T-957-83
Robert Walter Sango (requérant)
c.
Commission nationale des libérations condition-
nelles (intimée)
Division de première instance, juge Muldoon—
Winnipeg, 14 septembre; Ottawa, 11 octobre 1983.
Libération conditionnelle — Compétence de la Commission
nationale des libérations conditionnelles — La Commission
a-t-elle agi sans compétence ou a-t-elle excédé sa compé-
tence? — Demande visant à interdire une audience aux fins de
décider si la Commission doit révoquer la surveillance obliga-
toire lorsque celle-ci est interrompue par une peine consécutive
— Le requérant est-il un détenu à liberté conditionnelle? —
La Commission n'est pas dessaisie — Demande rejetée — Loi
sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap.
P-2, art. 10(1)a),e),(2) (abrogé et remplacé par S.C. 1976-77,
chap 53, art. 25(2)), 11 (abrogé et remplacé par idem, art. 26),
13(1),(2) (abrogés et remplacés par idem, art. 27), 15(1)
(abrogé et remplacé par idem, art. 28(1)), (2),(3),(4) (ajouté par
idem, art. 28(2)), 16(1),(2),(3) (abrogés et remplacés par idem,
art. 29), (4),(5), 18 (abrogé et remplacé par idem, art. 30) —
Règlement sur la libération conditionnelle de détenus, C.R.C.,
chap. 1249.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Prohibition
— La Commission des libérations conditionnelles a-t-elle
compétence pour examiner ou révoquer la surveillance obliga-
toire lorsque celle-ci est interrompue par une peine d'empri-
sonnement consécutive? — Demande rejetée.
Pendant qu'il faisait l'objet d'une surveillance obligatoire, le
requérant a commis d'autres infractions pour lesquelles on lui a
imposé une peine d'emprisonnement consécutive. Il sollicite une
ordonnance qui interdirait à la Commission nationale des libé-
rations conditionnelles de tenir une audience aux fins de décider
si sa surveillance obligatoire doit être révoquée, ainsi qu'une
ordonnance qui interdirait de révoquer cette surveillance sans
tenir une audience. Le requérant prétend que le paragraphe
15(4) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus a
primauté sur l'alinéa 10(1)e) parce qu'il n'est pas, en fait, un
détenu à liberté conditionnelle puisque sa surveillance obliga-
toire est interrompue par l'effet de la loi et ne doit être rétablie
que lorsqu'il aura purgé sa dernière peine. À la lumière de
l'arrêt Greenberg c. Commission nationale des libérations con-
ditionnelles et autre, la Commission n'est pas dessaisie en ce
qui concerne le réexamen de la question de la surveillance
obligatoire du requérant. Par conséquent, il ne peut aucune-
ment être démontré qu'elle a agi ou pourrait agir sans avoir
compétence, ni qu'elle a excédé ou qu'elle pourrait excéder sa
compétence lorsqu'elle examine cette surveillance, ou qu'elle
n'a pas la compétence pour la révoquer au cours d'une peine
d'emprisonnement consécutive.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Greenberg c. Commission nationale des libérations con-
ditionnelles et autre (1983), 48 N.R. 310; 10 W.C.B. 222
(C.F. Appel).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Oag v. R., et al., [1983] 3 W.W.R. 130 (C.B.R. Alb.);
infirmée par 33 C.R. (3d) 111 (C.A. Alb.); Noonan c.
Commission nationale des libérations conditionnelles,
[1983] 2 C.F. 772 (C.A.).
AVOCATS:
Judy Elliott pour le requérant.
Brian H. Hay pour l'intimée.
PROCUREURS:
Aide juridique du Manitoba, Winnipeg, pour
le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Le requérant sollicite une
ordonnance interdisant à l'intimée de tenir ou de
poursuivre une audience aux fins de décider si elle
doit ou non révoquer sa surveillance obligatoire,
ainsi qu'une ordonnance interdisant à l'intimée de
révoquer sa surveillance obligatoire sans tenir une
audience.
Dans son affidavit en date du 19 avril 1983, le
requérant dit être un prisonnier détenu dans l'éta-
blissement de Stony Mountain au Manitoba. Son
avocate affirme qu'il vient d'être transféré au péni-
tencier de la Saskatchewan. Il ressort de l'affidavit
du requérant qu'il a quitté l'établissement de
Stony Mountain le 1" octobre 1982 sous surveil
lance obligatoire et qu'il s'est alors dirigé vers
Winnipeg. Le 12 décembre 1982, il a été inculpé
de vol d'un bien dont la valeur ne dépasse pas
200 $, de possession de marchandises obtenues illé-
galement et d'escroquerie concernant un bien dont
la valeur ne dépasse pas 200 $. Le même jour, on
lui a refusé un cautionnement à la suite de ces
inculpations et il est demeuré sous garde. Le lende-
main, un mandat a été décerné en vertu des arti
cles 16 [mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 29]
et 18 [abrogé et remplacé idem, art. 30] de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C.
1970, chap. P-2, suspendant la surveillance obliga-
toire du requérant soi-disant [TRADUCTION] «en
vue d'empêcher la violation d'une modalité de la
libération conditionnelle».
Le requérant a ensuite été ramené à l'établisse-
ment de Stony Mountain où, dit-il, il a comparu
devant la Commission intimée le 4 février 1983 ou
vers cette date, laquelle a tenu une audience posté-
rieure à la suspension en application, semble-t-il,
du paragraphe 16(4) de la Loi. Sur ce, par une
ordonnance signée le 8 février 1983, la Commis
sion a, par l'entremise d'une personne désignée par
son président, ordonné l'annulation de la suspen
sion de la surveillance obligatoire du requérant qui
avait pris effet le 13 décembre précédent. Celui-ci
redevenait un détenu assujetti à la surveillance
obligatoire en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi
«comme s'il était un détenu à liberté conditionnelle
en libération conditionnelle et comme si les moda-
lités de sa surveillance obligatoire étaient des
modalités de sa libération conditionnelle.»
Malgré le rétablissement de sa surveillance obli-
gatoire, le requérant a exercé le droit que lui
confère le paragraphe 15(3) [ajouté par S.C.
1976-77, chap. 53, art. 28] de la Loi de choisir de
demeurer dans l'établissement. Voici ce qu'il
déclare dans l'avis qu'il a fait parvenir au gestion-
naire des sentences de l'établissement, une copie de
cet avis étant jointe à son affidavit sous la cote
«C»: [TRADUCTION] «Par conséquent, je ne désire
pas pour le moment être libéré sous surveillance
obligatoire». Ce document est daté du 7 février
1983. Voici les observations du gestionnaire des
peines qui, semble-t-il, ont été dactylographiées sur
cet avis:
[TRADUCTION] En vertu du par. 15(3) de la Loi sur la libéra-
tion conditionnelle de détenus, un détenu peut choisir de purger
sa période de surveillance obligatoire sous garde. Cependant,
une fois qu'il a été libéré sous surveillance obligatoire, que cette
surveillance a été suspendue ou que sa suspension est subsé-
quemment annulée, il n'a plus le choix de demeurer dans
l'établissement pour purger sa période de surveillance obliga-
toire sous garde.
Le requérant n'est cependant pas demeuré dans
l'établissement de Stony Mountain et il a été
transféré dans un lieu de détention situé dans le
Public Safety Building à Winnipeg, en attendant
que les inculpations portées contre lui au mois de
décembre précédent soient tranchées.
Le 23 février 1983, le requérant a plaidé «coupa-
ble» auxdites accusations devant le juge M. Bary-
luk de la Cour provinciale (division criminelle),
qui lui a alors imposé une peine d'emprisonnement
d'un an à purger à la suite de la peine qu'il était en
train de purger et qu'il continue de purger.
Le requérant affirme qu'avant de plaider «cou-
pable» à ces accusations, il s'est entretenu avec son
agent de liberté conditionnelle qui lui a indiqué
que l'intimée ne voulait plus rien entendre de lui et
qu'il devrait par conséquent purger sa peine dans
un établissement provincial s'il entendait plaider
«coupable». Le requérant ne prétend pas citer
directement les termes exacts de l'agent de liberté
conditionnelle mais il présente, comme on peut le
comprendre, une citation indirecte. Bien sûr,
l'agent de liberté conditionnelle ne pouvait proba-
blement pas prévoir, avant que le requérant ne
plaide coupable, quelle peine la Cour lui
imposerait.
À la suite de l'imposition de cette peine consécu-
tive d'un an par le juge Baryluk, le requérant a été
conduit à l'établissement correctionnel provincial
de Headingley où il est demeuré pendant environ
une semaine et demie, pour être ensuite retourné à
l'établissement de Stony Mountain. Là, son agent
de liberté conditionnelle lui a dit qu'il comparaî-
trait de nouveau devant la Commission intimée et
que sa surveillance obligatoire serait probablement
révoquée.
À la suite de ces événements, le requérant solli-
cite une ordonnance de prohibition contre l'inti-
mée. Voici les motifs qu'il invoque dans son avis de
requête introductif d'instance:
[TRADUCTION] 1. L'intimée, LA COMMISSION NATIONALE DES
LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES, n'a pas compétence ou elle
excède sa compétence en prétendant statuer sur la surveillance
obligatoire du requérant alors que celle-ci est interrompue par
une peine d'emprisonnement consécutive.
2. L'intimée, LA COMMISSION NATIONALE DES LIBÉRATIONS
CONDITIONNELLES, n'a pas compétence pour révoquer la sur
veillance obligatoire du requérant au cours d'une peine d'empri-
sonnement consécutive.
3. Tout autre motif qui peut ressortir du dossier, que les avocats
peuvent faire connaître et que cette Cour peut admettre.
L'avocate du requérant déclare que le 2 juin
1983, l'intimée a décerné un mandat visant à
suspendre la surveillance obligatoire du requérant
et que ce mandat a été signé à l'établissement de
Stony Mountain le 6 juin 1983. Ledit mandat n'a
pas été déposé devant la Cour: il n'a été que
mentionné au cours de l'argumentation orale. L'in-
timée a pris cette mesure quelque temps après la
signification de l'avis de requête introductif d'ins-
tance du requérant, appuyé de son affidavit, soit le
19 avril 1983, et elle risque de voir la suspension
de la surveillance obligatoire annulée par une déci-
sion défavorable rendue au cours de la présente
instance.
Il y a lieu d'examiner brièvement les dispositions
législatives et la jurisprudence afin de déterminer
si la Commission intimée agit sans compétence ou
excède sa compétence ou si on peut raisonnable-
ment craindre qu'elle agisse sans compétence ou
qu'elle excède sa compétence, ou même, si elle n'a
pas compétence pour prétendre révoquer la surveil
lance obligatoire du requérant. On a fait mention
du paragraphe 15(2) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus. En vertu de ce paragra-
phe, un détenu qui fait l'objet d'une surveillance
obligatoire, tel que le requérant, est censé être un
détenu à liberté conditionnelle en libération
conditionnelle.
Voici les autres dispositions pertinentes de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus:
10. (1) La Commission peut
a) accorder la libération conditionnelle à un détenu, sous
réserve des modalités qu'elle juge opportunes, si la Commis
sion considère que
(i) dans le cas d'un octroi de libération conditionnelle autre
qu'une libération conditionnelle de jour, le détenu a tiré le
plus grand avantage possible de l'emprisonnement,
(ii) l'octroi de la libération conditionnelle facilitera le
redressement et la réhabilitation du détenu, et
(iii) la mise en liberté du détenu sous libération condition-
nelle ne constitue pas un risque indu pour la société;
e) à sa discrétion, révoquer la libération conditionnelle de
tout détenu à liberté conditionnelle autre qu'un détenu à
liberté conditionnelle qui a été relevé des obligations de la
libération conditionnelle, ou révoquer la libération condition-
nelle de toute personne qui est sous garde en conformité d'un
mandat délivré en vertu de l'article 16 nonobstant l'expira-
tion de sa condamnation.
(2) [abrogé et remplacé par S.C. 1976-77, chap. 53, art.
25(2)] La Commission ou la personne que le président désigne
à cette fin peuvent mettre fin à l'absence temporaire sans
escorte accordée à un détenu en vertu des articles 26.1 ou 26.2
de la Loi sur les pénitenciers ou à la libération conditionnelle
de jour de tout détenu et, par mandat écrit, autoriser l'arresta-
tion et le renvoi en détention de ce détenu comme le prévoit la
présente loi.
11. [abrogé et remplacé idem, art. 26] Sous réserve des
règlements que peut établir à ce sujet le gouverneur en conseil,
la Commission n'est pas obligée, lorsqu'elle étudie la possibilité
d'accorder ou de révoquer une libération conditionnelle, de
donner au détenu l'occasion de se faire entendre personnelle-
ment ou par l'intermédiaire d'une autre personne.
13. [abrogé et remplacé idem, art. 27] (1) Il y a présomption
qu'un détenu mis en liberté conditionnelle continue, tant qu'elle
n'est pas révoquée, de purger sa peine d'emprisonnement jus-
qu'au terme prévue par la loi et, dans le cas d'un détenu mis en
liberté conditionnelle de jour, qu'il la purge au lieu de détention
d'où il a été ainsi relâché.
(2) Sauf en accord avec les modalités d'une libération condi-
tionnelle de jour, il est interdit d'emprisonner en raison de sa
sentence le détenu qui bénéficie d'une libération conditionnelle
qui n'a été ni révoquée ni suspendue ou à laquelle, dans le cas
d'une libération conditionnelle de jour, il n'a pas été mis fin; il
doit, sous réserve des dispositions de la présente loi, être mis et
laissé en liberté conformément aux modalités de sa libération.
15. (1) [abrogé et remplacé idem, art. 28(1)] Par dérogation
à toute autre loi, le détenu remis en liberté avant l'expiration de
sa sentence prévue par la loi, uniquement par suite d'une
réduction de peine supérieure à soixante jours, y compris une
réduction méritée, doit être assujetti à une surveillance obliga-
toire dès sa mise en liberté, et pendant tout le temps que dure
cette réduction.
(3) [ajouté idem, art. 28(2)] Par dérogation au paragraphe
(1), le détenu qui pourrait être remis en liberté sous surveil
lance obligatoire peut choisir d'achever de purger sa peine à
l'intérieur de l'établissement mais ce choix n'engage pas défini-
tivement le détenu qui choisit plus tard d'être remis en liberté
sous surveillance obligatoire; tout choix ultérieur d'être remis
en liberté sous surveillance obligatoire doit être respecté dès
que possible; le détenu ne peut cependant demander sa remise
en liberté que pendant les heures diurnes d'une semaine nor-
male de travail.
(4) [ajouté idem, art. 28(2)] Le détenu assujetti à une
surveillance obligatoire qui commet une nouvelle infraction
pour laquelle une peine d'emprisonnement consécutive lui est
imposée, doit la purger immédiatement, la période de mise en
liberté sous surveillance obligatoire étant interrompue pendant
tout ce temps.
16. [paragraphes (1) à (3) abrogés et remplacés idem, art.
29] (1) Un membre de la Commission ou la personne que le
président désigne à cette fin, en cas de violation des modalités
d'une libération conditionnelle ou lorsqu'il est convaincu qu'il
est souhaitable sinon nécessaire d'agir ainsi pour empêcher une
telle violation ou pour protéger la société, peut, par mandat
écrit signé de sa main,
a) suspendre toute libération conditionnelle aux obligations
de laquelle le détenu est encore assujetti;
b) autoriser l'arrestation d'un détenu en liberté condition-
nelle; et
c) renvoyer un détenu en détention jusqu'à ce que la suspen
sion soit annulée ou sa liberté conditionnelle révoquée.
(2) La Commission ou la personne que le président désigne,
peut, par mandat écrit, ordonner le transfèrement d'un détenu
renvoyé en détention en vertu de l'alinéa (1)c), en attendant
l'annulation de sa suspension ou la révocation de sa libération
conditionnelle.
(3) La personne qui a signé le mandat visé au paragraphe
(1), ou toute personne que le président désigne à cette fin, doit,
dès que le détenu en liberté conditionnelle qui y est mentionné
est renvoyé en détention, réexaminer son cas, et, dans les
quatorze jours qui suivent, si la Commission ne décide pas d'un
délai plus court, annuler la suspension ou renvoyer l'affaire
devant la Commission.
(4) La Commission doit, lorsque lui est renvoyé le cas d'un
détenu à liberté conditionnelle dont la libération conditionnelle
a été suspendue, examiner le cas et faire effectuer toutes les
enquêtes y relatives qu'elle estime nécessaires et immédiate-
ment après que ces enquêtes et cet examen sont terminés, elle
doit soit annuler la supension, soit révoquer la libération
conditionnelle.
(5) Un détenu qui est sous garde en vertu du présent article
est censé purger sa sentence.
18. [abrogé et remplacé idem, art. 30] La Commission, ou la
personne que le président désigne à cette fin, peut, par mandat
écrit, autoriser l'arrestation et le renvoi en détention conformé-
ment à la présente loi, du détenu dont la libération condition-
nelle est révoquée.
En application de l'article 11 de la Loi, le
Règlement sur la libération conditionnelle de
détenus [C.R.C., chap. 1249] offre au détenu la
possibilité de demander une audience postérieure à
la suspension, comme l'a fait remarquer l'avocate
du requérant dans son argumentation. Le Règle-
ment permet en outre au détenu de demander à la
Commission de réexaminer une décision visant à
révoquer la surveillance obligatoire.
Il s'agit d'une situation différente de celle qui a
été décrite dans les affaires Oag v. R., et al.', et
Noonan c. Commission nationale des libérations
conditionnelles 2 parce que dans le présent cas, le
requérant a été mis en liberté le 1" octobre 1982.
Après la suspension de sa surveillance obligatoire
qui est survenue le 13 décembre 1982 et qui a été
subséquemment annulée le 8 février 1983, il s'est
prévalu du paragraphe 15(3) de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus. Malgré le
choix qu'il a exprimé, le requérant a été retiré de
l'établissement de Stony Mountain et placé sous
garde à Winnipeg parce qu'il- n'a pu bénéficier
d'un cautionnement en ce qui concerne les inculpa-
tions pendantes.
Ayant commis, après sa mise en liberté, d'autres
infractions qui lui ont valu une peine d'emprison-
nement consécutive, et sa surveillance obligatoire
' [1983] 3 W.W.R. 130 (C.B.R. Alb.), [infirmée par] 33
C.R. (3d) 111 (C.A. Alb.).
2 [1983] 2 C.F. 772 (C.A).
n'étant pas révoquée, comme le prévoit le paragra-
phe 15(4) de la Loi, le requérant, craignant que la
Commission intimée ne décide maintenant de révo-
quer cette surveillance, demande que l'intimée soit
empêchée de le faire. Il prétend que dans les
circonstances actuelles, sa surveillance obligatoire
doit être interrompue et continuer de l'être jusqu'à
ce qu'il ait purgé sa dernière peine. Son avocate
souligne que depuis le moment où la suspension de
la surveillance obligatoire a été annulée, il n'y a
pas eu d'autre mise en liberté ni de mauvaise
conduite postérieure à la mise en liberté qui pour-
rait justifier la révocation de la surveillance obliga-
toire. Le requérant prétend que le paragraphe
15(4) a primauté sur l'alinéa 10(1)e) parce qu'il
n'est pas, en fait, un détenu à liberté conditionnelle
puisque sa surveillance obligatoire est interrompue
par l'effet de la loi et qu'elle ne doit être rétablie
que lorsqu'il aura purgé sa dernière peine.
La Commission intimée a manifestement fait
preuve d'une parfaite correction en rétablissant la
surveillance obligatoire du requérant pendant la
période au cours de laquelle celui-ci était seule-
ment accusé d'infractions au mois de décembre
1982. Le simple respect du droit du requérant
prévu par la constitution d'être présumé innocent
tant qu'il n'est pas déclaré coupable conformément
à la loi, si on ne connaissait rien d'autre de sa
conduite, dicterait la prudence. Étant donné ces
accusations pendantes, l'intimée ne pouvait pas
savoir s'il en résulterait un acquittement, un aban
don d'accusation, un verdict de culpabilité ou,
comme dans le présent cas, un plaidoyer de «culpa-
bilité». Ce n'est qu'alors, en ce qui concerne les
accusations pendantes, qu'on a déterminé la con-
duite du requérant postérieure à sa mise en liberté,
conduite qui pouvait donner lieu à la révocation de
sa surveillance obligatoire.
L'avocate du requérant a fait valoir que la légis-
lation n'est pas suffisamment claire pour justifier
la demande de la Commission intimée. Ce pourrait
être une proposition défendable si ce n'était de la
décision unanime de la Cour d'appel fédérale
rendue dans l'affaire Greenberg c. Commission
nationale des libérations conditionnelles et autre'.
Voici ce qu'a déclaré le juge Pratte au nom de la
Cour [à la page 314 N.R.]:
3 (1983), 48 N.R. 310; 10 W.C.B. 222 (C.F. Appel).
[TRADUCTION] Il y a lieu de faire tout d'abord un certain
nombre d'observations. Il est reconnu que lorsqu'elle révoque
une libération conditionnelle, la Commission exerce un pouvoir
administratif et non quasi judiciaire. Il est également reconnu
que lorsqu'elle décide si elle doit ou non révoquer une libération
conditionnelle, la Commission est liée, comme le sont toutes les
autres autorités administratives, par les règles de l'équité dans
la procédure. Enfin, les deux parties conviennent qu'en vertu du
Règlement sur la libération conditionnelle de détenus, la Com
mission ne peut révoquer la libération conditionnelle d'un
détenu sans lui donner l'occasion d'être entendu.
En ce qui concerne la prétention du requérant
selon laquelle le paragraphe 15(4) a primauté sur
les dispositions de l'alinéa 10(1)e), voici un extrait
pertinent du juge Pratte [à la page 313 N.R.]:
[TRADUCTION] ... au dire de l'appelant, lorsqu'un mandat de
suspension d'une libération conditionnelle a été décerné et
annulé en bonne et due forme, un second mandat ne peut
subséquemment être décerné à partir des mêmes faits.
Cet argument se fonde sur deux hypothèses erronées. Selon
la première hypothèse, l'art. 16 de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus constitue la source du pouvoir de la
Commission de révoquer une libération conditionnelle. Cela est
inexact. La source de ce pouvoir est l'alinéa 10(1)e) en vertu
duquel «La Commission peut à sa discrétion, révoquer la libéra-
tion conditionnelle de tout détenu à liberté conditionnelle».
L'article 16 constitue d'autre part la source du pouvoir de
suspendre une libération conditionnelle et il prévoit que lors-
qu'une telle libération a été suspendue, l'affaire doit être sou-
mise à la Commission pour qu'elle puisse décider si elle exer-
cera son pouvoir de révocation. Il s'ensuit qu'une ordonnance de
la Commission révoquant une libération conditionnelle n'est pas
nulle pour l'unique raison qu'elle n'a pas été précédée d'une
suspension valide. La seconde hypothèse erronée de l'appelant
veut que lorsqu'elle a tranché une question,. la Commission est
dessaisie de l'affaire et ne peut réexaminer la question ni
reconsidérer sa décision. Lorsqu'elle décide de suspendre ou de
révoquer une libération conditionnelle, la Commission exerce
une fonction purement administrative. Le principe qui interdit
normalement aux autorités judiciaires ou quasi judiciaires de
réexaminer une question qu'elles ont déjà tranchée ne s'appli-
que pas aux autorités administratives. Il ne s'applique pas à la
Commission.
Puisque la Commission intimée n'est pas dessaisie
en ce qui concerne le réexamen de la question de la
surveillance obligatoire du requérant, il ne peut
aucunement être démontré qu'elle agit sans com-
pétence, qu'elle excède sa compétence, ou qu'elle
pourrait le faire, lorsqu'elle examine cette surveil
lance, ou qu'elle n'a pas la compétence pour la
révoquer au cours d'une peine d'emprisonnement
consécutive. Aucun autre motif permettant d'or-
donner l'interdiction n'a été prouvé ou allégué.
Conformément aux principes énoncés dans l'af-
faire Greenberg c. Commission nationale des libé-
rations conditionnelles et autre, précitée, la pré-
sente demande est donc rejetée.
ORDONNANCE
Requête rejetée avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.