T-1243-82
C.J.R.T. Developments Ltd. (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Marceau—
Vancouver, 16, 17 et 18 novembre 1982; Ottawa,
10 janvier 1983.
Aéronautique — Action en indemnisation en vertu de l'art.
6(10) de la Loi en raison de la dévaluation des biens-fonds
qu'entraîne l'adoption du Règlement de zonage de l'aéroport
de Comox — La question de fait est de savoir si et dans quelle
mesure, le cas échéant, la demanderesse a subi un préjudice —
Des questions subsidiaires se posent quant à la date de l'adop-
tion du Règlement et à l'effet de modifications subséquentes y
apportées — Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, chap. A-3,
art. 6(111),(10) — Règlement de zonage de l'aéroport de
Comox, DORS/80-803 (mod. par DORS/81-719).
Expropriation — Préjudice — Règlement de zonage de
l'aéroport de Comox — La valeur des terrains de la demande-
resse a-t-elle diminué et, dans l'affirmative, de combien? — A
quelle date le Règlement a-t-il été adopté? — Le zonage et la
vocation des terrains ont changé — La valeur des terrains a
augmenté quotidiennement au cours de la période pertinente
— Indemnité de 211 800 $ accordée — Règlement de zonage
de l'aéroport de Comox, DORS/80-803 (mod. par DORS/81-
719).
Législation — Interprétation des lois — Le Règlement de
zonage de l'aéroport de Comox a été approuvé par le gouver-
neur en conseil, enregistré par le greffier du Conseil privé et
déposé au bureau des titres de biens-fonds à trois dates
différentes — Le Règlement est adopté (fia minuit la veille du
jour» de son enregistrement par le greffier du Conseil privé —
L'art. 6(2) de la Loi d'interprétation prévoit qu'un règlement
s'interprète normalement comme entrant en vigueur à minuit
la veille du jour où il a été enregistré conformément à l'art. 6
de la Loi sur les textes réglementaires (c.-à-d. par le greffier
du Conseil privé) — Le renvoi à l'art. 9 de la Loi sur les
expropriations que prévoit l'art. 6(8) de la Loi sur l'aéronauti-
que ne constitue strictement qu'une directive sur la façon de
procéder à l'enregistrement, aucune disposition de la loi ne
prévoyant expressément que la date de dépôt doit s'interpréter
comme étant la date d'adoption — La connaissance qu'ont les
parties d'un règlement ne constitue pas une condition préalable
à son entrée en vigueur — Le droit à une indemnité pour la
diminution de valeur d'un terrain n'est pas restreint par des
modifications ultérieures apportées au Règlement — Un droit
ne saurait fluctuer en fonction du moment où il est effective-
ment mis en vigueur — Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970,
chap. A-3, art. 6(8) — Règlement de zonage de l'aéroport de
Comox, DORS/80-803 (mod. par DORS/81-719) — Loi sur
l'expropriation, S.R.C. 1970 (1 er Supp.), chap. 16, art. 4, 13,
43 — Loi sur les expropriations, S.R.C. 1952, chap. 106, art.
9(1) — Loi sur les textes réglementaires, S.C. 1970-71-72,
chap. 38, art. 6, 9, 28 — Loi d'interprétation, S.R.C. 1970,
chap. 1-23, art. 6(2) (mod. par S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap.
29, art. I) — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.),
chap. 10, art. 35.
Il s'agit d'une action intentée sous le régime du paragraphe
6(10) de la Loi sur l'aéronautique pour un préjudice causé à
des terrains en raison de l'application du règlement de zonage
concernant l'aéroport de Comox. Le 16 octobre 1980, le gou-
verneur en conseil a approuvé le Règlement de zonage de
l'aéroport de Comox. Ce Règlement a été enregistré par le
greffier du Conseil privé le 20 octobre 1980, et déposé au
bureau des titres de biens-fonds le 15 décembre 1980. La
question fondamentale est de savoir si le Règlement a entraîné
une diminution de la valeur des terrains de la demanderesse et,
dans l'affirmative, de combien. Se greffe à ce point litigieux la
question de savoir laquelle des trois dates mentionnées ci-dessus
est la date exacte de l'adoption du Règlement. La réponse est
importante parce que les terrains ont été soumis à des restric
tions de zonage différentes à des époques différentes, et que,
par conséquent, la vocation des terrains a changé. De plus,
l'augmentation rapide de la valeur des terrains s'est traduite
par une augmentation quotidienne de leur valeur. La demande-
resse fait valoir que la date d'adoption est la date à laquelle le
Règlement a été déposé au bureau des titres de biens-fonds.
Elle soutient que le dépôt du nouveau Règlement au bureau des
titres de biens-fonds constituait une formalité essentielle que la
Loi impose par renvoi à la Loi sur l'expropriation. Le paragra-
phe 6(8) de la Loi sur l'aéronautique prévoit que «Un plan et
une description des terrains visés par un règlement de zone
doivent être signés et déposés de la même manière qu'un plan et
une description ... selon le paragraphe 9(l) de la Loi sur les
expropriations, et copie du règlement doit être déposée avec les
plans et description.» La deuxième question accessoire porte sur
l'incidence des modifications ultérieures apportées au Règle-
ment. Au mois de février 1981, le Ministre a reconnu la
possibilité qu'une erreur se soit glissée dans le Règlement initial
et, en septembre, le Règlement a été modifié et déposé au
bureau des titres de biens-fonds. Le président de la société
demanderesse a admis que les modifications avaient eu pour
effet d'alléger les restrictions imposées par le Règlement et ce,
à un point tel que les nouvelles restrictions n'étaient apparem-
ment pas plus lourdes que celles imposées par le règlement
général d'aménagement de la ville applicable à ces terrains.
Jugement: la demanderesse a droit à une indemnité de
211 800 $ pour diminution de la valeur des terrains. Le Règle-
ment de zonage de l'aéroport de Comox est entré en vigueur «à
minuit la veille du jour» de son enregistrement par le greffier du
Conseil privé, soit le 20 octobre 1980. Le renvoi au paragraphe
9(1) de l'ancienne Loi sur les expropriations que prévoit le
paragraphe 6(8) de la Loi sur l'aéronautique ne constitue
strictement qu'une directive sur la façon de procéder à l'enre-
gistrement. Pour que la date du dépôt d'un acte au bureau du
registraire soit la date véritable de l'acte, il faudrait que la loi
l'indique clairement, comme c'était apparemment le cas en
vertu de l'ancienne Loi sur les expropriations et comme c'est le
cas en vertu de l'actuelle Loi sur l'expropriation. La règle est
énoncée au paragraphe 6(2) de la Loi d'interprétation, modifié
par l'article 28 de la Loi sur les textes réglementaires: un
règlement doit normalement s'interpréter comme entrant en
vigueur à minuit, la veille du jour où le règlement a été
enregistré par le greffier du Conseil privé conformément à
l'article 6 de la Loi sur les textes réglementaires. Aucune
exception n'est déduite du seul fait de l'adoption d'une forma-
lité du type de celle prévue au paragraphe 6(8) de la Loi sur
l'aéronautique. La connaissance, par tous les intéressés, de
l'existence d'un règlement ne constitue pas non plus une condi
tion préalable à son entrée en vigueur. Le droit à une indemnité
découlant de l'adoption d'un règlement de zonage n'est pas
touché par une modification postérieure. De toute évidence, on
a voulu que le droit que prévoit le paragraphe 6(10) de
recouvrer le montant que représente la diminution de la valeur
des terrains en raison de l'adoption d'un règlement existe et soit
applicable dès l'adoption du règlement, et aucune disposition ne
prévoit que l'entrée en vigueur de règlements ou modifications
postérieurs aura quelque effet sur son application. Une fois
rendu applicable, un droit de ce genre ne saurait fluctuer en
fonction du moment où il est effectivement mis en vigueur. Le
droit de la Couronne à un remboursement ou la limitation des
dommages ne peut provenir que d'une loi.
JURISPRUDENCE
DÉCISION CITÉE:
Roberts and Bagwell v. The Queen (1957), 6 D.L.R. (2d)
305 (C.A.).
AVOCATS:
Douglas H. Gray pour la demanderesse.
George C. Carruthers pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Van Cuylenborg & Gray, Victoria, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU: En vertu de la Loi sur
l'aéronautique (S.R.C. 1970, chap. A-3 et ses
modifications), le ministre de la Défense nationale
a le pouvoir, sous réserve de l'approbation du
gouverneur en conseil, d'édicter des règlements de
zonage applicables aux terrains contigus ou situés
aux environs des aéroports relevant de sa compé-
tence. Ces règlements ont évidemment pour but de
restreindre, réglementer ou interdire, pour des fins
relatives à la navigation des aéronefs, l'emploi et
l'emplacement de constructions, bâtiments et
objets situés sur ces terrains. Le paragraphe 6(1)
[mod. par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 49] qui crée
ce pouvoir se lit en partie comme suit:
6. (1) Sous réserve de l'approbation du gouverneur en con-
seil, le Ministre peut ... édicter des règlements concernant:
j) la hauteur, l'emploi et l'emplacement de constructions,
bâtiments et objets, y compris les objets de provenance
naturelle, situés sur des terrains contigus à des aéroports ou
dans leurs environs, pour des fins concernant la navigation
des aéronefs ainsi que l'utilisation et la mise en service des
aéroports, y compris, à ces fins, des règlements restreignant,
réglant ou interdisant l'exécution de toute chose ou la tolé-
rance de tout acte à accomplir sur lesdits terrains, ou l'éta-
blissement ou usage de quelque construction, bâtiment ou
objet de ce genre;
Il va de soi que l'adoption, en vertu de la Loi sur
l'aéronautique, de règlements de zonage visant un
aéroport peut être préjudiciable à des terrains
appartenant à des intérêts privés; c'est pourquoi le
Parlement, ayant prévu une telle éventualité, a
inséré dans sa loi la disposition suivante:
6. ...
(10) Toute personne dont les biens sont lésés par l'application
d'un règlement de zone a droit de recouvrer de Sa Majesté, à
titre d'indemnité, le montant, s'il en est, qui représente la
diminution de valeur causée aux biens par l'établissement du
règlement, moins un montant égal à toute augmentation de
valeur des biens qui est survenue après que le réclamant en est
devenu propriétaire et qui est attribuable à l'aéroport.
Il s'agit en l'espèce d'une action intentée en
vertu du paragraphe 6(10) de la Loi sur l'aéro-
nautique (appelée ci-après «la Loi»). Dans sa
déclaration, la demanderesse a tout simplement
allégué que l'adoption en 1980, en vertu de la Loi
sur l'aéronautique, du règlement de zonage con-
cernant l'aéroport de Comox, un aéroport militaire
situé sur l'île de Vancouver (C.-B.), avait porté
préjudice à des terrains lui appartenant. Elle
demanda donc d'être indemnisée conformément au
paragraphe 6(10) de la Loi. Dans la défense pro-
duite au nom de la défenderesse, le sous-procureur
général du Canada a admis que le règlement con-
cernant l'aéroport de Comox était entré en vigueur
en 1980 et qu'il avait été préjudiciable aux terrains
appartenant à la demanderesse. Cependant, il a
contesté la prétention de cette dernière suivant
laquelle la valeur de ses terrains aurait diminué de
façon importante par suite de l'adoption du règle-
ment et a affirmé qu'en tout état de cause, s'il y
avait eu une diminution, elle n'était sûrement pas
aussi élevée que le montant allégué. C'est unique-
ment sur la base de ces plaidoiries laconiques que
cette action fut portée devant cette Cour.
Les parties admettent sans difficulté que le litige
qui les oppose tient à une seule question fondamen-
tale: la valeur des terrains de la demanderesse
a-t-elle diminué par suite de l'adoption du Règle-
ment de zonage de l'aéroport de Comox
[DORS/80-803 (mod. par DORS/81-719)] et,
dans l'affirmative, de combien? Ils reconnaissent
également que, pour trancher adéquatement la
question, il suffit de procéder à une évaluation des
terrains et d'en comparer la valeur avant et après
l'entrée en vigueur du Règlement. Telle qu'elle se
présente en l'espèce, la controverse n'a certes rien
de bien exceptionnel: il s'agit tout simplement d'un
cas d'expropriation comme bien d'autres où le
montant de l'indemnité fait l'objet du litige.
Cependant, on aura sans aucun doute remarqué
que le libellé de la question susmentionnée passe
sous silence un point très important: quelle est en
effet la date pertinente en l'espèce? Il va de soi
qu'il s'agit là d'une précision qu'il nous faut appor-
ter avant de pouvoir aborder de façon adéquate le
problème de l'évaluation. On découvrira à la lec
ture des faits pertinents de l'affaire que pour être
en mesure d'apporter cette précision, il faut au
préalable régler deux points accessoires d'ordre
juridique.
Les faits importants de la cause
Les parties ont exposé de façon claire et soignée
les faits sur lesquels elles s'entendent. Je ne vois
pas de meilleure façon de les relater que de repro-
duire en entier l'exposé conjoint des faits rédigé
par les deux avocats et versé au dossier à l'ouver-
ture de l'audience.
[TRADUCTION] 1. Avant 1980, aucun règlement de zonage
établi en vertu de la Loi sur l'aéronautique ne visait l'aéroport
de Comox situé sur l'île de Vancouver (C.-B.).
2. À la fin des années 1970, la population du canton de Comox
était en pleine croissance et pour faire face à cette situation, il
fallait affecter d'autres terrains au développement résidentiel.
3. Les responsables de l'aménagement du territoire de la ville
de Comox et du district régional de Comox-Strathcona ont
proposé de faire face à cette croissance démographique en
étendant les limites du canton de Comox et en déclarant
résidentiel le zonage de certains terrains qui faisaient alors
partie du Plan de protection des terres agricoles du District
régional, notamment le terrain décrit comme le Quart nord-est
et le Quart sud-est de la section soixante et onze (71) du
district de Comox (appelé aux présentes «la Propriété»).
4. Le 18 mars 1980, la Commission provinciale du territoire
agricole, en réponse à une demande du titulaire de la Propriété,
présentée avec l'appui de la ville et du district régional, a
approuvé un arrêté municipal visant à exclure la Propriété du
Plan de protection des terres agricoles du District régional.
5. À peu près à la même époque, la ville de Comox demanda au
ministère des Affaires municipales de la province l'autorisation
d'étendre les limites de la ville pour y inclure entre autres la
Propriété.
6. Au cours des premiers mois de 1980, les deux (2) ingénieurs
et un (1) urbaniste-conseil qui constituèrent plus tard la société
demanderesse, décidèrent de joindre leur expérience, leur
expertise et leurs ressources dans un projet commun de
développement.
7. Ils avaient entendu parler de la Propriété et des projets
d'aménagement des autorités municipales à son endroit et, le 7
mai, offrirent d'acheter la Propriété afin d'y réaliser l'aménage-
ment résidentiel nécessaire. Leur offre d'achat fut acceptée.
8. Par la suite, en consultation avec les autorités compétentes,
ils procédèrent aux travaux nécessaires d'arpentage, de génie et
d'architecture pour obtenir l'approbation du lotissement et des
autres autorisations. Le 22 septembre 1980, la ville les informa
qu'ils n'avaient pas à présenter de demande de zonage puis-
qu'elle préparait déjà un plan global de zonage et d'extension
de ses limites.
9. Le 29 septembre 1980, les trois (3) personnes susmention-
nées constituèrent la société demanderesse.
10. Le 15 octobre 1980, la demanderesse obtint du titulaire
qu'il signe l'acte de transfert de la Propriété.
11. Le 16 octobre 1980, le lieutenant-gouverneur en conseil de
la Colombie-Britannique délivra, par arrêté en conseil, des
lettres patentes supplémentaires étendant les limites de la ville
de Comox de façon à y inclure la Propriété. À peu près à la
même époque, la ville approuva de façon préliminaire le projet
de lotissement de la Propriété présenté par la demanderesse.
12. Le 16 octobre 1980, le gouverneur général en conseil
approuva le Règlement de zonage de l'aéroport de Comox
édicté par le ministre de la Défense nationale conformément au
paragraphe 6(1) de la Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970,
chap. A-3.
13. Le 30 octobre 1980, l'acte constatant le transfert de la
Propriété à la demanderesse fut enregistré au bureau des titres
de biens-fonds de Victoria.
14. Le 5 novembre 1980, la Modification du Règlement de
zonage de Comox - Règlement 604 (appelé aux présentes ale
règlement municipal») n° 19, 1980, passait les étapes des pre-
mière et deuxième lectures. Ledit règlement municipal faisait
passer la Propriété sous la classification zonage résidentiel Un
(RI).
15. Le 10 décembre 1980, le règlement municipal passait
l'étape de la troisième lecture devant les autorités municipales
de la ville de Comox.
16. Le 15 décembre 1980, le Règlement de zonage de l'aéroport
de Comox édicté en vertu de la Loi sur l'aéronautique (appelé
aux présentes «le Règlement») fut déposé au bureau des titres
de biens-fonds de Victoria.
17. Le 17 décembre 1980, le règlement municipal fut adopté
par la ville de Comox.
18. Aux environs du 23 janvier 1981, la ville de Comox reçut
pour la première fois un exemplaire du Règlement et informa
aussitôt la demanderesse que cela pourrait perturber son projet.
19. La demanderesse procéda aussitôt à un arpentage topogra-
phique afin d'évaluer les conséquences du Règlement sur son
projet. Après avoir déterminé que, sous sa forme d'alors, le
Règlement:
a) laissait voir une trajectoire de descente qui était souter-
raine à certains endroits;
b) plaçait l'école et d'autres bâtiments importants à l'inté-
rieur de la trajectoire de descente;
c) rendait en fait inutilisables environ 7,5 hectares de la
Propriété;
elle fit des représentations auprès du ministère de la Défense
nationale à Ottawa relativement audit règlement.
20. Le 10 février 1981, le Règlement fut publié dans des
journaux de File de Vancouver.
21. Le 23 février 1981, le ministre de la Défense nationale
admit publiquement qu'à son avis une «erreur, s'était glissée
dans le Règlement et que le ministère de la Défense nationale
avait l'intention d'y remédier.
22. Ce n'est qu'après le 4 mars 1981 que mention de l'existence
du Règlement fut inscrite contre le titre de la défenderesse
visant la Propriété.
23. Le 16 septembre 1981, la Modification au Règlement de
zonage de l'aéroport de Comox édictée par le ministre de la
Défense nationale fut approuvée par le gouverneur général en
conseil et publiée dans la Gazette du Canada Partie 11,
DORS/81-719, le 21 septembre 1981, page 2774.
24. Le 21 septembre 1981, la Modification au Règlement de
zonage de l'aéroport de Comox fut déposée au bureau des titres
de biens-fonds de Victoria.
Détermination des dates exactes auxquelles la
question renvoie
Avant de pouvoir étudier la question soulevée
par les plaidoiries, c'est-à-dire, comme nous
l'avons vu précédemment, si l'adoption du Règle-
ment a eu pour effet de diminuer la valeur des
terrains de la demanderesse et dans l'affirmative,
de combien, il est nécessaire de déterminer la ou
les dates précises d'adoption du Règlement. À
cette fin, comme je l'ai souligné, il faut d'abord
régler deux difficultés accessoires d'ordre juridi-
que.
1. La première est facilement identifiable. En
effet, on explique aux paragraphes 12 et 16 de
l'exposé conjoint des faits que le Règlement de
zonage de l'aéroport de Comox édicté par le
ministre de la Défense nationale fut approuvé par
le gouverneur général en conseil le 16 octobre 1980
(C.P. 1980-2772) et qu'il fut déposé au bureau des
titres de biens-fonds de la cité de Victoria le 15
décembre 1980. Une troisième date doit être préci-
sée: le Règlement approuvé par le gouverneur en
conseil fut enregistré par le greffier du Conseil
privé le 20 octobre 1980. A partir de laquelle de
ces trois dates doit-on évaluer les incidences du
nouveau règlement de zonage? L'importance de la
réponse à cette question est indiscutable: les ter-
rains, comme on l'indique à d'autres paragraphes
de l'exposé conjoint des faits, ont été soumis à
différentes restrictions de zonage durant la période
en question, et la vocation qu'on pouvait leur
donner a changé d'une date à l'autre; en outre, il
ressort de l'ensemble de la preuve que la valeur des
terrains en Colombie-Britannique augmentait à un
rythme tellement rapide en 1980 que les intérêts
pécuniaires des propriétaires fonciers susceptibles
d'être touchés par un règlement de zonage crois-
saient quotidiennement.
La demanderesse, pour appuyer sa prétention en
faveur de la plus tardive des dates susmentionnées,
soutient que le dépôt du nouveau Règlement au
bureau des titres de biens-fonds constituait une
formalité essentielle que la Loi impose par renvoi à
la Loi sur l'expropriation [S.R.C. 1970 (ler
Supp.), chap. 16]. Elle soutient en outre qu'en fait,
avant cette date, ni les autorités municipales ni la
société n'étaient au courant de son existence.
Le dépôt au bureau des titres de biens-fonds
était, il est vrai, une formalité exigée en ces termes
par le paragraphe 6(8) de la Loi: «Un plan et une
description des terrains visés par un règlement de
zone doivent être signés et déposés de la même
manière qu'un plan et une description à signer et
déposer selon le paragraphe 9(1) de la Loi sur les
expropriations, et copie du règlement doit être
déposée avec les plan et description.» Cependant, je
ne vois pas ce qui permet d'affirmer que l'entrée en
vigueur du Règlement devait être retardée jusqu'à
l'accomplissement de cette formalité. Il me semble
qu'il faudrait une indication expresse de la loi à cet
effet pour que la date du dépôt d'un acte au
bureau du registraire constitue la date véritable
d'un tel acte ou la date de son entrée en vigueur. Je
remarque que tel était apparemment le cas en
vertu de l'ancienne Loi sur les expropriations
(S.R.C. 1952, chap. 106) dont le paragraphe 9(1)
prévoyait clairement que la date du dépôt du plan
et de la description du bien-fonds devant être
exproprié au bureau du registraire du comté où
était situé le bien-fonds en question constituait la
date à laquelle les droits dans le bien-fonds expro-
prié étaient dévolus à Sa Majesté; c'est également
le cas en vertu de l'actuelle Loi sur l'expropriation
dont l'article 13 prévoit que la date d'enregistre-
ment de l'avis de confirmation de l'intention d'ex-
proprier au bureau du registraire des actes de la
localité est la date à laquelle les droits expropriés
sont absolument dévolus à la Couronne. En fait,
cependant, aucune des deux lois sur l'expropria-
tion, qu'il s'agisse de l'ancienne ou de la nouvelle,
ne traitait de l'enregistrement d'un acte ou d'une
ordonnance du gouverneur en conseil. Le renvoi au
paragraphe 9(1) de l'ancienne Loi sur les expro
priations que prévoit le paragraphe 6(8) de la Loi
sur l'aéronautique—qui doit être interprété
comme un renvoi à l'article 4 de l'actuelle Loi sur
l'expropriation'—ne constitue strictement, à mon
avis, qu'une directive sur la façon de procéder à
l'enregistrement. Avant l'entrée en vigueur de la
Loi sur les textes réglementaires [S.C. 1970-
71-72, chap. 38] le ler janvier 1972 (19-20 Eliz. II,
chap. 38), le paragraphe 6(2) de la Loi d'interpré-
tation [S.R.C. 1970, chap. I-23] avait établi la
règle fondamentale suivante: «Un texte législatif
dont il n'est pas dit qu'il entre en vigueur un jour
particulier s'interprète comme entrant en vigueur à
l'expiration du jour précédant immédiatement le
jour où il a été édicté», et même la Loi sur les
règlements (S.R.C. 1970, chap. R-5 [abrogé par
S.C. 1970-71-72, chap. 38, art. 33, 34]), qui pré-
voit l'obligation de publier dans la Gazette du
Canada tout règlement établi conformément à une
loi, n'a pas dérogé à cette règle 2 . En 1971, le
1 L'article 43 de la Loi sur l'expropriation prévoit en partie
ce qui suit:
43. Lorsque, dans une loi en vigueur lors de l'entrée en
vigueur de la présente loi, autre qu'une loi mentionnée à la
colonne I de l'annexe II de la présente loi, il est fait mention
de la Loi sur les expropriations, sauf en ce qui concerne une
expropriation, un délaissement ou une nouvelle dévolution
auxquels les dispositions de la présente loi ne s'appliquent
pas, la mention doit s'interpréter comme une mention de la
présente loi et
a) une mention de l'article 9 de la Loi sur les expropria
tions doit s'interpréter comme étant une mention de l'arti-
cle 4 de la présente loi;
c) une mention d'un plan ou d'une description doit s'inter-
préter comme étant une mention d'un avis d'intention; ..
2 Notons cependant que personne ne peut être condamné en
vertu d'un règlement non publié. L'article 6 se lit comme suit:
6. (1) Tout règlement doit être publié dans la Gazette du
Canada dans les vingt-trois jours après qu'il en a été transmis
copie dans les deux langues officielles au greffier du Conseil
privé, en conformité du paragraphe 3(1).
(2) Une autorité réglementante peut, par ordonnance,
prolonger le délai pour la publication d'un règlement, et
l'ordonnance doit être publiée avec le règlement.
(Suite à la page suivante)
Parlement estima, dans sa sagesse, qu'il était pré-
férable de modifier cette règle afin de mieux assu-
rer le respect de la formalité suivant laquelle tous
les textes réglementaires doivent être transmis au
greffier du Conseil privé pour être enregistrés: le
Parlement a donc prévu dans la Loi sur les textes
réglementaires qu'un tel document n'entrerait
habituellement pas en vigueur avant son enregis-
trement par le greffier du Conseil privé (article 9)
et a remplacé le paragraphe (2) de l'article 6 de la
Loi d'interprétation par une nouvelle disposition
établissant qu'un règlement entre normalement en
vigueur le jour de son enregistrement conformé-
ment à la Loi sur les textes réglementaires (article
28*) 3 . À mon avis, la règle formulée en 1971 n'en
demeure pas moins fondamentale et je suis incapa
ble de souscrire à l'opinion suivant laquelle on
pourrait tout bonnement déduire l'existence d'une
exception à cette règle du seul fait de l'adoption
dans une loi particulière d'une formalité du type
de celle dont il est question ici.
(Suite de la page précédente)
(3) Aucun règlement n'est invalide du seul fait qu'il n'a
pas été publié dans la Gazette du Canada; mais personne ne
doit être condamné pour une infraction consistant en une
violation d'un règlement qui au moment de la violation
alléguée n'était pas publié dans la Gazette du Canada dans
les deux langues officielles, sauf
a) si le règlement était exempté, suivant l'article 9, de
l'application du paragraphe (I), ou si le règlement déclare
expressément qu'il produira son effet d'après ses propres
termes, avant publication dans 1a Gazette du Canada, et
b) s'il est prouvé qu'à la date de la violation alléguée, des
dispositions raisonnables ont été prises pour porter la
teneur du règlement à la connaissance du public, ou des
personnes susceptibles d'être touchées par ce règlement, ou
de la personne accusée.
* L'article 28 de la Loi sur les textes réglementaires a été
abrogé par l'annexe A aux S.R.C. 1970 (2' Supp.) et le
paragraphe 6(2) de la Loi d'interprétation a été modifié par
S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 29, art. 1—l'arrêtiste.
3 Lesdits articles 9 et 28 de 1a Loi sur les textes réglementai-
res se lisent comme suit:
9. (1) Aucun règlement ne doit entrer en vigueur avant la
date de son enregistrement à moins
a) qu'il ne déclare expressément qu'il entrera en vigueur à
une date antérieure à celle de son enregistrement et qu'il
ne soit enregistré dans les sept jours après qu'il a été établi,
ou
b) qu'il ne s'agisse d'un règlement d'une catégorie qui, en
application de l'alinéa b) de l'article 27, est soustraite à
l'application du paragraphe (1) de l'article 5,
auquel cas il entrera en vigueur, sauf si le contraire est
autorisé ou prévu par la loi en application de laquelle il est
(Suite à la page suivante)
Il est également vrai que les autorités municipa-
les et les trois fondateurs de la société demande-
resse n'ont pris connaissance de l'existence du
nouveau Règlement que longtemps après son adop
tion, en fait pas avant janvier 1981. Mais de toute
évidence, il est impossible de concevoir un système
qui ferait de l'obligation d'informer tous les inté-
ressés de l'existence d'un règlement une condition
préalable à son entrée en vigueur.
À mon avis, le Règlement de zonage de l'aéro-
port de Comox est effectivement entré en vigueur
«à minuit, la veille du jour» de son enregistrement
conformément à l'article 6 de la Loi sur les textes
réglementaires, soit le 20 octobre 1980. Son effet
sur l'emploi et la valeur des terrains fut immédiat;
le fardeau qu'il visait à imposer fut créé d'un seul
coup. Comme le droit à l'indemnité accordé par le
paragraphe 6(10) de la Loi en faveur du titulaire
du bien dont la valeur a diminué naît à l'instant où
ledit bien est touché par l'effet du règlement, le 20
octobre 1980 est donc en l'espèce la date perti-
nente. (Sur cette question, voir les observations du
juge Nolan dans l'arrêt Roberts and Bagwell v.
The Queen (1957), 6 D.L.R. (2d) 305 (C.A.), à la
page 314.)
(Suite de la page précédente)
établi ou sous son régime, le jour où il est établi ou à la date
postérieure qui peut être indiquée dans le règlement.
(2) Lorsqu'un règlement est déclaré entrer en vigueur
avant la date de son enregistrement, l'autorité réglementante
doit informer par écrit le greffier du Conseil privé des raisons
pour lesquelles il n'est pas pratique que le règlement entre en
vigueur à la date de son enregistrement.
28. (1) Le paragraphe (2) de l'article 6 de la Loi d'inter-
prétation est abrogé et remplacé par ce qui suit:
«(2) Un texte législatif dont il n'est pas dit qu'il entre en
vigueur un jour particulier s'interprète comme entrant en
vigueur
a) dans le cas d'une loi, à minuit, la veille du jour où la
loi a été édictée;
b) dans le cas d'un règlement d'une catégorie qui n'est
pas soustraite à l'application du paragraphe (I) de
l'article 5 de la Loi sur les textes réglementaires, à
minuit, la veille du jour où le règlement a été enregistré
en application de l'article 6 de cette loi; et
c) dans le cas d'un règlement, d'une catégorie qui est
soustraite à l'application du paragraphe (1) de l'article 5
de la Loi sur les textes réglementaires, à minuit, la
veille du jour où le règlement a été établi.
2. La seconde difficulté à régler afin de préciser
la question soulevée dans cette action n'est pas
évidente à la simple lecture de l'exposé conjoint
des faits, mais le devient si l'on ajoute un simple
renseignement supplémentaire à ceux que donnent
les paragraphes 21, 23 et 24. On explique dans ces
paragraphes qu'en février 1981, le Ministre a
reconnu la possibilité qu'une erreur se soit glissée
dans le Règlement initial, que le 16 septembre
1981, le Règlement de zonage de l'aéroport de
Comox fut en fait modifié et que ledit Règlement
ainsi modifié fut déposé cinq jours plus tard au
bureau des titres de biens-fonds. Ces renseigne-
ments doivent être complétés par l'information
suivante.
L'avocat de la défenderesse fut autorisé 4 à
verser au dossier certains passages de l'interroga-
toire préalable du président de la société demande-
resse. Comparaissant au nom de la société, le
président avait été amené à admettre que selon lui
les modifications apportées en septembre 1981
avaient eu pour effet d'alléger les restrictions
imposées par le Règlement initial et ce, à tel point
que les nouvelles restrictions n'étaient apparem-
ment pas plus lourdes que celles imposées par le
règlement général d'aménagement de la ville s'ap-
pliquant aux terrains (questions et réponses nos 1 à
3 et 144 155). On a demandé au témoin de
préciser devant la Cour les réponses qu'il avait
données dans le cadre de son interrogatoire préala-
ble. Il répéta qu'un arpentage topographique du
bien-fonds aurait été nécessaire afin de déterminer
avec plus de précision les répercussions des modifi
cations puisqu'il fallait établir le rapport entre
l'élévation de toutes les parcelles de terrain et
l'élévation géodésique des pistes et la ligne de la
«trajectoire de descente». Un tel arpentage n'avait
en effet jamais été réalisé. Il a également déve-
loppé son témoignage antérieur suivant lequel, dès
l'adoption du Règlement initial, sa société avait dû
écarter son premier plan de lotissement et élaborer
le plus rapidement possible (afin de tirer le profit
maximum de la faible disponibilité de lots à l'épo-
que) à partir d'études entièrement nouvelles un
nouveau plan qui, dès septembre, fut accepté par
les autorités municipales. Néanmoins, il n'a pas
retiré ce qu'il avait dit auparavant des incidences
«apparentes» des modifications.
4 Une autorisation était nécessaire car la preuve avait déjà
été déclarée close.
Le problème qui se pose en l'espèce est mainte-
nant bien circonscrit. Le droit qu'on prétend exer-
cer par la présente action est un droit conféré par
la loi dans le cadre de limites précises. Il est
manifeste à la lecture du paragraphe 6(10) de la
Loi que les pertes donnant ouverture à une action
en indemnisation en faveur du propriétaire d'un
terrain se limitent à celles qui découlent de la
diminution de la valeur de ses biens. Si, dans le
calcul de l'indemnité due à la demanderesse, il
nous faut tenir compte des modifications apportées
au Règlement en septembre 1981, les incidences de
ce Règlement modifié sont naturellement de toute
première importance et le témoignage offert sur ce
point par le président de la société demanderesse,
qui fait maintenant partie de la preuve, pourrait
avoir de graves conséquences.
Au départ, je dois avouer que j'entretiens cer-
tains doutes quant à la valeur probante de sa
déclaration qui était loin d'être claire, n'avait
qu'une portée très limitée et se voulait tout au plus
l'expression d'une opinion. Je ne suis pas prêt non
plus à accepter qu'on puisse considérer cette affir
mation comme l'admission de la part de la deman-
deresse que les modifications apportées en septem-
bre auraient écarté les restrictions imposées par le
Règlement initial. Si, après avoir admis que le
Règlement adopté en octobre «rendait en fait inuti-
lisables environ 7,5 hectares de la Propriété» (para-
graphe 19 de l'exposé conjoint des faits), la défen-
deresse affirme que les modifications apportées en
septembre ont totalement éliminé les restrictions
initiales, il est loin d'être évident, à mon avis, que
ce moyen n'aurait pas dû être formellement invo-
qué dans sa défense et faire l'objet d'une preuve
plus positive au procès. Je ne crois pas cependant
qu'il faille pousser plus loin l'examen de cette
question car j'en suis venu à la conclusion qu'il ne
doit pas être tenu compte des incidences des modi
fications apportées en septembre 1981.
Je suis parvenu à cette conclusion en procédant
à une simple analyse de la situation juridique qui
se présente en l'espèce. Le paragraphe 6(10) de la
Loi accorde au titulaire de certains biens le droit
de recouvrer à titre d'indemnité le montant qui
représente la diminution de valeur causée à sa
propriété par l'adoption d'un règlement de zonage
d'un aéroport. De toute évidence, on a voulu que le
droit créé par cette disposition existe et soit appli-
cable dès l'adoption du règlement visé à ce para-
graphe et aucune disposition ne prévoit que l'en-
trée en vigueur de règlements ou modifications
postérieurs aura quelque effet sur son application.
Je ne vois pas comment un droit de cette nature,
une fois créé et applicable, pourrait fluctuer en
fonction du moment où il est effectivement
reconnu ou mis en vigueur, ce qui serait le cas si
l'indemnité devait être fixée à partir de situations
différentes selon le moment où on applique le
règlement ou le moment où le jugement qui vise à
en assurer le respect est prononcé. Évidemment, il
n'est pas inconcevable que l'on accorde à la Cou-
ronne le droit au remboursement partiel ou inté-
gral d'une indemnité versée en raison de l'adoption
d'un règlement de zonage d'un aéroport, si des
modifications ultérieures éliminent les restrictions
imposées initialement par ce règlement; cependant,
un tel droit à un remboursement devrait être créé
par une loi. Il pourrait également être raisonnable
de limiter aux dommages réellement subis l'indem-
nité payable au titulaire des biens lorsque le règle-
ment de zonage qui a provoqué ces dommages est
modifié à l'intérieur d'une certaine période de
temps. Une telle situation ne serait pas très diffé-
rente de ce que prévoit la Loi sur l'expropriation
lorsque l'autorité responsable de l'expropriation
renonce à son intention déclarée d'y procéder;
toutefois, il n'existe pas encore de disposition spé-
ciale à cet effet. Les faits pertinents à l'espèce font
songer à la situation exceptionnelle mais néan-
moins plausible qui se poserait si un règlement de
zonage était modifié très peu de temps après son
adoption. On peut alors difficilement concevoir
que le titulaire du bien aurait toujours droit à une
indemnité. Dans un cas aussi extrême, le titulaire
pourrait éprouver de la difficulté à établir que ses
biens ont effectivement diminué de valeur, surtout
si les restrictions imposées initialement étaient de
toute évidence le fruit d'une erreur facilement
décelable. Néanmoins, je demeure convaincu que,
suivant le droit actuellement en vigueur, l'indem-
nité due en raison de l'adoption d'un règlement de
zonage n'est pas touchée par une modification
ultérieure, qu'elle soit apportée dix ans plus tard
ou même seulement onze mois plus tard comme en
l'espèce.
La question qu'il faut trancher est maintenant
formulée de façon plus précise. La date pertinente
est le 20 octobre 1980, c'est-à-dire la date d'entrée
en vigueur du Règlement de zonage de l'aéroport
de Comox qui «rendait inutilisables» (au sens
donné à cette expression dans l'exposé conjoint des
faits) 7,5 hectares de la propriété de la défende-
resse. La question est donc la suivante: à cette
date, la propriété de la défenderesse a-t-elle dimi-
nué de valeur et, dans l'affirmative, de combien?
[Note de l'arrêtiste: La publication de cette affaire
se justifie par l'analyse, qui y est faite, de «deux
difficultés accessoires d'ordre juridique» qui
devaient être résolues avant de calculer la diminu
tion de la valeur des terrains qu'a entraînée l'adop-
tion du Règlement de zonage de l'aéroport de
Comox. L'arrêtiste a choisi d'omettre plusieurs
pages des motifs du jugement qui relatent et qui
commentent les témoignages de deux évaluateurs
experts.]
Conclusion
La question soulevée par les plaidoiries consis-
tait à déterminer si la propriété de la demande-
resse avait diminué de valeur en raison de l'adop-
tion du Règlement de zonage de l'aéroport de
Comox et, dans l'affirmative, de combien. La
réponse à cette question est que la propriété a subi
une diminution de valeur qui peut être estimée à
211 800 $. La demanderesse avait droit de récla-
mer une indemnité égale à ce montant en vertu du
paragraphe 6(10) de la Loi sur l'aéronautique.
Aucune disposition de la loi ne prévoit le verse-
ment d'intérêts sur le montant alloué à titre d'in-
demnité en vertu du paragraphe 6(10) de la Loi
sur l'aéronautique, et l'article 35 de la Loi sur la
Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10]
s'applique 5 . Je me contente donc de déclarer que la
demanderesse a droit au paiement par la défende-
resse d'une indemnité de 211 800 $ à laquelle
s'ajouteront les dépens qui devront être taxés.
5 35. Lorsqu'elle statue sur une demande contre la Couronne,
la Cour n'accorde d'intérêt sur aucune somme qu'elle estime
être due au demandeur, à moins qu'il n'existe un contrat
stipulant le paiement d'un tel intérêt ou une loi prévoyant, en
pareil cas, le paiement d'intérêt par la Couronne.
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