T-2359-82
Wordex Incorporated (appelante)
c.
Wordex et registraire des marques de commerce
(intimés)
Division de première instance, juge Cattanach—
Ottawa, 2 décembre 1982, 2 et 17 février 1983.
Marques de commerce — Pratique — La décision du regis-
traire d'accorder une prorogation de délai pour produire une
déclaration d'opposition demandée en vertu de l'art. 46(2) de
la Loi sur les marques de commerce sans qu'aucune notifica
tion ait été faite à l'appelante est-elle une «décision» suscepti
ble d'appel? — Étant donné que l'art. 46(2) ne prévoit pas la
notification, l'appelante n'est pas partie à la demande —
L'appel est prématuré, puisqu'il n'y a pas de procédures
d'opposition avant le dépôt d'une déclaration d'opposition —
Appel rejeté — Loi sur les marques de commerce, S.R.C.
1970, chap. T-10, art. 37(1),(2),(3),(5),(6), 44, 46(1),(2), 56(1)
(mod. par la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 » Supp.),
chap. 10, art. 64(2)) — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970
(2» Supp.), chap. 10, art. 28.
À l'insu de l'appelante, le registraire des marques de com
merce s'est fondé sur l'article 46 de la Loi sur les marques de
commerce pour accorder à l'intimée une prorogation de délai
rétroactive pour produire une déclaration d'opposition. La ques
tion est de savoir si cette décision est une «décision» susceptible
d'appel au sens du paragraphe 56(1) de la Loi.
Jugement: l'appel est rejeté. Puisque l'appelante n'a pas droit
à l'avis, elle ne saurait être partie à la demande. De plus, l'appel
est prématuré, puisqu'il n'y a pas de procédures d'opposition
avant le dépôt d'une déclaration d'opposition. L'appelante aura
néanmoins le droit, au commencement des procédures d'opposi-
tion, de contester la conclusion de fait, qui est une condition
préalable à la décision du registraire, relativement à la question
de savoir si l'omission, par l'intimée, de demander une proroga-
tion dans le délai imparti «n'était pas raisonnablement
évitable».
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Centennial Grocery Brokers Limited c. Le registraire des
marques de commerce, [1972] C.F. 257; 5 CPR (2d) 235
(1'» inst.); Fjord Pacific Marine Industries Ltd. c. Le
registraire des marques de commerce et autre, [1975]
C.F. 536; 20 CPR (2d) 108 (Ife inst.); National Indian
Brotherhood, et autres c. Juneau, et autres (N° 2), [1971]
C.F. 73 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Anheuser-Busch, Inc. c. Carling O'Keefe Breweries of
Canada Limited et autre, [1983] 2 C.F. 71 (C.A.);
Zerker v. Jeffers et al., [1950] O.W.N. 597 (C.A.);
Frederick v. Aviation & General Insurance Co. Ltd.,
[1966] 2 O.R. 356 (C.A.); Denton v. Jones et al. (1977),
1 C.P.C. 65 (C.S. Ont.).
AVOCATS:
D. R. Adams pour l'appelante.
A. J. S. Davidson pour Wordex, intimée.
J. A. Pethes pour le registraire des marques
de commerce, intimé.
PROCUREURS:
McTaggart, Adams & Martin, Ottawa, pour
l'appelante.
A. J. S. Davidson, Ottawa, pour Wordex,
intimée.
Le sous-procureur général du Canada pour le
registraire des marques de commerce, intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Les faits exposés dans
l'avis d'appel ne sont pas contestés.
L'exposé des faits essentiels est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] 2. L'appelante WORDEX INCORPORATED est
une société constituée sous le régime des lois de la province
d'Ontario et ayant son siège social ou établissement principal à
Willowdale (Ontario). L'intimée WORDEX est, semble-t-il, bien
que cela n'ait pas été reconnu, une société de Californie, ayant
son siège social ou établissement principal à Oakland (Califor-
nie), aux États-Unis d'Amérique.
3. Le 17 juillet 1980, l'appelante a déposé la demande n°
456 360 tendant à l'enregistrement de la marque de commerce
WORD EX.
4. La demande n° 456 360 a dûment été examinée par le bureau
des marques de commerce et rendue publique le 25 mars 1981
aux fins d'opposition.
5. La demande n° 456 360 est encore pendante, faisant l'objet
de procédures d'opposition engagées par une tierce partie,
A.M.B. DATA PRODUCTS CANADA LTD.
6. Par lettre en date du 20 janvier 1982, les mandataires de
l'intimée WORDEX ont écrit au registraire des marques de
commerce pour demander tardivement une prorogation de
délai.
7. Par lettre en date du 8 février 1982, sans avoir consulté
l'appelante à l'instance, le registraire des marques de commerce
a écrit aux mandataires de l'intimée pour les informer qu'une
prorogation de délai rétroactive avait été accordée à l'éventuelle
opposante WORDEX, l'intimée à l'instance, pour qu'elle s'oppose
officiellement à la demande formée par l'appelante.
Comme il a été exposé au paragraphe 4, la
demande a été rendue publique le 25 mars 1981
aux fins d'opposition.
Le paragraphe 37(1) de la Loi sur les marques
de commerce [S.R.C. 1970, chap. T-10] est ainsi
rédigé:
37. (1) Toute personne peut, dans le délai d'un mois à
compter de l'annonce de la demande, et sur paiement du droit
prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration
d'opposition.
Le 12 décembre 1979, l'intimée Wordex avait,
par l'entremise de son mandataire en matière de
marques de commerce qui résidait à Ottawa
(Canada), demandé l'enregistrement du terme
identique, «Wordex», comme marque de com
merce.
Naturellement, la demande, formée par l'appe-
lante le 17 juillet 1980, d'enregistrement du même
mot a conduit à sa publication, le 25 mars 1981,
dans le Journal des marques de commerce aux fins
d'opposition.
Le délai de dépôt d'une opposition sous le
régime du paragraphe 37(1) a expiré vers le 25
avril 1981.
À l'appui de sa réponse à l'avis d'appel, le
mandataire en matière de marques de commerce
au service de l'intimée Wordex a déposé un affida
vit où il a été affirmé sous serment que depuis le
12 décembre 1979, date de dépôt de la demande de
l'intimée tendant à l'enregistrement de la marque
de commerce «Wordex», il n'avait nullement sur-
veillé les avis de publication dans le Journal des
marques de commerce pour signaler à son client
les demandes, formées par d'autres requérants,
d'enregistrement de marques de commerce créant
de la confusion.
Pour justifier ce défaut de surveillance, l'auteur
de l'affidavit a invoqué la pratique adoptée par le
registraire d'aviser, avant toute publication aux
fins d'opposition, de la présentation d'une
demande incompatible tant la partie formant cette
demande que la partie avec la demande de laquelle
l'autre demande était considérée comme étant en
conflit.
Un extrait du Manuel d'Examen des marques
de commerce, un guide publié par le bureau du
registraire à l'intention de ses employés, mais qui
était devenu connu des praticiens auprès du bureau
des marques de commerce et qui était à la disposi
tion de ceux-ci, a été produit comme pièce de
l'affidavit. Il ne s'agit que d'un manuel qui n'est
pas destiné à remplacer ni ne peut remplacer les
dispositions de la Loi sur les marques de
commerce.
Par quelque omission administrative, la pratique
adoptée au bureau des marques de commerce n'a
pas été suivie en l'espèce.
Le mandataire de l'intimée, s'étant endormi
dans une fausse sécurité en raison de la pratique,
n'a pas vu l'annonce dans le Journal des marques
de commerce publié le 25 mars 1981. En raison de
cet oubli, on ne l'a pas avisé de la demande
d'enregistrement, formée par l'appelante le 17 juil-
let 1980, du mot «Wordex» comme marque de
commerce, et il n'a reçu aucun avis avant la
mesure officielle prise par le registraire le 30
décembre 1981.
À propos de cette mesure, il s'agit d'une lettre
portant la même date et écrite par un examinateur
du bureau du registraire des marques de commerce
pour aviser le mandataire de l'intimée Wordex
qu'une demande d'enregistrement d'une marque
de commerce identique à celle dont l'intimée avait
demandé l'enregistrement avait été formée par
l'appelante à l'instance et était également pen-
dante et aussi pour l'informer que la demande de
l'appelante avait été publiée le 25 mars 1981 dans
le Journal des marques de commerce aux fins
d'opposition.
Maintenant pleinement conscient du délai pour
déposer une opposition au nom de son client, le
mandataire en matière de marques de commerce
s'est immédiatement occupé de l'affaire et, le 20
janvier 1982, a sollicité une prorogation du délai
pour déposer une déclaration d'opposition souli-
gnant les motifs du défaut de déposer celle-ci dans
le délai imparti.
Cette demande a été formée en vertu de
l'article 46 de la Loi sur les marques de com
merce, lequel figure sous la rubrique PROLONGA
TION DE DÉLAI. L'article 46 est ainsi rédigé:
46. (1) Si, dans un cas quelconque, le registraire est con-
vaincu que les circonstances justifient une prolongation du délai
fixé par la présente loi ou prescrit par les règlements pour
l'accomplissement d'un acte, il peut, sauf disposition contraire
de la présente loi, prolonger le délai après l'avis aux autres
personnes et selon les termes qu'il lui est loisible d'ordonner.
(2) Une prorogation demandée après l'expiration de pareil
délai ou du délai prolongé par le registraire en vertu du
paragraphe (1), ne doit être accordée que si le droit prescrit est
acquitté et si le registraire est convaincu que l'omission d'ac-
complir l'acte ou de demander la prorogation dans ce délai ou
au cours de cette prorogation n'était pas raisonnablement
évitable.
En vertu du paragraphe 46(2), une prorogation
ne doit être accordée que si le registraire est
convaincu que l'omission d'agir dans le délai pres-
crit «n'était pas raisonnablement évitable».
Il semble que le registraire a été convaincu
parce qu'il a décidé de proroger le délai pour
former opposition à la demande de l'appelante.
Au paragraphe 7 de l'exposé des faits qui figure
dans l'avis d'appel, l'appelante déclare que la déci-
sion par laquelle le registraire a prorogé le délai
pour l'intimée de déposer son opposition a été prise
sans qu'aucune notification lui ait été faite et sans
qu'elle ait eu la possibilité de s'opposer à la
demande de l'intimée tendant à obtenir une proro-
gation du délai pour former opposition.
Au paragraphe 4 de la réponse du registraire à
l'avis d'appel, il est allégué que le registraire n'est
nullement tenu de donner à l'appelante avis de la
demande de prorogation de délai formée par
l'intimée.
Au paragraphe 3 de la réponse de l'intimée
Wordex à l'avis d'appel de l'appelante, il est allé-
gué que celle-ci n'a pas qualité pour contester
l'octroi de la prorogation de délai par le
registraire.
C'est de la décision prise par le registraire le 8
février 1982 que l'appelante a fait appel en vertu
du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de
commerce [mod. par la Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 64(2)],
lequel est ainsi rédigé:
56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire ...
peut être interjeté à la Cour fédérale du Canada ...
C'est de la décision par laquelle le registraire a
prorogé le délai, bien après expiration de ce délai
et sur requête unilatérale et ex parte introduite à
ce sujet par l'intimée Wordex, que l'appelante
cherche à interjeter appel en tant que «décision» au
sens de ce mot qui figure dans l'expression «toute
décision rendue par le registraire» contenue au
paragraphe 56(1).
L'audition de cet appel a pris fin le 2 décembre
1982, date à laquelle l'affaire a été mise en
délibéré.
Tel qu'il ressort des plaidoiries, on prétendait
que l'appel formé par l'appelante était prématuré,
qu'elle n'avait pas qualité pour faire appel, et qu'il
n'existait aucun litige ou quasi-litige entre l'appe-
lante et l'un ou l'autre des intimés.
Immédiatement après la mise de l'affaire en
délibéré, j'ai pris connaissance de la décision
rendue le 22 novembre 1982 par la Division d'ap-
pel dans l'affaire Anheuser-Busch, Inc. c. Carling
O'Keefe Breweries of Canada Limited et autre,
[[1983] 2 C.F. 71].
Le juge Heald, qui rendait le jugement de la
Cour, a estimé que le critère pour déterminer
quelle «décision» du registraire des marques de
commerce était susceptible d'appel, au sens de
l'expression «toute décision rendue par le regis-
traire» employée au paragraphe 56(1) de la Loi
sur les marques de commerce, est susceptible de
correspondre à celui employé pour déterminer si
une «décision» est susceptible d'examen par la
Division d'appel en vertu de l'article 28 de la Loi
sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.),
chap. 101, c'est-à-dire, pour le dire en peu de mots,
une décision «finale», autre qu'une décision ou
ordonnance de nature administrative qui n'est pas
légalement soumise à un processus judiciaire ou
quasi judiciaire, rendue par un office, une commis
sion ou un autre tribunal fédéral.
Puisque la question de la compétence de la
Division de première instance pour entendre le
présent appel a été soulevée et présentée comme un
point litigieux, et puisque le raisonnement adopté
par la Division d'appel était également susceptible
d'exclure un appel formé contre une décision,
fondée sur le paragraphe 46(2), de proroger le
délai pour déposer une déclaration d'opposition
sous le régime de l'article 37, comme le cas de la
décision prise par le registraire en vertu de l'article
44 de la Loi sur les marques de commerce d'accor-
der ou de refuser une suspension des procédures
d'opposition, il a été jugé opportun d'inviter l'appe-
lante et les intimés à présenter, soit verbalement,
soit par écrit, d'autres observations à cet égard.
Telle est, à mon avis, la pratique appropriée et
acceptable adoptée devant la plupart des tribunaux
et considérée par le juge Megarry comme une
obligation absolue lorsque la décision qui pourrait
influer sur l'issue d'une affaire en délibération a
été portée à l'attention du juge par l'avocat de
l'une ou de l'autre des parties, ou par toutes les
parties ou en raison de la propre initiative du juge.
Les parties ont choisi de présenter des observa
tions orales, et l'audition a donc été reprise le 2
février 1983.
L'avocat de l'appelante a avancé des arguments
solides et convaincants pour établir que la décision
par laquelle le registraire a prorogé le délai ne
touche pas seulement la forme mais le fond du
litige, et est donc susceptible d'appel; il fait valoir
en outre que la décision n'était pas interlocutoire
mais finale.
À l'appui de ces prétentions, l'avocat de l'appe-
lante s'est appuyé sur la jurisprudence établie dans
les affaires Zerker v. Jeffers et al., [1950] O.W.N.
597 [C.A.], à la page 600, Frederick v. Aviation &
General Insurance Co. Ltd., [1966] 2 O.R. 356
[C.A.], à la page 361 et Denton v. Jones et al.
(1977), 1 C.P.C. 65 [C.S. Ont.], selon lesquelles il
n'est pas nécessaire qu'une ordonnance finale tran-
che définitivement l'objet du litige entre les par
ties, il suffit qu'elle tranche une question impor-
tante touchant le fond du litige.
L'avocat de l'intimée Wordex a également sou-
tenu que la décision du registraire était de nature
purement administrative.
Étant donné la façon dont j'envisage l'affaire, il
n'est pas nécessaire de statuer sur l'une ou l'autre
de ces prétentions.
En vertu du paragraphe 37(1), une déclaration
d'opposition peut être produite après l'annonce
d'une demande.
Le paragraphe 37(2) souligne les motifs de l'op-
position et le paragraphe 37(3), la teneur de
l'opposition.
Le paragraphe 37(5) prévoit que si le registraire
est d'avis que l'opposition soulève une question
sérieuse pour décision, il doit faire parvenir une
copie de la déclaration d'opposition au requérant.
Les procédures d'opposition prennent forme seu-
lement après que le registraire a estimé que l'oppo-
sition soulève une question sérieuse et envoyé une
copie de la déclaration d'opposition au requérant,
et que ce dernier a produit une contre-déclaration
prévue au paragraphe 37(6).
Jusque-là, il n'existe aucun litige ou quasi-litige
entre le requérant et l'opposant.
Ainsi, le requérant n'a pas qualité pour interve-
nir avant la réception d'une déclaration d'opposi-
tion, et agir avant cela est prématuré.
Le paragraphe 46(1) susmentionné prévoit que
lorsque le registraire est convaincu que les circons-
tances justifient une prorogation du délai, il peut
«prolonger le délai après l'avis aux autres
personnes».
Le paragraphe 46(2) s'applique à une proroga-
tion demandée après l'expiration du délai (comme
en l'espèce); le registraire ne doit accorder la
prorogation que s'il est convaincu que l'omission
d'agir dans le délai imparti «n'était pas raisonna-
blement évitable».
Ainsi, les seules parties à une demande formée
sous le régime du paragraphe 46(2) sont l'auteur
de la demande de prorogation et le registraire.
Le registraire n'a pas à aviser qui que ce soit de
la réception de la demande de prorogation du
délai. (Il s'agit d'une disposition légale qui n'est
nullement touchée par le Manuel d'examen des
marques de commerce.)
C'est ce qu'a décidé le juge Heald dans Centen
nial Grocery Brokers Limited c. Le registraire des
marques de commerce, [[1972] C.F. 257]; 5 CPR
(2d) 235 [1`e inst.], où il dit ceci à la page 261
[Recueil des arrêts de la Cour fédérale] :
En d'autres termes, l'article 46(2) ne porte pas qu'il faille
aviser qui que ce soit.
En vertu du paragraphe 56(1), un appel peut
être interjeté à partir de la date à laquelle le
registraire a expédié l'avis de la décision.
Sous le régime du paragraphe 46(2), la seule
personne ayant droit à l'avis de la décision par
laquelle le registraire proroge le délai est l'auteur
de la demande de prorogation.
Aucune autre personne n'a droit à l'avis de
l'octroi de la prorogation de délai.
Il s'ensuit donc que l'appelante, n'ayant pas
droit à l'avis, ne saurait être partie à la décision
par laquelle le registraire proroge le délai, et n'a
donc pas qualité pour faire appel.
Je sais que dans l'affaire Centennial, l'appel a
été formé par voie d'avis de requête introductif
d'instance, et que le redressement était sollicité au
moyen des brefs de prohibition et de mandamus
qui ont incidemment été refusés. L'ordonnance
sollicitée visait à interdire au registraire de conti-
nuer les procédures d'opposition d'où il semblerait
s'ensuivre que celles-ci avaient commencé.
Dans l'affaire Fjord Pacific Marine Industries
Ltd. c. Le registraire des marques de commerce et
autre, [[1975] C.F. 536]; 20 CPR (2d) 108 [i re
inst.], appel a été interjeté, en conformité de l'arti-
cle 56 de la Loi sur les marques de commerce, de
la décision du registraire accordant, en vertu du
paragraphe 46(2), une prorogation du délai dans
lequel l'intimée pourrait faire opposition à la
demande, formée par l'appelante, d'enregistrement
d'une marque de commerce. Une déclaration d'op-
position, qui n'était pas en litige dans l'appel, avait
été déposée, et un autre opposant avait cherché à
intervenir dans l'opposition à la demande. Le
registraire fait droit à cette demande.
Le juge Mahoney a cité les propos tenus par le
juge Heald dans l'affaire Centennial (susmention-
née) [à la page 261 du Recueil des arrêts de la
Cour fédérale] :
Lorsque le registraire a décidé d'accorder une prolongation
du délai, il disposait de tous les documents lui permettant de
conclure que l'erreur ou l'oubli «n'était pas raisonnablement
évitable» aux termes de l'article 46(2).
Je ne peux m'immiscer dans l'exercice du pouvoir discré-
tionnaire du registraire sauf s'il a commis une erreur manifeste
Le juge Mahoney a souscrit à cet exposé du
droit et a ajouté [à la page 540 du Recueil des
arrêts de la Cour fédérale]:
... que, lorsque la loi exige une conclusion de fait spécifique,
comme prérequis à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, il
faut parvenir à cette conclusion.
Je souscris entièrement à cet exposé du droit et
j'ajouterais que cette conclusion de fait préalable
doit être correctement tirée.
Cela étant, la validité de cette conclusion de fait
peut être mise en question, comme cela a été
devant le juge Mahoney, mais pour les motifs que
j'ai invoqués ci-dessus, l'appelante à l'instance ne
saurait contester la décision du registraire avant la
production de la déclaration d'opposition et le
commencement des procédures d'opposition qui en
découlent.
Dans l'affaire National Indian Brotherhood, et
autres c. Juneau, et autres (No 2), [1971] C.F. 73
[C.A.], le juge en chef Jackett a souligné que les
termes «décision ou ordonnance» employés à l'arti-
cle 28 de la Loi sur la Cour fédérale s'appliquent à
l'ordonnance émanant d'un tribunal après avoir
adopté la procédure voulue pour tirer la conclusion
nécessaire. Ils ne s'appliquent pas aux innombra-
bles décisions ou ordonnances que le tribunal doit
rendre au cours des procédures qui aboutissent au
prononcé du jugement.
Il a toutefois ajouté que chacune de ces déci-
sions peut faire partie d'un pourvoi à l'encontre de
la décision ultime au motif qu'il y a eu violation
des règles de justice naturelle.
Par cet énoncé, le juge en chef met en pratique
la maxime ubi jus, ibi remedium. Le recours prévu
pour ce droit est seulement différé jusqu'à la con-
testation de la décision ultime du tribunal pour
défaut d'accorder à celui qui conteste le droit
intermédiaire à une décision favorable.
Dans le présent appel, pour les motifs invoqués
ci-dessus, l'appelante n'a aucun droit immédiat
d'en appeler de la décision par laquelle le regis-
traire a accordé une prorogation du délai pour
faire opposition à sa demande d'enregistrement de
la marque de commerce, et ce pour deux raisons:
(1) premièrement, l'appelante n'est pas partie à
la demande de prorogation du délai parce que la
loi ne prévoit pas qu'un avis de cette demande
doit lui être donné; il s'agit donc d'une affaire
entre le requérant et le registraire,
(2) le présent appel est prématuré, puisqu'il n'y
a pas de procédures d'opposition avant le dépôt
d'une déclaration d'opposition, la décision par
laquelle le registraire, dans les circonstances,
accorde une prorogation du délai devant néces-
sairement précéder le commencement de ces
procédures.
Cela ne veut pas dire que l'appelante n'a pas le
droit de contester la conclusion de fait, qui est une
condition préalable à l'octroi d'une prorogation du
délai sollicitée, en alléguant qu'il n'avait pas été
établi que l'omission de demander une prorogation
n'était pas «raisonnablement évitable».
À mon avis, on ne prive pas l'appelante de la
possibilité de revendiquer et d'établir ce droit.
Cette possibilité est simplement remise à plus tard
jusqu'au commencement des procédures d'opposi-
tion.
L'appel sera donc rejeté sans qu'il y ait adjudi
cation de dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.