A-18-82
Ministre du Revenu national (requérant)
c.
Alexander Visan (intimé)
Cour d'appel, juge Urie, juges suppléants Lalande
et McQuaid—Toronto, 2 novembre 1982; Ottawa,
5 janvier 1983.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Assurance-
chômage — Le Ministre demande l'examen et l'annulation
partielle de la décision du juge-arbitre infirmant la décision
portant que l'intimé n'avait pas un emploi assurable pendant
la période en cause — En vertu de son contrat de travail,
l'intimé recevait de son assureur des prestations d'assurance-
invalidité de longue durée — Il faut déterminer si l'intimé
exerçait un «emploi exclu» en vertu des Règlements et si les
Règlements sont ultra vires ou incompatibles avec le pouvoir
réglementaire — Demande accueillie — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28 — Loi de
1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48,
art. 3(1),(2) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. I),
4(1),(3)h) (mod. par S.C. 1978-79, chap. 7, art. 2), 4(5), 31(2),
75(3), 94 — Règlements sur l'assurance-chômage, DORS/55-
392, art. 54 (promulgué par DORS/78-809, art. 1 et
DORS/79-168, art. 1).
Le requérant demande en vertu de l'article 28 l'examen et
l'annulation partielle de la décision d'un juge-arbitre accueil-
lant un appel de la détermination par laquelle le Ministre avait
décidé que l'intimé n'avait pas un emploi assurable entre le 28
septembre 1978 et le 31 janvier 1980.
En raison d'une longue maladie, l'intimé était incapable
d'enseigner et, pendant la période en cause, il a reçu d'une
compagnie d'assurances des prestations d'assurance-invalidité
de longue durée en vertu d'un régime d'assurance prévu dans
son contrat de travail. Aucune cotisation n'a été payée à la
Commission d'assurance-chômage. On a refusé à l'intimé, au
moment de sa retraite, la prestation spéciale de retraite au
motif qu'il n'avait pas d'«emploi assurable» pendant la période
durant laquelle il a reçu des prestations d'invalidité. Il a fait
appel de cette décision devant un juge-arbitre qui a jugé que le
contrat de travail prévoyait le versement de telles prestations et
que le rôle administratif de la compagnie d'assurances qui
effectuait les versements ne changeait pas la nature de l'argent
versé en lui ôtant son caractère de rémunération. Le Ministre
allègue que le cas de l'intimé relève du règlement qui exclut un
emploi lorsqu'une personne travaille moins de 20 heures par
semaine, ou n'est pas rémunérée, ou lorsqu'elle reçoit des
rémunérations d'une autre personne que son employeur. L'in-
timé soutient que le règlement est ultra vires puisqu'il contredit
les dispositions conférant le pouvoir d'établir des règlements. Le
Ministre a admis que le règlement n'était pas en vigueur entre
le 28 septembre 1978 et le 31 décembre 1978.
Arrêt: la demande est accueillie. Pour déterminer si un
emploi est assurable, il faut tout d'abord déterminer s'il est ou
non un emploi exclu, comme l'exige le paragraphe 3(1). Le
paragraphe 3(2) définit les emplois exclus qui comprennent les
emplois exclus par les règlements établis en vertu de l'article 4,
notamment par l'alinéa 54(1)a). Ce règlement est infra vires
car il n'élargit pas la catégorie de personnes visées par l'exclu-
sion prévue aux paragraphes 3(2) et 4(3) mais limite l'étendue
de la catégorie à laquelle l'exclusion s'applique. Les restrictions
concernant la rémunération et sa source restent également dans
les limites fixées par les dispositions conférant le pouvoir d'éta-
blir des règlements si l'alinéa 4(3)h) et le paragraphe 4(5) sont
lus en corrélation. Les versements reçus par l'intimé n'étaient
pas des rémunérations car ils n'ont pas été faits par l'employeur
et ils n'ont pas été effectués pour des services rendus.
Le juge suppléant Lalande dissident: Le contrat de travail de
l'intimé prévoyait que l'employeur assumerait la totalité du
coût d'un régime d'assurance-invalidité. L'alinéa 54(1)a) des
Règlements est ultra vires car, dans la mesure où il a pour but
d'exclure des emplois assurables les personnes dont la rémuné-
ration est versée par une autre personne que leur employeur, il
excède le pouvoir conféré à la Commission d'établir des règle-
ments en vertu de l'alinéa 4(3)h), compte tenu de la définition
de l'emploi assurable au paragraphe 3(1). Le paragraphe 4(5)
donne seulement à la Commission une certaine latitude dans la
manière d'exercer son pouvoir d'établir des règlements et
n'élargit pas le champ d'application ou materia de ce pouvoir.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
The Queen v. The Postmaster General (1876), 1 Q.B.D.
658.
AVOCATS:
R. E. Taylor et I. S. MacGregor pour le
requérant.
M. Green pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Golden, Levinson, Toronto, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Le requérant demande, en vertu
de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, l'examen et
l'annulation partielle de la décision du juge-arbi-
tre, nommé conformément à la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48,
(< span> Loi»), accueillant l'appel de l'intimé d'une
détermination faite par le Ministre conformément
au paragraphe 75(3) de la Loi. Le Ministre avait
décidé que l'intimé n'avait pas un emploi assurable
au sens de la Loi entre le 28 septembre 1978 et
le 31 janvier 1980. Les faits, qui ne sont pas
contestés, sont les suivants:
Aux époques pertinentes, l'intimé était employé
par le Conseil scolaire de Niagara sud («le Conseil
scolaire») aux termes d'un contrat de travail signé
avec ce que l'on appelait alors le Conseil scolaire
des écoles secondaires du district de Thorold, en
septembre 1968. L'intimé tomba malade en 1977
mais continua à recevoir son salaire habituel jus-
qu'au 3 février 1978, date d'expiration de son droit
à des congés de maladie payés. À cette date, son
salaire annuel était de $25,973, mais le Conseil
scolaire ne lui a plus jamais versé d'argent par la
suite.
À compter du 28 septembre 1978, l'intimé avait
droit à des prestations d'assurance-invalidité de
longue durée en vertu d'un régime d'assurance
couvrant les employés du Conseil scolaire et fourni
par Continental Life Insurance Company. Les
prestations auxquelles il avait droit à partir du 28
septembre 1978, se montaient à $1,229.65 par
mois et il continua à recevoir ces paiements men-
suels jusqu'au 31 janvier 1980. Aucune cotisation
d'assurance-chômage n'était déduite de ces presta-
tions d'invalidité.
L'intimé arriva à l'âge de la retraite, qui était de
65 ans, le 6 janvier 1980 et il présenta une lettre de
démission au Conseil scolaire qui l'accepta par une
lettre en date du 8 janvier 1980. Il fit ensuite une
demande de prestation spéciale de retraite à la
Commission d'assurance-chômage conformément
au paragraphe 31(2) de la Loi. Par lettre datée du
15 février 1980, la Commission rejeta la demande
de l'intimé et, le 7 mars 1980, ce dernier fit appel
au Conseil arbitral conformément à l'article 94 de
la Loi. Par une décision majoritaire, le Conseil
arbitral décida, le 2 avril 1980, de renvoyer l'af-
faire à l'agent de l'assurance-chômage afin d'obte-
nir [TRADUCTION] «des éclaircissements quant au
caractère assurable de l'emploi en question».
Le 18 avril 1980, l'intimé fut informé que, sur la
base des renseignements qu'il avait fournis, son
droit à la prestation demandée n'avait pas été
établi. On indiquait cependant qu'une demande
avait été adressée à Revenu Canada, Impôt, en vue
d'obtenir une décision sur le caractère assurable
des prestations d'invalidité de longue durée versées
par Continental Life Insurance Company à l'in-
timé du 28 septembre 1978 au 31 janvier 1980.
Une lettre adressée à l'intimé indiquait que
Revenu Canada, Impôt, avait déterminé que les
sommes en question avaient été versées par une
compagnie privée à partir du 28 septembre 1978 et
n'étaient pas une rémunération assurable, et qu'en
conséquence, il n'y aurait aucune modification
apportée au refus initial de verser les prestations
demandées. L'intimé a alors demandé au ministre
du Revenu national, dans les délais fixés par l'ali-
néa 75(3)b) de la Loi, de régler la question de
savoir s'il avait un emploi assurable au Conseil
scolaire de Niagara sud pendant la période durant
laquelle il avait reçu des prestations d'invalidité de
Continental Life Insurance Compagny, c'est-à-dire
du 28 septembre 1978 au 31 janvier 1980. Par
lettre en date du 21 octobre 1980, le Ministre
l'informa que:
[TRADUCTION] En ce qui concerne le règlement de la ques
tion posée, il a été décidé que vous n'aviez pas d'emploi
assurable au Conseil scolaire de Niagara sud pendant la
période examinée parce que le Conseil scolaire ne vous versait
pas de rémunération assurable sur laquelle des cotisations
auraient dû être payées. Les prestations d'invalidité qui vous
ont été versées par Continental Life ne constituaient pas des
rémunérations assurables et aucune cotisation n'était exigée à
leur égard.
Le 10 novembre 1980, l'intimé fit appel devant
un juge-arbitre de la réponse précitée du Ministre.
L'appel fut entendu le 25 août 1981 et la décision
fut rendue le 3 novembre 1981. Le requérant en
l'espèce demande l'annulation partielle de cette
décision.
Je cite le passage dans lequel le juge-arbitre
expose le motif principal de sa décision:
Je suis d'avis que cet appel doit être accueilli. Les allocations
de maladie versées aux professeurs par la Commission scolaire
qui les emploie, durant une période de maladie, constituent une
condition habituelle de leurs contrats de travail. Il est certain
que cet argent correspond à un revenu du professeur et, à ce
titre, à une «rémunération» au sens de la Loi sur l'assurance-
chômage et que M. Visan aurait droit à sa prestation spéciale
de retraite.
Afin d'éviter les difficultés créées par la gestion de ces
versements, certaines commissions scolaires, dans le cas de
longues maladies, ont décidé de transférer cette charge à des
compagnies d'assurance en vertu de polices d'assurance-invali-
dité de longue durée, selon l'expression reconnue. Je ne vois pas
pourquoi cette démarche que la commission scolaire a faite, de
sa propre initiative, pour des raisons de commodité, changerait
la nature de l'argent versé au professeur, en vertu de la police,
en lui ôtant son caractère de rémunération et privant par le fait
même le professeur du droit à la prestation spéciale de retraite.
Le requérant prétend, en ce qui concerne la
période allant du lei janvier 1979 au 31 janvier
1980, que le juge-arbitre a commis une erreur de
droit en concluant que l'emploi de l'intimé, pen
dant cette période, constituait un «emploi assura-
ble» au sens du paragraphe 3(1) de la Loi. Selon
son argumentation, l'emploi de l'intimé a été exclu
de la définition, au paragraphe 3(1) de la Loi, de
l'expression «emploi assurable» par l'application de
l'alinéa 54(1)a) des Règlements sur l'assurance-
chômage, DORS/55-392, mod. par DORS/78-809,
art. 1 et DORS/79-168, art. 1. L'avocat du requé-
rant a admis que pour la période allant du 28
septembre 1978 au 31 décembre 1978, l'intimé
avait un «emploi assurable» au sens de la Loi. La
différence en matière de droit aux prestations,
entre ces deux périodes, résulte selon lui du fait
que l'alinéa 54(1)a) des Règlements, dans sa ver
sion applicable pendant la période allant du 1er
janvier 1979 au 31 janvier 1980, n'est entré en
vigueur que le ler janvier 1979.
L'avocat de l'intimé prétend en revanche que
l'article 54 des Règlements sur l'assurance-chô-
mage promulgué par DORS/79-168 n'a pas été
adopté de manière valide au vu de l'alinéa 4(3)h)
de la Loi et est en conséquence ultra vires. Il
soutient également que l'article 54 est contraire à
l'alinéa 3(1)a) de la Loi.
Les dispositions de la Loi qui sont pertinentes en
l'espèce se trouvent aux paragraphes 3(1) et 3(2)
que voici:
3. (1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans
les emplois exclus et qui est
a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs
employeurs, en vertu d'un contrat de louage de services ou
d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'em-
ployé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre
personne et que la rémunération soit calculée soit au temps
ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces,
soit de quelque autre manière;
b) un emploi du genre visé à l'alinéa a), exercé au Canada et
relevant de Sa Majesté du chef du Canada;
c) un emploi à titre de membre des Forces canadiennes ou de
toute force de police;
d) un emploi inclus dans les emplois assurables par règlement
établi en vertu de l'article 4; et
e) l'emploi d'un particulier au Canada à titre de promoteur
d'un projet en vertu d'un programme conçu principalement
pour créer des emplois et appliqué par le gouvernement du
Canada conformément à une loi du Parlement.
(2) Les emplois exclus sont les suivants:
a) tout emploi d'une personne qui est âgée de soixante-cinq
ans ou plus;
b) tout emploi occasionnel à des fins autres que celles de
l'activité professionnelle ou de l'entreprise de l'employeur;
c) tout emploi d'une personne au service de son conjoint;
d) tout emploi d'une personne à la charge de l'employeur;
e) tout emploi exercé au Canada et relevant de Sa Majesté
du chef d'une province;
f) tout emploi exercé au Canada au service du gouvernement
d'un pays autre que le Canada ou de celui d'une subdivision
politique d'un tel pays;
g) tout emploi exercé au Canada au service d'un organisme
international;
h) tout emploi qui constitue un échange de travail ou de
services; et
i) tout emploi inclus, par règlement établi en vertu de
l'article 4, dans les emplois exclus.
Le paragraphe 4(1) autorise la Commission,
avec l'approbation du gouverneur en conseil, à
établir des règlements en vue d'inclure divers
emplois dans les emplois assurables. Le paragra-
phe 4(3) autorise la Commission, avec l'approba-
tion du gouverneur en conseil, à établir des règle-
ments en vue d'exclure des emplois assurables
divers types d'emplois. Le requérant invoque l'ali-
néa h) pour affirmer que l'article 54 des Règle-
ments est intra vires. L'alinéa 4(3)h) dit ceci:
4....
(3) La Commission peut, avec l'approbation du gouverneur
en conseil, établir des règlements en vue d'exclure des emplois
assurables
h) tout emploi avec un employeur que des personnes exercent
pendant une période inférieure à vingt heures dans une
semaine ou pour lequel elles reçoivent une rémunération
inférieure à trente pour cent du maximum de la rémunéra-
tion hebdomadaire assurable.
Il est établi que l'adoption du paragraphe 54(1)
des Règlements, tel qu'il est énoncé dans l'exposé
des moyens du requérant, a suivi les étapes
suivantes:
[TRADUCTION] Par le DORS/78-809, l'article 54 des Règle-
ments sur l'assurance-chômage, C.P. 1955-1491, tel que modi-
fié, a été révoqué et remplacé par un nouvel article 54, confor-
mément à l'alinéa 4(3)f) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage, entré en vigueur le lei janvier 1979; le paragraphe (1) de
cet article énonce ce qui suit:
54. (1) Est exclu des emplois assurables un emploi exercé,
pour le compte d'un employeur, par une personne qui, dans
une semaine,
a) est employée et rémunérée pour moins de vingt heures
par son employeur et dont la rémunération est calculée en
tout ou en partie, soit suivant le nombre d'heures de
travail, soit selon un traitement fixe, ou
b) touche de cet employeur une rémunération en espèces
inférieure à trente pour cent du maximum de la rémunéra-
tion hebdomadaire assurable et dont la rémunération est
calculée autrement que selon l'alinéa a).
Le DORS/79-168 a révoqué l'article 54 modifié et l'a rem-
placé par un nouvel article 54, conformément à l'alinéa 4(3)h)
de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage; cette disposition,
entrée en vigueur le 19 février 1979, est identique à l'article 54
des Règlements promulgué par ledit DORS/78-809.
L'article 54 des Règlements sur l'assurance-chômage est
devenu l'article 13 des Règlements dans la Codification des
règlements du Canada, 1978, chapitre 1576, modifié; cette
codification est entrée en vigueur le 15 août 1979 en vertu du
TR/79-13 [sic] adopté en conformité de la Loi sur la revision
des lois, 1974-75-76, chap. 20.
Il est admis que le paragraphe 54(1) précité
était la disposition applicable du ler janvier 1979
au 31 janvier 1980, bien qu'il ait été modifié
depuis à compter du 1 e' janvier 1981.
L'avocat du requérant soutient que, compte tenu
des circonstances de l'affaire, le cas de l'intimé
relevait manifestement du champ d'application de
l'alinéa 54(1)a) des Règlements pour la raison
suivante: bien qu'employé sous contrat par le Con-
seil scolaire de Niagara sud, pendant la période en
cause, sa rémunération était calculée selon un
traitement fixe et il était employé et rémunéré
pour moins de 20 heures par semaine par son
employeur. En conséquence, selon cette argumen
tation, son emploi était exclu des emplois assura-
bles et il n'avait donc pas droit à la prestation
spéciale de retraite qu'il réclamait.
S'il n'est pas contesté que, pendant la période en
cause, il n'a pas travaillé plus de 20 heures par
semaine, ni ne pouvait le faire, en raison de son
invalidité, il est également affirmé que, de toute
façon, les paiements qu'il a reçus ne constituaient
pas une rémunération pour son emploi au sens de
l'alinéa 54(1)a) des Règlements puisqu'il s'agissait
plutôt de prestations versées au titre d'une invali-
dité de longue durée. À supposer en outre qu'il ait
été rémunéré pour 20 heures par semaine, il n'était
pas rémunéré par son employeur comme l'exige le
règlement, mais au contraire, recevait des presta-
tions d'invalidité versées par un tiers, Continental
Life Insurance Company.
Pour ce qui est de ces arguments, l'avocat de
l'intimé répond que l'alinéa 3(1)a) précité définit
«emploi assurable» comme «un emploi non compris
dans les emplois exclus», «que l'employé reçoive sa
rémunération de l'employeur ou d'une autre per-
sonne ...». En conséquence, l'alinéa 54(1)a) pré-
cité, en mentionnant uniquement une personne
«... qui ... est employée et rémunérée pour moins
de vingt heures par son employeur» (c'est moi qui
souligne), vise à exclure des emplois assurables un
emploi à l'égard duquel la rémunération est versée
par une personne autre que l'employeur. L'avocat
soutient que c'est pour cette raison qu'il est ultra
vires puisqu'il contredit l'alinéa 3(1)a) de la Loi
dans la mesure où il exclut la rémunération versée
par «une autre personne».
J'estime que l'on peut répondre brièvement à
l'argumentation de l'intimé en disant que, pour
déterminer si un emploi donné est «assurable», il
faut tout d'abord déterminer s'il est ou non «un
emploi exclu». Cette manière de procéder est
fondée sur les mots d'introduction du paragraphe
3(1), à savoir, «Un emploi assurable est un emploi
[a] non compris dans les emplois exclus et [b] qui
est ...» (j'ai ajouté le souligné et les alinéas pour
plus de clarté). Il faut ensuite se reporter au
paragraphe (2) qui définit les «emplois exclus». Les
alinéas a) à h) excluent divers types précis d'em-
plois alors que l'alinéa i) exclut «tout emploi
inclus, par règlement établi en vertu de l'article 4,
dans les emplois exclus». L'alinéa 54(1)a) des
Règlements ayant été adopté conformément à l'ar-
ticle 4, il ne peut être à mon avis considéré comme
contraire à l'alinéa 3(1)a), ou incompatible avec ce
dernier, puisqu'on ne peut recourir à cet alinéa
avant d'avoir déterminé s'il s'agit d'un «emploi
exclu». En d'autres termes, le règlement détermine
de manière concluante le caractère d'un type parti-
culier d'emploi. Ce n'est que lorsque cela a été
déterminé que l'on peut recourir à l'alinéa 3(1)a).
En conséquence, l'alinéa 54(1)a) des Règlements
n'est pas ultra vires à mon avis sur le fondement
de son incompatibilité et contradiction avec l'ali-
néa 3(1)a).
Subsidiairement, l'avocat de l'intimé a soutenu
que puisque l'alinéa 54(1)a) des Règlements a
pour but d'exclure des emplois assurables «un
emploi exercé, pour le compte d'un employeur, par
une personne qui, dans une semaine, est employée
et rémunérée pour moins de vingt heures [par
semaine] par son employeur et dont la rémunéra-
tion est calculée en tout ou en partie, soit suivant le
nombre d'heures de travail, soit selon un traite-
ment fixe ...u, il est ultra vires parce qu'il impose
des conditions supplémentaires qui permettaient
d'exclure un emploi des emplois assurables, en
l'occurrence, le fait que la personne est rémunérée
pour moins de vingt heures par son employeur. Il
prétend que de telles conditions n'étaient pas pré-
vues à l'alinéa 4(3)h), la disposition qui confère le
pouvoir d'établir des règlements, puisque cet alinéa
ne fait mention ni de la rémunération ni de son
origine.
Le but de l'article 54 des Règlements est de
définir les personnes qui, en plus de celles qui sont
expressément mentionnées aux paragraphes 3(2)
et 4(3) comme exclues d'un emploi assurable,
seront exclues du droit aux prestations d'assu-
rance-chômage. Une de ces catégories de person-
nes est définie à l'alinéa 54(1)a) des Règlements
comme comprenant les personnes employées pour
moins de 20 heures par semaine. Cette catégorie
peut être expressément exclue par règlement sur
l'autorité de l'alinéa 4(3)h). Ce que fait l'alinéa
54(1)a) des Règlements c'est de restreindre la
catégorie de personnes n'ayant pas droit aux pres-
tations d'assurance-chômage non seulement aux
personnes employées pour moins de 20 heures par
semaine mais aussi aux personnes qui sont rému-
nérées pour moins de 20 heures. En d'autres
termes, cet alinéa n'élargit pas la catégorie des
personnes visées par l'exclusion mais limite l'éten-
due de la catégorie à laquelle l'exclusion s'appli-
que. Le pouvoir dont dispose le gouverneur en
conseil pour restreindre de cette manière l'applica-
tion de l'alinéa 4(3)h) provient, à mon avis, du
paragraphe 4(5) de la Loi. En voici le texte:
4....
(5) Un règlement établi en vertu du présent article peut être
conditionnel ou inconditionnel, restreint ou absolu; il peut être
général ou limité à une région spécifiée, à une personne, un
groupe ou une catégorie de personnes.
Les restrictions imposées par l'alinéa 54(1)a)
des Règlements restent dans les limites fixées par
les dispositions conférant le pouvoir d'établir des
règlements si l'alinéa 4(3)h) et le paragraphe 4(5)
sont lus en corrélation, à mon avis, et ce moyen
invoqué contre la validité du règlement doit
échouer.
Répondant à l'argument de l'avocat du requé-
rant selon lequel les paiements reçus par l'intimé
n'étaient pas des rémunérations mais des presta-
tions versées au titre d'une invalidité de longue
durée, l'avocat de l'intimé a soutenu qu'à supposer
que le règlement soit valide, les versements effec-
tués par Continental Life Insurance Company
étaient en fait une rémunération versée par l'em-
ployeur de l'intimé puisqu'ils résultaient des condi
tions d'emploi qui exigeaient que des services
soient rendus avant que l'employeur puisse être
tenu d'effectuer ces paiements.
Pour évaluer la validité de cet argument, il
convient de ne pas oublier les mots «par son
employeur» ni de les séparer de l'alinéa, comme le
demande l'avocat du requérant. Même si on pou-
vait le faire à bon droit, ce ne serait pas nécessaire
à mon avis. Il est en revanche indispensable de
définir le sens du mot «rémunérée» dans le contexte
du règlement. The Shorter Oxford English Dic
tionary, 3e édition, définit «remunerate» et «remu-
neration» de la manière suivante:
[TRADUCTION] ... 1. trans. Rembourser, récompenser, offrir
en retour (services, etc.). 2. Récompenser (une personne); payer
(une personne) pour des services rendus ou des travaux effec-
tués .... D'où Rémunération, récompense, remboursement;
paiement, paye.
À mon avis, il ressort de cette définition que le
caractère du paiement est déterminé par sa nature.
Si on applique ce critère aux sommes versées à
l'intimé, il est évident qu'elles ne correspondaient
pas à des services rendus mais, dans un sens, se
situaient à l'opposé des paiements de ce genre, car
elles visaient à dédommager l'intimé, en partie, de
la perte des paiements qui auraient été faits pour
des services qu'il aurait rendus s'il n'en avait été
empêché par son invalidité. Comme le disait l'arrêt
The Queen v. The Postmaster General' [TRADUC-
TION] «rémunération ... signifie une compensa
tion. Si une personne rend des services, toute con-
trepartie reçue pour les services qu'il a rendus
constitue à mon avis une rémunération de ceux-ci.»
En l'espèce, les sommes versées à l'intimé au titre
de son invalidité ne peuvent être définies, à mon
1 (1876), 1 Q.B.D. 658à la p. 663.
avis, comme une rémunération au sens du
règlement.
Le dossier apporte des éléments qui peuvent
étayer cette conclusion. Il révèle en effet que l'em-
ployeur n'assumait aucune responsabilité à l'égard
des sommes qui devaient être versées à l'intimé
après épuisement de ses congés de maladie. L'assu-
reur du Conseil scolaire (Continental) ne considé-
rait pas les sommes versées comme une rémunéra-
tion puisqu'il n'a pas déduit des paiements
mensuels d'invalidité les cotisations à l'assurance-
chômage. Il semble donc que ni le Conseil scolaire
ni l'assureur n'aient considéré les paiements
comme des rémunérations assurables. Je ne pense
pas que le fait que le contrat de travail de l'intimé
soit apparemment resté en vigueur constitue un
argument concluant en ce qui concerne la nature
des paiements effectués par Continental Life
Insurance Company. Le contrat d'assurance n'a
pas été versé au dossier et la détermination du
caractère des paiements doit être fondée sur d'au-
tres faits qui y sont consignés. Ceux-ci me permet-
tent de conclure qu'il ne s'agissait pas d'une rému-
nération au sens du règlement, pour les motifs que
j'ai exprimés. Les moyens invoqués par l'intimé à
l'appui de la décision du juge-arbitre doivent donc
être rejetés.
Il résulte de ce qui précède que le juge-arbitre a
commis une erreur dans sa décision et qu'il faut
donc accueillir la demande formée aux termes de
l'article 28. La décision du juge-arbitre doit être
annulée et la question lui être renvoyée pour qu'il
se prononce en tenant compte des présents motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT MCQUAID y a souscrit.
* * •
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE (dissident): Le
juge Urie a passé en revue le dossier, les disposi
tions légales et les moyens invoqués dans cette
demande formée en vertu de l'article 28. Il me
suffit donc d'ajouter qu'une des conditions du con-
trat de travail de l'intimé prévoyait que l'em-
ployeur assumerait la totalité du coût du régime
d'assurance-invalidité de longue durée.
À mon avis, le paragraphe 54(1) des Règle-
ments sur l'assurance-chômage, dans la mesure où
il a pour but d'exclure des emplois assurables,
l'emploi d'une personne dont la rémunération est
versée par une autre personne que son employeur,
excède le pouvoir conféré à la Commission d'éta-
blir les règlements relatifs aux emplois exclus.
Ce pouvoir doit provenir de l'alinéa 4(3)h) de la
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage et je ne l'y
trouve pas, compte tenu du sens attribué à l'ex-
pression «emploi assurable» au paragraphe 3(1).
En toute déférence, je ne partage pas l'opinion
selon laquelle le paragraphe 4(5) de la Loi remédie
à cette application ultra vires du paragraphe 54(1)
des Règlements et lui permet d'être en conflit avec
l'alinéa 3(1)a) de la Loi. Le paragraphe 4(5)
donne une certaine latitude à la Commission en ce
qui concerne les modalités d'exercice de son pou-
voir d'établir des règlements (en imposant des
conditions, des limitations ou des restrictions en ce
qui concerne la région ou les personnes), mais il
n'élargit pas pour autant le champ d'application ou
materia du pouvoir lui-même.
L'emploi de l'intimé, puisqu'il n'a pas été exclu
de manière valide, relève donc de la catégorie des
emplois assurables, selon le sens donné à ces
termes.
Le fait qu'aucune cotisation n'a été versée à
l'égard des sommes reçues par l'intimé n'a aucune
incidence sur sa demande de prestation spéciale de
retraite aux termes du paragraphe 31(2) de la Loi.
Je rejetterais donc la demande.
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