
une partie comparaissant devant lui doit avoir
droit à des frais. Toutefois, il ne s'agit pas, à mon
avis, d'un facteur unique, ni d'un facteur néces-
saire. Comme il a été dit à d'autres occasions, les
procédures devant le Conseil, dans une audience de
fixation de tarif, ne sont pas de nature contradic-
toire; il n'y a pas de lis inter partes. Le but d'une
' 73. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi, les frais
qu'entraîne une procédure exercée devant la Commission sont
laissés à la discrétion de la Commission, et peuvent, dans tous
les cas, être fixés à une somme déterminée ou entrer en taxe.
(2) La Commission peut ordonner par qui et à qui les frais
doivent être payés, et par qui ils doivent être taxés et alloués.
(3) La Commission peut établir un tarif d'après lequel ces
frais doivent être taxés.
audience dans une telle procédure est d'obtenir des
parties intéressées qui sont touchées par la fixation
de tarif, des réactions significatives, qu'elles soient
défavorables ou favorables. Que ces parties aient
ou non engagé des dépenses réelles et mesurables,
telles des honoraires d'avocats par exemple, pour
participer activement aux procédures, elles auront
pourtant contribué, d'une façon très efficace, à une
meilleure compréhension par le Conseil de certains
des problèmes que pose le système tarifaire pro-
jeté. Ces contributions à une meilleure compréhen-
sion des questions devraient, à mon avis, être
encouragées et récompensées. S'il en est ainsi, il
est évident qu'un tel encouragement ne saurait être
basé uniquement sur l'indemnisation des frais réel-
lement engagés. C'est ici qu'intervient l'exercice,
de l'une des façons visées à l'article 73, du pouvoir
discrétionnaire du Conseil quant à savoir qui
mérite une adjudication des frais et quant aux
éléments à prendre en considération et aux princi-
pes à appliquer dans l'adjudication.
Il existe une jurisprudence sur cette façon
d'aborder le principe applicable. Je ne citerai que
deux causes. Chacune énonce le principe de façon
succincte et d'une façon que j'adopte. La première
est une décision de la Cour d'appel de l'Alberta
découlant d'une adjudication des frais par le
Public Utilities Board dans une audience portant
sur une fixation de tarifs. Il s'agit de l'affaire Re
Green, Michaels & Associates Ltd. et al. and
Public Utilities Board 2 , où, aux pages 655 et 656
du recueil, le juge d'appel Clement énonce la
question de la façon suivante:
[TRADUCTION] Dans leur mémoire, les appelants citent un
certain nombre de causes portant sur le pouvoir discrétionnaire
que peuvent exercer les tribunaux en matière de dépens, ainsi
que des exposés faits dans des ouvrages sur le sujet. Je ne les
trouve pas suffisamment appropriés pour en discuter. L'attribu-
tion de ces frais est influencée par des Règles de la Cour qui,
dans certains cas, donnent des tarifs globaux, et qui, en tout
état de cause, visent des lis inter partes. En l'espèce, il s'agit de
frais d'audiences publiques, sur une question d'intérêt public. Il
n'existe pas de similarité fondamentale entre les deux procédu-
res, ou leurs buts, pour permettre aux principes qui sont à la
base de l'adjudication des frais de procès entre les parties de
s'appliquer nécessairement aux audiences publiques relatives à
des questions d'intérêt public. Dans ce dernier cas, on doit tenir
compte de toutes les circonstances, et pas seulement de la
situation de la partie qui a engagé des dépenses pour faire
valoir un droit.
2 (1979), 94 D.L.R. (3d) 641 [C.A. Alb.].
La deuxième affaire dont je vais parler est une
décision qu'a rendue la Cour d'appel de Terre-
Neuve à la suite d'une audience de fixation de tarif
tenue devant le Board of Commissioners of Public
Utilities (Conseil), à laquelle a participé la New-
foundland & Labrador Federation of Municipali
ties et où le Conseil a condamné le service public à
payer les frais de la Fédération. Le juge d'appel
Gushue, en son nom et en celui du juge d'appel
Morgan, dans l'affaire Newfoundland & Labrador
Hydro v. Newfoundland & Labrador Federation
of Municipalities 3 , dit ceci aux pages 325 et 326
du recueil [Nfld. & P.E.I.R.]:
[TRADUCTION] La même constatation s'applique au dernier
moyen d'appel. Le paragraphe 14(1) dit clairement que «le
montant des frais peut être fixé à une somme déterminée ou les
frais peuvent être taxés et le Conseil peut ordonner par qui ils
doivent être taxés ... et le Conseil peut établir un tarif d'après
lequel ces frais doivent être taxés». L'énoncé est clair, non
équivoque et susceptible d'une seule interprétation. La façon
dont les frais sont fixés et adjugés est une question qui relève
strictement du pouvoir discrétionnaire et de la compétence du
Conseil, et cette Cour n'a pas compétence pour s'immiscer dans
l'exercice de ce pouvoir, à moins, bien entendu, que ce dernier
ne soit abusivement exercé. Le fait qu'un plaideur dans une
procédure judiciaire soit soumis à diverses règles portant sur les
frais n'est pas pertinent en l'espèce. Il se peut que dans le futur
(s'il ne l'a pas déjà fait), le Conseil constate qu'il est souhaita-
ble d'établir des règles, règlements et des tarifs obligatoires
relativement à l'adjudication des frais et d'exiger la taxation
des mémoires de frais, mais, encore une fois, cela relève du seul
pouvoir discrétionnaire du Conseil et, étant donné la Loi
actuelle, cela ne saurait être ordonné par la Cour ni aucun
autre organisme, sauf la législature provinciale.
En bref, le Conseil a incontestablement le droit d'exercer les
pouvoirs particuliers que lui confère la Loi. Lorsque, comme en
l'espèce, des pouvoirs discrétionnaires lui sont également attri-
bués, cette Cour ne peut intervenir à moins qu'on ne démontre
que le Conseil s'est fondé sur un principe manifestement erroné
ou a exercé ce pouvoir discrétionnaire pour une fin irrégulière.
Or, à mon avis, on n'a démontré rien de tel en l'espèce.
Compte tenu des remarques du juge d'appel
Gushue, il est intéressant de noter que le Conseil
avait, en effet, antérieurement à l'émission de l'or-
donnance de taxation par l'agent taxateur en l'es-
pèce, établi des règles pour l'adjudication des frais
relatifs à l'audition d'une requête en majoration
tarifaire générale. Ces règles n'étaient pas en
vigueur au moment où le Conseil a rendu la déci-
sion d'adjuger les frais à l'Association des consom-
mateurs du Canada («l'ACC») et à l'Organisation
nationale anti -pauvreté («l'ONAP»), mais un
(1980), 24 Nfld. & P.E.I.R. 317; 65 A.P.R. 317
[C.A.T.-N.].
projet de ces règles avait été mis en circulation, et
le Conseil a appliqué les critères établis dans ce
projet pour déterminer à quelles parties les frais
devaient être adjugés.
Toutefois, ce n'est pas cette décision, n° 78-7,
qui a été portée en appel. L'appel est plutôt formé
contre la décision 81-5 par laquelle le Conseil a
jugé que l'agent taxateur n'avait pas commis d'er-
reur de principe en ordonnant le remboursement
des honoraires d'avocat de l'ACC et des frais de
l'ONAP. En tirant cette conclusion, le Conseil a
fait la constatation suivante:
Le Conseil est d'avis qu'il ne serait pas approprié d'appliquer le
principe de l'indemnisation sur lequel Bell se fonde dans ses
procédures de réglementation. Il pense que l'objectif premier de
telles indemnisations est d'encourager une participation éclairée
du public à ses procédures. Or, les groupes d'intérêt public ne
pourraient pas se spécialiser dans les questions réglementées si,
pour avoir droit au remboursement des frais, ils devaient retenir
des avocats comme cela se fait dans le cas des affaires portées
devant les tribunaux en droit civil. Par ailleurs, il ne servirait à
rien d'obliger les groupes d'intérêt public à arranger leurs
affaires artificiellement au moyen, par exemple, de prêts-sub-
ventions ou de comptes d'indemnités afin de contourner une
interprétation restrictive du mot «frais».
À mon avis, cette constatation développe le
point de vue du Conseil quant aux principes appro-
priés à appliquer en matière d'adjudication des
frais à la suite d'auditions de requêtes en majora-
tion tarifaire tels qu'ils sont exposés dans la déci-
sion 78-7. Compte tenu du droit applicable, cette
Cour ne se serait pas immiscée dans cet exercice
du pouvoir discrétionnaire du Conseil à moins
d'être persuadée que ce dernier s'était appuyé sur
un principe erroné pour tirer sa conclusion. Nous
ne devrions pas non plus modifier sa décision dans
le présent appel formé contre la décision 81-5 qui,
en tant qu'expression de son point de vue sur le
caractère inopportun du principe de l'indemnisa-
tion dans l'adjudication des frais au cours de pro-
cédures de réglementation, constitue une extension
de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'ac-
corder des frais dans de telles procédures. Comme
je l'ai dit, je suis d'accord avec son point de vue
selon lequel, dans les procédures tenues devant le
Conseil, les «frais» n'ont pas à être simplement
compensatoires. Par conséquent, le Conseil n'a pas
commis d'erreur en rejetant l'appel formé contre la
décision de l'agent taxateur.
La question suivante à examiner est de savoir si
cette décision va à l'encontre de celle rendue par
cette Cour dans l'affaire Re Bell Canada et déci-
sion Telecom. CRTC 79-5 4 , et ne saurait donc
être confirmée.
Dans cette affaire, la seule question à trancher
par la Cour était de savoir si les dispositions
législatives applicables étaient suffisamment larges
pour autoriser le Conseil à exiger de Bell Canada,
requérante en majoration tarifaire, qu'elle paye
une étude venant de l'extérieur et commandée par
le Conseil lui-même. La Cour a jugé que les frais
faits par le Conseil pour obtenir cette étude ne
pouvaient être imputés à la requérante en majora-
tion tarifaire. Comme l'a fait remarquer le juge
Ryan, le point litigieux dans cette affaire est,
évidemment, tout à fait différent de celui de l'es-
pèce. Selon moi, l'essentiel de cette décision se
trouve dans les deux dernières phrases du paragra-
phe suivant figurant [aux pages 687 et 688] du
recueil [C.F.]:
A mon avis, le terme «frais» qui apparaît à l'article 73 de la
Loi nationale sur les transports doit, comme le soutient l'appe-
lante, recevoir son acception juridique normale selon laquelle
les frais d'une instance sont les frais qu'engagent les parties à
cette instance et non les frais du tribunal qui en est saisi. (Voir:
Halsbury's Laws of England, troisième édition, Vol 11, p. 293;
Ballentine's Law Dictionary, p. 277; Black's Law Dictionary, p.
312; Jowitt's Dictionary of English Law, Vol. 1, p. 507;
Wharton's Law Lexicon, 13' édition, p. 230.) Je ne vois aucune
raison de lui donner une acception plus large. Le fait que la
plupart des termes dont on se sert à l'article 73 soient normale-
ment employés dans le cas de frais judiciaires me confirme dans
cette opinion. Je pense à ce membre de phrase: [TRADUCTION]
«les frais qu'entraînent toutes procédures» (que l'on retrouve à
l'article 50 de la Supreme Court of Judicature (Consolidation)
Act, 1925, d'Angleterre, 15 & 16 Geo. 5, c. 49), à cette
mention aussi que les frais peuvent être fixés à une somme
déterminée ou entrer en taxe et que le Conseil peut établir un
«tarif» (dans le texte anglais: «scale») des frais. Si l'interpréta-
tion contraire devait prévaloir, le Conseil aurait alors le droit de
forcer les compagnies d'utilités publiques que la Loi oblige à
comparaître devant lui à assumer une partie de ses frais. Cela,
à mon avis, serait contraire à l'économie générale de la Loi
nationale sur les transports selon laquelle les frais du Conseil
doivent être payés à même les fonds publics et non par les
compagnies d'utilités publiques qui relèvent de sa compétence.
[C'est moi qui souligne.]
Bien que les propos tenus dans la première
partie du passage cité semblent être tout à fait en
contradiction avec ma conclusion qu'on devrait
donner au terme «frais» employé à l'article 73 un
sens plus large que celui qu'on lui attribue devant
4 [[1982] 2 C.F. 681]; 41 N.R. 221 [C.A.].
les tribunaux, si on les rapproche des deux derniè-
res phrases qui portent clairement sur la question
restreinte soulevée devant la Cour dans cette
affaire, il n'existe réellement pas de contradiction
entre les deux conclusions. À mon avis, il est clair
que la question en l'espèce n'a pas du tout été
envisagée par la Cour dans l'autre affaire. Mon
point de vue se trouve étayé par le passage suivant
figurant à la page [687] du recueil [C.F.] et qui
est aussi contenu dans une citation faite dans les
motifs du juge Ryan:
De plus, même dans une instance manifestement non contradic-
toire, comme dans le cas des requêtes en approbation de tarifs,
il peut advenir que, comme dans un litige ordinaire, il paraisse
juste d'obliger une partie à l'instance à indemniser les autres
parties des frais engagés en raison de leur participation. [C'est
moi qui souligne.]
Dans ce passage, le juge Pratte a comparé les
pouvoirs du Conseil à ceux qu'a un tribunal d'in-
demniser un participant à une audience tenue
devant lui des dépenses que peut lui avoir occa-
sionnées cette participation. Cela ne signifie pas,
d'après mon interprétation du passage dans le
contexte de l'ensemble des motifs du juge Pratte,
que le Conseil ne peut adjuger de «frais», au sens
large, à un participant dont la contribution, de
l'avis du Conseil, lui a été utile dans son apprécia-
tion du bien-fondé de la demande, même si ce
participant n'avait engagé aucune dépense, ou très
peu.
En tout état de cause, ce qui est dit dans l'autre
affaire devrait, à mon avis, être restreint à la
question dont la Cour était alors saisie, savoir
l'obligation par un requérant de défrayer les frais
faits par le Conseil, pour son propre compte, pour
de l'aide obtenue aux fins de l'évaluation du bien-
fondé d'une demande tarifaire. On ne devrait pas
l'étendre à la question portée devant la Cour en
l'espèce, surtout lorsqu'il existe une jurisprudence
concluante provenant d'autres cours d'appel et
portant sur des lois in pari materia contenant à
peu près les mêmes termes que ceux qu'examine
cette Cour. Lorsqu'il n'existe pas de décision bien
définie de cette Cour sur le point en litige, comme
en l'espèce, cette Cour devrait tenir compte de
cette jurisprudence, et je suis disposé à la suivre.
En bref, j'estime qu'il n'a pas été établi que le
Conseil a abusivement exercé son pouvoir discré-
tionnaire en appliquant un principe erroné, et l'ap-
pel devrait donc être rejeté. Dans les circonstances,
il ne m'est pas nécessaire d'examiner les autres
moyens d'appel et de statuer sur ceux-ci.
Par conséquent, ainsi que l'exige le paragraphe
64(5) de la Loi [abrogé et remplacé par S.R.C.
1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 65 (Item 32)], je
transmettrais au Conseil une opinion certifiée por-
tant qu'il n'a pas commis d'erreur de droit ni de
compétence en rendant l'ordonnance dont appel.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Le présent appel soulève des
questions concernant les frais susceptibles d'être
adjugés à des intervenants à une audience relative
à une requête en majoration tarifaire générale
tenue par le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes («le Conseil»).
L'appel a été formé, en vertu du paragraphe 64(2)
de la Loi nationale sur les transports 5 («la Loi»),
par Bell Canada contre une décision rendue par le
Conseil le 9 mars 1981, décision Telecom. CRTC
81-5 («CRTC 81-5»). Cette décision a rejeté un
appel formé devant le Conseil contre l'ordonnance
de taxation 1980-1 rendue par l'agent taxateur
David E. Osborn. Cette ordonnance a été rendue le
19 février 1980 en vertu de la décision Telecom.
CRTC 78-7 («CRTC 78-7») en date du 10 août
1978. Dans CRTC 78-7, le Conseil a adjugé les
frais à un certain nombre d'intervenants relative-
ment, la requête en majoration tarifaire générale
présentée par Bell Canada en 1978, dont l'Associa-
tion des consommateurs du Canada («l'ACC»),
l'Organisation nationale anti -pauvreté, Inuit Tapi-
risat du Canada, Tagramiut Nipingat Inc. et S. A.
5 S.R.C. 1970, chap. N-17 [abrogé et remplacé par S.R.C.
1970 (2° Supp.), chap. 10, art. 65 (Item 32)]. Le paragraphe
64(2) est ainsi rédigé:
64....
(2) Les décisions de la Commission sont susceptibles d'ap-
pel à la Cour d'appel fédérale sur une question de droit ou
une question de compétence, quand une autorisation à cet
effet a été obtenue de ladite Cour sur demande faite dans le
délai d'un mois après que l'ordonnance, l'arrêt ou le règle-
ment dont on veut appeler a été établi, ou dans telle autre
limite de temps que le juge permet dans des circonstances
spéciales, après avis aux parties et à la Commission, et après
audition de ceux des intéressés qui comparaissent et désirent
être entendus; et les frais de cette demande sont à la discré-
tion de ladite Cour.
Rowan (ces quatre dernières parties sont appelées
dans ces motifs «l'ONAP et autres»). Dans CRTC
78-7, on a demandé aux intervenants auxquels ont
été adjugés les frais de soumettre des mémoires de
frais à l'agent taxateur; on a demandé à Bell
Canada de présenter des commentaires relative-
ment à toute revendication; et il a été accordé aux
parties intéressées le droit d'interjeter appel,
devant le Conseil, de la décision de l'agent taxa-
teur. Bell Canada a exercé son droit d'appel.
Les frais en litige ont été adjugés par le Conseil
en vertu de l'article 73 de la Loi, lequel est ainsi
conçu:
73. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi, les frais
qu'entraîne une procédure exercée devant la Commission sont
laissés à la discrétion de la Commission, et peuvent, dans tous
les cas, être fixés à une somme déterminée ou entrer en taxe.
(2) La Commission peut ordonner par qui et à qui les frais
doivent être payés, et par qui ils doivent être taxés et alloués.
(3) La Commission peut établir un tarif d'après lequel ces
frais doivent être taxés. 6
Les frais qui ont été adjugés à l'ACC, et qui ont
été contestés, ont été accordés en raison des servi
ces juridiques fournis, relativement à la requête en
majoration tarifaire générale de Bell Canada, par
un avocat qui recevait de l'ACC une provision
pour honoraires. L'avocat de Bell Canada fait
valoir devant la Cour, comme devant le Conseil
dans l'appel formé contre l'ordonnance de taxa
tion, que ces frais ne sont pas des «frais» au sens de
ce terme employé à l'article 73. D'après lui, cette
provision plaçait l'avocat dans la même position
que celle d'un avocat qui est un employé de son
client et qui reçoit un salaire pour tous les services
juridiques qu'il fournit.
Il est également prétendu que les frais adjugés à
l'ONAP et autres n'étaient pas des «frais» au sens
de l'article 73, parce que l'ONAP et autres
n'avaient pas défrayé les coûts à l'égard desquels
6 L'article 43 de la Loi nationale sur les transports est ainsi
rédigé:
43. Les mots et expressions de la présente Partie ont la
même signification que dans la Loi sur les chemins de fer.
Le paragraphe 2(1) de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C.
1970, chap. R-2, prévoit notamment:
2. (1) Dans la présente loi, ainsi que dans toute loi spéciale
ci-après définie où la présente loi s'applique
«frais» comprend les émoluments, honoraires et déboursés de
procureur;
les sommes ont été adjugées, ni étaient-ils tenus,
sur le plan légal, de les payer. Les services juridi-
ques à l'égard desquels les sommes ont été adju-
gées à titre de frais ont été fournis, soutient-on, par
un avocat engagé par le Centre pour la promotion
de l'intérêt public («le CPIP») pour représenter
l'ONAP et autres, le CPIP n'étant pas lui-même
une partie ni un intervenant à la requête en majo-
ration tarifaire générale.
À propos des frais adjugés tant à l'ACC qu'à
l'ONAP et autres, Bell Canada fait valoir princi-
palement que le terme «frais» employé à l'article
73 signifie les «frais juridiques», frais qui pour-
raient être adjugés dans une action civile devant
les tribunaux, et rien d'autre. Il est allégué que
l'expression «frais juridiques» implique nécessaire-
ment une indemnisation des dépenses véritable-
ment engagées dans une procédure et, dit-on, ni
l'ACC ni l'ONAP et autres n'ont réellement fait
de dépenses. La réponse de l'ACC et de l'ONAP et
autres est que l'article 73 de la Loi confère au
Conseil le pouvoir discrétionnaire d'adjuger «les
frais qu'entraîne une procédure» exercée devant lui
et d'ordonner «par qui et à qui les frais doivent être
payés». Le terme «frais» ne doit pas être entendu
dans le sens étroit et technique proposé par l'avo-
cat de Bell Canada, mais d'une façon plus large et
plus flexible qui découle de la nature des procédu-
res devant le Conseil et de l'objet de ces procédu-
res: une audience de fixation de tarifs ressemble
peu, par exemple, à une action en responsabilité
délictuelle ou à une action en rupture de contrat,
et ce serait restreindre excessivement la portée du
pouvoir discrétionnaire que le Conseil tient de cet
article que d'interpréter le terme «frais» de la
manière proposée par Bell Canada. On soutient
subsidiairement que, même si le principe de l'in-
demnisation s'appliquait à l'adjudication des frais
prévue à l'article 73, ce principe avait été respecté
parce que, compte tenu de la jurisprudence citée
par les intimés, l'ACC avait engagé des dépenses
et, l'ONAP et autres étaient à tout le moins
éventuellement responsables des dépenses. Le Con-
seil aurait donc été justifié, dit-on, de rejeter
l'appel.
La décision CRTC 78-7 du Conseil portait sur
la requête en majoration tarifaire générale présen-
tée par Bell Canada. Le présent appel vise unique-
ment cette partie de la décision CRTC 78-7 qui
porte sur l'adjudication des frais à divers interve-
nants, et, plus particulièrement, à l'ACC et à
l'ONAP et autres.
Le 5 septembre 1978, l'ACC a écrit au Conseil
au sujet de l'adjudication des frais dans la décision
CRTC 78-7. Avec l'approbation de Bell Canada,
la lettre du 5 septembre 1978 a été transformée en
une requête en révision de cette partie de la déci-
sion CRTC 78-7 qui traite de l'adjudication des
frais à certains intervenants. Par la suite, le Con-
seil a rendu la décision Telecom. CRTC 80-1
(«CRTC 80-1») portant modification et augmenta
tion des frais adjugés à l'ACC.
Il convient de citer l'adjudication des frais à
l'ACC faite dans CRTC 78-7 et modifiée par
CRTC 80-1:
Selon le Conseil, l'Association des consommateurs du Canada
représentait non seulement les intérêts de l'Association elle-
même mais également des abonnés de Bell Canada en général.
L'ACC, par l'entremise de son avocat, M. G. Kane, et de son
témoin expert, M. Gordon, a contribué à une meilleure compré-
hension d'un certain nombre de questions pertinentes concer-
nant la relation entre Bell Canada et ses filiales.
Par conséquent, le Conseil accorde l'adjudication des frais à
l'ACC.
La décision CRTC 78-7 a adjugé des frais à
l'ONAP et autres dans ce passage figurant à la
page 111 de la décision:
Par l'entremise de son avocat, M. A.J. Roman, l'organisation
nationale anti -pauvreté et al a représenté une gamme impor-
tante d'intérêts des abonnés et a apporté une contribution
importante non seulement à la compréhension des questions
pertinentes soumises au Conseil dans le cas qui nous occupe,
mais également à la réalisation des objectifs du Conseil, comme
établis dans la décision 78-4.
Le Conseil estime également que le contre-interrogatoire de
certains témoins de la Compagnie par M. Roman a été très
clairement appuyé par les travaux préliminaires de ses témoins
experts.
Le Conseil par conséquent • accorde l'adjudication des frais à
l'organisation nationale anti -pauvreté, et al (sauf à l'ACCQ qui
n'a pas demandé l'adjudication des frais).
Je vais citer aussi plusieurs passages de l'ordon-
nance de taxation 1980-1. À la page 5 de cette
ordonnance, l'agent taxateur dit ceci:
Plusieurs intervenants (l'ONAP et al) ont retenu les services du
CPIP et, par le fait même, ceux de Me Roman qui travaillait
pour le CPIP.
Le CPIP est un organisme à but non lucratif, dont les objectifs
sont les suivants:
2. S'occuper de faire valoir une gamme de sujets d'intérêt
public qui sont actuellement oubliés ou pas assez débattus,
dans les causes intéressant les groupes de pression.
Il s'exprime en ces termes à la page 6:
Il est clair qu'il n'y a jamais eu d'obligation de la part de
l'ONAP et al envers soit le CPIP ou Me Roman pour leurs
services. Si la question des frais a été discutée entre l'avocat et
ces intervenants, il a tout simplement été entendu que, en cas
d'adjudication des frais, le montant serait remis par les interve-
nants au CPIP, comme le montre le mandat du CPIP. Me
Roman a soutenu que s'il n'y avait pas adjudication des frais,
une telle facture devrait tout simplement être considérée
comme une créance irrécouvrable, ce qui, selon lui, ne donne-
rait rien et ne serait pas favorable à de bonnes relations avec le
client.
Aux pages 7 et 8, l'agent taxateur se livre à cette
analyse générale:
L'avocat de l'ONAP et al a soutenu que lorsque le Conseil a
adjugé les frais, il devait connaître tous les éléments pertinents
des rapports entre le CPIP et ses clients, soit l'ONAP et al,
notamment le fait que les honoraires d'avocat et les frais
juridiques recouvrés par l'adjudication des frais seraient versés
au CPIP.
L'avocat de Bell Canada n'a pas contesté le remboursement
demandé par le CPIP ni le montant des honoraires d'avocat. Il
a plutôt soutenu que la demande de remboursement présentée
par l'ONAP et al devait être rejetée en entier, pour une ou
plusieurs des principales raisons suivantes:
a) Aucun des intervenants n'a effectivement engagé les dépen-
ses dont il réclame le remboursement. La jurisprudence relative
aux frais adjugés par les tribunaux établit clairement que les
frais doivent être une indemnité et que s'il n'y a pas de dette, il
ne peut y avoir d'indemnité.
b) Les dépenses ont été engagées par le CPIP et non par les
intervenants; le CPIP n'était pas un intervenant et on ne lui a
pas adjugé de frais. On ne peut dire non plus que par cette
décision le Conseil voulait adjuger des frais au CPIP.
c) Le CPIP avait les fonds nécessaires pour payer les dépenses
engagées, que ceux-ci aient été ou non accordés expressément
pour cette affaire. De plus, le CPIP offre ses services unique-
ment aux clients qui n'ont pas les moyens de retenir un autre
avocat, c'est-à-dire un membre du Barreau. Par là, on entend
vraisemblablement aussi un avocat qui pourrait être retenu s'il
y a, ou si l'on espère qu'il y aura, adjudication des frais par le
Conseil.
Il dit également ceci à la page 11:
J'ai passé en revue les causes qui m'ont été signalées par les
avocats de toutes les parties et je n'ai pas pu y trouver des
preuves concluantes pour les fins de cette affaire. La plupart
d'entre elles traite de la question des frais dans un contexte
juridique classique et suppose des rapports de type traditionnel
entre l'avocat, le client et le tribunal. Les organismes de
réglementation et les groupes de pression qui interviennent
posent des problèmes différents et, même si les causes judiciai-
res peuvent constituer un guide utile dans le domaine des frais,
en particulier pour ce qui est de leur montant, l'attitude à
adopter devant les problèmes posés par l'affaire en cause ne
peut pas être déterminée par une application stricte des princi-
pes juridiques classiques. J'ai donc interprété la décision du
Conseil en sachant que la participation du public est un concept
fragile, plus facile à discuter qu'à réaliser, que les groupes de
promotion de l'intérêt public offrent une approche différente
mais néanmoins précieuse à la participation comparativement à
la formule avocat-client traditionnelle et qu'une interprétation
restrictive de l'adjudication des frais par l'agent responsable ne
serait d'aucune utilité pour le public.
Je citerai également des passages extraits de la
décision CRTC 81-5, la décision par laquelle le
Conseil a rejeté l'appel formé contre l'ordonnance
de taxation. A la page 3 de la décision CRTC
81-5, le Conseil s'exprime en ces termes:
Dans le présent appel, Bell a soumis à l'examen du Conseil les
deux questions de principe que voici:
«L'agent taxateur s'est trompé dans les questions de principe
régissant la taxation des frais accordés à l'ACC et à l'ONAP
et al en ce sens que:
[b] par ailleurs, les honoraires de l'avocat de l'ACC et tous
les frais adjugés à l'ONAP et al n'ont aucunement été
engagés par suite de la demande tarifaire générale de Bell
Canada et en conséquence les intervenants n'ont pas le droit
de réclamer ces frais de Bell Canada.»
Aux pages 7 et 8, le Conseil expose ce qui suit:
La deuxième question de principe soulevée par Bell dans le
présent appel a trait à la définition appropriée du mot «frais».
Bell s'est fondée sur le fait que le mot «frais» a dans la
jurisprudence civile une définition restrictive qui n'englobe que
les frais véritablement engagés par les intervenants dans une
cause.
Parlant d'abord de l'ONAP, et al., Bell a soutenu que c'est le
CPIP qui a subi tous les frais de la participation de l'ONAP et
al. dans la requête en majoration tarifaire de Bell en 1978. Le
CPIP n'est pas l'intervenant à qui les frais furent adjugés par le
Conseil. Bell a soutenu qu'une adjudication de frais est accor-
dée à un client lorsque celui-ci est tenu de payer son avocat et
qu'en conséquence, l'agent taxateur pourrait seulement indem-
niser l'ONAP et al. si celle-ci était légalement tenue de rem-
bourser au CPIP les frais de l'intervention.
Bell a également utilisé ce raisonnement à l'égard de l'ACC.
Dans la requête en majoration tarifaire de Bell en 1978, l'ACC
était représentée par son chef du contentieux qui recevait de
l'ACC une provision poùr honoraires. Ainsi, rien n'indique que
l'ACC ait déboursé d'argent en supplément pour rémunérer son
chef du contentieux par suite de sa participation à la requête en
majoration tarifaire de Bell. Cette dernière a donc soutenu
qu'aucuns honoraires n'auraient dû être adjugés par l'agent
taxateur à l'ACC.
Le Conseil est d'avis qu'il ne serait pas approprié d'appliquer le
principe de l'indemnisation sur lequel Bell se fonde dans ses
procédures de réglementation. Il pense que l'objectif premier de
telles indemnisations est d'encourager une participation éclairée
telles indemnisations est d'encourager une participation éclairée
du public à ses procédures. Or, les groupes d'intérêt public ne
pourraient pas se spécialiser dans les questions réglementées si,
pour avoir droit au remboursement des frais, ils devaient retenir
des avocats comme cela se fait dans le cas des affaires portées
devant les tribunaux en droit civil. Par ailleurs, il ne servirait à
rien d'obliger les groupes d'intérêt public à arranger leurs
affaires artificiellement au moyen, par exemple, de prêts-sub-
ventions ou de comptes d'indemnités afin de contourner une
interprétation restrictive du mot «frais».
Le Conseil conclut donc que l'agent taxateur n'a pas commis
d'erreur de principe lorsqu'il s'est prononcé en faveur du rem-
boursement des honoraires d'avocat de l'ACC et des frais de
l'ONAP et al.
En conséquence, il rejette l'appel par Bell Canada de l'ordon-
nance de taxation 1980-1.
Avant d'aborder plus particulièrement les ques
tions de droit, il convient de rappeler précisément
ce qui fait l'objet de l'appel: c'est la décision du
Conseil qui est ainsi formulée: «En conséquence, il
rejette l'appel par Bell Canada de l'ordonnance de
taxation 1980-1.» La décision du Conseil portant
adjudication des frais à l'ACC et à l'ONAP et
autres, une décision discrétionnaire, n'a pas fait
l'objet d'un appel devant le Conseil. L'agent taxa-
teur, en rendant l'ordonnance de taxation, s'est
fondé sur la décision du Conseil d'adjuger les frais;
il n'exerçait pas de pouvoir discrétionnaire. Si les
montants adjugés par l'agent taxateur avaient été
en litige et déclarés erronés, le Conseil aurait pu
accueillir un appel porté devant lui, mais ils n'ont
pas été contestés. Le Conseil aurait pu également
accueillir l'appel formé devant lui si l'ordonnance
de taxation de l'agent taxateur n'était pas soutena-
ble en droit. La question importante dans l'appel
formé devant le Conseil, ainsi que l'a présentée
Bell Canada, était de savoir si l'ACC ou l'ONAP
et autres avaient réellement engagé des frais qu'ils
avaient payés ou qu'ils étaient légalement tenus de
payer; dans la négative, allègue-t-on, c'était une
erreur de droit que de leur adjuger les frais, parce
qu'une telle adjudication violerait le principe de
l'indemnisation qui sous-tend l'adjudication des
«frais juridiques».
Dans ses motifs invoqués pour rejeter l'appel
formé contre l'ordonnance de taxation, le Conseil
a, aux pages 7 et 8 de ses motifs (dans le passage
que j'ai cité ci-dessus), abordé ce qu'il appelait:
«La deuxième question de principe soulevée par
Bell dans le présent appel . la définition appro-
priée du mot "frais".» Je ne vais pas citer encore
les quatre ou cinq paragraphes pertinents. Je vais
citer toutefois cette phrase: «Le Conseil est d'avis
qu'il ne serait pas approprié d'appliquer le principe
de l'indemnisation sur lequel Bell se fonde dans ses
procédures de réglementation.» Je ne suis pas tout
à fait sûr si le Conseil voulait rejeter le principe de
l'indemnisation en tant qu'élément nécessaire
d'une adjudication des frais faite par lui, ou s'il
voulait simplement mettre en question le bien-
fondé du principe de l'indemnisation «sur lequel
Bell se fonde», c'est-à-dire, le principe tel qu'il a
été élaboré par les tribunaux pour la taxation des
frais dans les causes judiciaires.
Je vais tout d'abord examiner le sens dans lequel
le terme «frais» est employé à l'article 73 de la Loi.
Cette Cour a eu l'occasion d'examiner le sens de ce
terme dans Re Bell Canada et décision Telecom.
CRTC 79-5 7 . Dans cette affaire, le Conseil avait
ordonné à Bell Canada et à B.C. Tel. de payer les
frais des études faites pour le compte du Conseil
par des experts-conseils et devant être employées
dans une audience publique relative à une
demande de hausse de tarifs présentée par Bell
Canada et B.C. Tel. L'appelante avait soutenu
principalement que, aux fins de l'article 73, «les
frais d'instance n'incluent pas ceux qu'engage le
tribunal pour instruire et décider du litige.» [A la
page 686 C.F. Note en bas de page omise.]. A
l'évidence, le point litigieux dans cette affaire est
tout à fait différent de celui de l'espèce présente,
et, bien entendu, il faut garder à l'esprit cette
différence en lisant les passages que je vais citer.
Dans ses motifs, le juge Pratte, qui rendait
l'arrêt de la Cour, dit ceci aux pages 687 et 688
[C.F.]:
A mon avis, le terme «frais» qui apparaît à l'article 73 de la
Loi nationale sur les transports doit, comme le soutient l'appe-
lante, recevoir son acception juridique normale selon laquelle
les frais d'une instance sont les frais qu'engagent les parties à
cette instance et non les frais du tribunal qui en est saisi. Je ne
vois aucune raison de lui donner une acception plus large.
[Note en bas de page omise.]
Plus haut dans ses motifs, le juge Pratte avait
souligné, ainsi qu'il avait été soutenu dans cette
affaire et comme il a été allégué en l'espèce,
qu'une demande de hausse tarifaire diffère d'un
litige ordinaire. Il s'exprime en ces termes à la
page 687 [C.F.]:
7 [[1982] 2 C.F. 681]; 41 N.R. 221 [C.A.].
... l'instance engagée devant le Conseil diffère d'un litige
ordinaire. Lorsqu'une compagnie de téléphone demande au
Conseil d'approuver une hausse de tarif à laquelle s'opposent
des intervenants, il n'y a, à strictement parler, aucun litige
entre la requérante et les intervenants; mais les requêtes relati
ves aux tarifs ne sont pas les seules instances qui peuvent être
engagées devant le Conseil. D'autres, par exemple les plaintes
déposées contre les compagnies relevant de la compétence du
Conseil, ressemblent aux litiges ordinaires. De plus, même dans
une instance manifestement non contradictoire, comme dans le
cas des requêtes en approbation de tarifs, il peut advenir que,
comme dans un litige ordinaire, il paraisse juste d'obliger une
partie à l'instance à indemniser les autres parties des frais
engagés en raison de leur participation.
Il est reconnu dans ce passage que dans une
procédure de tarification, il convient peut-être
d'obliger une partie à l'instance «à indemniser les
autres parties des frais engagés en raison de leur
participation.» De nouveau, dans la citation
extraite des pages 687 et 688, le juge Pratte, en
parlant de «frais» dans «son acception juridique
normale», fait allusion à «son acception juridique
normale selon laquelle les frais d'une instance sont
les frais qu'engagent les parties à cette instance
..» A mon avis, il ne s'ensuit pas que, en fixant
des frais dans une procédure de tarification, le
Conseil doit suivre les mêmes règles qu'adopterait
un greffier taxateur de dépens pour évaluer les
frais dans un litige porté devant les tribunaux. Il
faudrait tenir compte de la différence des buts de
ces deux procédures très différentes et dans les
pratiques suivies dans chacune de ces, procédures.
J'estime toutefois que le terme «frais», tel qu'il est
employé à l'article 73, comporte effectivement en
soi, à titre d'élément essentiel, l'idée d'indemnisa-
tion des dépenses engagées. Le Conseil aurait ainsi
commis une erreur si, dans ses motifs invoqués
pour rejeter l'appel formé devant lui, il avait voulu
rejeter le principe que l'indemnisation est un but
essentiel dans l'adjudication des frais sous le
régime de l'article 73 de la Loi. Il ne sera toutefois
pas nécessaire de déterminer précisément ce que
voulait dire le Conseil si, en tout état de cause, il
n'y avait pas violation du principe de l'indemnisa-
tion dans l'adjudication des frais à l'ACC et à
l'ONAP et autres. Bien entendu, les intimés ont
fait valoir subsidiairement que ce principe n'avait
pas été enfreint.
J'aborde maintenant l'argument qu'il y a eu
erreur de droit dans l'adjudication des frais à
l'ACC, me rappelant que l'avocat de celle-ci à
l'audience relative à la requête en majoration tari-
faire de Bell Canada recevait déjà une [TRADUC-
TION] «provision pour honoraires» de l'ACC. À
mon avis, il s'agit là d'un argument voulant que,
bien que l'ACC ait engagé des dépenses pour
payer une provision à l'avocat pour la représenter
dans toutes les affaires au cours de la période
couverte par le mandat, aucune partie de la provi
sion ne pouvait être attribuée à sa comparution
relativement à la requête en majoration tarifaire
de Bell Canada; l'avocat aurait reçu la même
somme de l'ACC même si celle-ci n'était pas
intervenue.
Le défaut de cet argument est que le dossier est
loin d'être clair au sujet des conditions du mandat.
Dans ses motifs invoqués pour rejeter l'appel
formé contre l'ordonnance de taxation, le Conseil a
simplement fait état du «raisonnement» de Bell
Canada portant que, dans la requête en majoration
tarifaire de Bell Canada, «l'ACC était représentée
par son chef du contentieux qui recevait de l'ACC
une provision pour honoraires. Ainsi, rien n'indi-
que que l'ACC ait déboursé d'argent en supplé-
ment pour rémunérer son chef du contentieux par
suite de sa participation à la requête en majoration
tarifaire de Bell.» Dans sa lettre du 5 septembre
1978 adressée au Conseil au sujet des frais adjugés
dans la décision CRTC 78-7, l'ACC dit ceci:
[TRADUCTION] Dans sa décision, le Conseil a refusé d'adju-
ger les frais relatifs à la comparution de l'avocat de l'ACC
qualifié d'«employé à temps plein de l'Association». De fait, il
n'était pas employé à temps plein, mais il représentait plutôt
l'Association moyennant une provision pour honoraires et il
s'occupait aussi d'autres travaux juridiques ...
Le dossier dont a été saisie la Cour me permet
de dire que l'ACC est effectivement intervenue,
par l'entremise de son avocat, dans la requête en
majoration tarifaire présentée par Bell Canada.
Dans l'ordonnance de taxation, l'agent taxateur dit
ceci à la page 12:
l'ACC a attesté que son avocat «a consacré environ 10 jours
aux audiences de l'affaire et plus de cinq jours à leur prépara-
tion.» À l'audience de taxation, l'avocat de l'ACC a proposé de
fixer la valeur de ses services à un montant s'échelonnant entre
750 $ et 1 250 $ par jour. L'avocat de Bell n'a présenté aucune
observation au sujet du montant, mais il a convenu que Bell
accepterait un montant fondé sur le principe de la valeur
marchande des honoraires d'avocat.
Il semble certain, soit dit en passant, que l'ACC
a officiellement été représentée par un avocat qui a
comparu en tant que tel dans les procédures.
J'estime qu'il y a lieu de mentionner la décision
rendue par la Cour d'appel anglaise dans In re
Eastwood'. Dans cette affaire, le procureur géné-
ral avait été représenté par un procureur-employé;
et il me semble que ce que disait le lord juge
Russell dans lés passages que je vais citer s'appli-
querait encore davantage à un procureur ou avocat
comparaissant en vertu d'un mandat. À mon avis,
par analogie avec la taxation dans une affaire
judiciaire, ce ne serait pas une erreur pour l'agent
taxateur que de taxer les frais d'avocat—comme il
semble l'avoir fait—comme s'il s'agissait du
mémoire de frais d'un procureur ou avocat indé-
pendant, en tenant compte, dans l'exercice de son
pouvoir discrétionnaire, de toutes les circonstances
de la procédure. Dans Re Eastwood, le lord juge
Russell s'exprime en ces termes à la page 132:
[TRADUCTION] C'est une présomption sensée et raisonnable
que de dire que le chiffre auquel on arrive sur cette base
n'enfreint pas le principe que les frais taxés ne devraient pas
être plus qu'une indemnité accordée à la partie pour les dépen-
ses que le procès lui a causées.
Le lord juge Russell dit également ceci à la page
132:
[TRADUCTION] Il peut y avoir des cas particuliers où il semble
raisonnablement évident qu'il y aura infraction à ce principe si
la méthode de taxation propre à un mémoire d'honoraires
d'avocat indépendant s'applique dans sa totalité: mais il serait
irréalisable et erroné, d'exiger, dans tous les cas où les procu-
reurs sont engagés, un exposé et une décomposition complets de
toutes les activités et dépenses du service afin de s'assurer que
le principe est respecté, et, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il
n'est pas sûr que, par une méthode quelconque, on pourrait
atteindre la certitude sur ce point. Pour adapter un passage du
jugement rendu par le juge Stirling dans In re Doody [1893] 1
Ch. 129, 137, assujettir la taxation à une telle condition
reviendrait simplement, à notre avis, à introduire une règle
impraticable et à pousser le principe abstrait jusqu'à un point
où il cesse de donner des résultats conformes à la justice.
Un aveu par Bell Canada ou une admission par
l'ACC que l'avocat de celle-ci la représentait à
l'audience «moyennant une provision pour honorai-
res [first retainer] et [qu']il s'occupait aussi d'au-
tres travaux juridiques ...N n'établit pas que les
frais réellement adjugés au titre des honoraires
d'avocat étaient plus que compensatoires.
Le point important, si je comprends bien, est
que dans la requête en majoration tarifaire intro-
duite par Bell Canada, l'ACC a comparu à titre
d'intervenant devant le Conseil, et elle était repré-
sentée, tel qu'iI ressort du dossier, par un conseiller
8 [1975] 1 Ch. 112.
juridique. Selon mon interprétation de son ordon-
nance de taxation, l'agent taxateur a taxé le
mémoire de frais de l'ACC, comme si celle-ci avait
été représentée par un avocat indépendant. A la
lumière de l'affaire Re Eastwood, cela n'aurait pas
constitué une erreur de droit, même dans une
cause judiciaire, faute de preuve que l'ACC rece-
vrait ainsi plus qu'une indemnité. On peut dire
tout au plus, contre l'adjudication, que l'avocat
avait été engagé sur la base d'une «provision pour
honoraires» (first retainer) (quoi que cela puisse
vouloir dire). Il ne ressort pas du dossier, selon
moi, que Bell Canada ou quelqu'un d'autre ait
tenté d'établir que, cela étant, l'ACC a reçu un
remboursement supérieur à ses dépenses. Bell
Canada fait simplement valoir que dans tous les
aspects pertinents, les rapports entre l'ACC et son
avocat étaient les mêmes que ceux nés d'un contrat
d'emploi rémunéré couvrant tous les services juri-
diques, ce qui fait que la comparution de l'avocat
dans la requête en majoration tarifaire de Bell
Canada n'aurait pu augmenter les frais de l'ACC.
Conclure que l'avocat avait été engagé sur la base
d'une «provision pour honoraires» (first retainer)
ou d'une «provision ordinaire pour honoraires»
(regular retainer) n'établit toutefois pas que ces
rapports étaient essentiellement les mêmes, pour
toutes fins utiles, que ceux existant entre une
partie et un avocat qu'elle engage et qu'elle rému-
nère. L'appelant n'a pas réussi à me persuader que
l'adjudication des frais à l'ACC était entachée
d'erreur de droit. J'ajouterais simplement que,
dans la mesure où l'avocat s'occupait de la requête
en majoration tarifaire présentée par Bell, il n'était
pas libre pour fournir d'autres services. Et je ferais
également remarquer que je ne juge pas nécessaire
de décider si cela aurait influé sur ma décision si
l'avocat avait été employé, mais j'en doute
sérieusement.
Pour ce qui est de l'argument de Bell Canada
voulant que l'ACC n'ait pas droit aux frais pour la
comparution de son avocat dans l'audience relative
à la requête en majoration tarifaire de Bell parce
que son mandat couvrirait un nombre indéterminé
de causes, j'ajouterais un autre passage des propos
tenus par le lord juge Russell dans Re Eastwood.
Il dit ceci aux pages 129 et 130:
[TRADUCTION] La question de principe en cause est de savoir si
le greffier taxateur des dépens a correctement abordé le problè-
me de la taxation des frais adjugés à la Couronne, compte tenu
du fait que celle-ci était représentée, lors de l'avis introductif
d'instance, non pas par un avocat indépendant, mais par l'avo-
cat du ministère des Finances et son service du contentieux.
Cette question de principe s'appliquerait également au cas
d'une autorité gouvernementale locale, à un secteur nationalisé
tel que British Rail, et à toute entreprise industrielle conduisant
son procès par l'entremise de son propre service du contentieux,
dont toutes les dépenses, notamment les salaires d'avocats,
d'avocats adjoints et du personnel juridique sont payées par cet
organisme, et non en ayant recours à un avocat indépendant ou
à un cabinet d'avocats pour le représenter.
Les dispositions de l'Ord. 62, R.S.C., portant sur la taxation
des frais adjugés à une partie à un procès à l'encontre d'une
autre, ou comme en l'espèce, à prélever sur un patrimoine ou un
fonds de fiducie, visent à tout le moins principalement les cas
où la partie a constitué un avocat indépendant: par exemple, la
règle 25 exige que dans le mémoire de frais de la partie qui a
gain de cause soumis pour la taxation, les «frais professionnels»
soient inscrits dans une colonne distincte et que le nom ou le
cabinet de l'avocat «de qui provient le mémoire» figure au verso.
Or, sauf, certes, aux fins d'une comptabilité interne, l'avocat
engagé ou le service du contentieux ne soumet pas de mémoire
de frais à l'employeur, ou à l'organisme: il n'engage aucuns
frais professionnels. Toutefois, la jurisprudence établit claire-
ment qu'il n'est pas permis de dire que la partie est donc limitée
aux débours se rapportant particulièrement au litige donné au
motif que les salaires d'employés et les frais généraux du
service auraient été, en tout état de cause, engagés par la partie.
Je vais aborder maintenant l'argument voulant
que l'agent de taxation ait commis une erreur de
droit en adjugeant les frais à l'ONAP et autres et
que, par conséquent, c'est à tort que le Conseil a
confirmé son ordonnance. Cet argument reposait
sur ce qui était, allègue-t-on, une conclusion de fait
tirée par l'agent taxateur. J'ai déjà cité le passage
sur lequel s'est appuyé l'avocat, mais il convient
peut-être, pour des raisons de commodité, de le
citer de nouveau à ce stade. A la page 6 de
l'ordonnance de taxation 1980-1, l'agent taxateur
dit ceci:
Il est clair qu'il n'y a jamais eu d'obligation de la part de
l'ONAP et al envers soit le CPIP ou M» Roman pour leurs
services. Si la question des frais a été discutée entre l'avocat et
ces intervenants, il a tout simplement été entendu que, en cas
d'adjudication des frais, le montant serait remis par les interve-
nants au CPIP, comme le montre le mandat du CPIP. M»
Roman a soutenu que s'il n'y avait pas adjudication des frais,
une telle facture devrait tout simplement être considérée
comme une créance irrécouvrable, ce qui, selon lui, ne donne-
rait rien et ne serait pas favorable à de bonnes relations avec le
client.
L'argument de l'avocat était simple et net:
l'ONAP et autres n'avaient engagé aucune
dépense. Ils n'avaient rien payé et ils n'étaient pas
légalement tenus de payer quoi que ce soit relative-
ment à leur participation à la requête en majora-
tion tarifaire présentée par Bell. Les dépenses
engagées l'avaient été par le CPIP, et ce dernier
n'était même pas partie aux procédures. L'ONAP
et autres n'avaient fait absolument aucune
dépense; il n'y a rien dont on puisse les indemniser.
Pour statuer sur cette prétention, je trouve que
l'affaire Armand v. Carr, et al. 9 m'est utile. Dans
cette affaire, l'appelant (qui avait été le défendeur)
avait été représenté devant les tribunaux inférieurs
et dans son pourvoi devant la Cour suprême par un
avocat fourni par sa compagnie d'assurances. En
vertu de la police d'assurance, l'assureur était tenu
de défendre l'assuré dans les actions intentées
contre lui à la suite de la survenance de l'événe-
ment assuré. N'ayant pas eu gain de cause devant
les instances inférieures, le défendeur s'était
pourvu avec succès devant la Cour suprême et
s'était vu adjuger les frais. Le registraire refusa de
taxer les frais en sa faveur parce que ses frais
juridiques devaient être supportés par la compa-
gnie d'assurances. Il fit appel et son appel fut
entendu et accueilli par la Cour.
Le juge en chef Anglin examine les documents
portés à la connaissance de la Cour dans ce pas
sage figurant aux pages 349 et 350:
[TRADUCTION] Après examen attentif de tous les documents
portés à notre connaissance, nous sommes persuadés que la
compagnie d'assurances a demandé à ses propres avocats d'as-
surer la défense non pas pour son propre compte, mais pour le
compte de l'appelant, exécutant ainsi son obligation «d'assurer
la défense au nom et pour le compte de l'assuré dans toutes
actions civiles, etc.» Les avocats ainsi constitués ont comparu à
titre d'«avocats du défendeur» (l'appelant). Pour ce faire, l'au-
torisation du défendeur était nécessaire, et elle a sans doute été
obtenue. Ils ont conservé cette qualité d'avocats du défendeur
pendant tout le procès auquel, de temps à autre, l'appelant a
personnellement participé en établissant des affidavits, en
témoignant, en exécutant une obligation, etc. De cette ligne de
conduite, on ne peut que déduire, à juste titre d'ailleurs, qu'il a
engagé les avocats qui ont comparu en son nom, ou qu'il a
approuvé le rôle qu'ils jouaient dans sa défense; et que l'on
présume que la compagnie d'assurances, en confiant à ses
avocats le mandat d'assurer la défense, etc., a agi à titre de
mandataire du défendeur, ou que l'on présume que ce dernier a
personnellement engagé les avocats, le fait qu'ils aient eu le
mandat d'agir pour lui en qualité d'avocats et que ce mandat
l'ait lié ne souffre aucun doute. Un tel mandat ou emploi
comporte la responsabilité personnelle du défendeur (appelant)
à l'égard des frais raisonnablement engagés par les avocats en
vertu de ce mandat, à moins qu'il n'existe un contrat ou accord
qui lie les avocats et qui exclut cette responsabilité.
Le juge en chef aborde ensuite la question de
savoir s'il y avait un accord entre les avocats et
9 [1927] R.C.S. 348.
l'assuré excluant la responsabilité personnelle de ce
dernier pour les frais raisonnablement faits par les
avocats en vertu de ce mandat. À la page 350, il
expose que le registraire n'avait pas conclu
expressément,
[TRADUCTION] ... qu'il y avait un accord dégageant le défen-
deur-appelant de toute responsabilité envers ses avocats, accord
que doivent prouver les intimés-demandeurs s'ils veulent, sur
cette base, éviter de payer les dépens à l'appelant qui a gain de
cause. Adams v. London Improved Motor Coach Builders,
Ltd., [1921] 1 K.B. 495.
Plus loin, à la page 351, il s'exprime en ces termes:
[TRADUCTION] ... nous sommes convaincus de ceci: que
compte tenu de la preuve directe en l'espèce, ce serait une
erreur que de tirer la conclusion qu'il y a eu un accord exprès
selon lequel le défendeur n'était pas tenu, à l'égard des avocats,
aux frais engagés; et, bien indépendamment de la preuve
formelle qu'aucun accord n'a été conclu, il nous semble qu'on
n'a présenté aucun élément de preuve, au nom des intimés,
tendant à établir qu'un accord exprès à ce sujet avait en fait été
signé.
Compte tenu des faits en preuve, on ne saurait, à notre avis,
priver l'appelant du droit de recouvrer des intimés les frais de
son appel que lui a adjugés le jugement de cette cour.
À mon sens, la question importante est de savoir
si le passage extrait des motifs de l'agent taxateur
sur lequel s'est appuyé l'avocat de Bell Canada
équivaut à une conclusion expresse de fait, accep-
tée par le Conseil, selon laquelle il y avait eu, entre
l'ONAP et autres et M. Roman, une entente por-
tant que ce dernier ne se ferait pas, à quelque
stade que ce soit, payer les frais par l'ONAP et
autres. L'agent taxateur a effectivement dit qu'il
n'y avait jamais eu obligation de la part de
l'ONAP envers M. Roman pour les services four-
nis par ce dernier. Mais il s'agit, semble-t-il, d'une
conclusion fondée sur les trois phrases suivantes
figurant au paragraphe que j'ai extrait de sa déci-
sion et que j'ai cité ci-dessus, ou d'une conclusion
tirée d'elles. Dans ces phrases, l'agent taxateur
semble douter que l'ONAP et autres et M. Roman
aient jamais discuté de la question des frais. Je ne
suis pas certain du sens de la dernière phrase de ce
paragraphe, mais cela veut peut-être dire simple-
ment que M. Roman n'a jamais voulu facturer
l'ONAP pour ses services. J'estime qu'il y a lieu de
mentionner une autre phrase figurant à la page 5
des motifs de l'agent taxateur:
Plusieurs intervenants (l'ONAP et al) ont retenu les services du
CPIP et, par le fait même, ceux de W Roman qui travaillait
pour le CPIP.
Dans l'affaire Armand v. Carr, le juge en chef
Anglin dit ceci à la page 351:
[TRADUCTION] La preuve n'est pas très nette ni très précise.
À notre avis, il est clair qu'elle n'établit pas l'existence d'un
accord liant les avocats et selon lequel ils ne se feraient pas, en
tout état de cause, payer les frais par l'appelant.
À mon sens, cet énoncé s'applique à l'espèce.
Conformément à l'affaire Armand, je dirais que le
fait que le nom de M. Roman ait figuré au dossier
des procédures à titre d'avocat de l'ONAP et
autres, obligeait ceux-ci, par analogie avec les
procédures judiciaires, à payer le coût raisonnable
de ses services, à moins qu'il n'y ait eu accord
entre eux et lui selon lequel, en aucun cas, il ne
leur demanderait de payer ses honoraires. Bell
Canada n'a pas établi qu'il y avait eu accord entre
l'ONAP et autres et M. Roman selon lequel les
services de ce dernier ne seraient, en aucun cas,
payés par eux, ni cette preuve a-t-elle été établie
autrement.
J'estime que le raisonnement adopté dans l'af-
faire Armand s'applique encore davantage à une
action telle que celle de l'espèce, procédure portant
sur une fixation de tarifs. Le Conseil tient de
l'article 73 de la Loi un large pouvoir discrétion-
naire quant à l'adjudication des frais et à mon avis,
si on peut dire d'une adjudication qu'elle ne consti-
tuerait pas une erreur si elle était faite par un
greffier taxateur des dépens dans un procès civil,
alors on ne saurait sérieusement prétendre qu'elle
constituerait une erreur de droit dans une procé-
dure tarifaire.
Les frais adjugés à l'ONAP et autres n'étaient
pas, bien entendu, limités aux frais relatifs aux
services juridiques fournis par M. Roman. Y sont
inclus aussi les débours. C'est M. Roman, au nom
de ses clients, l'ONAP et autres, qui a soumis au
Conseil la demande de frais. À l'appui de cette
demande, on y a annexé un affidavit des débours.
Je déduis de l'affidavit que la plupart, sinon la
totalité, des paiements ont été effectués par le
CPIP. Néanmoins, à mon avis, il ne s'ensuit pas
nécessairement que, aux fins de taxation, les frais
n'étaient pas les frais de l'ONAP et autres. Ils sont
intervenus au dossier. À mon sens, ce ne serait pas
une erreur de droit que de leur adjuger les frais à
l'égard des débours, faute de preuve qu'ils
n'étaient pas tenus, même éventuellement, aux
dépenses faites en leur nom dans les procédures.
De nouveau, je fais mienne cette remarque faite
par le juge en chef Anglin dans l'affaire Armand:
«La preuve n'est pas très nette ni très précise.»
Étant donné le point de vue que j'ai adopté, il
n'est pas nécessaire de traiter d'une autre possibi-
lité. J'estime qu'on peut toutefois soutenir que le
Conseil pourrait adjuger des frais à un intervenant
lorsque les dépenses sont engagées en son nom, à
titre d'intervenant, pour produire des éléments de
preuve et pour avancer des arguments utiles au
Conseil même si l'intervenant n'était pas stricte-
ment tenu, sur le plan contractuel ou légal, de
rembourser un tiers de ces dépenses; une telle
décision pourrait se défendre à tout le moins lors-
que, comme en l'espèce, il y a eu une entente
portant que si les frais étaient adjugés à l'ONAP
et autres, ils seraient utilisés pour indemniser le
CPIP. On peut soutenir que le Conseil pourrait
être fondé à adjuger les frais à 1'ONAP et autres
lorsque, dans les faits, il était plus que probable
que les frais seraient destinés au remboursement
des dépenses engagées.
Est-il besoin d'ajouter que l'appelant n'a pas fait
la preuve que, en adjugeant les frais à l'ACC et à
l'ONAP et autres, le Conseil a agi sans
compétence.
J'estime donc qu'il y a lieu de rejeter l'appel.
Conformément au paragraphe 64(5) de la Loi
nationale sur les transports, je transmettrais au
Conseil l'opinion certifiée que, compte tenu des
faits de l'espèce, ce n'était pas une erreur de droit
que d'adjuger les frais à l'ACC et à l'ONAP et
autres, et que, en rejetant l'appel formé contre
l'ordonnance de taxation, le Conseil n'a pas agi
sans compétence.
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris aux
motifs ci-dessus.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.