T-389-80
Ellerman Lines Ltd. (demanderesse)
c.
Gibbs, Nathaniel (Canada) Ltd., American
Motorists Insurance Company, American Manu
facturers Mutual Insurance Company, Lumber-
men's Mutual Casualty Company, Fidelity Life
Association, Federal Mutual Insurance Company,
Tetley Inc., Atlantic Mutual Insurance Co. et
Centennial Insurance Company (défenderesses)
Division de première instance, juge Addy—Mont-
réal, 1" novembre; Ottawa, 29 novembre 1983.
Droit maritime — Les propriétaires de marchandises ne
peuvent être appelés à contribuer à une avarie commune
lorsque les dommages aux machines ont été découverts au port
et que ni le navire ni la cargaison n'étaient en péril — Les
propriétaires de la cargaison n'étaient pas obligés de garder la
cargaison à bord du navire jusqu'à ce qu'il ait atteint la
destination finale prévue dans le connaissement — Action
rejetée.
Les dommages aux machines principales du navire City of
Colombo ont été découverts lorsque ce dernier était à quai au
port de Montréal. Il faisait route de l'Inde à Toronto. Les
défenderesses ont acquitté en totalité le fret et demandé que
leurs marchandises soient déchargées au port. Les questions à
trancher consistent à déterminer si on pouvait déclarer qu'il y
avait avarie commune et si les défenderesses avaient droit de
demander que leurs marchandises soient déchargées à
Montréal.
Jugement: l'action devrait être rejetée. Les circonstances ne
justifiaient pas à l'époque en cause une déclaration d'avarie
commune car la cargaison et le navire n'ont jamais été en péril.
En ce qui concerne la seconde question, ni le droit contractuel
général ni le droit maritime n'obligent le propriétaire d'une
cargaison à garder celle-ci à bord d'un navire jusqu'à ce qu'il
ait atteint la destination finale prévue dans le connaissement,
s'il paie la totalité du fret qui y est prévu pour la durée totale
du voyage et demande le déchargement de la cargaison à un
port intermédiaire où le navire est à quai et où il existe des
installations à cette fin. Il ne peut être légalement appelé à
contribuer en vertu d'une réclamation d'avarie commune pour
des dépenses engagées subséquemment.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Kemp v. Halliday (1865), 34 L.J.Q.B. 233 (Q.B.D.); The
Royal Mail Steam Packet Company, Limited v. The
English Bank of Rio de Janeiro, Limited (1887), 19
Q.B.D. 362; Bank of St. Thomas v. The British Brigan
tine Julia Blake, et al., 107 U.S. 595 (1882); Domingo
De Larrinaga, 1928 A.M.C. 64 (U.S.D.C.).
AVOCATS:
Sean J. Harrington et P. Jeremy Bolger pour
la demanderesse.
Vincent M. Prager et Jacqueline Johnson
pour les défenderesses.
PROCUREURS:
McMaster, Meighen, Montréal, pour la
demanderesse.
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb,
Montréal, pour les défenderesses.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE ADDY: Le propriétaire du navire City
of Colombo a intenté la présente action contre
certains propriétaires de cargaisons et leurs assu-
reurs pour leur contribution dans une réclamation
d'avarie commune.
L'action a été instruite sur exposé de cause et
aucune partie n'a présenté de preuve. Étant donné
que l'exposé énonce brièvement les faits, il est joint
en annexe aux présentes. Il s'agit d'une version
modifiée car, à l'instruction, certains changements
mineurs ont été apportés, sur consentement des
parties, à l'exposé initial.
Bien qu'on y trouve les Règles de York et
d'Anvers et la Clause Jason modifiée (voir par. 3
de l'exposé), les avocats des parties ont admis à
l'audition que ces dispositions n'étaient d'aucune
utilité pour trancher les points en litige soumis à la
Cour et que, par conséquent, on pouvait y passer
outre. Ils se sont également entendus pour dire,
d'après ce qui ressort du paragraphe 4 de l'exposé
de cause et d'après les admissions des avocats à
l'audition, que rien dans l'action ne dépendait des
règles de pratique des experts répartiteurs anglais.
Les documents mentionnés dans l'exposé de cause
n'ont pas été joints car ils ne sont pas pertinents
pour les points abordés dans les motifs de
jugement.
Il faut, pour trancher les questions soumises à la
Cour par les parties (voir par. 22 de l'exposé),
déterminer tout d'abord si, au moment où le navire
était à quai au port de Montréal et où les défende-
resses ont demandé que leurs marchandises y
soient déchargées sur paiement total du fret tel
que prévu dans les connaissements, on pouvait
déclarer légalement qu'il y avait avarie commune.
Brièvement, il y a avarie commune lorsque les
biens engagés dans une aventure maritime com
mune sont sacrifiés volontairement en l'existence
d'un péril dans le but de préserver le reste des
biens, y compris le navire, engagés dans l'expédi-
tion. Les périls les plus communs sont l'échoue-
ment, la perte de pouvoir ou de contrôle en mer,
l'incendie et la collision.
The Law of General Average and the York -
Antwerp Rules de Lowndes & Rudolf, British
Shipping Laws, Volume 7, dixième édition (1975),
contient le paragraphe suivant dans son introduc
tion [à la page 3]:
[TRADUCTION] Le premier énoncé connu sur le droit des
avaries communes est un court extrait d'anciennes dispositions
législatives grecques que l'on trouve dans le texte d'un chapitre
du Digeste de Justinien: »Lege Rhodia cavetur ut si levandae
navis gratia jactus mercium factum est, omnium contribution
sarciatur quod pro omnibus datum est.» «Le droit de Rhodes
décrète que, lorsque pour alléger un navire, la marchandise est
jetée par-dessus bord, tous devront contribuer au remplacement
de ce qui a été sacrifié pour le salut commun.» Cette courte
phrase énonce et illustre parfaitement le sens communautaire
particulier dont les marins font preuve quand ils sont placés
dans des situations extrêmes. Ce qui est donné ou sacrifié, en
présence d'un péril pour le salut commun, doit être remplacé
par la contribution commune de tous ceux qui, de cette façon,
ont été mis hors de danger. Il s'agit d'une règle qui, aussi loin
que l'on puisse remonter dans le temps, est universellement
observée par les marins, peu importe leur pays d'appartenance,
et qui repose manifestement sur les contraintes de leur
situation.
Les auteurs ajoutent au paragraphe 34 du même
texte [à la page 17] l'extrait suivant de la décision
du juge Blackburn dans Kemp v. Halliday ':
[TRADUCTION] «Pour que l'on puisse prétendre qu'il y a
avarie commune, il est essentiel qu'il y ait sacrifice volontaire
afin de préserver plus d'un objet exposé au péril commun; mais
les frais extraordinaires engagés à cette fin constituent tout
autant un sacrifice que le cas où, au lieu d'une dépense
d'argent, des objets de cette valeur sont jetés. Il importe peu
que l'armateur sacrifie un câble ou une ancre pour dégager un
navire d'un récif ou qu'il en paie la valeur pour louer les
services extraordinaires qui permettront de le faire»: Kemp v.
Halliday, le juge Blackburn.
On trouve les passages suivants aux pages 370 et
371 de la décision The Royal Mail Steam Packet
1 (1865), 34 L.J.Q.B. 233 (Q.B.D.), à la p. 242.
Company, Limited v. The English Bank of Rio de
Janeiro, Limited 2 , qui a depuis été fréquemment
citée et approuvée aux pages 370 et 371:
[TRADUCTION] Je présume qu'il est désormais accepté que
les circonstances dont découle une responsabilité pour avarie
commune doivent être de nature à mettre en danger la sécurité
du navire et de la cargaison et non pas simplement à empêcher
la poursuite et la réussite du voyage: Svensden v. Wallace;
Harrison v. Bank of Australasia. Je présume aussi qu'il est
établi que lorsque l'ensemble de la cargaison est déchargé et en
sécurité, les dépenses engagées par la suite pour mettre le
navire à flot ne constituent pas une avarie commune: Job v.
Langton, décision que Moran v. Jones est censée contredire,
mais qui, dans la mesure où les principes sont concernés, ne
mérite pas, à mon avis, une telle remarque.
Ces principes, bien qu'ils concernent différentes époques, si
l'on peut dire, de la série d'événements qui donnent naissance à
une avarie commune, le premier étant relatif à l'état des choses
au moment où la responsabilité débute et l'autre, à l'état des
choses au moment où elle prend fin, ont un point commun: les
deux font ressortir la nécessité, pour établir l'avarie commune,
de démontrer qu'il existe un danger commun de destruction au
moment où la responsabilité est engagée. Dans Arnould on
Insurance, p. 917 (1" éd.), p. 934 (2» éd.), l'auteur affirme que
cette exigence est l'élément fondamental indispensable pour
établir une contribution d'avarie commune: «Tous les biens
finalement sauvés de l'aventure, c'est-à-dire le navire, le fret et
la cargaison, contribuent à l'indemnisation de la perte pour
avarie commune à condition que ceux-ci aient réellement été
en danger au moment où la perte a été subie, car s'ils n'étaient
pas en danger au moment de la perte, ils n'ont pas été sauvés
grâce à cette perte.» [Notes en bas de page omises.]
Je considère que tel est l'état du droit au
Canada aujourd'hui. Les avocats ont mentionné
plusieurs décisions américaines et il est évident que
le même principe, selon lequel il doit exister un
risque ou un péril réel pour donner lieu à une
situation d'avarie commune, a été appliqué
uniformément.
En l'espèce, les dommages aux machines ont été
découverts dans le port de Montréal, environ
quatre jours après l'arrivée du navire au port (voir
par. 7 de l'exposé). Ni le navire ni la cargaison
n'étaient en péril à ce moment. Il en résulte qu'en
droit, il ne pouvait exister et qu'il n'existait pas de
situation d'avarie commune à ce moment-là. L'ac-
tion est rejetée pour ce simple motif.
L'avocat de la demanderesse , allègue que,
comme il s'agissait d'une aventure commune, les
propriétaires du navire et ceux de la cargaison
dont les marchandises devaient être transportées à
2 (1887), 19 Q.B.D. 362.
Toronto, avaient pris l'engagement commun de
poursuivre cette aventure commune, de l'Inde jus-
qu'au port de Toronto, et que, par conséquent, ils
étaient tous obligés de contribuer pour tout acci
dent ou toute mésaventure pouvant survenir pen
dant la durée du voyage. Il soutient aussi que,
contrairement à certains autres cas où le navire
s'était départi volontairement d'une partie de la
cargaison alors qu'il était en route pour sa destina
tion et où on a jugé que, pour cette raison, la
cargaison ne pouvait être appelée à contribuer aux
dépenses pour avarie commune engagées par la
suite, les propriétaires du navire en l'espèce ne se
sont pas séparés volontairement de la cargaison
mais l'ont fait pour se conformer à l'ordonnance
délivrée par la Cour (voir par. 13 de l'exposé de
cause).
À mon avis, il existe une réponse simple et
irréfutable à cette allégation: ni le droit contrac-
tuel général ni le droit maritime n'obligent le
propriétaire d'une cargaison à garder une cargai-
son à bord d'un navire jusqu'à ce qu'elle ait atteint
la destination finale prévue dans le connaissement,
s'il paie la totalité du fret qui y est prévu pour la
durée totale du voyage et demande le décharge-
ment de la cargaison à un port intermédiaire où le
navire est à quai et où il existe des installations à
cette fin. Les connaissements en cause ne conte-
naient aucune clause spéciale modifiant cet état de
choses.
Dans l'affaire Bank of St. Thomas v. The Brit-
ish Brigantine Julia Blake, et al. 3 , le juge en chef
Waite se prononçant au nom de la Cour suprême
des États-Unis, après avoir examiné plusieurs déci-
sions y compris le droit anglais sur le sujet, a
déclaré à la page 600 de l'arrêt:
[TRADUCTION] Le propriétaire de la cargaison n'est pas tenu
d'aider à ce qu'en toutes circonstances le navire termine sa
traversée. Il appartient au propriétaire du navire et à son
capitaine, en sa qualité d'agent désigné, de faire tout ce qui de
bonne foi doit être fait pour amener la cargaison à sa destina
tion. À cette fin, le propriétaire de la cargaison devrait contri-
buer aux dépenses dans la mesure où il semble que la sauve-
garde de ses intérêts l'exige; toutefois, il n'est pas obligé de
sacrifier sa cargaison, ou de permettre qu'elle le soit, dans
l'intérêt du navire seulement. Il doit faire ce que la bonne foi
envers le navire exige qu'il fasse, mais rien de plus. Si, en
fournissant son assistance au navire en détresse, sa perte n'était
pas plus grande que celle qu'il subirait en reprenant ses proprié-
tés et en en disposant d'une autre façon, il devrait, si le
3 107 U.S. 595 (1882).
propriétaire du navire et son capitaine le demandaient, apporter
l'aide nécessaire ou permettre que la cargaison fût utilisée à
cette fin. C'est dans cette mesure seulement qu'il est tenu de
fournir son assistance au navire en détresse. Par conséquent,
nous croyons que lorsque le propriétaire d'une cargaison trouve
dans un port de refuge un navire chargé d'une cargaison lui
appartenant et exigeant des réparations qui ne peuvent être
effectuées sans qu'il lui en coûte plus qu'il ne perdrait s'il
prenait livraison de ses marchandises à cet endroit et payait au
navire tous les frais légitimes qu'il lui doit, il peut alors payer
les frais et réclamer ses marchandises. Autrement, il serait
contraint de sacrifier ses propres intérêts au profit d'autres
intérêts; ce n'est pas ce qu'exige le droit. [C'est moi qui
souligne.]
Le même principe a été repris dans la décision
américaine Domingo De Larrinaga 4 :
[TRADUCTION] Ou il peut y avoir une séparation à la suite du
retrait d'une partie de la cargaison avant la fin du voyage.
Chaque propriétaire a le droit d'agir ainsi en tout temps, sur
paiement du fret pour la totalité du voyage; la cargaison ainsi
retirée est exempte de contribution pour toute perte ou dépense
subséquente. En d'autres termes, tant que les propriétés restent
liées les propriétaires ont un intérêt commun dans l'entreprise;
toutefois, il est possible pour n'importe laquelle des parties de
rompre à volonté et en tout temps ce lien qui est purement
accidentel et non conventionnel ou contractuel.
La Cour cite ensuite une partie de l'extrait
précité de l'arrêt Julia Blake.
J'estime que cela fait partie du droit maritime
au Canada. L'action est par conséquent rejetée
pour les deux motifs mentionnés ci-dessus,
c'est-à-dire:
1. Que ni à l'époque en cause ni d'ailleurs à
aucun moment de la traversée, les circonstances ne
justifiaient une déclaration d'avarie commune, car
la cargaison et le navire n'ont jamais été en péril.
2. Que, de toute façon, même si les conditions
d'avarie commune avaient existé et même s'il y
avait eu des dépenses à cette fin après l'arrivée à
Montréal, les propriétaires de la cargaison étaient
pleinement justifiés d'exiger que leur cargaison
soit déchargée sans délai à Montréal, sur paiement
du fret pour la totalité du voyage. Ils n'étaient pas
obligés de poursuivre le voyage jusqu'à Toronto et
ils ne peuvent être légalement appelés à contribuer
en vertu d'une réclamation d'avarie commune pour
des dépenses engagées subséquemment, qu'il
s'agisse de réparations aux machines, de péage ou
d'autres frais engagés pendant la période des
réparations.
4 1928 A.M.C. 64 (U.S.D.C.), à la p. 67.
Il serait absurde, compte tenu de ces conclu
sions, d'examiner les autres questions contenues au
paragraphe 22 de l'exposé de cause, car si le
contrat a été exécuté à Montréal ou s'il y a eu
impossibilité d'exécution dudit contrat, ces deux
points constituent d'autres moyens de défense
valables.
Comme l'action a été abandonnée en ce qui
concerne les trois dernières défenderesses mention-
nées dans l'intitulé de la cause, l'action est rejetée
seulement à l'égard des autres défenderesses qui
auront droit à leurs dépens.
* * *
Voici l'annexe mentionnée dans les motifs du juge-
ment du juge Addy dans la cause Ellerman Lines
Ltd. c. Gibbs, Nathaniel (Canada) Ltd., et autres,
en date du mardi 29 novembre 1983.
[TRADUCTION] EXPOSÉ DE CAUSE
(RÈGLE 475)
LES PARTIES AUX PRÉSENTES S'ENTENDENT POUR EXPOSER
DANS UN MÉMOIRE SPÉCIAL LES QUESTIONS ET FAITS SUI-
VANTS POUR REMPLACER L'INSTRUCTION:
1. LA DEMANDERESSE était, pendant toute la période en cause,
propriétaire du navire City of Colombo et partie intéressée;
2. LES DÉFENDERESSES étaient, pendant toute la période en
cause, propriétaires de la cargaison transportée, en passant par
le Bangla Desh, l'Inde, le Sri Lanka, l'Afrique orientale et
l'Afrique du Sud, à bord dudit navire City of Colombo, pour
être déchargée dans divers ports de l'est du Canada, ou leurs
assureurs et, de toute façon, parties intéressées;
3. Les connaissements mentionnés dans la déclaration de la
demanderesse comprennent le contrat d'affrètement et la clause
suivante:
«28. AVARIES COMMUNES. Les avaries communes seront
réglées conformément aux Règles de York et d'Anvers de
1974 et, en cas de lacunes de celles-ci, selon les règles de
pratique des experts répartiteurs anglais; toutefois, la perte
d'animaux vivants ou les blessures subies par ceux-ci à la
suite de jet à la mer ou d'une autre façon ne sont pas
indemnisables. Les règlements seront établis au port que
choisira le transporteur. Si le transporteur possède et exploite
un bâtiment de sauvetage, l'indemnité de sauvetage devra
être payée en totalité exactement comme si ledit ou lesdits
bâtiments de sauvetage appartenaient à des tiers. Les char-
geurs, les consignataires et les propriétaires des marchandises
devront, s'il y a lieu, verser au transporteur, avant la livrai-
son, une somme que le transporteur ou ses représentants
jugeront suffisante pour couvrir la contribution des marchan-
dises, l'indemnité de sauvetage et les frais qui s'y rattachent.
Toutefois, la clause suivante s'appliquera lorsqu'un règle-
ment d'avarie sera effectué selon le droit ou les règles de
pratique des États-Unis d'Amérique ou de tout autre pays
dont les règles de droit ou de pratique sont équivalentes.
CLAUSE JASON MODIFIÉE.
a) En cas d'accident, de danger, de dommages ou de sinistre
avant ou après le début de la traversée, pour quelque cause
que ce soit, du fait ou non d'une négligence, desquels ou
des conséquences desquels le transporteur n'est pas respon-
sable en vertu de la loi, du contrat ou autrement, les
marchandises, les chargeurs, les consignataires ou les pro-
priétaires des marchandises contribueront avec le transpor-
teur aux avaries communes pour le paiement de tout
sacrifice, perte ou dépense, entrant dans le cadre des
avaries communes, qui pourront survenir, et paieront l'in-
demnité de sauvetage et les frais particuliers engagés à
l'égard des marchandises.
b) Si le transporteur possède et exploite un bâtiment de
sauvetage, l'indemnité de sauvetage devra être payée en
totalité exactement comme si ledit ou lesdits bâtiments de
sauvetage appartenaient à des tiers. Les marchandises, les
chargeurs, les consignataires ou les propriétaires des mar-
chandises devront, s'il y a lieu, verser au transporteur,
avant la livraison, une somme que le transporteur ou ses
représentants jugeront suffisante pour couvrir la contribu
tion des marchandises, l'indemnité de sauvetage et les frais
particuliers qui s'y rattachent.»
4. Une copie des Règles de York et d'Anvers de 1974 est jointe
aux présentes. Aucune des parties à l'instance n'a l'intention de
présenter une preuve fondée sur les Règles de York et d'Anvers
de 1974 ou sur les règles de pratique des experts répartiteurs
anglais;
5. Ledit navire a chargé sa cargaison d'acajoux à Cochin
(Inde), conformément aux connaissements 1 et 2, 4 à 8 et 14 à
19, qui sont annexés aux présentes, et le fret a été acquitté en
totalité;
6. En l'espèce, la demanderesse a exercé une diligence raisonna-
ble avant le voyage et au début de celui-ci afin de mettre le
navire en bon état de navigabilité;
7. Le navire est arrivé à Montréal le 10 avril 1976 et les
dommages subis par ses machines principales ont été découverts
le 14 avril 1976;
8. Une avarie commune a été déclarée;
9. Le navire devait à l'origine faire route de Montréal à
Toronto et Hamilton (Ontario), le 24 avril 1976, pour y
décharger des marchandises importées et y charger des mar-
chandises d'exportation;
10. À la suite de réparations, le 2 juillet 1976, le navire a
effectivement fait route pour Toronto et Hamilton mais seule-
ment pour y charger des marchandises d'exportation;
11. Il n'y avait aucune cargaison à bord du navire lorsqu'il s'est
mis en route pour Toronto le 2 juillet 1976;
12. Moyennant une indemnité, les autres propriétaires de la
cargaison chargée à bord dudit navire en route pour Toronto,
etc., ont conclu une entente par laquelle ils acceptaient que
leurs marchandises soient déchargées à Montréal et acheminées
à leur port de déchargement respectif autrement que par le City
of Colombo; toutefois, une telle entente n'a pas été conclue
avec les défenderesses;
13. Dans une lettre datée du 26 avril 1976, la demanderesse a
informé les défenderesses, par l'intermédiaire des répartiteurs
d'avaries qu'elle avait engagés, qu'il faudrait environ un mois et
demi pour effectuer les réparations. La demanderesse a offert
d'abréger le délai en expédiant la cargaison de Montréal à
Toronto par un autre moyen de transport, à la condition
toutefois que les défenderesses produisent comme garantie
additionnelle au compromis d'avarie une «convention de non-
séparation» dont voici le texte:
CONVENTION DE NON-SÉPARATION:
Il est convenu que, dans l'éventualité où la cargaison du
navire ou une partie de celle-ci serait expédiée à sa destina
tion initiale dans un autre navire ou par un autre moyen de
transport, il n'y aura pas moins lieu à contribution aux
avaries communes, l'objectif étant de mettre, dans la
mesure du possible, les parties concernées dans la même
situation à cet égard que celle dans laquelle elles se
seraient trouvées en l'absence d'une telle expédition de la
cargaison et si le navire originel avait poursuivi l'aventure
aussi longtemps que permis en vertu du droit applicable ou
du contrat d'affrètement. La contribution à l'avarie com
mune des biens concernés devra être établie sur la base de
leur valeur au moment de leur livraison au lieu de destina
tion initial à moins qu'on ne les ait vendus ou qu'on en ait
disposé autrement avant l'arrivée à destination; toutefois,
si aucune partie de la cargaison n'est expédiée par le
navire, la contribution des biens concernés devra être
établie sur la base de leur valeur réelle au moment où le
déchargement de la cargaison sera terminé.
Les défenderesses ont offert une garantie sous la forme d'un
compromis d'avarie mais ont toutefois refusé de souscrire à la
convention de non-séparation et ont exigé la livraison de la
cargaison à Montréal. La demanderesse a refusé de livrer la
cargaison à Montréal plutôt qu'à Toronto et avait en outre
l'intention d'exercer un droit de rétention sur la cargaison afin
de garantir sa réclamation de contribution pour avarie com
mune. Aussi, le 17 mai 1976, Gibbs, Nathaniel (Canada) Ltd.
a intenté une action devant la Cour fédérale du Canada, sous le
numéro de greffe T-1896-76, dans laquelle elle sollicitait
notamment une injonction ordonnant à Ellerman Lines Ltd. de
livrer la cargaison à Montréal en échange seulement d'une
garantie pour avaries communes n'incluant pas la convention de
non-séparation.
Le même jour, l'honorable juge Walsh a accordé l'injonction
et ordonné:
«L'injonction est accordée sous réserve pour la demanderesse
de fournir le compromis d'avarie mentionné au paragraphe 4
de l'affidavit, mais elle ne tranche pas la question de savoir si
la période de l'avarie commune devait être étendue de la date
du déchargement à Montréal jusqu'à la date d'arrivée prévue
à Toronto; cette question pourra, s'il y a lieu, être tranchée
par la Cour à une date ultérieure, au cours de procédures
appropriées. Les dépens suivront l'issue de la cause.»
Par la suite, la garantie pour avarie commune sans clause de
non-séparation a été fournie et la cargaison a été livrée à
Montréal;
14. Toutes les dépenses pour avarie commune ont été engagées
par la suite;
15. Les défenderesses ont pris possession de leur cargaison à
Montréal et nul ne sait ce qu'elle est devenue ou quelle a été sa
destination par la suite;
16. La distance entre Cochin (Inde) et Montréal (Canada) est
de 15 134 milles;
17. La distance entre Montréal et Toronto est de 349 milles;
18. Le transport de marchandises par eau de Montréal à
Toronto prend approximativement 30 heures;
19. Le transport de marchandises par route de Montréal à
Toronto prend approximativement 8 heures;
20. Le transport de marchandises par voie ferrée de Montréal à
Toronto prend approximativement 12 heures;
21. À l'époque en cause, il n'y avait pas de différence entre le
fret pour le transport de cargaison de Cochin à Montréal et
celui de Cochin à Toronto, sauf en ce qui concerne des frais
additionnels de 90 ¢ la tonne pour le paiement des droits de
passage sur la voie maritime;
22. Les seules questions à régler entre la demanderesse et les
défenderesses sont les suivantes:
a) Existait-il une avarie commune ou une aventure commune,
ou les deux, immédiatement après la livraison de la cargai-
son conformément à l'ordonnance de la Cour?
b) Les défenderesses avaient-elles le droit d'exiger la livraison
ou de prendre livraison de la cargaison, ou les deux, à
Montréal, port de refuge, ou pouvaient-elles être contrain-
tes d'attendre que les réparations du navire soient effec-
tuées et que la cargaison soit ensuite expédiée à sa
destination?
c) La demanderesse pouvait-elle obliger les défenderesses à
signer une convention de non-séparation avant qu'elles
prennent livraison de la cargaison à Montréal?
d) Y a-t-il eu impossibilité d'exécuter le contrat de transport
à Montréal?
e) À toutes fins utiles, le contrat de transport avait-il été
exécuté à Montréal?
f) Les défenderesses ont-elles l'obligation de contribuer à
l'avarie commune pour les dépenses engagées après le
déchargement de la cargaison mais avant l'arrivée du
navire à son port de destination prévu?
23. Pour les fins de l'espèce, les parties aux présentes ont conclu
que le montant du capital est de 22 500 $ canadiens;
24. La cargaison devant initialement être déchargée à Montréal
n'a pas été appelée à contribuer et n'a pas contribué à l'avarie
commune;
25. Si la réponse à la question 22f) est affirmative, ladite
somme de 22 500 $ due à la demanderesse portera intérêt au
taux préférentiel moyen à partir du ler août 1978;
Le taux préférentiel moyen de la Banque Canadienne Impé-
riale de Commerce est de 14,45 % depuis le 1" août 1978.
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