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A-737-82
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Frank Von Findenigg (intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Heald et juge suppléant Verchere—Vancouver, 14 février; Ottawa, 25 février 1983.
Assurance-chômage Compétence du juge-arbitre Demande d'examen et d'annulation de la décision du juge- arbitre qui a infirmé la décision du conseil arbitral et annulé les dispositions prises par la Commission La Commission a d'abord refusé d'antidater la demande de prestations parce que l'intimé ne remplissait pas les conditions requises L'intimé a fait appel au conseil arbitral La Commission a délivré un second refus au motif que l'intimé ne s'était pas conformé aux art. 53, 54 et 55 de la Loi sur l'assurance-chô- mage !l a été reconnu que le conseil a commis une erreur de droit en rejetant l'appel La demande était une demande de renouvellement assujettie aux conditions prévues à l'art. 55 y compris la suspension des exigences lorsque les circonstances le justifient Décision du juge-arbitre annulée Affaire renvoyée au juge-arbitre pour qu'il la renvoie à la Commission afin qu'elle prenne en considération la demande de faire antidater la demande de prestations Puisque l'affaire était en appel, le second refus était nul La Commission ne peut exercer le pouvoir que lui accorde l'art. 102 de modifier ou d'annuler sa décision une fois qu'a été interjeté appel Le pouvoir de suspendre les exigences, prévu à l'art. 55(10), n'appartient qu'à la Commission La Commission n'a jamais examiné si les circonstances justifiaient de suspendre les exi- gences Il est sous-entendu que le conseil peut renvoyer l'affaire à la Commission pour qu'elle exerce son pouvoir et qu'elle tranche définitivement l'affaire Le juge-arbitre a agi à bon droit puisqu'il pouvait rendre la décision que le conseil aurait rendre et annuler le refus de la Commission de faire antidater la demande Le juge-arbitre a commis une erreur en ne renvoyant pas l'affaire à la Commission pour qu'elle examine la possibilité de suspendre les exigences prévues à l'art. 55 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 28 Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 20(2) (abrogé et remplacé par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 33), (4), 41(1), 43(1) (abrogé et rem- placé par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 16), 55(10) (abrogé et remplacé par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 19), 94, 96 (abrogé et remplacé par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56), 102 Règlement sur l'assurance-chômage, C.R.C., chap. 1576, art. 39.
Demande d'examen et d'annulation de la décision du juge- arbitre qui a infirmé la décision du conseil arbitral et annulé les dispositions prises par la Commission d'assurance-chômage. L'intimé a demandé à la Commission d'antidater sa demande de prestations. Sa demande a été rejetée parce qu'il n'a pas rapporté la preuve qu'il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations. Le conseil arbitral a rejeté l'appel de l'intimé parce qu'il n'avait pas fait valoir un motif valable justifiant son retard. Aucune disposition législative n'a été citée, mais la décision reposait apparemment sur le paragraphe
20(4) de la Loi et sur l'alinéa 39b) du Règlement sur l'assu- rance-chômage. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent qu'à une demande de prestations initiale, et la demande de l'intimé était une demande de renouvellement. Avant la décision du conseil arbitral sur la question, mais après l'engagement de l'appel devant le conseil, la Commission a prononcé un second refus de la requête tendant à faire antidater la demande, cette fois la mentionnant correctement comme une demande de renouvellement. En vertu du paragraphe 55(1) de la Loi, les prestataires ne sont pas admissibles au renouvellement de leur demande de prestations, à moins que la Commission n'exerce son pouvoir discrétionnaire sous le régime du paragraphe 55(10) pour suspendre les exigences de l'article 55. Le juge- arbitre a infirmé la décision du conseil qui a rejeté la requête visant à faire antidater la demande de prestations, et il a annulé les dispositions prises par la Commission. L'article 96 prévoit que le juge-arbitre peut rejeter un appel, rendre la décision que le conseil arbitral aurait rendre, renvoyer l'affaire au conseil pour nouvelle audition, confirmer, infirmer ou modifier totale- ment ou partiellement la décision du conseil. La question est de savoir si le juge-arbitre a à juste titre statué sur l'appel.
Arrêt (le juge Heald dissident en partie): la décision du juge-arbitre devrait être infirmée, et l'affaire lui être renvoyée pour qu'il la renvoie à la Commission afin qu'elle prenne en considération la requête tendant à faire antidater la demande de prestations.
Le juge en chef Thurlow (avec l'appui du juge suppléant Verchere): Le second avis de refus de la Commission était nul, parce que l'affaire avait fait l'objet d'un appel et ne ressortissait plus à la Commission au moment de la délivrance de cet avis. En vertu de l'article 102, la Commission peut annuler ou modifier sa décision dans certains cas. Mais une fois les procé- dures d'appel engagées, il est trop tard pour que la Commission exerce son pouvoir prévu à cet article. Le législateur ne saurait avoir voulu que la Commission puisse s'immiscer, à quelque stade que ce soit de la procédure d'appel, dans l'exercice par l'intimé de ses droits légaux. Puisque la Commission n'a jamais examiné la question de savoir si les circonstances justifiaient la dispense des exigences de l'article 55, le conseil aurait accueillir l'appel et renvoyer l'affaire à la Commission pour qu'elle exerce la fonction que la loi lui impose. Seule la Commission est investie du pouvoir de suspension, et lorsque ce pouvoir est invoqué par un prestataire, la Commission doit l'exercer. On doit l'exercer équitablement. La Loi ne détermine nullement les pouvoirs du conseil. En prévoyant des appels devant un conseil arbitral, le législateur doit avoir voulu autori- ser implicitement le conseil à rendre toute décision qui s'impose pour s'assurer que le résultat est conforme à la loi. Lorsque la bonne application de la loi à la situation est telle que l'affaire ne saurait être tranchée définitivement avant l'exercice par la Commission d'un pouvoir que la loi réserve à elle seule, il est sous-entendu que le conseil peut et devrait renvoyer l'affaire à la Commission pour qu'elle exerce ce pouvoir. C'est à juste titre que le juge-arbitre a infirmé les décisions du conseil et de la Commission, mais il aurait renvoyer l'affaire à la Commis sion pour qu'elle exerce la fonction que la loi lui impose.
Le juge Heald dissident en partie: C'est à bon droit que le juge-arbitre a infirmé la décision du conseil sur le premier refus par la Commission d'antidater la demande. Une fois cette décision annulée, la Commission est de nouveau saisie de la requête tendant à faire antidater la demande que la loi l'oblige
à examiner en partant du critère exposé à l'article 55, y compris le paragraphe (10). Il est inutile de renvoyer l'affaire à la Commission. Toutefois, le juge-arbitre a eu tort d'annuler «Les dispositions prises par la Commission». Le conseil n'a pas été saisi du second refus de la Commission parce que ce dernier était nul, et le juge-arbitre n'en a donc pas été saisi. De même, le manque de détails dans la Loi concernant les pouvoirs du conseil, particulièrement à l'article 94, par opposition à l'article 96 qui prévoit en détail les pouvoirs du juge-arbitre, soulève la question relative au pouvoir du conseil de renvoyer l'affaire à la Commission avec des directives quant à l'exercice de la fonction que lui impose la loi sous le régime du paragra- phe 55(10).
AVOCATS:
P. Partridge pour le requérant. A. H. MacLean pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Vancouver Community Legal Assistance Society, Vancouver, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation de la décision par laquelle le juge-arbitre, nommé en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage [S.C. 1970- 71-72, chap. 48], a infirmé la décision du conseil arbitral et annulé les dispositions prises par la Commission quant à la demande de prestations d'assurance-chômage formée par l'intimé.
Sur appel formé par l'intimé en vertu de l'article 94 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô- mage, le conseil avait deux questions à trancher. La première question portait sur l'exclusion de trois semaines, imposée par la Commission à l'in- timé en application des paragraphes 41(1) et 43 (1) [abrogé et remplacé par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 16] de la Loi, au motif qu'il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Le conseil a accueilli l'appel et la Commission n'a pas poussé l'affaire plus loin. Cette question est donc tombée et n'a pas fait l'objet de l'appel formé devant le juge-arbitre ou de la demande dont a été saisie cette Cour.
La seconde question sur laquelle le conseil arbi- tral devait statuer a trait au refus par la Commis-
Sion d'antidater la demande de l'intimé, de manière à lui permettre de recevoir des prestations à partir du 25 mai 1981, date à laquelle il a perdu son emploi. Sa demande de prestations n'a été faite que le 25 juin 1981.
En rejetant la requête de l'intimé tendant à faire antidater sa demande, la Commission avait invo- qué le motif que l'intimé n'était pas en droit de faire antidater sa demande de prestations au 25 mai 1981, puisqu'il n'avait pas rapporté la preuve qu'il remplissait, à cette date, les conditions requi- ses pour recevoir des prestations. À l'appui de cet argument, elle a cité le paragraphe 20(4) de la Loi et l'alinéa 39a) du Règlement [Règlement sur l'assurance- chômage, C.R.C., chap. 1576].
Ni les observations soumises par la Commission au conseil arbitral ni la décision du conseil n'ont fait état de ce motif de refus, et il semble qu'on y ait renoncé définitivement. Au lieu de cela, la Commission a insisté sur le fait qu'il incombait à l'intimé de déposer sa demande et qu'il n'avait pas fait valoir un motif valable justifiant son retard.
Le conseil a adopté cette position et rejeté l'ap- pel formé par l'intimé. Aucune disposition législa- tive n'a été citée, mais, à l'audition, il semble qu'on ait reconnu que la décision était fondée sur le paragraphe 20(4) de la Loi et l'alinéa 39b) du Règlement. Il a également été reconnu que le raisonnement n'était pas soutenable, puisque le paragraphe 20(4) et le règlement 39b) ne s'appli- quent qu'à une demande initiale de prestations, et que la demande de l'intimé n'en était pas une. Il s'agissait d'une demande de renouvellement.
Il reste toutefois à trancher la question, sur laquelle le conseil ne s'est pas penché, probable- ment parce qu'elle n'a pas été soulevée, de savoir si c'est à bon droit qu'on a rejeté la requête tendant à faire antidater la demande de prestations et tel était, à mon avis, l'objet de l'appel formé devant le juge-arbitre.
Avant la décision du conseil arbitral sur cette question, mais après l'engagement de l'appel de l'intimé devant le conseil, la Commission a, le 28 août 1981, prononcé ce qui était censé être un second refus de la requête tendant à faire antidater la demande, l'appelant cette fois une demande de renouvellement et invoquant le motif suivant pour son rejet:
Vous n'avez pas présenté votre demande de la manière pres- crite, en ce sens que vous avez omis de renouveler votre demande le 25 mai 1981, comme le prescrivent les articles 53, 54 et 55 de la Loi et le Règlement 145.
Comme l'intimé avait une période de prestations établie pour lui en décembre 1980, et que dans la période allant du 25 mai 1981 au 25 juin 1981, il n'avait pas formulé de demande de prestations, le paragraphe 55(1) s'appliquerait pour l'exclure du bénéfice des prestations pendant cette période. Mais cette exclusion était soumise à la suspension des exigences par la Commission en vertu du paragraphe 55(10) [abrogé et remplacé par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 19], qui est ainsi rédigé:
55....
(10) La Commission peut suspendre ou modifier les condi tions ou exigences de n'importe quelle disposition du présent article ou des règlements, chaque fois que, à son avis, les circonstances le justifient pour le bien du prestataire dans un cas particulier ou dans un groupe ou une catégorie de cas.
Comme le refus par la Commission d'antidater la demande de prestations de l'intimé était en appel lorsque l'avis du 28 août 1981 a été donné, l'affaire ne ressortissait plus à la Commission, et l'avis était donc, à mon avis, nul. J'adopte ce point de vue malgré l'article 102 de la Loi, lequel est ainsi conçu:
102. La Commission, un conseil arbitral ou le juge-arbitre peut annuler ou modifier toute décision relative à une demande particulière de prestations si on lui présente des faits nouveaux ou si, selon sa conviction, la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait.
En vertu de cet article, la Commission peut annuler ou modifier une décision qu'elle a rendue si on lui présente de nouveaux faits ou si la déci- sion a été fondée sur l'ignorance d'un fait essentiel ou sur une erreur relative à un tel fait. Rien dans la situation actuelle n'indique qu'un nouveau fait ait été présenté ou que la Commission n'ait pas été au courant d'un fait nouveau ou qu'elle ait fondé le rejet en appel sur une erreur relative à un fait essentiel. Mais à part cela, une fois les procédures d'appel engagées, il était, à mon sens, trop tard pour que la Commission exerce son pouvoir prévu à l'article 102. Cet article ne fixe pas expressément de délai pour l'exercice de ce pouvoir, mais il me semble que toute autre intreprétation permettrait à la Commission, à quelque stade que ce soit, que l'affaire soit devant la Commission ou le juge-arbi-
tre, ou devant cette Cour en vue d'un examen sous le régime de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10], d'in- tervenir ou de s'immiscer dans l'exercice par le prestataire de ses droits légaux, ainsi que dans l'exercice normal de leurs fonctions par le conseil, le juge-arbitre et par la Cour. Cela conduirait également à la conclusion que le conseil arbitral pourrait de même s'ingérer dans les procédures d'appel devant le juge-arbitre, et que ce dernier pourrait modifier sa décision bien que celle-ci soit l'objet d'un examen judiciaire. Je ne pense pas que telle soit l'intention du législateur.
Pour revenir à la situation qui était devant le conseil arbitral en l'espèce, il ressort des motifs invoqués par la Commission dans son rejet du 17 août 1981 et des observations qu'elle a soumises au conseil arbitral, qu'avant le rejet de la requête de l'intimé tendant à faire antidater sa demande, la Commission ne l'avait jamais examinée à la lumière du paragraphe 55(10), ni n'avait exprimé d'avis quant à la question de savoir si les circons- tances du défaut par l'intimé de formuler sa demande justifiaient la suspension ou la modifica tion, en vertu du paragraphe 55(10), des exigences des paragraphes 55(1) 55(9).
Dans les circonstances, le jugement du conseil arbitral aurait dû, à mon avis, accueillir l'appel de l'intimé et infirmer le rejet de sa requête tendant à faire antidater sa demande de prestations. De plus, comme le conseil ne pouvait exercer le pouvoir de la Commission prévu au paragraphe 55(10), il aurait renvoyer l'affaire devant la Commission pour qu'elle exerce les fonctions qu'elle tient de ce paragraphe.
Je tiens à souligner à ce stade qu'à mon avis, étant donné les faits portés à la connaissance du conseil arbitral, ce dernier pouvait renvoyer devant la Commission la question de savoir si les circons- tances justifiaient la suspension, prévue au para- graphe 55(10), des exigences légales qui faisaient obstacle à la demande de l'intimé. Seule la Com mission est investie du pouvoir de suspension prévu au paragraphe 55(10), et lorsque ce pouvoir est invoqué par un prestataire, la Commission doit l'exercer. Celle-ci doit l'exercer en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier, et il va sans dire qu'on doit l'exercer équitablement et non arbitrairement.
Sur appel de la décision rendue par la Commis sion en vertu du paragraphe 55(10) et portant dispense ou non, le conseil arbitral n'a, selon mon interprétation de la loi, nullement le pouvoir de substituer son propre point de vue quant à la question de savoir si l'une quelconque des exigen- ces des paragraphes 55(1) (9) devrait faire l'ob- jet d'une dispense. Mais au cours de l'audition d'un appel, il peut devenir manifeste que le cas exige l'exercice du pouvoir qu'a la Commission de décider si une dispense s'impose, et que c'est à tort que la Commission a rejeté la requête du presta- taire sans avoir examiné la question du tout ou comme elle aurait le faire sous le régime du paragraphe 55(10).
Devant une telle situation, quel est le parti qui s'offre au conseil? Le conseil est établi en vertu de l'article 91, et il ressort de l'ensemble de la loi qu'il s'agit d'un tribunal connaissant des appels formés contre des décisions de la Commission sur le droit des prestataires aux prestations qu'ils revendi- quent. Mais la seule disposition de la Loi portant sur sa compétence et ses pouvoirs, à part l'article 102 dont j'ai fait mention, est l'article 94, qui est ainsi rédigé:
94. (1) Le prestataire ou un employeur du prestataire peut à tout moment, dans les trente jours de la date il reçoit communication d'une décision de la Commission, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder pour des raisons spéciales dans un cas particulier, interjeter appel de la manière prescrite devant le conseil arbitral.
(2) La décision d'un conseil arbitral doit être consignée. Elle doit comprendre un exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles.
On ne trouve nulle part de disposition détermi- nant quels pouvoirs le conseil peut exercer dans le cadre d'un appel porté devant lui. En particulier, il n'existe pas de disposition semblable à l'article 96 [abroge et remplacé par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56] qui définit et attribue les divers pouvoirs qu'un juge-arbitre peut exercer dans le cadre d'un appel formé contre la décision du conseil. Toute- fois, je ne pense pas que l'absence d'une telle disposition puisse être considérée comme signifiant que le conseil n'a aucun pouvoir à exercer. J'estime qu'il faut tenir pour acquis qu'en prévoyant des appels devant le conseil, le législateur doit avoir voulu conférer un droit d'appel efficace et avoir implicitement autorisé le conseil à rendre toute décision qui s'impose dans les circonstances l'affaire dont il est saisi afin de s'assurer que le
résultat est conforme à la loi. Lorsque ce résultat découle des faits portés à la connaissance du con- seil, ce dernier doit, à mon sens, statuer en consé- quence. Mais lorsque, comme en l'espèce, la bonne application de la loi à la situation est telle que l'affaire ne saurait être tranchée définitivement avant l'exercice par la Commission d'un pouvoir que la loi réserve à elle seule, il est, à mon avis, nécessairement sous-entendu que le conseil peut et devrait renvoyer l'affaire à la Commission pour qu'elle exerce ce pouvoir.
J'aborde maintenant la situation lors de l'appel devant le juge-arbitre. Dans ses motifs, après avoir décrit la confusion découlant de la modification des raisons et de deux avis de refus, le juge-arbitre dit ceci:
À mon avis, il est évident que la confusion vient de l'émission des deux avis de refus. Le prestataire, novice en la matière, ne pouvait réellement savoir lequel des deux, sinon les deux, allaient être soumis au conseil arbitral. Comme on peut le constater, ils sont complètement différents dans leurs termes; ce qui entraîne deux questions et des preuves complètement différentes.
Comme je l'ai déjà signalé, le premier avis (celui qui le conseil arbitral a apparemment examiné) engendre en lui- même la confusion, en ce qui touche l'article de la Loi et l'alinéa du Règlement invoqués.
Il m'a fallu en premier lieu, m'interroger si la juste mesure à prendre ne serait pas de renvoyer toute l'affaire au même conseil arbitral, ou peut-être à un conseil différent, pour qu'elle soit entendue à nouveau. Je n'ai pas retenu cette solution. J'ai décidé d'accueillir l'appel: la décision du conseil arbitral est annulée ainsi que celle de la Commission et le second avis de refus.
Cette question est restée en suspens pendant plus d'un an. Si elle devait faire l'objet d'une nouvelle audition, cela pourrait facilement retarder d'une autre année, sinon plus longuement, son règlement définitif.
À mon avis, cette solution serait injuste pour le prestataire. L'affaire ne porte sur aucun point de principe. Ma décision se limite aux faits particuliers portés en appel.
Je constate que la décision du conseil arbitral est erronée en droit. Il n'a pas tenu compte de l'alinéa 39a) du Règlement qui traite de la question de l'admissibilité, et non pas de la présen- tation tardive de la demande de prestations. En outre, les avis de refus étaient contradictoires, élément extrêmement impor tant pour ce qui est de la demande du prestataire et de son appel. Il me semble que cela est à l'origine de l'erreur de droit. Mais ces erreurs de droit ne sont pas imputables au conseil arbitral. Elles proviennent de la confusion créée par les avis de refus que j'ai décrits plus haut.
La décision du conseil arbitral est infirmée. Les dispositions prises par la Commission sont annulées.
En vertu de l'article 96 de la Loi le juge-arbitre
96.... peut trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur un appel interjeté en vertu de l'article 95; il peut rejeter l'appel, rendre la décision que le conseil arbitral aurait rendre, renvoyer l'affaire au conseil arbitral pour nouvelle audition et nouvelle décision conformément aux directives qu'il juge appropriées, confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision du conseil arbitral.
J'estime que la décision par laquelle le conseil arbitral a rejeté l'appel de l'intimé pour le motif invoqué par le conseil était entachée d'erreur de droit et a correctement été infirmée par le juge- arbitre. Comme le juge-arbitre pouvait rendre la décision que le conseil arbitral aurait rendre, c'est également à bon droit qu'il a infirmé (il a employé le terme «rescinded» (annulées) qui, à mon avis, veut dire la même chose) le rejet par la Commission de la requête de l'intimé tendant à faire antidater sa demande de prestations. Avec déférence toutefois, malgré les motifs convaincants avancés par le juge-arbitre pour refuser de ren- voyer l'affaire, j'estime que de laisser l'affaire ne permet pas à l'intimé de bénéficier des presta- tions pour la période en question ni de la suspen sion, que prévoit le paragraphe 55(10), des exigen- ces des paragraphes 55(1) (9). J'estime donc que le juge-arbitre aurait aller plus loin, tout comme, à mon avis, le conseil arbitral aurait le faire, et renvoyer l'affaire à la Commission pour qu'elle exerce sa fonction légale, celle de prendre en considération la requête de l'intimé tendant à faire antidater sa demande de prestations sous le régime du paragraphe 55(10). Je suis donc d'avis d'annuler sa décision et de lui renvoyer l'affaire pour qu'il statue sur l'appel de l'intimé conformé- ment à ce principe.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD (dissident en partie): Il s'agit d'une demande, fondée sur l'article 28, d'examen et d'annulation de la décision rendue par un juge- arbitre nommé en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance- chômage. La Commission d'assu- rance-chômage a, à l'origine, rendu deux décisions concernant le réquerant [c'.-à-d. Von Findenigg, parfois appelé dans cet arrêt «l'intimé» ou «le pres- tataire»] . Par la première décision en date du 10 août 1981, le requérant a été exclu du bénéfice des prestations pendant trois semaines au motif qu'il
avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Il est allégué que cette exclusion était fondée sur les articles 41 et 43 de la Loi. La seconde décision, en date du 17 août 1981, a été rendue à la suite de la requête introduite par le requérant et tendant à faire antidater sa demande de prestations au 25 mai 1981, étant donné que cette demande n'a pas été formulée avant le 25 juin 1981. Par cette décision, la Commission a, en vertu du paragraphe 20(4) de la Loi et du règle- ment 39a), rejeté la requête tendant à faire antida- ter la demande de prestations. Le 21 août 1981, le requérant a interjeté appel de ces deux décisions devant un conseil arbitral. Le 28 août 1981, la Commission a donné un second avis de refus à l'égard de la requête introduite par le requérant et tendant à faire antidater sa demande de presta- tions. Le fondement de ce rejet est tout à fait différent de celui donné dans le premier avis de refus (l'avis du 17 août 1981 susmentionné). Le 22 septembre 1981, le conseil arbitral a entendu les appels formés contre ces deux décisions. L'appel du requérant a été accueilli en ce qui concerne l'exclusion pour inconduite prévue à l'article 41, mais rejeté quant à la requête tendant à faire antidater sa demande de prestations. Le requérant a alors saisi le juge-arbitre de la question relative à la possibilité d'antidater la demande. Ainsi, la décision du conseil arbitral à l'égard de l'exclusion prévue à l'article 41 n'est pas en litige devant le juge-arbitre, ni est-elle en litige devant cette Cour, et la décision du conseil rendue à ce sujet en faveur du requérant demeure valide.
Les avocats des deux parties sont tombés d'ac- cord sur le fait que le paragraphe 20(4)' et le règlement 39 ne s'appliquent pas aux faits de l'espèce, parce que la période de prestations décrite à l'article 20 a été établie dans le cas du requérant le 15 décembre 1980, date du dépôt de sa demande de prestations antérieure au bureau d'Abbotsford (C.-B.). Par conséquent, le paragraphe 20(4) ne s'applique nullement, la demande en question n'étant pas sa «demande initiale de prestations» au
' Ledit paragraphe 20(4) est ainsi rédigé:
20....
(4) Lorsqu'un prestataire formule une demande initiale de prestations après le premier jour il remplissait les condi tions requises pour la formuler et fait valoir un motif justi- fiant son retard, la demande peut, sous réserve des conditions prescrites, être considérée comme ayant été formulée à une date antérieure à celle à laquelle elle l'a été effectivement.
cours de la période de prestations établie pour lui lorsqu'il a formulé sa demande le 15 décembre 1980 2 .
Il est également constant que les articles 53, 54 et 55 de la Loi, ainsi que l'article 145 du Règle- ment, constitueraient le fondement légal approprié du rejet de la requête du requérant tendant à faire antidater sa demande. Ces dispositions législatives servent de fondement à l'avis de refus susmen- tionné qu'a donné la Commission le 28 août 1981. Toutefois, la Commission a, à deux reprises, donné les motifs du rejet de cette requête, ce qui soulève deux difficultés: premièrement, lorsque le second avis de refus a été donné, l'affaire était déjà en appel et échappait au contrôle de la Commission, et, deuxièmement, les critères sur lesquels repose la décision de suspendre ou non les exigences, en vertu du paragraphe 55(10), sont tout à fait diffé- rents de ceux applicables sous le régime du para- graphe 20(4) et de l'article 39 du Règlement. Sous l'empire de ces dispositions, le prestataire aurait établir que le 25 mai 1981, il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations, et que du 25 mai 1981 au 25 juin 1981, il avait un motif justifiant son retard dans la formulation de sa demande. D'autre part, en vertu de l'article 55 de la Loi, le critère permettant à la Commission d'antidater sa demande est exposé au paragraphe 55(10). Ce paragraphe est ainsi rédigé:
55....
(10) La Commission peut suspendre ou modifier les condi tions ou exigences de n'importe quelle disposition du présent article ou des règlements, chaque fois que, à son avis, les circonstances le justifient pour le bien du prestataire dans un cas particulier ou dans un groupe ou une catégorie de cas.
On constate donc qu'en vertu de ce paragraphe, la Commission, devant une telle requête, est tenue de décider si «les circonstances le justifient».
Je suis persuadé qu'il ressort du dossier que la Commission, en statuant sur cette requête, a décidé de la rejeter en se fondant sur le paragraphe 20(4) de la Loi et sur l'article 39 du Règlement.
2 Conformément au paragraphe 20(2) [abrogé et remplacé par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 33], la durée de la période de prestations en l'espèce est de cinquante-deux semaines à comp- ter du 15 décembre 1980.
C'est sur cette base que l'appel devant le conseil arbitral a été formé, et que ce dernier a statué sur cet appel. Rien dans le dossier n'indique que l'avis du 28 août 1981 ait jamais été envoyé au requé- rant. La lettre d'appel écrite par le prestataire au conseil arbitral est datée du 21 août 1981 et ne mentionne que les motifs invoqués dans l'avis du 17 août 1981. La conseil a statué sur l'affaire sur la base du paragraphe 20(4) et l'alinéa 39a) du Règlement. Devant le juge-arbitre, il est clair que la légalité du refus d'antidater a été débattue et tranchée sur la base du paragraphe 20(4) et de l'alinéa 39a) du Règlement. Le juge-arbitre fait état de l'avis du 28 août 1981 en ces termes:
Cet avis de refus ne visait pas à annuler ou à remplacer l'avis précédent. Ce n'était qu'un document émis sans raison aucune.
Il a par la suite annulé la décision du conseil portant rejet de la requête tendant à faire antida- ter la demande. Je suis d'accord avec cette partie de la décision du juge-arbitre. Toutefois, je n'ap- prouve pas le reste de sa décision il a voulu annuler «Les dispositions prises par la Commis sion». À mon avis, il fait ainsi allusion aux motifs invoqués par la Commission pour sa décision du 17 août 1981 et sa prétendue «décision» du 28 août 1981. Pour ce qui est des motifs invoqués pour rendre la décision du 17 août 1981, point n'est besoin de rendre une ordonnance révoquant ces motifs, puisque le rejet de l'appel formé contre la décision du juge-arbitre, dans la mesure elle annule la décision du conseil arbitral, a pour effet d'infirmer la décision rendue par la Commission le 17 août 1981 et, à mon avis, c'est le résultat approprié pour les motifs invoqués ci-dessus. En ce qui concerne la prétendue «décision» du 28 août 1981, je suis d'accord avec l'avocat du requérant pour dire que puisque le conseil arbitral n'a pas été saisi de cette décision ni n'a statué sur celle-ci, le juge-arbitre n'en a donc pas été saisi. Par consé- quent, le juge-arbitre n'avait pas, à mon sens, compétence pour révoquer la prétendue «décision» du 28 août 1981.
Par ces motifs, j'estime qu'il y a lieu de rejeter l'appel formé contre la décision du juge-arbitre dans la mesure il a annulé la décision du conseil arbitral sur la décision rendue par la Commission le 17 août 1981. J'accueillerais l'appel formé contre la partie de la décision du juge-arbitre il a annulé «Les dispositions prises par la Commis sion», et j'annulerais cette partie de sa décision.
J'ajouterais que bien que le redressement pro- posé par le juge en chef dans ses motifs représente une solution pratique aux problèmes plutôt diffici- les soulevés par cette demande, je ne suis pas disposé à souscrire à la forme de jugement qu'il propose, parce que j'ai de sérieux doutes quant au pouvoir du conseil arbitral de renvoyer l'affaire à la Commission en lui enjoignant d'exercer sa fonc- tion légale, celle de prendre en considération, en vertu du paragraphe 55(10), la requête de l'intimé tendant à faire antidater sa demande. J'estime que le rejet de l'appel formé contre la décision du juge-arbitre, dans la mesure il a annulé la décision du conseil arbitral à l'égard de la décision rendue par la Commission le 17 août 1981, aurait pour effet pratique d'annuler cette décision de la Commission. À mon avis, c'est le résultat appro- prié et celui que l'avocat du requérant cherchait à obtenir, si je le comprend bien. Une fois annulée la décision rendue par la Commission le 17 août 1981, il me semble que la Commission est de nouveau saisie de la requête du requérant tendant à faire antidater sa demande, et que la loi l'oblige à examiner à nouveau en partant du critère exposé au paragraphe 55(10) susmentionné. Si elle ne le faisait pas, l'intimé disposerait alors, à mon avis, d'un recours légal pour la forcer à exercer sa fonction que prévoit la loi, probablement au moyen d'une action intentée devant la Division de pre- mière instance de cette Cour. Par ces motifs, j'es- time qu'une ordonnance portant renvoi à la Com mission se révèle inutile dans les circonstances.
Mes doutes quant au pouvoir du conseil arbitral de renvoyer l'affaire à la Commission se fondent sur mon appréciation de l'ensemble de la loi. Le seul article de la Loi portant sur les appels formés devant le conseil arbitral est l'article 94. Il prévoit simplement des appels de décisions de la Commis sion, et que la décision du conseil doit être consi- gnée et doit comprendre un exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles. Ce manque de détails concernant les pouvoirs du con- seil arbitral contraste manifestement avec les pou- voirs du juge-arbitre énumérés dans les moindres détails à l'article 96 de la Loi. Par conséquent, je ne pense pas qu'on puisse déduire que le conseil arbitral a le pouvoir inhérent ou accessoire de renvoyer l'affaire à la Commission avec des direc tives particulières quant à ce que la Commission doit faire dans un cas particulier. Il est clair
qu'avec l'article 96 de la Loi, le législateur a conféré au juge-arbitre de larges pouvoirs. À mon sens, pour que le conseil arbitral ait de semblables pouvoirs, il faudrait que le législateur l'ait dit à peu près de la même façon et aussi expressément.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT VERCHERE: Il s'agit d'une demande, fondée sur l'article 28, d'examen et d'an- nulation de la décision du juge-arbitre nommé en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage. Les circonstances qui ont conduit à l'appel porté devant lui et à sa décision à l'égard de cet appel sont exposées dans les motifs de jugement de mes collègues dont j'ai pris connaissance. Il m'est donc inutile d'examiner les faits ou de commenter l'ap- pel formé devant le conseil arbitral par l'intimé contre la décision par laquelle la Commission l'a exclu, pour trois semaines, du bénéfice des presta- tions pour inconduite.
De plus, comme mes deux collègues, j'estime, avec déférence et pour les motifs qu'ils ont invo- qués, qu'il y a lieu de confirmer la décision par laquelle le juge-arbitre a accueilli l'appel formé par l'intimé contre la décision rendue par le conseil le 22 septembre 1981, dans la mesure le conseil a confirmé le refus par la Commission d'antidater au 25 mai 1981 la demande de l'intimé formulée le 25 juin 1981. La seule question qui se pose alors est de savoir comment s'assurer que l'intimé pourra bénéficier de cette décision, c'est-à-dire de savoir s'il y a lieu, d'une part, d'infirmer la déci- sion du juge-arbitre parce qu'il n'est pas allé assez loin dans celle-ci et de lui renvoyer alors l'affaire en lui enjoignant de la renvoyer, à son tour, à la Commission pour que cette dernière examine la demande en tenant compte du paragraphe 55(10) de la Loi, ou s'il y a lieu, d'autre part, de laisser à l'intimé le soin d'engager d'autres procédures pour forcer la Commission à réexaminer la requête tendant à faire antidater sa demande de presta- tions.
J'estime que la première ligne de conduite devrait être adoptée en l'espèce. Je suis d'accord avec les motifs invoqués par le juge en chef pour tirer ses conclusions, et je souscris donc à la forme de l'ordonnance qu'il a rendue.
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