T-4485-81
La Reine (demanderesse)
c.
William Yates (défendeur)
Division de première instance, juge Mahoney—
Toronto, 9 mars; Ottawa, 10 mars 1983.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Gain en capital
— Résidence principale — Appel interjeté par la Couronne
d'une décision de la Commission de révision de l'impôt — Les
défendeurs voulaient seulement un fonds de terre assez grand
pour y habiter mais ils ont acheté un terrain de 10 acres qui
était la superficie minimale imposée par le règlement de
zonage municipal — Ils n'ont pas utilisé plus d'un acre pour
leur habitation — Craignant d'être expropriés, ils ont vendu à
la ville 9,3 acres qui n'incluaient pas leur maison — Il s'agit
de savoir si la superficie vendue constituait une résidence
principale dont la disposition a produit un gain en capital non
imposable — On n'a pas prétendu que la vente partielle d'une
résidence principale est impossible — Le mot «particulier»
employé à l'art. 54g) est synonyme de «contribuable.
L'époque déterminante est la période qui a précédé la disposi
tion — Lorsqu'un contribuable répond à un critère objectif il
est inutile de prendre en considération un critère subjectif tel
que la contribution du fonds de terre contigu à l'usage et à la
jouissance du logement â titre de résidence, même si ce critère
peut être acceptable — Les facteurs mentionnés à l'art. 24(6)
de la Loi sur l'expropriation pourraient être pris en considéra-
tion dans les circonstances appropriées — L'ensemble des 10
acres a contribué â l'usage et â la jouissance du logement â
titre de résidence puisque les défendeurs ne pouvaient légale-
ment occuper leur logement â titre de résidence sur une
superficie inférieure — La disposition portait donc sur une
résidence principale — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C.
1970-71-72, chap. 63, art. 40(2), 54g), 178(2) — Loi sur
l'expropriation, S.R.C. 1970 (P' Supp.), chap. 16, art. 24(6).
AVOCATS:
H. Erlichman pour la demanderesse.
C. A. Maiocco pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
C. A. Maiocco, Guelph, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: La présente action a été
entendue sur preuve commune en même temps
qu'une action semblable dirigée contre May Yates,
l'épouse du défendeur, n° du greffe T-4484-81. La
preuve a été tirée en totalité de la transcription de
l'audience tenue devant la Commission de révision
de l'impôt, y compris une partie de l'exposé con
joint des faits. La seule question à trancher est de
savoir si la disposition en question a produit un
gain en capital imposable. Le montant du gain
fera, si nécessaire, l'objet d'une poursuite ulté-
rieure.
Les défendeurs ont acheté, près de Guelph, un
terrain vacant de dix acres, sur lequel ils ont
construit leur maison en 1964. La superficie mini-
male d'une parcelle résidentielle imposée alors par
le règlement de zonage était de dix acres. Ce
règlement a été modifié par la suite pour porter la
superficie minimale à 25 acres. Les défendeurs ont
continué de résider sur ce terrain, comme usagers
non conformes légitimes.
Les défendeurs ne souhaitaient pas acheter un
terrain de dix acres, mais ont été contraints de le
faire alors qu'ils voulaient seulement un fonds de
terre assez grand pour y habiter. Ils n'ont pas
utilisé plus d'un acre pour leur habitation et ils ont
loué le reste du terrain à un fermier voisin qui l'a
cultivé.
En 1978, craignant d'être expropriés, les défen-
deurs ont vendu 9,3 acres à la ville de Guelph. Les
9,3 acres n'incluaient pas leur maison. Les défen-
deurs ont continué de résider sur la superficie de
0,7 acre qui restait, à laquelle s'ajoutait 0,225 acre
que la ville a cédé en contrepartie partielle des 9,3
acres.
La question en litige est de savoir si la vente des
9,3 acres constitue une vente de résidence princi-
pale. Personne n'a prétendu que, par sa nature
même, une résidence principale ne peut faire l'ob-
jet d'une disposition partielle. Si la vente des 9,3
acres est une vente de résidence principale, le gain
en capital réalisé est exempt d'impôt en vertu de
l'alinéa 40(2)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu
[S.R.C. 1952, chap. 148, mod. par S.C. 1970-
71-72, chap. 63]. La définition de «résidence prin-
cipale» à l'alinéa 54g) est longue et complexe. Je
n'en cite que l'extrait pertinent:
54....
g) ... la «résidence principale» d'un contribuable pour une
année d'imposition est réputée comprendre ... le fonds de
terre sur lequel repose le logement et toute partie d'un fonds
de terre contigu qui peut raisonnablement être considéré
comme facilitant au contribuable l'usage et la jouissance du
logement à titre de résidence, sauf que, si la superficie totale
du fonds de terre sous-jacent et de cette partie dépasse une
acre, l'excédent est réputé ne pas avoir facilité au particulier
l'usage et la jouissance du logement considéré comme rési-
dence, à moins que le contribuable ne prouve que cet excé-
dent était nécessaire à cet usage et à cette jouissance;
Je considère le mot «particulier» comme étant
synonyme de «contribuable»; le rédacteur s'est
peut-être lassé de répéter le mot «contribuable»
vers la fin d'une phrase de plus de 400 mots.
À mon avis, il faut prendre en considération la
période qui a précédé la disposition. Il se peut
qu'un critère subjectif, tel que la contribution du
fonds de terre contigu à l'usage et à la jouissance
par le contribuable de son logement à titre de
résidence, soit acceptable. Les facteurs dont on
tient compte habituellement pour appliquer le
paragraphe 24(6) de la Loi sur l'expropriation'
pourraient éventuellement être pris en considéra-
tion dans les circonstances appropriées. Cepen-
dant, qu'il y ait lieu ou non d'appliquer un critère
subjectif, il faut certainement appliquer un critère
objectif et si, dans ce cas, on juge que le contribua-
ble s'est acquitté du fardeau de la preuve, il
devient inutile de prendre en considération le cri-
tère subjectif.
Les défendeurs ne pouvaient légalement occuper
leur logement à titre de résidence sur une superfi-
cie inférieure à dix acres. Il s'ensuit non seulement
que l'on «peut raisonnablement» considérer que
l'ensemble des dix acres, sous-jacents et contigus,
facilite au contribuable l'usage et la jouissance du
logement à titre de résidence, mais aussi qu'il faut
conclure en ce sens. Il s'ensuit également que
l'excédent était nécessaire à cet usage et à cette
jouissance.
La disposition en question portait sur une rési-
dence principale et, pour cette raison, les cotisa-
tions seront renvoyées au Ministre qui devra éta-
blir une nouvelle cotisation. Le montant de l'impôt
en question entraîne l'application du paragraphe
178(2) à la question des dépens. Exception faite
des débours, il y aura un seul mémoire de frais
pour les deux actions. Une copie des présents
motifs sera consignée dans le dossier de l'action n°
T-4484-81 et en fera partie.
' S.R.C. 1970 (1' Supp.), chap. 16.
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