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A-737-81
Rémi St-Louis (requérant)
c.
Conseil du Trésor (intimé)
Cour d'appel, juges Pratte et Ryan, juge suppléant Hyde—Montréal, 4 et 5 novembre 1982.
Fonction publique Conflit d'intérêts Demandes d'exa- men et d'annulation Vérificateur au ministère du Revenu national congédié pour avoir fait, en dehors de ses heures de travail, des travaux de comptabilité pour des tierces personnes, contrairement aux directives de son employeur visant à préve- nir les conflits d'intérêts Le grief référé à l'arbitrage a été maintenu en partie seulement, la punition étant réduite à une suspension de 27 mois La décision de l'arbitre d'entendre le grief à huis clos ne porte aucun préjudice au requérant Les arbitres agissant en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique ne sont pas tenus par la loi de siéger en public Les directives sont conformes aux règles de discipline édictées par le sous-ministre Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28 Règle- ment sur les conditions d'emploi dans la Fonction publique, DORS/67-118, art. 106.
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Fonction publique Employé congédié pour conflit d'intérêts Grief référé à l'arbitrage Huis clos La loi n'impose pas l'obligation de siéger en public Le requérant n'a subi aucun préjudice Requête rejetée Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Le requérant, vérificateur au ministère du Revenu national, Division de l'impôt sur le revenu, a été congédié pour avoir fait, en dehors de ses heures de travail, des travaux de comptabilité pour des tierces personnes, en violation des directives de son employeur visant à prévenir les conflits d'intérêts. Son grief contre le congédiement a été référé à l'arbitrage. L'arbitre a jugé bon d'entendre le grief à huis clos dans le but d'éviter de causer un préjudice à des tiers. Il a conclu que le requérant avait, à de nombreuses reprises, violé les directives de son employeur visant à prévenir les conflits d'intérêts mais, jugeant que la peine était trop sévère, il l'a réduite à une suspension d'une durée de 27 mois. Le requérant soutient que l'arbitre a ordonné à tort l'exclusion du public et que cette exclusion a porté préjudice au requérant. Il soutient en outre que les règles de discipline en cause n'ont jamais été valablement promul- guées.
Arrêt: la requête est rejetée. La décision de l'arbitre de procéder à huis clos a été prise dans un but légitime et n'a causé aucun préjudice au requérant. En outre, les arbitres agissant en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique ne sont pas expressément obligés par la loi de siéger en public. Les directives précises que le requérant a violées étaient conformes aux règles de discipline valablement édictées par le sous-ministre.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Scott v. Scott, [1913] A.C. 417 (H.L.).
DÉCISION CITÉE:
Re Legal Professions Act and The Benchers of the Law Society of British Columbia, [1945] 4 D.L.R. 702 (C.A.C.-B.).
AVOCATS:
Rolland Pépin pour le requérant. Robert Lee pour l'intimé.
PROCUREURS:
Rolland Pépin, Montréal, pour le requérant. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Voici les moitifs du jugement prononcés en français à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Cette requête est faite en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] et demande l'annulation d'une décision d'un arbitre qui, agis- sant en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique [S.R.C. 1970, chap. P-35], a fait droit en partie seulement au grief que le requérant avait présenté suite à son congédie- ment.
Le requérant était vérificateur au ministère du Revenu national, Division de l'impôt sur le revenu. Il fut congédié le 11 octobre 1979 parce qu'il avait souvent fait, en dehors de ses heures de travail, des travaux reliés à la comptabilité ou à la préparation de déclarations d'impôt pour des tierces personnes. Il a présenté un grief contre ce congédiement. Ce grief a été référé à l'arbitrage. L'arbitre en vint à la conclusion que le requérant avait, à de nom- breuses reprises, violé les directives de son employeur visant à prévenir les conflits d'intérêts, directives qui interdiraient des activités comme celles auxquelles s'était livré le requérant. L'arbi- tre, cependant, jugea que le congédiement était une peine trop sévère. Aussi réduisit-il la punition imposée à une suspension d'une durée de 27 mois.
C'est cette décision qu'attaque aujourd'hui le requérant. À l'appui de son pourvoi, il a fait valoir de nombreux moyens. Comme nous l'avons indiqué à l'audience, il nous paraît que seulement deux d'entre eux méritent d'être considérés.
Le premier de ces moyens se rapporte au fait que l'arbitre a jugé bon d'entendre le grief à huis
clos afin de protéger la confidentialité des informa- tions contenues dans les documents comptables préparés par le requérant en dehors de ses heures de travail. Pour employer l'expression utilisée devant nous, l'arbitre voulait protéger «l'intimité financière» de ceux pour qui le requérant avait travaillé.
L'avocat du requérant s'est plaint de ce huis clos qui, a-t-il soutenu, aurait porté préjudice à son client en permettant aux témoins de l'employeur de témoigner privément. Cette prétention ne nous paraît pas fondée. Nous ne pouvons dire que le requérant ait subi quelque préjudice que ce soit en conséquence du huis clos. Si nous avons, malgré tout, voulu entendre l'avocat de l'intimé sur ce point, c'est que pendant un moment nous nous sommes demandé si les règles très strictes qui régissent la publicité des audiences des cours de justice (voir Scott v. Scott, [1913] A.C. 417 (H.L.)), ne s'appliquaient pas aussi aux audiences des arbitres. Nous en sommes venus à la conclu sion que cette question doit recevoir une réponse négative. Les arbitres agissant en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publi- que sont dans la même situation que les tribunaux autres que les cours de justice à qui la Loi n'im- pose pas expressément l'obligation de siéger en public: ils ne sont pas régis par les règles applica- bles aux cours de justice, encore qu'il soit souhai- table qu'ils s'inspirent de principes identiques (voir la décision de la Cour d'appel de Colombie-Britan- nique dans l'affaire Re Legal Professions Act and The Benchers of the Law Society of British Columbia, [1945] 4 D.L.R. 702 (C.A.C.-B.)).
Revenant à l'affaire qui nous intéresse, je ne crois pas que la décision de l'arbitre de procéder à huis clos puisse être critiquée puisqu'elle a été prise dans le but légitime d'éviter que le déroule- ment public de l'arbitrage ne cause un préjudice à des tiers qui n'y avaient aucun intérêt.
Le second argument du requérant qui doit être considéré est plus difficile à formuler. J'espère lui faire justice en l'exposant de la façon suivante. Le requérant ne pouvait être congédié que pour incon- duite ou manquement à une règle de discipline valablement édictée par le sous-ministre en vertu de l'article 106 du Règlement sur les conditions d'emploi dans la Fonction publique [DORS 67/118]. Or, la conduite reprochée au requérant ne
pouvait être qualifiée d'inconduite; et elle ne pou- vait davantage, toujours suivant le requérant, être considérée comme un manquement à la discipline parce qu'il n'est pas prouvé que la défense faite au requérant et à ses camarades de travail d'effectuer des travaux comptables en dehors des heures de travail ait jamais été valablement promulguée par le sous-ministre.
La réponse à cet argument, à mon avis, c'est que, d'une part, il est indiscutable que, en agissant comme il l'a fait, le requérant a violé des directives précises qu'on lui avait communiquées et que, d'autre part, il n'est pas prouvé que ces directives n'étaient pas conformes à des règles de discipline édictées par le sous-ministre.
Pour ces motifs, je rejetterais la requête.
LE JUGE RYAN y a souscrit.
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
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