A-789-83
Joseph Robert Guy (requérant)
c.
Comité d'appel de la Commission de la Fonction
publique (intimé)
Cour d'appel, juges Urie, Hugessen et Stone—
Ottawa, 12 et 27 avril 1984.
Fonction publique — Concours restreint — Exigences lin-
guistiques — Le candidat n'a pas obtenu la nomination parce
qu'il ne satisfait pas aux exigences relatives aux normes
linguistiques et ne pouvait en être exempté en raison de l'art.
4(2)d) du Décret d'exclusion — L'argument du requérant selon
lequel l'art. 4(2)d) est ultra vires parce qu'il viole le principe
du mérite enchâssé dans l'art. 10 est rejeté parce que l'art. 39
de la Loi autorise des exceptions à l'application de la Loi —
Le Décret d'exclusion ne permet pas à la Commission de la
Fonction publique d'empiéter sur les fonctions de gestion du
Ministère en déterminant les conditions de candidature à un
poste parce que les conditions de candidature ont été détermi-
nées par le Ministère et non par la Commission — Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32,
art. Sa), 10,12(1) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 66, art.
10), 16(1), 17(1),(3), 39 — Décret d'exclusion sur les langues
officielles dans la Fonction publique, DORS/81-787, art.
2(1),(2), 4(1)a),(2)a),b),d).
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Fonction
publique — Le Décret d'exclusion sur les langues officielles
dans la Fonction publique est-il ultra vires parce qu'il viole le
principe du mérite? — La Commission de la Fonction publique
a-t-elle tenté de déterminer les conditions de candidature pour
les postes? — Elles ont été déterminées par le Ministère —
Demande rejetée — Décret d'exclusion sur les langues officiel-
les dans la Fonction publique, DORS/81-787, art. 2(1),(2),
4(1)a),(2)a),b),d).
Le requérant s'est porté candidat à un concours restreint
pour un poste dans la Fonction publique coté .Bilingue, nomi
nation non impératives. Il se serait qualifié pour le poste mais il
n'a pas satisfait aux exigences linguistiques. De plus, l'alinéa
4(2)d) du Décret d'exclusion l'empêchait de bénéficier de
l'exclusion des exigences linguistiques parce qu'il avait déjà
suivi des cours de langue dispensés au frais de l'État et qu'il
avait alors atteint le niveau de compétence requis avant de
retomber à un niveau inférieur. Le requérant invoque mainte-
nant l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale pour demander
l'annulation de la décision du comité d'appel qui a rejeté sa
contestation du choix d'un autre candidat pour le motif que
l'alinéa 4(2)d) du Décret d'exclusion est ultra vires. Il soutient
que cet alinéa viole le principe du mérite enchâssé à l'article 10
de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et constitue
une tentative de la Commission de la Fonction publique de
définir ou de déterminer les conditions de candidature pour les
postes, ce qu'elle n'est pas autorisée à faire.
Arrêt (le juge Stone dissident): la demande doit être rejetée.
Le juge Hugessen (avec l'appui du juge Urie): Le Décret
d'exclusion a été adopté conformément à l'article 39 de la Loi
qui permet des exceptions à l'application de la Loi et. par
conséquent, au principe du mérite enchâssé à l'article 10.
Quant à l'argument selon lequel le Décret d'exclusion permet à
la Commission d'empiéter sur les fonctions de gestion du
Ministère en déterminant les conditions de candidature à un
poste, le fait est que c'est le Ministère et non la Commission qui
a établi, entre autres choses, les exigences relatives aux normes
linguistiques du poste.
Le juge Stone (dissident): L'alinéa 4(2)d) ne constitue pas
une condition supplémentaire de candidature pour le poste. Il
vise seulement à déterminer si la personne qui a les qualités
requises devrait être nommée si elle a atteint, après avoir suivi
des cours de langue, un niveau de compétence linguistique
requis, mais n'a pas réussi à s'y maintenir. En l'espèce, le
requérant possédait les qualités requises.
L'alinéa 4(2)d) viole le principe de la «sélection établie au
mérite» enchâssé à l'article 10 de la Loi et il est par conséquent
ultra vires. L'article 39 autorise la Commission à donner à des
personnes la possibilité d'être nommées à des postes auxquels
elles n'auraient pu autrement accéder mais il ne l'autorise pas à
ne pas tenir compte du principe du mérite lorsqu'elle effectue
une sélection parmi les personnes ayant les qualités requises
pour un poste, y compris celles qui bénéficient de l'exclusion
prévue au paragraphe 4(1) du Décret d'exclusion. Il faudrait
l'autorisation du Parlement, pour empêcher, comme le fait
l'alinéa 4(2)d), la nomination de la personne la mieux qualifiée
parce qu'elle n'a pas réussi à se maintenir à un niveau de
compétence dans l'autre langue officielle. L'article 39 ne con-
fère pas expressément ce pouvoir et, compte tenu de l'économie
générale de la Loi, il ne peut être interprété comme contenant
un tel pouvoir puisque cela équivaudrait à permettre une
dérogation à une disposition fondamentale de la Loi, c'est-à-
dire le principe du mérite. L'alinéa 4(2)d) n'a donc pas été
valablement établi et l'intimé a commis une erreur en
l'appliquant.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Bambrough c. Un Comité d'appel établi par la Commis
sion de la Fonction publique, [1976] 2 C.F. 109 (C.A.);
La Reine c. Ricketts, jugement en date du 31 octobre
1983, Division d'appel de la Cour fédérale, A-807-82,
encore inédit; Delanoy c. Le Comité d'appel de la Com
mission de la Fonction publique, [1977] 1 C.F. 562
(C.A.); R. v. Belanger (1916), 54 R.C.S. 265; Minister of
Health v. The King, [1931] A.C. 494 (H.L.).
AVOCATS:
Roger R. Mills pour le requérant.
R. P. Hynes pour l'intimé.
PROCUREURS:
Mclnnes & MacEwen, Morrisburg (Ontario),
pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HUGESSEN: Le requérant demande,
sur le fondement de l'article 28, l'examen et l'an-
nulation de la décision d'un comité d'appel établi
en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans
la Fonction publique [S.R.C. 1970, chap. P-32].
Le requérant s'est porté candidat à un concours
restreint pour un poste de la Fonction publique
coté «Bilingue, nomination non impérative». Dans
le langage de la Fonction publique, il s'agit d'un
poste qui exige la connaissance et l'usage des deux
langues officielles et
2.(1)...
... identifié comme ne nécessitant pas, au moment de la
nomination, la connaissance et l'usage des deux langues
officielles; [C'est moi qui souligne.]
(Décret d'exclusion sur les langues officielles
dans la Fonction publique, paragraphe 2(1),
DORS/81-787.) Au risque de trop simplifier, cela
signifie qu'un candidat unilingue ne peut être
nommé à un tel poste qu'à la condition d'être
admissible aux cours de langue qui lui permettront
d'atteindre le niveau de bilinguisme requis dans un
délai raisonnable.
Avant la tenue du concours, le requérant avait
suivi des cours de langue, dispensés aux frais de
l'État, et avait atteint le niveau de compétence
requis. Cependant, étant donné le laps de temps
écoulé, il n'était plus aussi à l'aise dans sa langue
seconde, de sorte que lorsque ses connaissances ont
été vérifiées aux fins du concours, il ne satisfaisait
plus aux normes requises pour le poste. Le candi-
dat reçu n'a pas obtenu non plus les résultats
requis au test de langue. Il pouvait toutefois être
exempté des exigences relatives aux connaissances
linguistiques en vertu de l'article 4 du Décret
d'exclusion sur les langues officielles dans la
Fonction publique. Le requérant, pour sa part, ne
pouvait l'être en raison de l'alinéa 4(2)d) de ce
Décret. Cet alinéa empêche toute personne qui a
auparavant suivi des cours, dispensés aux frais de
l'Etat, et qui a atteint un niveau de compétence
linguistique au moins égal à celui requis pour le
poste demandé, de bénéficier de l'exclusion. L'ali-
néa 4(2)d) repose sur le principe selon lequel les
personnes qui ont suivi des cours dispensés aux
frais de l'Etat et atteint un certain niveau de
compétence linguistique, mais tombent par la suite
à un niveau inférieur, ne devraient pas avoir le
droit de bénéficier de l'exclusion quant aux exigen-
ces linguistiques d'un poste pendant qu'elles sui-
vent d'autres cours de langue dispensés aux frais
de l'État.
Le requérant soutient devant la Cour que l'ali-
néa 4(2)d) du Décret d'exclusion sur les langues
officielles dans la Fonction publique est ultra
vires parce qu'il viole le principe du mérite et
parce qu'il constitue de la part de la Commission
de la Fonction publique une tentative de définir ou
de déterminer les conditions de candidature à des
postes, ce qu'elle n'est pas habilitée à faire. À mon
avis, un simple examen suffit à rejeter ces
prétentions.
Il ne fait aucun doute que le principe du mérite
sert de fondement à la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique et qu'il est précisément
enchâssé dans l'article 10. Cependant, le Décret
d'exclusion a été adopté conformément à
l'article 39 de la Loi qui permet expressément de
soustraire des postes ou des personnes de l'applica-
tion de la loi. Ces termes ne pourraient être plus
clairs:
39. Si la Commission décide qu'il n'est ni praticable ni dans
les meilleurs intérêts de la Fonction publique d'appliquer la
présente loi ou une de ses dispositions à un poste, à une
personne ou à une classe de postes ou de personnes, elle peut,
avec l'approbation du gouverneur en conseil, soustraire ce
poste, cette personne ou cette classe de postes ou de personnes,
en totalité ou en partie, à l'application de la présente loi ...
[C'est moi qui souligne.]
On ne peut retenir l'argument selon lequel le
Décret d'exclusion permet à la Commission de la
Fonction publique d'empiéter sur les fonctions de
gestion du Ministère en déterminant les conditions
de candidature à un poste, parce qu'il ne corres
pond pas à ce qui se passe réellement. Le Minis-
tère a établi, par l'intermédiaire de son sous-chef,
les conditions de candidature au poste en cause.
Parmi celles-ci, on trouve la condition suivante
quant aux connaissances linguistiques: «Bilingue,
nomination non impérative». En vertu du Décret
d'exclusion sur les langues officielles dans la
Fonction publique, ces termes ont un sens précis:
pour être admissible, un candidat doit, soit possé-
der les compétences linguistiques requises, soit
pouvoir bénéficier d'une exclusion en vertu du
Décret. Les conditions de candidature ont été
déterminées par le Ministère et non par la Com
mission. Le requérant ne s'est pas qualifié et ne
pouvait bénéficier de l'exclusion. En revanche, le
candidat reçu a bénéficié de l'exclusion et a, par
conséquent, obtenu la nomination.
Je rejetterais la demande.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STONE (dissident): Le requérant invo-
que en l'espèce les dispositions de l'alinéa 28(1)b)
de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 °
Supp.), chap. 10) pour demander à la Cour l'exa-
men et l'annulation de la décision du comité
intimé, qui a été établi conformément à l'article 21
de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique'.
Cette décision, datée du 17 mai 1983, a été rendue
après la tenue d'un concours restreint en vue de
pourvoir à un poste d'agent supérieur de projets au
Centre des expositions du gouvernement canadien
du ministère des Approvisionnements et Services, à
Ottawa. Le requérant ainsi que d'autres personnes
ont posé leur candidature. Un candidat, autre que
le requérant, a obtenu le poste. Dans sa plainte, le
requérant dit essentiellement qu'en décidant de ne
pas intervenir, le comité a commis une erreur
puisqu'il était le candidat le mieux qualifié pour le
poste.
C'est en juillet 1982 qu'on a demandé à la
Commission de la Fonction publique de pourvoir
au poste. À cette fin, le Ministère avait rédigé un
énoncé de qualités exposant les conditions que
devait remplir le candidat reçu et comportant à la
fois des exigences «cotées» et des exigences «fonda-
mentales». Les exigences cotées portaient sur les
connaissances, les aptitudes et les qualités person-
nelles, alors que les exigences fondamentales por-
taient sur les études, les exigences linguistiques et
l'expérience. Les exigences linguistiques pour le
poste étaient rédigées comme suit:
La connaissance de l'anglais et du français est une condition
essentielle ... Bilingue, nomination non impérative (BBBB/
BBBB)
L'expression «Bilingue, nomination non impéra-
tive» n'est pas définie dans l'énoncé, mais il semble
' S.R.C. 1970, chap. P-32.
qu'elle se rapporte à la nomination à un poste que
le sous-chef a identifié comme nécessitant l'usage
des deux langues officielles, mais n'exigeant pas
que la personne nommée possède, au moment de sa
nomination, le niveau de compétence linguistique
requis. Il faut opposer ce genre de nomination à la
nomination à un poste dit «Bilingue impératif»,
c'est-à-dire à un poste identifié par le sous-chef
comme nécessitant que le candidat possède le
niveau de compétence requis dans les deux langues
officielles avant la nomination. Pour un poste
bilingue, que la nomination soit impérative ou non,
les niveaux de compétence requis dans les deux
langues quant à la compréhension écrite, la com-
préhension auditive, l'expression écrite et l'expres-
sion orale sont désignés de manière distincte, la
lettre «C» indiquant le niveau supérieur, la lettre
«B» le niveau intermédiaire, et la lettre «A» le
niveau minimum. Dans un concours de cette sorte,
les niveaux de compétence linguistique sont identi-
fiés par ces lettres pour constituer un «profil lin-
guistique». Ainsi, dans l'énoncé de qualités, les
lettres que le Ministère a attribuées pour chaque
aptitude—«BBBB»—constituaient le profil linguis-
tique du poste en question. C'est par un examen de
connaissance linguistique qu'on détermine, au
cours du processus de sélection, si la personne qui
se porte candidate à un poste possède la compé-
tence requise pour les niveaux spécifiés.
Le processus de sélection qui permet d'évaluer
chaque candidat selon les exigences «cotées» et
«fondamentales», a été mené en deux temps. Dans
un premier temps, six candidats, dont le requérant,
ont subi un examen écrit et un examen oral por-
tant sur les exigences cotées. Le requérant s'est
classé premier en ce qui concerne ces exigences.
Dans un second temps, les connaissances linguisti-
ques des candidats ont été vérifiées par un examen.
On a constaté dans ce cas qu'un seul des candidats
possédait le niveau «B» de compétence pour ce qui
est de la compréhension et de l'expression écrites,
et de la compréhension et de l'expression orales
dans les deux langues officielles. Par conséquent, il
a été placé au premier rang sur la liste d'admissibi-
lité mais, bien que qualifié pour le poste, il a refusé
la nomination. Il a donc été nécessaire d'envisager
de choisir un des autres candidats. Le requérant
possédait le niveau requis en ce qui concerne les
trois premières exigences mais non en ce qui con-
cerne la quatrième. Bien que classé deuxième sur
l'ensemble, son nom n'a pas été placé sur la «liste
d'admissibilité» établie conformément au paragra-
phe 17(1) de la Loi. Par contre, le nom de la
candidate qui s'était classée troisième et dont le
niveau de compétence linguistique était inférieur à
celui du requérant, a été placé sur la liste. La
Commission était convaincue qu'elle avait la capa-
cité d'atteindre le niveau «B» dans le délai prescrit.
Après la clôture du concours, le requérant en a
contesté les résultats devant le comité intimé.
Celui-ci lui a exprimé de la «sympathie» pour cette
«malheureuse situation» mais il s'est prononcé
contre lui. Le comité a jugé que la sélection avait
été faite selon les dispositions de la Loi et du
Décret d'exclusion sur les langues officielles dans
la Fonction publique 2 (ci-après le Décret d'exclu-
sion). Pour sa part, le requérant soutient principa-
lement que l'intimé a commis une erreur en fon
dant sa décision sur l'alinéa 4(2)d) du Décret
d'exclusion. Il prétend que la Commission n'était
pas habilitée à adopter les dispositions de cet
alinéa pour diverses raisons, dont principalement le
fait que ces dispositions violent le principe de la
«sélection établie au mérite» énoncé à l'article 10
de la Loi, et qu'elles prévoient une «condition de
candidature» pour le poste et, par conséquent,
empiètent sur une fonction de gestion que seul le
sous-chef peut exercer. De son côté, l'intimé
affirme que sa décision était fondée. Il prétend que
l'alinéa 4(2)d) du Décret d'exclusion a été valable-
ment adopté dans les limites du mandat légal
conféré à la Commission par l'article 39 de la Loi.
En résumé, il affirme avoir conclu à juste titre que
la sélection avait été faite conformément à la Loi
et au Décret d'exclusion.
Avant d'aborder les points en litige, il convient
d'examiner les diverses dispositions de la Loi en
matière de sélection et de nomination des fonction-
naires. L'alinéa 5a) confère à la Commission le
pouvoir de «nommer ou faire nommer ... des
personnes possédant les qualités requises», et ce
pouvoir doit être exercé «conformément aux dispo
sitions et aux principes de la présente loi». Comme
je l'ai déjà fait remarquer, l'article 10 prévoit une
«sélection établie au mérite»:
10. Les nominations à des postes de la Fonction publique,
faites parmi des personnes qui en sont déjà membres ou des
2 Approuvé par le décret du conseil C.P. 1981-2716
(DORS/81-787), 30 septembre 1981.
personnes qui n'en font pas partie, doivent être faites selon une
sélection établie au mérite, ainsi que le détermine la Commis
sion. La Commission les fait à la demande du sous-chef en
cause, à la suite d'un concours, ou selon telle autre méthode de
sélection du personnel établie afin de déterminer le mérite des
candidats que la Commission estime la mieux adaptée aux
intérêts de la Fonction publique.
Suivant le paragraphe 12(1) [mod. par S.C. 1974-
75-76, chap. 66, art. 10], la Commission peut:
12. (1) ... en déterminant conformément à l'article 10 le
principe de l'évaluation du mérite, en ce qui concerne tout poste
ou classe de postes, prescrire des normes de sélection visant
l'instruction, les connaissances, l'expérience, la langue, la rési-
dence ou toute autre question que la Commission juge néces-
saire ou souhaitable, compte tenu de la nature des fonctions à
accomplir ...
Selon le paragraphe 16(1) de la Loi, la Commis
sion doit examiner et étudier toutes les demandes
reçues dans le délai fixé pour leur réception, et
16. (1) ... Après avoir considéré les autres documents et
tenu les examens, épreuves, entrevues et enquêtes qu'elle estime
nécessaires ou désirables, elle doit choisir les candidats ayant
les qualités requises pour remplir le poste ou les postes relative-
ment auxquels le concours est tenu.
Suivant le paragraphe 17(1), la Commission doit
17. (1) Parmi les candidats qualifiés ... choisir ceux qui
occupent les premiers rangs et placer leurs noms sur une ou
plusieurs listes, dites listes d'admissibilité, selon qu'elle l'estime
nécessaire pour suppléer à une vacance ou à des vacances
anticipées.
et le paragraphe 17(3) oblige la Commission, lors-
qu'elle établit une liste d'admissibilité dans le cas
d'un concours restreint, à «y inscrire les candidats
qualifiés par ordre de mérite».
Finalement, l'article 39 de la Loi confère de
vastes pouvoirs à la Commission. Il porte:
39. Si la Commission décide qu'il n'est ni praticable ni dans
les meilleurs intérêts de la Fonction publique d'appliquer la
présente loi ou une de ses dispositions à un poste, à une
personne ou à une classe de postes ou de personnes, elle peut,
avec l'approbation du gouverneur en conseil, soustraire ce
poste, cette personne ou cette classe de postes ou de personnes,
en totalité ou en partie, à l'application de la présente loi. La
Commission peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil,
appliquer de nouveau une disposition quelconque de la présente
loi à tout poste ou toute personne ainsi soustraite.
Par application des pouvoirs que lui confère l'arti-
cle 39, la Commission a adopté le Décret d'exclu-
sion. Il prévoit notamment:
2. (1) Dans le présent décret,
«Commission» désigne la Commission de la Fonction publique;
«cours de langue» désigne les cours de base, dispensés aux frais
de l'État, dans l'une des langues officielles, dont la nature, la
durée et le lieu sont prescrits pour chaque personne par le
sous-chef;
«nomination non impérative» désigne une nomination pour une
période indéterminée, faite à la demande du sous-chef, à un
poste bilingue qu'il a identifié comme ne nécessitant pas, au
moment de la nomination, la connaissance et l'usage des
deux langues officielles;
«poste bilingue» désigne un poste identifié par le sous-chef
comme poste comportant des fonctions nécessitant la con-
naissance et l'usage des deux langues officielles.
(2) Aux fins du présent décret,
«engagement» désigne une déclaration écrite par laquelle une
personne, ayant la connaissance et l'usage d'une seule des
langues officielles, consent
a) à démontrer à la Commission son aptitude à acquérir, au
moyen de cours de langue, la connaissance et l'usage de
l'autre langue officielle au niveau de compétence requis pour
un poste bilingue,
b) à tenter d'acquérir au moyen de cours de langue, la
connaissance et l'usage de l'autre langue officielle au niveau
de compétence requis pour un poste bilingue, pendant la
période d'exemption fixée par le présent décret, et
c) à être mutée à un autre poste pour lequel elle est qualifiée
à tous égards, dans le cas où elle n'aurait pas acquis, à
l'expiration de la période d'exemption, la connaissance et
l'usage de l'autre langue officielle au niveau de compétence
requis pour un poste bilingue.
4. (1) Est exclue de l'application de l'article 10 de la Loi,
dans les cas où une norme de sélection fondée sur la compé-
tence linguistique constitue un critère d'évaluation en vue d'une
nomination non impérative faite selon une sélection établie au
mérite, toute personne ayant la connaissance et l'usage d'une
seule langue officielle au niveau de compétence requis pour le
poste bilingue visé et
a) qui est admissible aux cours de langue et remet un
engagement à la Commission;
(2) Aux fins de l'alinéa (I )a), une personne est admissible
aux cours de langue en vue d'accéder à un poste bilingue, si
a) elle démontre à la Commission son aptitude à acquérir la
connaissance et l'usage de l'autre langue officielle au niveau
de compétence requis pour ce poste, et que
b) depuis le ltt janvier 1974, le nombre total d'heures de
cours de langues qu'elle a suivies est inférieur au maximum
autorisé,
et si
d) elle n'a pas atteint, à la suite de cours de langue, un
niveau de compétence linguistique semblable ou supérieur, ou
J'aborderai dans l'ordre inverse les deux princi-
paux points soulevés par le requérant. Je ne crois
pas que les dispositions de l'alinéa 4(2)d) du
Décret d'exclusion constituent une condition sup-
plémentaire de candidature pour le poste en cause.
A mon avis, les conditions dont il est question dans
l'énoncé préparé par le Ministère se rapportent à
l'aptitude à être nommé à un poste. En revanche,
l'alinéa 4(2)d) vise à déterminer si la personne qui
a les qualités requises pour un poste devrait y être
nommée si elle a atteint, à la suite de cours de
langue, un niveau de compétence linguistique sem-
blable ou supérieur à celui requis pour le poste,
mais n'a pas réussi à s'y maintenir. En l'espèce, le
requérant possédait selon moi les qualités requises
pour ce poste. En fait, l'intimé lui-même a conclu
que la nomination aurait été offerte au requérant
n'eût été le fait que l'alinéa 4(2)d) l'interdisait.
Le principal motif de contestation de la décision
est que l'alinéa 4(2)d) du Décret d'exclusion n'au-
rait pas dû être appliqué parce qu'il viole le prin-
cipe de la «sélection établie au mérite» enchâssé à
l'article 10 de la Loi et qu'il est, par conséquent,
ultra vires. Le requérant prétend, en résumé, que,
étant donné qu'il avait été jugé le candidat le
mieux qualifié, la Commission était obligée de le
choisir de préférence à tout autre candidat. Il
soutient que si l'alinéa 4(2)d) constitue un obstacle
à sa nomination, il doit céder le pas au principe de
la sélection établie au mérite. L'intimé allègue
pour sa part que l'alinéa 4(2)d) du Décret d'exclu-
sion est valide car il se situe dans les limites des
pouvoirs conférés à la Commission par l'article 39,
dont notamment celui de soustraire des personnes
«à l'application» de l'article 10. Il ressort de la
lecture de l'article 39 qu'il autorise la Commission
à donner à des personnes la possibilité d'être nom-
mées à des postes auxquels elles n'auraient pu
autrement accéder. L'application normale de l'ar-
ticle 10, qui exige la sélection établie au mérite,
empêcherait, par exemple, la nomination à un
poste bilingue de toute personne n'ayant pas le
niveau de compétence linguistique requis, fixé
comme condition d'emploi par un employeur éven-
tuel. Dans des circonstances normales, cet article
obligerait la Commission à effectuer sa sélection
parmi des candidats bilingues seulement. Toute-
fois, compte tenu de l'ensemble de la Loi, je ne
crois pas que la Commission soit autorisée à ne pas
tenir compte du principe du mérite lorsqu'elle
effectue une sélection parmi les personnes ayant
les qualités requises pour un poste, y compris celles
qui bénéficient de l'exclusion prévue au paragra-
phe 4(1) du Décret d'exclusion.
La Cour reconnaît l'importance fondamentale
du principe du mérite dans le processus de sélec-
tion prévu par la Loi. En fait, elle l'a décrit comme
étant «l'objectif principal ... et le critère essentiel
d'appréciation de l'exercice des pouvoirs conférés
par la Loi» 3 . Cette façon de voir respecte l'écono-
mie générale de la Loi qui exige que les sélections
soient faites au mérite parmi les personnes ou
candidats «qualifiés». Ces personnes sont qualifiées
lorsqu'elles satisfont aux conditions d'emploi fixées
par l'employeur éventuel. La Commission doit
faire sa sélection en se fondant sur le mérite ou,
comme l'a récemment expliqué la Cour, elle doit
choisir «parmi les candidats possédant les qualités
requises par le Ministère le candidat le mieux
qualifié pour le poste et le nommer à ce poste» 4 .
À mon avis, l'alinéa 4(2)d) va plus loin que les
pouvoirs conférés à la Commission par l'article 39.
Il vise à empêcher la nomination de la personne la
mieux qualifiée non pas parce qu'il est possible
qu'elle ne satisfasse pas aux conditions d'emploi
fixées, mais parce qu'elle n'a pas réussi à se main-
tenir à un niveau de compétence dans l'autre
langue officielle égal à celui qu'elle avait atteint
auparavant grâce aux cours dispensés aux frais de
l'État. Quelle que puisse être la raison justifiant
l'introduction dans la loi de cet obstacle à une
nomination, cela ne pouvait être fait que par le
législateur fédéral ou avec son approbation. L'arti-
cle 39 ne confère pas expressément ce pouvoir, et
je ne crois pas qu'on puisse l'interpréter comme
contenant un tel pouvoir, puisque cela équivaudrait
à permettre une dérogation à une disposition fon-
damentale de la Loi, c'est-à-dire le principe de la
sélection établie au mérites. J'estime qu'on ne peut
3 Bambrough c. Un Comité d'appel établi par la Commission
de la Fonction publique, [1976] 2 C.F. 109 (C.A.), le juge
Le Dain à la p. 115.
La Reine c. Ricketts, jugement en date du 31 octobre 1983,
Division d'appel de la Cour fédérale, A-807-82, encore inédit, le
juge en chef Thurlow à la p. 3. Voir aussi Delanoy c. Le Comité
d'appel de la Commission de la Fonction publique, [1977] I
C.F. 562 (C.A.), le juge Ryan à la p. 563.
5 R. v. Belanger (1916), 54 R.C.S. 265, aux pp. 268 et 269;
Minister of Health v. The King, [1931] A.C. 494 (H.L.), à la
p. 503.
sanctionner un tel résultat à moins que le libellé
même des dispositions législatives ne l'exige
clairement.
Par ces motifs, j'estime que l'alinéa 4(2)d) du
Décret d'exclusion n'a pas été valablement établi
et que l'intimé a commis une erreur en l'appli-
quant. Je renverrais l'affaire à l'intimé pour, qu'il
réexamine l'appel du requérant et se prononce sur
celui-ci sans tenir compte des dispositions de l'ali-
néa 4(2)d) dudit Décret d'exclusion.
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