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T-8406-82
The Way Biblical Research and Teaching Minis try of Canada (requérante)
c.
La Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, le ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion et le Secrétaire d'État aux Affaires extérieu- res (intimés)
Division de première instance, juge en chef adjoint Jerome—Toronto, 22 novembre; Ottawa, 3 décem- bre 1982.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Mandamus
Demande de brefs de mandamus relative à des demandes de validation d'offres d'emploi présentées au nom d'enseignants étrangers Un fonctionnaire agissant à titre de »conseiller en planification du marché du travail» a informé la requérante de sa décision de refuser les demandes de validation pour le motif que son entreprise n'offrait aucun avantage économique au Canada et ne favorisait pas la main-d'oeuvre canadienne Subséquemment, un second fonctionnaire du gouvernement canadien affecté au bureau de Détroit a fait parvenir à la requérante un télex indiquant que bien qu'il n'ait été saisi d'aucune demande, il rejetterait une telle demande si elle lui était soumise, compte tenu de la décision du conseiller en planification du marché du travail, pour le motif que les conditions de l'article 20 du Règlement n'ont pas été remplies
En vertu de cet article, l'agent d'immigration doit, en consultation avec le Bureau du service national de placement, déterminer si l'embauchage de représentants de la requérante est susceptible de nuire à celui des citoyens canadiens et si des efforts ont été faits pour embaucher des Canadiens qualifiés
Demande accueillie Le conseiller en planification du marché du travail n'est pas un agent d'immigration au sens de l'article 20 du Règlement et il n'était donc pas autorisé à se prononcer sur les demandes qui lui ont été soumises Le fonctionnaire du bureau de Détroit était un agent d'immigra- tion au sens du Règlement, mais comme il n'a été saisi d'aucune demande, il ne pouvait rendre de décision Même si la personne qui a rendu la décision était habilitée à le faire, cette décision est nulle parce que les critères retenus sont étrangers à ceux qui sont énoncés à l'article 20 du Règlement
Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 18, 19, 20 (mod. par DORS/80-21, art. 7).
AVOCATS:
Paul J. Stott pour la requérante. Paul Evraire pour les intimés.
PROCUREURS:
Abraham, Duggan, Hoppe, Niman, Stott, Toronto, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: La pré- sente demande en mandamus a été entendue pour la première fois à Toronto (Ontario) le 8 novembre 1982; lors de cette audition, la requérante a aussi demandé une ordonnance l'autorisant à utiliser les dépositions orales au moment de la présentation de la requête, demande que j'ai rejetée. Subsidiaire- ment, la requérante a demandé une ordonnance visant à obliger la déposante, Judith Klein, à répondre aux questions qui lui avaient été posées au cours de son contre-interrogatoire au sujet de son affidavit et auxquelles elle avait refusé de répondre. Il fut rendu une ordonnance lui enjoi- gnant de répondre à certaines questions, ordon- nance qui fait actuellement l'objet d'un appel interjeté par la Couronne, et la demande visant à suspendre l'exécution de l'ordonnance jusqu'à ce que l'appel soit tranché a été rejetée à Toronto le 30 novembre 1982. Les avocats se sont dits prêts à débattre, le lundi 22 novembre, un autre aspect de la demande, soit la validation d'offres d'emploi et l'obtention de permis de travail, au profit d'ensei- gnants religieux qui projettent de travailler pour The Way College of Biblical Research à London (Ontario).
Les parties ont convenu qu'elles ne soulèveraient aucune objection d'ordre procédural si, en plus de faire droit à la demande de mandamus tendant à obliger l'intimée à entendre ces demandes, je ren- dais une ordonnance de certiorari annulant les décisions rendues jusqu'à maintenant relativement à ces demandes.
La preuve révèle que les représentants de la requérante se sont présentés au bureau d'Emploi et Immigration Canada de London en vue d'obtenir les validations nécessaires. Ils ont, à un certain moment, reçu une lettre de G. Davidson, qui est au service d'Emploi et Immigration Canada et affecté au district de l'Ontario, à titre de conseiller en planification du marché du travail. La lettre, qui porte la date du 12 novembre 1982, est jointe à l'affidavit de Marsha Faubert à titre de pièce «A». Les deux derniers paragraphes sont importants.
[TRADUCTION] Deux des principales conditions relatives à l'admission des travailleurs étrangers sont les suivantes: (1) l'entreprise doit offrir des avantages d'ordre économique au Canada et (2) favoriser la main-d'œuvre canadienne. En l'es- pèce, ni l'une ni l'autre de ces conditions n'est remplie. L'ex-
ploitation de cette entreprise n'offrirait aucun avantage écono- mique direct au Canada et ne favoriserait pas la main-d'oeuvre canadienne; vous ne pouvez non plus nous fournir de plans précis visant à intégrer un personnel canadien qualifié à votre entreprise, dans un avenir prévisible.
Pour ces raisons, nous ne pouvons, à ce stade, faire droit à votre demande concernant les 5 enseignants étrangers.
La pièce «B» jointe à l'affidavit de Faubert est un télex adressé aux procureurs de la requérante par M. Benoit, du bureau d'Emploi et Immigration Canada de Détroit, en date du 15 novembre 1982 et qui se lit comme suit:
[TRADUCTION] Je crois comprendre que votre cliente The Way International vous a demandé d'obtenir la validation d'offres d'emploi au profit de certains particuliers qui projettent de travailler pour The Way College of Biblical Research à London (Ontario). Même si ces personnes ne m'ont pas encore fait parvenir des demandes formelles de permis de travail, je désire vous informer que si ces demandes sont présentées à ce bureau, elles seront refusées parce que je suis d'avis que la condition prévue à l'alinéa 20(3)(A) du Règlement n'a pas été remplie.
Pour arriver à cette conclusion, j'ai pris en considération la lettre à ce sujet adressée à votre bureau à l'intention du révérend Stephenson par George Davidson du bureau régional de Toronto en date du 12 novembre 1982.
Voici les paragraphes pertinents de l'article 20 du Règlement, DORS/78-172, mod. par DORS/ 80-21, art. 7:
20. (1) L'agent d'immigration ne peut délivrer de permis de travail à une personne
a) s'il est d'avis que l'embauchage de cette personne nuira à celui des citoyens canadiens ou des résidents permanents au Canada; ou
(3) Pour être en mesure de se faire une opinion aux fins de l'alinéa (l)a), l'agent d'immigration doit tenir compte des facteurs suivants, à savoir:
a) si l'employeur éventuel a fait des efforts raisonnablepour embaucher ou former des citoyens canadiens ou des résidents permanents afin qu'ils puissent exercer l'emploi pour lequel un permis de travail a été sollicité;
b) si le requérant possède la qualification professionnelle voulue pour exercer l'emploi pour lequel un permis de travail a été sollicité; et
c) si les conditions de travail et le salaire offerts sont de nature à attirer des citoyens canadiens ou des résidents permanents pour qu'ils exercent et continuent d'exercer l'em- ploi en question.
(4) L'agent d'immigration doit tenir compte de l'opinion d'un agent du Bureau du service national de placement dont relève le secteur la personne sollicitant un permis de travail désire exercer un emploi pour ce qui concerne les points visés aux alinéas 3a) et c).
La lettre du 12 novembre n'indique pas que M. Davidson est un agent d'immigration aux fins de
l'application de l'article 20 du Règlement mais à la lumière du dernier paragraphe, il ne peut y avoir de doute qu'il agit en cette qualité. La lettre qui est adressée au bureau des procureurs de la requé- rante à l'intention du révérend D. Stephenson et au nom de ladite requérante, conclut en disant que les cinq enseignants étrangers ne pourraient bénéficier d'une validation. Il se peut que M. Davidson exerce, au niveau régional, une autorité suffisante pour satisfaire aux exigences du paragraphe (4) mais cela mis à part, il ressort clairement de la lettre que M. Davidson ne donne pas son avis sur ce sujet à un agent d'immigration mais qu'il statue sur la demande et communique sa décision directe- ment à la requérante. Je souscris en outre à l'argu- ment de l'avocat de la requérante selon lequel le critère énoncé dans la lettre concernant l'obliga- tion pour une entreprise d'offrir des avantages d'ordre économique au Canada et de favoriser la main-d'œuvre canadienne n'est pas conforme au libellé du Règlement et fait intervenir des éléments qui sont étrangers aux pouvoirs conférés par la loi.
Quant au télex envoyé par Benoit trois jours plus tard, il ne peut faire de doute que celui-ci est un agent d'immigration au sens des articles 18, 19 et 20 du Règlement. Le télex ne peut, bien sûr, constituer une décision portant sur les demandes de validation d'offres d'emploi parce qu'il y est dit expressément que Benoit n'a été saisi d'aucune demande de la sorte; on y trouve cependant un autre défaut plus sérieux qui est l'importance accordée à la lettre de Davidson. L'article 20 du Règlement enjoint à l'agent d'immigration de déterminer si l'embauchage des requérants est sus ceptible de nuire à celui des citoyens canadiens et si des efforts ont été faits pour embaucher des Canadiens qualifiés pour l'emploi en question. Une analyse de l'entreprise au sein de laquelle les requérants projettent de travailler peut être utile pour tirer des conclusions sur les éléments prévus à l'article 20 du Règlement; mais déterminer si l'en- treprise fournit des avantages d'ordre économique au Canada et favorise la main-d'œuvre canadienne ne peut être considéré comme l'équivalent de l'exa- men des éléments qui sont énoncés en termes clairs dans le Règlement. Par conséquent, même si M. Davidson était habilité à conseiller les agents d'im- migration conformément au paragraphe 20(4) du Règlement et même si M. Benoit, en qualité d'agent d'immigration, avait le pouvoir de statuer
sur les demandes de permis de travail, il n'en demeure pas moins très clair que la décision a été rendue soit par M. Davidson, qui n'était pas auto- risé à le faire, soit par M. Benoit, à qui on n'avait pas demandé de se prononcer; dans l'un et l'autre cas, cette décision s'appuie sur des critères tout à fait étrangers à ceux qui sont énoncés dans les articles pertinents du Règlement.
Vu les circonstances en l'espèce, j'estime qu'il y a lieu de rendre une ordonnance de certiorari pour annuler la décision et une ordonnance de manda- mus pour renvoyer l'affaire devant l'agent d'immi- gration compétent, lequel devra statuer sur ces demandes de validation d'offres d'emploi en tenant compte de l'opinion d'un agent du Bureau du service national de placement à London et en se conformant aux exigences de l'alinéa 20(1)a) et au paragraphe 20(3) du Règlement.
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