A-718-79
Phyllis Barbara Bronfman Trust (appelante)
c.
La Reine (intimée)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Pratte et
juge suppléant Hyde—Montréal, 31 janvier;
Ottawa, 27 mai 1983.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions
Appel d'une décision de la Division de première instance
confirmant les nouvelles cotisations — Le Ministre a rejeté des
déductions pour les intérêts payés sur «de l'argent emprunté et
utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien»
— Les fiduciaires ont emprunté pour payer les prélèvements à
même le capital en faveur de la bénéficiaire de la fiducie
appelante au lieu de liquider des titres productifs de revenu —
Les fiduciaires ont déduit les intérêts payés sur l'argent
emprunté conformément aux art. 11(1)c)(i) de l'ancienne Loi de
l'impôt sur le revenu et 20(1)c)(i) de la nouvelle Loi —
L'appelante a fait valoir que l'argent emprunté a été utilisé en
vue de tirer un revenu parce qu'il permettait aux fiduciaires de
conserver des placements qui ont continué à produire des
revenus pour la fiducie — L'arrêt Trans -Prairie Pipelines Ltd.
v. Minister of National Revenue (1970), 70 DTC 6351 (C. de
l'É.) est appliqué — La facon d'accomplir ce but importe peu
— Appel accueilli — Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, chap. 148, art. 11(1)c)(i) mod. par S.C. 1968-69, chap.
44, art. 2 — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72,
chap. 63, art. 20(1)c) (i).
Appel d'une décision de la Division de première instance
confirmant une nouvelle cotisation d'impôt sur le revenu pour
les années d'imposition 1970, 1971 et 1972. Les fiduciaires de
la fiducie appelante peuvent attribuer à la bénéficiaire des
prélèvements à même le capital de la fiducie. En 1969 et 1970,
les fiduciaires ont décidé de payer, à même le capital de la
fiducie, les sommes respectives de 500 000 $ et de 2 000 000 $ à
la bénéficiaire. La valeur marchande des titres s'étant affaissée,
les fiduciaires ont emprunté 2 200 000 $ pour payer la bénéfi-
ciaire au lieu de vendre les titres. Dans le calcul du revenu de la
fiducie, les fiduciaires ont déduit les intérêts payés sur les
sommes empruntées à titre d'«intérêts sur de l'argent emprunté
et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un
bien» au sens du sous-alinéa 11(1)c)(i) de l'ancienne Loi de
l'impôt sur le revenu et du sous-alinéa 20(1)c)(i) de la nouvelle
Loi. Le Ministre a rejeté ces déductions. L'appelante fait valoir
que l'argent emprunté a été utilisé en vue de tirer un revenu
parce qu'il a permis aux fiduciaires de conserver les titres
productifs de revenus qui ont continué à produire des revenus
pour la fiducie. L'appelante s'appuie sur l'arrêt Trans -Prairie
Pipelines Ltd. v. Minister of National Revenue (1970), 70
DTC 6351 (C. de l'E.) qui a déclaré déductible l'intérêt payé
sur de l'argent emprunté pour racheter des actions privilégiées,
les sommes que les actionnaires privilégiés avaient souscrites
ayant été utilisées en vue de tirer un revenu de son entreprise.
Cette situation se compare au cas où le fiduciaire a d'abord
vendu les titres, payé le bénéficiaire et ensuite emprunté pour
financer l'achat des titres qu'il venait de vendre. Il s'agit de
savoir si l'appelante a droit aux déductions de l'intérêt.
Arrêt (le juge Pratte dissident): l'appel devrait être accueilli.
Le juge en chef Thurlow (avec l'appui du juge suppléant
Hyde): L'utilisation de l'argent emprunté pour payer les prélè-
vements a permis aux fiduciaires de conserver les placements
productifs de revenu et de les exploiter. S'ils avaient donné à la
bénéficiaire les placements productifs de revenu, le revenu de la
fiducie aurait été réduit. Ainsi, c'est l'effet de l'utilisation de
l'argent emprunté qui importe. Si le but de la possession des
titres était d'en tirer un revenu et que l'argent a été emprunté
pour permettre aux fiduciaires d'atteindre ce but, l'exigence de
la loi est remplie. La façon d'accomplir ce but importe peu. Le
principe énoncé dans l'arrêt Trans -Prairie Pipelines Ltd.
s'applique.
Le juge Pratte (dissident): Les paiements d'intérêt ne sont
pas déductibles parce que l'argent emprunté n'a pas été utilisé
en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien.
L'argent a été utilisé pour payer les prélèvements sur le capital
en faveur de la bénéficiaire. L'arrêt Trans -Prairie Pipelines
n'est pas applicable. Dans cette affaire, les sommes que les
actionnaires privilégiés avaient souscrites avaient été utilisées
par la société en vue de tirer un revenu de son entreprise. Après
le rachat des actions privilégiées au moyen de l'argent
emprunté, cet argent a remplacé les sommes souscrites et la
société, au lieu d'utiliser l'argent des actionnaires pour son
entreprise, a utilisé l'argent emprunté. En l'espèce, l'argent
payé à la bénéficiaire n'avait pas encore été utilisé par la
fiducie en vue de tirer un revenu.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Trans -Prairie Pipelines Ltd. v. Minister of National
Revenue (1970), 70 DTC 6351 (C. de l'E.).
DÉCISIONS CITÉES:
Canada Safeway Limited v. The Minister of National
Revenue, [1957] R.C.S. 717; Sternthal v. Her Majesty
The Queen (1974), 74 DTC 6646 (C.F. 1fe inst.).
AVOCATS:
Michael Vineberg pour l'appelante.
Roger Roy pour l'intimée.
PROCUREURS:
Phillips & Vineberg, Montréal, pour l'appe-
lante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: La question en
litige dans cet appel [du jugement de la Division
de première instance rapporté à [1980] 2 C.F.
453] est de savoir si l'appelante, dans le calcul de
son revenu aux fins de l'impôt pour les années
1970, 1971 et 1972, a droit de déduire l'intérêt aux
montants de 110 114 $ pour 1970, 9 802 $ pour
1971 et 1 432 $ pour 1972, qu'elle a payé sur deux
prêts bancaires, un au montant de 300 000 $ US
obtenu au mois de décembre 1969, l'autre au
montant de 1 900 000 $ CAN obtenu au mois de
mars 1970. Ce dernier prêt a été entièrement
remboursé le 5 octobre 1970, par suite de la vente
de certains placements dans la société Gulf
Canada Ltd. Le premier prêt a été remboursé en
partie en 1970 et en 1971, et le solde a été
remboursé le 4 janvier 1972.
L'appelante est une fiducie constituée en 1942
par Samuel Bronfman au bénéfice de sa fille. En
vertu de l'acte de fiducie, sa fille, en qualité de
bénéficiaire, a droit annuellement à 50 pour 100
du revenu de la fiducie et peut recevoir à l'occa-
sion, à la discrétion des fiduciaires, des prélève-
ments à même le capital. À l'époque envisagée,
l'actif de la fiducie, qui était presque entièrement
placé dans des titres productifs de revenu, avait un
prix de base d'environ 15 000 000 $ et une juste
valeur marchande évaluée à plus de 70 000 000 $.
Les placements dans des entreprises familiales
constituaient la plus grosse partie de cet actif et ne
pouvaient être réalisés rapidement. Le reste était
placé dans des titres négociables. Mais à l'époque
où les prêts en question ont été obtenus, il était peu
avantageux de vendre certains de ces titres puisque
leur valeur marchande s'était affaissée; d'autres
titres ne pouvaient être vendus immédiatement
puisqu'ils étaient nantis en garantie des dettes
d'une société de portefeuille de la famille. Presque
tous les placements de la fiducie étaient productifs
de revenu. Ces placements ont produit les revenus
suivants:
en 1969 — 324 469 $
en 1970 — 293 178 $
en 1971 — 213 588 $
en 1972 — 209 816 $
Aux mois de décembre 1969 et de mars 1970,
les fiduciaires ont versé à la bénéficiaire des prélè-
vements sur le capital aux montants de 500 000 $
et de 2 000 000 $ respectivement. Les sommes de
300 000 $ US et de 1 900 000 $ CAN qui ont été
empruntées à la banque aux époques où les prélè-
vements ont été versés faisaient partie dans chaque
cas de la somme remise à la bénéficiaire.
La question en litige est de savoir si, pour les
années d'imposition en question, on peut dire que
l'argent emprunté a été «utilisé en vue de tirer un
revenu ... d'un bien» au sens du sous-alinéa
11(1)c)(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu,
S.R.C. 1952, chap. 148 [mod. par S.C. 1968-69,
chap. 44, art. 2], qui s'applique aux années d'im-
position 1970 et 1971, et du sous-alinéa 20(1)c)(i)
de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-
71-72, chap. 63, qui s'applique à l'année d'imposi-
tion 1972.
L'appelante prétend que l'argent emprunté a
remplacé temporairement une partie du capital de
la fiducie qui avait été attribué à la bénéficiaire,
que cet argent a permis aux fiduciaires de conser-
ver les placements productifs de revenu que déte-
nait la fiducie à cette époque, que la fiducie a
continué à tirer un revenu de ces placements et que
par conséquent, bien que l'argent emprunté ait été
versé à la bénéficiaire, il a été utilisé en vue de
tirer ou de produire un revenu des biens de la
fiducie. L'avocat appuie cette prétention sur la
décision de la Cour de l'Échiquier Trans -Prairie
Pipelines Ltd. v. Minister of National Revenue'.
L'intimée fait valoir que puisque les sommes
empruntées ont servi au paiement des prélève-
ments à la bénéficiaire, on ne peut prétendre qu'el-
les ont été utilisées en vue de tirer un revenu de
l'exploitation d'un bien de la fiducie.
Je suis d'accord avec la prétention de l'appe-
lante. Contrairement à ce que dit l'intimée, je suis
d'avis que, lorsque l'argent emprunté a été ajouté
aux biens de la fiducie et qu'il a fallu verser les
prélèvements à la bénéficiaire, l'utilisation de cet
argent, plutôt que des placements, pour payer les
prélèvements a permis aux fiduciaires de conserver
les placements productifs de revenu de la fiducie et
de les exploiter pour permettre à la fiducie d'en
tirer un revenu. Si les fiduciaires avaient vendu les
placements productifs de revenu pour payer les
prélèvements, le revenu de la fiducie aurait été
réduit d'autant. S'ils avaient donné à la bénéfi-
ciaire les placements productifs de revenu, le
revenu de la fiducie aurait été réduit d'autant. En
évitant ces solutions, en empruntant de l'argent
pour payer les prélèvements, les fiduciaires ont
conservé intacte la capacité productive des place
ments de la fiducie. Dans les circonstances, cela
' (1970), 70 DTC 6351 (C. de l'É.).
suffit, à mon avis, pour dire que l'argent emprunté
a été utilisé dans les années fiscales en question en
vue de tirer un revenu des biens de la fiducie.
À mon avis, il n'est pas réaliste de concentrer
notre attention sur l'utilisation de l'argent
emprunté pour payer les prélèvements de capital.
Ce qui me paraît important, c'est l'effet que l'utili-
sation de l'argent emprunté pour payer les prélève-
ments a eu sur la capacité, pour les fiduciaires, de
conserver les placements productifs de revenu et de
continuer à en retirer tout le revenu pour la fidu-
cie. Le but dont parle la loi est de tirer un revenu
d'un bien par l'exploitation de ce bien lui-même.
Voir les motifs du juge Rand dans l'arrêt Canada
Safeway Limited v. The Minister of National
Revenue 2 . Dans cette affaire, le bien exploité était
formé des placements en fiducie que détenaient les
fiduciaires. La loi s'attache donc au but que visent
les fiduciaires en conservant les placements. Si ce
but était d'en tirer un revenu et que l'argent a été
emprunté pour leur permettre d'atteindre ce but,
les exigences de la loi sont remplies. Peu importe
que la façon d'accomplir ce but ait été de ne pas
employer l'argent emprunté à l'achat de titres et
de conserver les titres que la fiducie détenait déjà
et d'utiliser les prêts pour s'acquitter d'une obliga
tion qui aurait exigé, autrement, l'abandon d'une
partie des placements productifs de revenu de la
fiducie. J'estime en outre qu'il n'est pas important
que les fiduciaires, lorsqu'ils ont conservé les pla
cements, aient également envisagé une hausse pos
sible de la valeur de leur capital.
Il faut souligner qu'une fiducie du genre de celle
en l'espèce n'a pas d'objet particulier et que les
fiduciaires n'ont pas de but précis si ce n'est de
détenir les biens de la fiducie, d'en tirer un revenu
et de disposer du revenu et du capital conformé-
ment aux dispositions de l'acte de fiducie. À cet
égard, une fiducie est différente d'un particulier
qui peut avoir plusieurs buts, à la fois commer-
ciaux et personnels. On peut établir une comparai-
son avec l'affaire Sternthal v. Her Majesty The
Queen 3 dans laquelle le contribuable, un particu-
2 [1957] R.C.S. 717, à la p. 728.
3 (1974), 74 DTC 6646 (C.F. 1P° inst.).
lier, n'était pas tenu de prêter de l'argent à ses
enfants mais a placé ses emprunts dans des prêts
qu'il leur a consentis sans intérêt. On peut égale-
ment distinguer entre la situation en l'espèce et
celle de l'affaire Trans -Prairie Pipelines Ltd. v.
Minister of National Revenue puisque dans cette
affaire, il s'agissait d'un emprunt utilisé pour rem-
placer le capital utilisé en vue de tirer un revenu
d'une entreprise plutôt que d'un bien.
Mais, à mon avis, le même principe s'applique.
Les biens de la fiducie que détenaient les fiduciai-
res sont des placements productifs de revenu pour
une valeur ou un montant déterminé; après avoir
décidé de retirer 2 500 000 $ du capital de la
fiducie, le capital dont ils pouvaient par la suite
tirer un revenu était constitué du reste de l'actif,
savoir l'actif qu'ils avaient auparavant moins
2 500 000 $, et de l'argent emprunté.
Je suis d'avis d'accueillir l'appel et de renvoyer
l'affaire au ministre du Revenu national pour qu'il
l'examine de nouveau et qu'il établisse une nou-
velle cotisation en tenant compte des déductions
des paiements d'intérêt en question auxquelles a
droit l'appelante. L'appelante a droit aux dépens
en cette Cour et en Division de première instance.
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je souscris aux
motifs du juge en chef.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE (dissident): Il s'agit de l'appel
d'un jugement du juge Marceau de la Division de
première instance qui a rejeté un appel de l'appe-
lante à l'encontre de nouvelles cotisations d'impôt
sur le revenu pour les années d'imposition 1970,
1971 et 1972. L'appel ne soulève qu'une seule
question: le juge de première instance a-t-il eu
raison de décider que l'appelante ne peut déduire,
dans le calcul de son revenu pour ces trois années,
l'intérêt qu'elle a payé pour l'argent emprunté à la
Banque de Montréal?
L'appelante est une fiducie constituée au béné-
fice de Phyllis Barbara Bronfman et de ses enfants
en vertu d'un acte de donation intervenu entre
Samuel Bronfman, le donateur, et trois fiduciaires
désignés. En vertu de cet acte, M"e Bronfman a
droit à cinquante pour cent (50 %) du revenu de la
fiducie; en outre, les fiduciaires peuvent lui attri-
buer des prélèvements à même le capital de la
fiducie. Aux mois de décembre 1969 et de mars
1970, les fiduciaires ont décidé d'exercer ce pou-
voir et de payer à M"e Bronfman, à même le
capital de la fiducie, les sommes respectives de
500 000 $ US et de 2 000 000 $ CAN. Afin
d'obtenir les fonds pour payer ces sommes, les
fiduciaires ont emprunté 2 200 000 $ à la Banque
de Montréal. Certes, au lieu d'emprunter, ils
auraient pu liquider certains titres productifs de
revenu que possédait la fiducie. Cependant, ils ont
estimé qu'il était beaucoup plus avantageux pour
la fiducie de conserver ces titres et d'emprunter à
la banque. La somme empruntée a été affectée au
paiement, à M"e Bronfman, des prélèvements sur le
capital et la fiducie a pu ainsi conserver des titres
de bonne qualité productifs de revenu. Dans le
calcul du revenu de la fiducie pour les années
1970, 1971 et 1972, les fiduciaires ont déduit
l'intérêt payé au cours de ces années sur le mon-
tant emprunté à la banque. Le Ministre a rejeté
ces déductions pour le motif que l'intérêt en ques
tion n'est pas un intérêt sur «de l'argent emprunté
et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise
ou d'un bien» au sens du sous-alinéa 11(1)c)(i) de
la Loi de l'impôt sur le revenu en vigueur en 1970
et en 1971 et du sous-alinéa 20(1)c)(i) de la même
Loi en vigueur en 1972*. Le juge de première
instance a confirmé cette décision. Le présent
appel est à l'encontre de cette décision.
En 1970 et 1971, la disposition pertinente de la
Loi de l'impôt sur le revenu était le sous-alinéa
11(1)c) (i) qui se lisait:
11. (1) Par dérogation aux alinéas a), b) ou h) du paragra-
phe (1) de l'article 12, les montants suivants peuvent être
déduits dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une
année d'imposition:
c) un montant payé dans l'année, ou payable à l'égard de
l'année (suivant la méthode employée régulièrement par le
contribuable dans le calcul de son revenu), aux termes d'une
obligation juridique de payer des intérêts sur
(i) un montant d'argent emprunté et utilisé aux fins de
gagner le revenu provenant d'une entreprise ou de biens
(autre que l'argent emprunté et utilisé pour acquérir des
biens dont le revenu serait exempté ou pour acquérir un
droit portant sur une police d'assurance-vie),
*[Note de l'arrêtiste: l'extrait est tiré du sous-alinéa
20(1)c)(i) dont le texte français diffère, quant à la forme
seulement, de celui du sous-alinéa 11(1)c)(i).]
En 1972, le sous-alinéa 20(1)c)(i) prévoyait une
disposition semblable qui se lisait:
20. (1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et
h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une
entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent
être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent
entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes
suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y
rapportant:
c) une somme payée dans l'année ou payable pour l'année
(suivant la méthode habituellement utilisée par le contribua-
ble dans le calcul de son revenu), en exécution d'une obliga
tion légale de verser des intérêts sur
(i) de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu
d'une entreprise ou d'un bien (autre que l'argent emprunté
et utilisé pour acquérir un bien dont le revenu serait
exonéré d'impôt ou pour prendre une police d'assurance-
vie),
L'appelante fait valoir que l'argent emprunté à
la banque a été «utilisé en vue de tirer un revenu»
au sens de ces dispositions parce que les fiduciaires
l'ont utilisé de façon à pouvoir conserver les titres
productifs de revenu que, sans cela, ils auraient dû
vendre. Son avocat prétend que la situation est
essentiellement la même que si l'appelante avait
d'abord vendu ses titres et payé M"e Bronfman et
avait ensuite emprunté à la banque pour financer
l'achat des titres qu'elle venait de vendre. A l'ap-
pui de cet argument, il a invoqué la décision de la
Cour de l'Échiquier Trans -Prairie Pipelines Ltd.
v. Minister of National Revenue ((1970), 70 DTC
6351 (C. de l'E.)) qui a conclu que l'intérêt payé
par une compagnie pour l'argent qu'elle a
emprunté pour racheter ses actions privilégiées
pouvait être déduit dans le calcul de son revenu
conformément au sous-alinéa 11(1)c) (i) de la Loi
de l'impôt sur le revenu.
Je suis d'accord avec le juge Marceau et je ne
puis accepter l'argument de l'appelante. Suivant
les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur
le revenu, l'intérêt dont il s'agit en l'espèce n'est
pas déductible à moins que l'argent emprunté à la
Banque de Montréal n'ait été «utilisé en vue de
tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien». Ce
n'est pas à cette fin qu'il a été utilisé, mais pour
payer les prélèvements sur le capital que les fidu-
ciaires ont accordés à M"e Bronfman. L'argument
de l'appelante, à mon avis, ne fait aucun cas des
termes de la Loi. J'estime en outre que la décision
Trans -Prairie Pipelines Ltd. v. Minister of Natio
nal Revenue ne s'applique pas en l'espèce. Dans
cette affaire, une compagnie avait emprunté de
l'argent pour racheter ses actions privilégiées; les
sommes que les actionnaires privilégiés avaient
souscrites auparavant avaient manifestement été
utilisées par la compagnie en vue de tirer un
revenu de son entreprise; après le rachat des
actions privilégiées au moyen de l'argent
emprunté, on pouvait dire que, de fait, cet argent
avait remplacé les sommes souscrites par les
actionnaires privilégiés et que par la suite, au lieu
d'utiliser leur argent pour son entreprise, la com-
pagnie utilisait l'argent emprunté. En l'espèce, la
situation est tout à fait différente. Les sommes
versées à M"' Bronfman ne peuvent être considé-
rées comme des sommes qui remplacent l'argent
que la fiducie utilisait déjà pour en tirer un revenu;
et rien ne permet de dire que l'appelante a utilisé
l'argent versé à M"e Bronfman en vue d'en tirer un
revenu.
Je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.