A-424-82
Bell Canada (requérante)
c.
Conseil canadien des relations du travail et
Gaétan Froment (intimés)
Cour d'appel, juges Pratte et Le Dain, juge sup
pléant Lalande—Montréal, 30 mai; Ottawa, 16
juin 1983.
Relations du travail — Refus de travailler en raison d'un
danger pour la santé ou la sécurité — Suspension — Le
Conseil a accueilli la plainte parce qu'on avait imposé une
sanction à l'employé pour s'être prévalu de l'art. 82.1 du Code
— L'employé avait-il des motifs raisonnables de croire qu'il
existait des circonstances, un jour donné et à un endroit donné,
constituant un danger imminent pour sa santé ou sa sécurité?
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Y-a-t-il eu
déni de justice naturelle? — Le membre du Conseil qui
présidait à l'audience n'a pas fait preuve de partialité — Le
Conseil a eu raison de ne pas admettre en preuve la décision
rendue par un agent de sécurité sur un cas semblable impli-
quant l'employé intimé — Le Conseil a outrepassé sa compé-
tence en concluant à un danger, se fondant sur les conditions
existant à divers endroits où les travaux devaient être exécutés
au cours d'une certaine période — Demande accueillie —
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art. 82.1
(ajouté par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 28), 96.1, 96.3 (ajoutés
idem, art. 33), 97(1)d) (mod. idem, art. 34) — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
L'employé de Bell Canada intimé, chargé d'installer des
câbles téléphoniques dans un endroit isolé, a refusé de travail-
ler, estimant qu'il était dangereux d'y travailler seul. Son
employeur l'a suspendu pour insubordination après qu'un agent
de sécurité eut conclu que, le jour en question, il n'existait pas,
à cet endroit, de conditions constituant un danger imminent
pour sa santé ou sa sécurité. Le Conseil canadien des relations
du travail a accueilli la plainte de l'employé selon laquelle il
avait été suspendu pour avoir exercé le droit, que lui reconnais-
sait le paragraphe 82.1(1) du Code canadien du travail, de
refuser de travailler dans un lieu qu'il avait des raisons de
croire dangereux.
Le seul reproche sérieux que la requérante fasse au Conseil,
c'est que ce dernier a donné au paragraphe 82.1(1) une inter-
prétation si déraisonnable qu'il aurait décidé une question autre
que celle qu'il devait trancher, outrepassant ainsi sa
compétence.
Arrêt: la demande devrait être accueillie. Chaque cas ayant
ses propres faits, le Conseil a eu raison de ne pas admettre en
preuve une décision rendue ultérieurement par un agent de
sécurité sur un cas semblable impliquant l'employé intimé.
L'allégation que le membre du Conseil qui présidait à l'au-
dience a fait preuve de partialité est entièrement dénuée de
fondement. En interprétant l'article 82.1 comme autorisant un
employé à refuser de travailler dans un lieu qui ne présente
aucun danger parce qu'il entrevoit qu'il sera, plus tard, appelé à
travailler dans un autre lieu qu'il juge dangereux, le Conseil a
décidé une question autre que celle dont il était saisi, et a donc
outrepassé sa compétence.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Le Syndicat canadien de la Fonction publique, section
locale 963 c. La Société des alcools du Nouveau-Bruns-
wick, [1979] 2 R.C.S. 227.
AVOCATS:
Roy L. Heenan pour la requérante.
Louis Le Bel pour le C.C.R.T., intimé.
Janet Cleveland pour Gaétan Froment et le
Syndicat des travailleurs en communication
du Canada, intimés.
PROCUREURS:
Heenan, Blaikie, John, Potvin, Trépanier,
Cobbett, Montréal, pour la requérante.
Grondin, Le Bel, Poudrier, Isabel, Morin &
Gagnon, Québec, pour le C.C.R.T., intimé.
Rivest, Castiglio, Castiglio, LeBel &
Schmidt, Montréal, pour Gaétan Froment et
le Syndicat des travailleurs en communication
du Canada, intimés.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE PRATTE: La requérante demande l'an-
nulation en vertu de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10]
d'une décision du Conseil canadien des relations
du travail qui a fait droit à une plainte que l'intimé
Froment avait portée contre elle en vertu de l'arti-
cle 96.1 du Code canadien du travail [S.R.C.
1970, chap. L-1, ajouté par S.C. 1977-78, chap.
27, art. 33].
Pour comprendre le litige, il faut avoir présentes
à l'esprit quelques-unes, au moins, des dispositions
des articles 82.1, 96.1 et de l'alinéa 97(1)d) du
Code. Le paragraphe 82.1(1) accorde à tout
employé ayant des motifs raisonnables de croire
qu'un travail présente un danger imminent pour sa
santé ou sa sécurité le droit de refuser de faire ce
travail'. De plus, suivant l'alinéa 97(1)d), c'est une
' Le texte du paragraphe 82.1(1) est le suivant [ajouté par
S.C. 1977-78, chap. 27, art. 28]:
82.1 (1) Quiconque, étant employé dans le cadre d'une
entreprise fédérale, a des motifs raisonnables de croire
(Suite à la page suivante)
infraction pour un employeur de punir un employé
parce que celui-ci a exercé le droit que lui recon-
naît l'article 82.1 de refuser d'exécuter un travail
dangereux 2 . L'article 96.1, enfin, permet qu'un
employé se plaigne au Conseil de ce que son
employeur ait commis l'infraction décrite à l'alinéa
97(1)d); si le Conseil juge la plainte fondée, il peut
alors rendre les ordonnances qu'autorise l'article
96.3 3 .
(Suite de la page précédente)
a) que l'utilisation ou le fonctionnement d'une machine,
d'un dispositif ou d'une chose constituerait un danger
imminent pour sa propre sécurité ou santé ou pour celle
d'un autre employé, ou
b) qu'il existe, dans un lieu de travail, des circonstances
qui constituent un danger imminent pour sa sécurité ou sa
santé
peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner la machine, le
dispositif ou la chose ou de travailler dans ce lieu.
Quant au reste de l'article 82.1, il peut se résumer ainsi:
l'employé qui exerce le droit que lui reconnaît le paragraphe
82.1(1) et refuse de travailler, doit faire immédiatement un
rapport sur la question à son employeur qui doit aussitôt faire
enquête; si, suite à cette enquête, l'employeur ne donne pas
satisfaction à l'employé, celui-ci a le droit de persister dans son
refus de travailler; l'affaire est alors soumise à un agent de
sécurité qui doit décider s'il y a danger imminent pour la santé
ou la sécurité de l'employé et, dans le cas où il en arrive à une
conclusion affirmative sur ce point, qui doit donner les directi
ves qu'il juge appropriées pour faire disparaître ce danger; si
l'agent de sécurité décide qu'il n'y a pas danger imminent pour
l'employé, celui-ci doit retourner au travail, et s'il décide qu'il y
a danger imminent, l'employé peut refuser de travailler aussi
longtemps que l'employeur n'a pas fait disparaître le danger;
dans tous les cas, cependant, la décision de l'agent de sécurité
peut être portée devant le Conseil canadien des relations du
travail qui a compétence pour déterminer en dernier ressort s'il
y a danger imminent pour l'ouvrier et, dans l'affirmative, pour
donner à l'employeur les directives appropriées pour faire dis-
paraître ce danger. Il faut ajouter, enfin, que le paragraphe
82.1(12) précise que ne constituent pas un danger imminent
pour la santé ou la sécurité d'un employé, au sens de l'article
82.1, les circonstances qui existent dans un lieu où travaille cet
employé «si ces circonstances sont normales dans un lieu où est
exercé son métier ou exécuté son travail.»
2 Cette disposition se lit comme suit [mod. par S.C. 1977-78,
chap. 27, art. 34]:
97. (1) Est coupable d'une infraction tout employeur ou
toute personne chargé de la direction d'une entreprise fédé-
rale, qui
d) parce qu'une personne à son emploi a agi conformément
à l'article 82.1, suspend ou congédie cette personne ou lui
impose une amende ou autre sanction, y compris le refus
de lui verser la rémunération à laquelle elle aurait eu droit
pour la période pendant laquelle elle aurait travaillé si elle
n'avait pas agi conformément à l'article 82.1, ou prend
L'intimé Froment est à l'emploi de la requérante
depuis 1976. Son travail consiste à épisser les
câbles téléphoniques, qu'il s'agisse de câbles sous-
terrains ou aériens. Le 24 novembre 1980, on l'a
affecté à un travail dans la région de St-Côme, à
une quinzaine de kilomètres de la ville de Joliette,
où on devait installer une ligne téléphonique
aérienne en bordure d'une route depuis un point
désigné par les lettres D.M.S. 4 jusqu'à un carre-
four et, de là, jusqu'à une pente de ski située à peu
près cinq milles plus loin. Ce travail devait être
terminé le 15 décembre. Dès le 24 novembre,
Froment se rendit visiter les lieux et préparer son
travail en plaçant les câbles téléphoniques dans les
poteaux situés entre le point D.M.S. et le carre-
four. Le matin du 27 novembre tout était prêt et
l'intimé pouvait commencer à épisser les câbles
téléphoniques lorsqu'il demanda à voir son contre-
maître. Celui-ci se rendit sur les lieux. L'intimé,
après avoir fait valoir certains autres griefs, lui fit
savoir qu'il trouvait dangereux de travailler seul
dans un endroit aussi isolé et demanda qu'on lui
donne un compagnon de travail. Le contremaître
refusa et prévint l'intimé qu'il n'avait qu'à retour-
ner chez lui s'il n'était pas satisfait. L'intimé
réclama le droit de communiquer avec un repré-
d'autres mesures disciplinaires contre cette personne ou
menace de lui imposer toute mesure mentionnée au présent
alinéa ...
3 Le texte de cet article est le suivant [ajouté par S.C.
1977-78, chap. 27, art 33]:
96.3 Le Conseil qui a décidé conformément à l'article 96.2
qu'un employeur ou une personne agissant en son nom a
enfreint l'alinéa 97(1)d) peut, par ordonnance, enjoindre aux
personnes susmentionnées de se conformer audit alinéa; il
peut en outre, s'il y a lieu, enjoindre à l'employeur, par
ordonnance, de
a) permettre à tout employé lésé par l'infraction de repren-
dre son travail;
b) réintégrer dans son emploi tout ancien employé lésé par
l'infraction;
c) verser à tout employé ou ancien employé lésé par
l'infraction une indemnité ne dépassant pas le montant
que, selon le Conseil, l'employeur aurait versé à l'employé
ou à l'ancien employé à titre de rémunération, n'eût été
l'infraction; et
d) d'annuler toute mesure disciplinaire prise à l'égard d'un
employé lésé par l'infraction et de payer à cet employé une
indemnité ne dépassant pas la somme qui, à son avis, est
équivalente à toute peine pécuniaire ou autre imposée à
l'employé par l'employeur.
4 Digital Multiple System.
sentant de son syndicat. Nouveau refus. L'intimé
rédigea alors la note suivante qu'il remit au contre-
maître avant de quitter son travail:
Je vous avise par la présente que je considère insécuritaire de
travailler ici à St-Côme (Chemin Versaille (Lac Clair) Chemin
de la Ferme) seul et que nous devons au moins être deux.
M. Mantha vous me suspendez même après que je vous ai
demandé de rencontrer mon délégué syndical.
Vous me répondez d'aller le rencontrer.
Gaétan Froment.
Le lendemain, 28 novembre, le contremaître com-
muniqua avec l'intimé et lui demanda, sans succès,
de retourner au travail. L'affaire fut alors soumise
à un agent de sécurité suivant l'article 82.1 du
Code. Celui-ci vint à la conclusion, le 2 décembre
1980, qu'il n'existait pas, au lieu où l'intimé devait
travailler le 27 novembre 1980, de circonstances
constituant un danger imminent pour sa santé ou
sa sécurité. Le 4 décembre 1980, la requérante
prévenait l'intimé qu'il avait été suspendu pour
insubordination du 27 novembre au 3 décembre
1980. C'est cette suspension qui a donné lieu à la
plainte qu'a accueillie le Conseil. Par cette plainte
l'intimé Froment reprochait à la requérante de
l'avoir suspendu parce que, le 27 novembre 1980, il
avait exercé le droit que lui reconnaissait le para-
graphe 82.1(1) de refuser de travailler dans un lieu
qu'il avait raison de croire dangereux.
La requérante prétend que le Conseil, en pro-
nonçant la décision attaquée, a violé les principes
de justice naturelle et excédé sa compétence 5 .
1. Les principes de justice naturelle.
L'avocat de la requérante a d'abord soutenu que
le Conseil avait enfreint la règle audi alteram
partent Il a aussi prétendu que le membre du
Conseil qui présidait à l'audience avait, par sa
conduite, fait preuve de partialité en faveur de
l'intimé Froment, mais cette prétention me semble
dénuée de fondement et je n'entends pas y revenir.
Suivant l'avocat de la requérante, le Conseil
aurait violé la règle audi alteram partem en refu-
sant d'admettre en preuve une décision qu'un
5 Ce sont là les deux seuls cas où l'article 122 du Code
permet à la Cour de réviser les décisions du Conseil.
agent de sécurité avait rendue en vertu de l'article
82.1 du Code. Par cette décision, prononcée le 14
janvier 1981 suite à un autre refus de l'intimé
Froment de travailler dans un lieu isolé, l'agent de
sécurité aurait jugé que ce refus de travailler
n'était pas justifié suivant le paragraphe 82.1(12)
parce qu'il était normal pour un employé de Bell
Canada chargé d'épisser les câbles téléphoniques
d'avoir à travailler à des endroits isolés. L'avocat
de la requérante a prétendu qu'en refusant d'ad-
mettre cette décision en preuve, le Conseil aurait
privé sa cliente du droit de faire valoir un moyen
de défense péremptoire.
Même si je prends pour acquis que le rejet d'une
preuve jugée inadmissible puisse constituer une
violation de la règle audi alteram partem, tel n'est
pas le cas ici. Pour s'en rendre compte, il faut
comprendre que la question à laquelle le Conseil
devait répondre n'était pas celle de savoir si le lieu
où M. Froment devait travailler le 27 novembre
1980 présentait en fait des dangers pour sa santé
ou sa sécurité. Cette question-là avait déjà été
tranchée par l'agent de sécurité le 2 décembre
1980. Le Conseil devait décider si la requérante
avait suspendu l'intimé parce qu'il avait exercé le
droit que lui reconnaissait le paragraphe 82.1(1).
Plus précisément, étant donné qu'il était constant
que la requérante avait suspendu l'intimé parce
que celui-ci, prétendant que sa sécurité était en
péril, avait refusé de travailler le 27 novembre
1980, le Conseil devait décider si l'intimé avait, le
27 novembre, des motifs raisonnables de croire
qu'il existait, au lieu où il devait travailler, des
circonstances constituant un danger imminent
pour sa santé ou sa sécurité. Je ne vois pas com
ment une décision qui n'avait été rendue qu'en
janvier 1981, à la suite d'un refus de travailler
dans un autre endroit, pouvait aider le Conseil à
répondre à cette question. Je crois donc que le
Conseil a eu raison de juger que la décision que la
requérante voulait mettre en preuve n'était pas
pertinente au problème que le Conseil devait
résoudre. De plus, même si cette décision pouvait
être considérée comme pertinente, il me parait
certain qu'elle n'apportait pas de réponse à la
question que le Conseil devait résoudre et que
celui-ci, en refusant de l'admettre en preuve, n'a
pas, à mon avis, violé la règle audi alteram
partem. Malgré ce refus, en effet, la requérante
avait toujours la possibilité de prouver, comme elle
a d'ailleurs tenté de le faire, que l'intimé Froment
n'avait pas de motifs raisonnables de croire qu'il
existait à l'endroit où il devait travailler des cir-
constances constituant un danger imminent au
sens de l'article 82.1.
2. L'excès de compétence.
Il est certain que le Conseil, suivant l'article
96.1, avait la compétence d'instruire et juger la
plainte de l'intimé. La requérante, d'ailleurs, en
convient. Ce qu'elle reproche au Conseil ou, plus
exactement, le seul reproche sérieux qu'elle fasse
au Conseil à cet égard, c'est d'avoir donné au
paragraphe 82.1(1) une interprétation si déraison-
nable qu'elle aurait conduit le Conseil à décider
une question autre que celle qu'il devait trancher
(Le Syndicat canadien de la Fonction publique,
section locale 963 c. La Société des alcools du
Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, à la
page 237).
La seule question qui était réellement en litige
devant le Conseil était celle de savoir si l'intimé
Froment, lorsqu'il avait refusé de travailler dans
un lieu qu'il jugeait trop isolé le 27 novembre
1980, avait des motifs raisonnables de croire qu'il
existait dans ce lieu des circonstances constituant
un danger imminent pour sa sécurité ou sa santé.
Le Conseil a répondu affirmativement à cette
question. S'il a répondu ainsi, ce n'est cependant
pas, comme on aurait pu s'y attendre, parce qu'il
jugeait que le lieu où l'intimé devait travailler le
27 novembre 1980 (lieu situé entre le point D.M.S.
et le carrefour) présentait des dangers. Le Conseil
affirme en effet qu'il est constant que ce lieu ne
présentait aucun danger; et il semble bien, encore
que le Conseil ne se soit pas exprimé sur ce point,
qu'il ait aussi considéré que l'intimé Froment
n'avait pas de motifs raisonnables de croire que ce
même lieu était dangereux. Il ressort clairement de
la décision attaquée que le Conseil a jugé que, le
27 novembre 1980, l'intimé n'avait pas seulement
refusé de travailler là où il devait travailler ce
jour-là (i.e., entre le point D.M.S. et le carrefour)
mais qu'il avait alors refusé de faire l'ensemble des
travaux auxquels on l'avait affecté quelques jours
plus tôt, travaux qui devaient se prolonger jus-
qu'au 15 décembre 1980 et s'exécuter non seule-
ment entre le point D.M.S. et le carrefour mais
aussi sur la distance de près de cinq milles sépa-
rant le carrefour de la pente de ski. Le Conseil
s'est donc demandé si l'intimé pouvait raisonnable-
ment croire que les lieux où tous ces travaux
devaient être exécutés présentaient des dangers
pour sa sécurité. Et c'est parce que le Conseil a
répondu affirmativement à la question ainsi posée
qu'il a décidé comme il l'a fait. Ce faisant, le
Conseil, à mon avis, a si mal interprété l'alinéa
82.1(1)b) qu'il a tranché une question autre que
celle dont il était saisi. Cet alinéa ne permet pas à
un employé de refuser d'être affecté à des travaux
dont une partie seulement doit être exécutée dans
un lieu dangereux; il permet seulement à un
employé de refuser de travailler à un endroit qu'il
a des motifs raisonnables de croire dangereux. Si,
en conséquence, les travaux auxquels un employé
est affecté doivent s'exécuter dans des lieux diffé-
rents, l'article 82.1 ne permet pas à l'employé de
refuser de travailler dans un lieu qui ne présente
aucun danger parce qu'il entrevoit qu'il sera, plus
tard, appelé à travailler dans un autre lieu qu'il
juge dangereux.
Je crois donc, pour ces motifs, que le Conseil a
excédé sa compétence en prononçant la décision
attaquée. Je ferais donc droit à la requête, je
casserais cette décision et renverrais l'affaire au
Conseil pour qu'il la décide en prenant pour acquis
que la question à laquelle il doit répondre est celle
de savoir si l'intimé Froment avait des motifs
raisonnables de croire qu'il existait, au lieu où il
devait travailler le 27 novembre 1980, des circons-
tances constituant un danger imminent pour sa
santé ou sa sécurité.
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: Je souscris à
ces motifs et à l'ordonnance.
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