A-1033-84
Procureur général du Canada et solliciteur général
du Canada (appelants)
c.
Robert Gould (intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Maho-
ney et Marceau—Ottawa, 30 et 31 août 1984.
Contrôle judiciaire — Recours en equity — Injonctions
Appel est interjeté d'une injonction interlocutoire mandatoire
permettant à un détenu de voter à l'élection fédérale — Le
détenu a intenté une action visant un jugement déclaratoire
portant que l'art. 14(4)e) de la Loi électorale contrevient à
l'art. 3 de la Charte — Décision touchant chaque détenu au
Canada — Il ne s'agit pas d'une demande ordinaire d'injonc-
tion dont les inconvénients devaient être répartis entre les
parties seulement — Le but d'une injonction est de maintenir
le statu quo et non d'accorder le redressement demandé dans
l'action — La délivrance de l'injonction équivaut à conclure
que l'art. 14(4)e) est nul — Disposition en vigueur jusqu'à ce
qu'un jugement déclaratoire ait été obtenu — Il n'y a pas lieu
de rendre un jugement provisoire sur un droit — Loi électorale
du Canada, S.R.C. 1970 (P' Supp.), chap. 14, art. 14(4)e) —
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie
I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 3 — Loi
constitutionnelle de 1982, art. 52(1).
Pénitenciers — Droits des détenus — Appel est interjeté
d'une injonction interlocutoire permettant à un détenu de voter
à l'élection fédérale — Le détenu a intenté une action visant un
jugement déclaratoire portant que l'art. 14(4)e) de la Loi
électorale contrevient à l'art. 3 de la Charte — La délivrance
de l'injonction équivaut à conclure que l'art. 14(4)e) est nul
Disposition en vigueur jusqu'à ce qu'un jugement déclaratoire
ait été obtenu — Il n'y a pas lieu de rendre un jugement
provisoire sur un droit — Loi électorale du Canada, S.R.C.
1970 (I" Supp.), chap. 14, art. 14(4)e) — Charte canadienne
des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 3.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Validité de
l'art. 14(4)e) de la Loi électorale du Canada — Appel est
interjeté d'une injonction interlocutoire permettant à un détenu
de voter à l'élection fédérale — Le détenu a intenté une action
visant un jugement déclaratoire portant que l'art. 14(4)e)
contrevient à l'art. 3 de la Charte — Il ne s'agit pas d'une
demande ordinaire d'injonction dont les inconvénients devaient
être répartis entre les parties seulement — Le but d'une
injonction n'est pas d'accorder le redressement demandé dans
l'action — La délivrance de l'injonction équivaut à conclure
que l'art. 14(4)e) est nul — Disposition en vigueur jusqu'à ce
qu'un jugement déclaratoire ait été obtenu — Il n'y a pas lieu
de rendre un jugement provisoire sur un droit — Loi électorale
du Canada, S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 14, art. 14(4)e) —
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie
I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 3.
Élections — Droit de vote — Appel est interjeté d'une
injonction interlocutoire permettant à un détenu de voter à
l'élection fédérale — Le détenu a intenté une action visant un
jugement déclaratoire portant que l'art. 14(4)e) contrevient à
l'art. 3 de la Charte — Il n'y a pas lieu de rendre un jugement
provisoire sur un droit — Loi électorale du Canada, S.R.C.
1970 (1 P1 Supp.), chap. 14, art. 14(4)e) — Charte canadienne
des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 3.
Un détenu d'un pénitencier, auquel il était interdit de voter
par l'alinéa 14(4)e) de la Loi électorale du Canada, a intenté
une action en Division de première instance afin d'obtenir un
jugement déclaratoire portant que cet alinéa était nul parce
qu'il contrevenait à l'article 3 de la Charte, qui prévoit que tout
citoyen du Canada a le droit de vote. Une élection générale
étant sur le point d'être tenue, le détenu, après avoir présenté
une demande interlocutoire en Division de première instance, a
obtenu une injonction mandatoire l'autorisant à voter par pro-
curation. Appel a été interjeté de cette décision.
Arrêt (le juge en chef Thurlow dissident): l'appel devrait être
accueilli.
Le juge Mahoney (avec l'appui du juge Marceau): Si la Cour
juge dans la présente action que l'alinéa 14(4)e) est nul, en tout
ou en partie, cette conclusion s'appliquera également à tout
prisonnier au Canada. Considérer que cette action ne touche
que les droits de l'intimé équivaut, par conséquent, à ne pas
tenir compte de la réalité. C'est pourquoi le juge de première
instance a commis une erreur en traitant la demande comme
s'il s'agissait d'une demande ordinaire d'injonction interlocu-
toire aux fins de laquelle la Cour ne devrait répartir les
inconvénients qu'entre les parties seulement.
Le but d'une injonction interlocutoire est de maintenir le
statu quo ou de rétablir celui qui existait antérieurement, et non
d'accorder au demandeur le redressement demandé dans son
action. Le défendeur dans une action a droit tout autant que le
demandeur à une instruction équitable et complète.
En rendant l'ordonnance contestée, le juge de première ins
tance faisait plus que conclure qu'il existait une question
sérieuse à trancher et que la répartition des inconvénients
dictait que le statu quo soit provisoirement maintenu ou que le
statu quo antérieur soit rétabli. Son ordonnance laisse entendre
que l'alinéa 14(4)e) est nul. Elle autorise l'intimé à se conduire,
et elle exige qu'il soit traité, comme si l'alinéa 14(4)e) était
désormais nul, comme si l'intimé avait déjà obtenu gain de
cause, même si cette disposition restera en vigueur jusqu'à ce
que le jugement déclaratoire demandé ait été rendu. L'ordon-
nance constitue un jugement déclaratoire provisoire sur un
droit qui ne peut être rendu à bon droit avant l'instruction.
Le juge en chef Thurlow (dissident): Les appelants n'ont rien
ou presque rien à perdre par la délivrance de l'injonction;
l'intimé pour sa part subirait un préjudice irréparable si l'in-
jonction lui était refusée et qu'on lui interdisait de voter à
l'élection, et son action- deviendrait probablement théorique à
l'expiration de sa sentence dans quelques mois. Par contre, si le
tribunal devait finalement confirmer la validité de l'alinéa
14(4)e), l'injonction aura conféré à l'intimé un droit qu'il ne
possédait pas.
Toutefois, il est incontestable qu'à moins que l'on puisse
démontrer que l'alinéa 14(4)e) limite le droit de vote d'une
manière qui peut se justifier par l'article 1 de la Charte, ledit
alinéa contrevient à l'article 3 de la Charte. De plus, la preuve
déposée devant le juge de première instance pour appuyer
l'argument fondé sur l'article 1 était si faible qu'on peut
difficilement considérer comme sérieux l'argument en faveur du
maintien de l'alinéa 14(4)e).
Dans de telles circonstances, la Cour ne devrait pas choisir de
considérer cette allégation comme sérieuse et de priver l'intimé
de ce qui paraît être son droit garanti par la Constitution. La
Cour devrait encore moins intervenir, dans les circonstances,
dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge de première
instance. Rares seront les cas où un tribunal sera justifié de
délivrer une injonction dont l'effet est de confirmer l'existence
d'un droit et de le rendre exécutoire avant même qu'il ait été
statué sur l'existence de ce droit. Toutefois, lorsque l'existence
d'un droit est probable mais que la possibilité d'exercer ledit
droit est incertaine, et lorsque le fait de refuser l'application
dudit droit aurait pour effet de conclure irrévocablement contre
ce droit en faveur d'un argument contraire beaucoup plus
faible, un tribunal ne devrait pas refuser d'accorder un redres-
sement s'il juge qu'il est équitable de le faire. La Cour est
habilitée à créer des procédures pour rendre la loi exécutoire et
elle doit être prête à le faire.
AVOCATS:
Duff F. Friesen, c.r. et Seymour Mender pour
les appelants.
Fergus J. O'Connor pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
les appelants.
Correctional Law Project, Faculté de droit,
Queen's University, Kingston (Ontario), pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW (dissident): Appel
est interjeté d'une ordonnance [Gould c. Procureur
général du Canada, et autres, [1984] 1 C.F. 1119]
par laquelle la Division de première instance a, sur
présentation d'une demande interlocutoire dans
une action visant un jugement déclaratoire,
accordé une injonction mandatoire ordonnant qu'il
soit permis à l'intimé, qui est actuellement détenu
dans un pénitencier et y purge une peine pour
avoir commis une infraction criminelle, de voter à
l'élection générale fédérale devant être tenue le 4
septembre 1984, que son vote soit compté dans la
circonscription de Hamilton -Wentworth où son
nom a été enregistré sur la liste des électeurs, et
que le président d'élection de cette circonscription
délivre un certificat de procuration autorisant une
personne désignée à voter à titre de mandataire de
l'intimé.
La question en litige porte sur la validité, depuis
l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des
droits et libertés [qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)], de
l'alinéa 14(4)e) de la Loi électorale du Canada
[S.R.C. 1970 (l er Supp.), chap. 14], disposition qui
rend inhabiles à voter à une élection fédérale les
personnes dans la même situation que l'intimé.
Cependant, la validité de l'alinéa 14(4)e) ne cons-
titue pas la question de fond qui, selon moi, con-
siste plutôt à déterminer si, compte tenu des cir-
constances particulières révélées par les éléments
de preuve portés à la connaissance de la Cour,
l'injonction aurait dû être accordée alors que cette
question de la validité de l'alinéa 14(4)e) n'a pas
été tranchée de manière définitive.
Sous la rubrique «Droits démocratiques»,
l'article 3 de la Charte prévoit:
3. Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux
élections législatives fédérales ou provinciales.
Il n'est pas contesté que l'intimé est citoyen
canadien. L'article 1 porte toutefois:
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les
droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être res-
treints que par une règle de droit, dans des limites qui soient
raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le
cadre d'une société libre et démocratique.
Le paragraphe 52(1) [de la Loi constitutionnelle
de 1982] prévoit:
52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du
Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de
toute autre règle de droit.
C'est dans ce contexte que l'alinéa 14(4)e) de la
Loi électorale du Canada, disposition qui est
entrée en vigueur quelques années avant la Charte,
entre en jeu. Il porte que:
14....
(4) Les individus suivants sont inhabiles à voter à une
élection et ne doivent pas voter à une élection:
e) toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire
et y purgeant une peine pour avoir commis quelque
infraction;
Il ne fait aucun doute que l'intimé est visé par
cette disposition et que, sous réserve de l'effet de
l'article 1 de la Charte, l'alinéa 14(4)e) de la Loi
électorale du Canada est incompatible avec l'arti-
cle 3 de la Charte.
À mon avis, la décision du juge de première
instance repose sur le fait que, étant donné que
l'intimé est citoyen canadien, il a le droit de voter
à l'élection en vertu de l'article 3, à moins que les
appelants soient capables de prouver dans une
action que la limite apportée au droit de vote par
l'alinéa 14(4)e) de la Loi électorale du Canada a
une justification qui peut se démontrer dans le
cadre d'une société libre et démocratique au sens
de l'article 1 de la Charte, que la preuve soumise à
la Cour sur ce point n'était pas de nature à affai-
blir de manière importante la présomption en
faveur de l'intimé et que la répartition des inconvé-
nients jouait en faveur de la délivrance de l'injonc-
tion étant donné que les appelants n'avaient prati-
quement «rien à perdre» par la délivrance de
l'injonction, qui n'exigerait qu'une procédure
simple, alors que le préjudice subi par l'intimé si
l'injonction n'était pas accordée serait la violation
d'un droit prima facie garanti par la Constitution.
On peut souligner que les appelants n'ont rien
ou presque rien à perdre par la délivrance de
l'injonction mais que, par contre, l'intimé perdrait
de manière irrévocable son droit de vote dans cette
élection si l'injonction n'était pas accordée, et que
l'action de l'intimé, dans son ensemble, deviendrait
probablement théorique d'ici quelques mois, à l'ex-
piration de la sentence de ce dernier; cependant, la
délivrance de l'injonction aurait pour effet de con-
férer à l'intimé un droit qu'il ne possédait pas, si le
tribunal devait en définitive statuer que l'alinéa
14(4)e), qui lui refuse le droit de vote, était valide
et exécutoire.
Je partage les critiques et les opinions formulées
par le juge de première instance quant à la fai-
blesse de la preuve apportée pour prouver qu'on
pouvait démontrer que l'alinéa 14(4)e) constitue
une limite dont la justification peut se démontrer
dans le cadre d'une société libre et démocratique.
Cette preuve n'a manifestement pas impressionné
le juge de première instance et je partage l'avis de
celle-ci. L'impression que j'ai face à cette preuve
est que lorsque c'est tout ce que l'on peut soumet-
tre à la Cour pour établir un argument sérieux
après quatre années de travail sur la question, il
devient évident que l'argument en faveur du main-
tien de la validité des dispositions adoptées relati-
vement à l'inhabilité de personnes à voter peut
difficilement être considéré comme sérieux.
Dans de telles circonstances, la Cour devrait-elle
considérer cet argument comme sérieux? La Cour
devrait-elle priver l'intimé de manière irrévocable
d'un droit constitutionnel auquel il paraît avoir
droit en refusant d'accorder l'injonction afin de
donner aux appelants l'occasion, qui ne se présen-
tera probablement pas, de prouver qu'il n'y a pas
droit, lorsque les seuls arguments que les appelants
peuvent apporter sont faibles? Je ne le crois pas, et
je crois encore moins que la Cour devrait interve-
nir, dans les circonstances, dans l'exercice du pou-
voir discrétionnaire du juge de première instance.
Les cas où il sera justifié pour un tribunal de
délivrer une injonction, dont le principal effet sera
de déterminer l'existence d'un droit et de le rendre
exécutoire avant qu'une décision au fond n'ait été
rendue, doivent, par nécessité, être rares parce
qu'il est contraire à la tradition juridique dans
notre pays de rendre un droit exécutoire lorsque la
question de son existence est contestée et qu'elle
n'a pas été tranchée de manière définitive. En
revanche, il me semble que même cette tradition
doive céder le pas lorsque le fait de refuser l'appli-
cation immédiate d'un droit probable mais incer-
tain a pour effet de conclure irrévocablement
contre ce droit et en faveur d'arguments beaucoup
plus faibles, sinon sans espoir. Dans une telle
situation, j'estime qu'un tribunal ne devrait pas,
comme l'a dit le juge de première instance, refuser
d'accorder un redressement lorsqu'il juge qu'il est
équitable de l'accorder.
Il me semble que lorsque c'est nécessaire, la
Cour doit être prête à innover afin d'imaginer des
procédures et des moyens, non encore employés
jusqu'à maintenant, pour faire respecter les droits
garantis par la Charte. Il ressort de la mise sur
pied aux cours des dernières années de procédures
du genre des injonctions de type Mareva et Anton
Piller que la Cour est habilitée à créer des procé-
dures pour rendre la loi exécutoire.
Par ces motifs ainsi que par ceux donnés par le
juge de première instance, que je partage pour
l'essentiel, je rejetterais l'appel.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Appel est interjeté d'une
ordonnance de la Division de première instance
enjoignant aux appelants de prendre les disposi
tions - nécessaires pour permettre à l'intimé de voter
à l'élection générale fédérale tenue mardi prochain
malgré qu'il soit inhabile à voter en raison de
l'alinéa 14(4)e) de la Loi électorale du Canada.
L'ordonnance consiste en une injonction interlocu-
toire mandatoire, accordée dans une action visant
à obtenir un jugement déclaratoire portant que
l'alinéa 14(4)e) est nul en raison de l'existence de
l'article 3 de la Charte canadienne des droits et
libertés. L'article 3 doit être considéré en corréla-
tion avec l'article 1.
Voici le texte de ces dispositions:
14....
(4) Les individus suivants sont inhabiles à voter à une
élection et ne doivent pas voter à une élection:
e) toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire
et y purgeant une peine pour avoir commis quelque
infraction;
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les
droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être res-
treints que par une règle de droit, dans des limites qui soient
raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le
cadre d'une société libre et démocratique.
3. Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux
élections législatives fédérales ou provinciales.
L'alinéa 14(4)e) ne peut manifestement rester
valide à moins que l'on puisse conclure, en vertu de
l'article 1 de la Charte, qu'il constitue une limite
raisonnable dont la justification peut se démontrer
dans le cadre d'une société libre et démocratique.
C'est la question sérieuse à trancher sur laquelle
toute l'instruction portera.
Considérer que cette action ne touche que les
droits de l'intimé équivaut à ne pas tenir compte
de la réalité. Si l'alinéa 14(4)e) est jugé nul en tout
ou en partie, il sera nul en ce qui concerne tout
prisonnier incarcéré au Canada. C'est pourquoi, en
toute déférence, j'estime que le juge de première
instance a commis une erreur en traitant la
demande dont elle avait été saisie comme s'il
s'agissait d'une demande ordinaire d'injonction
interlocutoire dont il fallait connaître en considé-
rant que les inconvénients devraient être répartis
entre l'intimé et les appelants seulement.
L'ordonnance rendue autorise l'intimé à se con-
duire et exige qu'il soit traité comme si la règle de
droit qu'il cherche à faire annuler était désormais
nulle même si elle reste en vigueur et qu'elle le
demeurera jusqu'à ce que, après instruction, le
jugement déclaratoire demandé ait été obtenu. Elle
allait beaucoup plus loin que de conclure qu'il
existe une question sérieuse à trancher. Elle
demandait plus que de simplement conclure,
comme lorsqu'il s'agit de statuer sur une demande
d'injonction interlocutoire, que la répartition des
inconvénients dicte que le statu quo soit maintenu
ou que le statu quo antérieur soit rétabli en atten
dant le jugement sur l'action après l'instruction.
L'ordonnance équivalait à conclure, avant même
que son action ait été instruite, que l'intimé a le
droit d'agir et d'être traité comme s'il avait gagné
sa cause. L'ordonnance laisse entendre que l'intimé
possède, en réalité, le droit qu'il revendique et que
l'alinéa 14(4)e) est nul dans la mesure invoquée.
Cela constitue un jugement déclaratoire provisoire
sur un droit qui, en toute déférence, ne peut être
rendu à bon droit avant l'instruction. Le défendeur
dans une action a droit tout autant que le deman-
deur à une instruction équitable et complète, et il
en est de même lorsque le litige est de nature
constitutionnelle. Le but d'une injonction interlo-
cutoire est de maintenir ou de rétablir le statu quo,
et non d'accorder son redressement au demandeur,
jusqu'au moment de l'instruction.
À mon avis, le juge de première instance a
commis une erreur de droit en se prononçant
comme elle l'a fait sur la demande interlocutoire.
J'accueillerais l'appel et annulerais l'ordonnance
de la Division de première instance, avec dépens en
l'espèce et en première instance, s'ils sont
demandés.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAu: Je suis d'accord avec le
juge Mahoney.
Comme le juge Mahoney, j'estime que cet appel
devrait être accueilli et je fais miens les motifs
qu'il a donnés pour arriver à cette conclusion.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.