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A-812-81
Robert Maclntyre (appelant)
c.
La Reine (intimée)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges sup pléants Kelly et Cowan—Toronto, 16 juin 1982; Ottawa, 19 juillet 1982.
Libération conditionnelle Mémoire spécial en jugement déclaratoire portant que l'appelant a droit d'être remis en liberté conformément à ses calculs Contestation par l'appe- lant du calcul du reliquat de ses peines d'emprisonnement Condamnations répétées de l'appelant avant son évasion en 1976 Condamnation, après son arrestation, à une peine de neuf ans, à purger consécutivement â toute peine purgée pour les infractions commises pendant qu'il était en fuite Con- damnation subséquente à quatre mois pour avoir été absent sans excuse légitime L'appelant soutient qu'il a droit à une remise d'un tiers de sa peine totale, égale à la somme de toutes ses peines depuis le jour de sa première condamnation en vertu de l'art. 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus D'après l'intimée, l'art. 137 du Code criminel impose une nouvelle peine â l'évadé fusionnant avec le reliquat de la peine qu'il purgeait au moment de l'évasion pour ne constituer qu'une peine unique Rejet de l'action en première instance Appel accueilli par la Cour d'appel Loi sur les péniten- ciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, art. 22(1), 24 (abrogé par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 41) Loi sur la libération condition- nelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, art. 14, abrogé par S.R.C. 1970 (1e' Supp.), chap. 31, art. 1; mod. par S.C. 1977-78, chap. 22, art. 19 Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 137, abrogé par S.C. 1972, chap. 13, art. 9; 1976-77, chap. 53, art. 6.
L'appelant conteste le calcul des peines d'emprisonnement qu'il lui restent à purger. Après avoir été condamné, libéré sous condition et réincarcéré, l'appelant a été de nouveau condamné en 1973 une peine de deux ans, à purger consécutivement au reliquat restant à purger des peines pour lesquelles la libération conditionnelle avait été accordée. L'appelant s'est évadé en 1976 et, après avoir été arrêté, a été condamné à une peine de neuf ans, à purger consécutivement à toute peine alors purgée. Il a ensuite été condamné à quatre mois pour avoir été absent sans excuse légitime. L'article 24.2 de la Loi sur les péniten- ciers limite à un tiers de la peine purgée la réduction de peine qu'un détenu peut mériter. L'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus porte que toutes les peines imposées doivent être considérées comme constituant une peine unique d'une durée égale au total des différentes peines impo sées. L'appelant soutient que, pour les fins des remises de peine, il faut considérer qu'il a commencé à purger sa peine le 6 juillet 1971, date de sa première condamnation, et qu'il faut y inclure toutes les peines subséquentes, la remise de peine maximale à laquelle il a droit étant en conséquence égale au tiers de ce total. L'article 137 du Code criminel porte que l'évadé doit, après avoir purgé la peine à laquelle il a été condamné pour l'évasion, purger le reliquat de la peine qu'il purgeait avant l'évasion, toute réduction statutaire de peine incluse mais toute réduction méritée exclue. L'intimée soutient que l'article 137
prévoit la condamnation d'un évadé à une nouvelle peine qui fusionne avec le reste de la peine que le détenu purgeait au moment de l'évasion pour ne plus faire qu'une seule peine. Il faut déterminer quelle est la durée de la peine imposée à l'appelant qui doit servir de base au calcul de la réduction de peine.
Arrêt: l'appel est accueilli. L'expression «la peine qu'il purge alors» à l'article 24.2 de la Loi sur les pénitenciers désigne une «sentence consistant en une période d'emprisonnement com- mençant le jour la première de ces sentences d'emprisonne- ment commence et se terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonnement qui se termine la dernière», selon l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de déte- nus. L'article 137 du Code criminel n'a pas pour effet de créer une nouvelle peine; il fixe l'ordre dans lequel les peines doivent être purgées. L'article 14 de la Loi sur la libération condition- nelle de détenus constitue une législation spéciale en ce sens qu'il traite du calcul de l'emprisonnement résultant de plusieurs condamnations et qu'en définitive, il crée une peine unique. L'appelant est donc réputé avoir été condamné le 6 juillet 1971, date de sa première condamnation. Considérer la peine unique créée par le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus comme la peine que l'appelant pur- geait aux termes du paragraphe 137(1) du Code criminel a pour effet de faire perdre la remise statutaire d'une peine pour laquelle, à l'époque pertinente, il n'y avait pas encore eu condamnation et qui a été imposée pour des infractions qui, à l'époque, n'avaient pas encore été commises.
JURISPRUDENCE
DÉCISION ÉCARTÉE:
R. v. Sowa (No. 2), [1980] 2 W.W.R. 83 (C.A. Sask.). AVOCATS:
F. J. O'Connor pour l'appelant. R. P. Hynes pour l'intimée.
PROCUREURS:
O'Connor, Ecclestone, Kingston, pour l'appe- lant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Je partage le raisonnement et souscris aux conclusions de mon sieur le juge Cowan dont j'ai eu le privilège de lire et d'étudier l'opinion. Comme nous ne partageons pas l'avis du docte premier juge [[1982] 2 C.F. 310] et n'appliquons pas cette partie du raisonne-
ment de l'espèce Sowa' sur laquelle il s'est fondé, je désire ajouter certains commentaires.
L'espèce Sowa en elle-même n'est pas, à mon avis, vraiment applicable. Le litige alors portait sur les durées ou temps d'emprisonnement pour les- quels des réductions de peine pouvaient être méri- tées en vertu de la Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6. Ce n'est pas ce qui est en cause en l'espèce. Ce qui est en cause ici, c'est la limite maximale de réduction «au tiers de la peine qu'il purge alors», qu'impose l'article 24.2 2 de la Loi sur les pénitenciers sur la réduction de peine globale, statutaire et méritée, qu'un détenu, purgeant une ou des peines au moment de la prise d'effet du nouveau système, pouvait obtenir selon l'ancien et le nouveau système.
L'appelant avait été condamné à trois reprises
avant de l'être, le 14 septembre 1976, quatre mois, pour évasion. Le paragraphe 14(1) 3 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C.
' R. v. Sowa (No. 2), [1980] 2 W.W.R. 83 (C.A. Sask.).
2 24.2 Le détenu qui bénéficie déjà d'une réduction statutaire de peine, cesse d'avoir droit à la réduction méritée que prévoit le paragraphe 24(1) le jour le total des réductions suivantes correspond au tiers de la peine qu'il purge alors:
a) le maximum de jours de réduction statutaire de peine inscrit à son actif pour cette peine, en vertu de la présente loi ou de la Loi sur les prisons et les maisons de correction;
b) le nombre de jours de réduction de peine méritée accu- mulé à son actif avant que le présent article n'entre en vigueur; et
c) le maximum de jours de réduction de peine méritée inscrit à son actif en vertu du paragraphe 24(1).
3 14. (1) Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette date,
a) un individu est condamné à deux périodes d'emprisonne- ment ou plus, ou que
b) un détenu qui est en détention est condamné à une ou des périodes supplémentaires d'emprisonnement,
les périodes d'emprisonnement auxquelles il a été condamné, y compris dans un cas visé à l'alinéa b) la ou les périodes d'emprisonnement qu'il est en train de purger, sont, à toutes fins de la présente loi, du Code criminel, de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, censées constituer une seule sentence consistant en une période d'emprisonnement commençant le jour la pre- mière de ces sentences d'emprisonnement commence et se terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonne- ment qui se termine la dernière.
1970, chap. P-2, jouait donc à deux reprises. La première, pour la condamnation du 14 juin 1973, à des peines totalisant deux ans. Celles-ci, avec le reste de la peine non purgée de quatre ans, étaient, pour les fins de la Loi sur la libération condition- nelle de détenus et de la Loi sur les pénitenciers, réputées constituer une peine unique de six ans commençant le 6 juillet 1971, soit le jour de la condamnation à la peine de quatre ans.
Lorsque, le 13 avril 1976, l'appelant fut con- damné à d'autres peines totalisant neuf ans, le paragraphe joua à nouveau, de sorte que les peines de quatre, de deux et de neuf ans étaient censées ne constituer, pour les fins de la Loi sur la libéra- tion conditionnelle de détenus et de la Loi sur les pénitenciers, qu'une seule peine, commençant éga- lement le 6 juillet 1971, le jour de la condamnation à la peine de quatre ans.
C'était la situation lorsque l'appelant fut con- damné à une peine de quatre mois pour évasion. Lors de la condamnation à cette peine, le paragra- phe 137(1) du Code criminel 4 , S.R.C. 1970, c. C-34, s'est appliqué et a prescrit l'ordre dans lequel cette peine et celle que l'appelant purgeait lorsqu'il s'évada devaient être purgées, et a indiqué ce qu'il restait de la peine que l'appelant purgeait au moment de cette évasion. Ce faisant, le para- graphe privait l'appelant de la réduction statutaire de peine, mais non de la réduction méritée, et il disposait que le temps de détention après son arrestation, jusqu'au moment de la condamnation pour évasion, devait être porté à son actif.
Le paragraphe n'ajoute pas, à mon avis, une nouvelle peine à la partie de la peine non purgée. Le paragraphe parle de «la partie de la peine d'emprisonnement . .. qu'il lui restait à purger . . .A; s'il prive l'appelant de la réduction statutaire quant à cette peine, il n'ajoute rien à celle-ci. Au
4 137. (1) Sauf disposition contraire de la Loi sur la libéra- tion conditionnelle de détenus, une personne qui s'évade pen dant qu'elle purge une peine d'emprisonnement doit, après avoir subi toute peine à laquelle elle est condamnée pour cette évasion, purger la partie de la peine d'emprisonnement incluant toute réduction légale de peine mais excluant toute réduction méritée, qu'il lui restait à purger au moment de son évasion, moins toute période qu'elle a passée sous garde entre le jour elle a été reprise après son évasion et le jour elle a été condamnée pour cette évasion.
contraire, il maintient les droits de l'appelant à faire porter à son actif sa réduction méritée et le temps de garde à vue antérieur à la condamnation pour évasion. De plus, le paragraphe ne prétend pas modifier le jeu du paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, sur lequel il n'influe pas; en vertu de celui-ci, le 6 juillet 1971 avait déjà été établi comme date du début de la peine unique à laquelle il était présumé condamné.
Je ne crois pas que cette façon de voir puisse être influencée par ce que le docte premier juge a appelé un hiatus. Le paragraphe 137(2) 5 du Code criminel porte que l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus s'applique pour déterminer la peine que l'appelant purgeait au moment de son évasion. Ce qui, comme je comprends la chose, signifie que les peines de quatre et deux ans auxquelles l'appelant avait été condamné et qu'il purgeait au moment de son évasion, peines réputées de par le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, ne former qu'une peine unique, consti- tuaient ensemble la peine qu'il purgeait au moment de son évasion. La peine unique que crée le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, par suite de la condam- nation à la peine de neuf ans, n'est pas, à mon avis, ce à quoi se réfère le paragraphe 137(1) du Code criminel comme étant la peine que l'appelant pur- geait lorsqu'il s'est évadé. Mis à part le fait que ce n'était pas la peine que l'appelant purgeait lors- qu'il s'est évadé, la considérer comme la peine dont parle le paragraphe 137(1), aurait l'effet bizarre de supprimer la réduction statutaire sur une peine d'emprisonnement qui, à l'époque pertinente, n'avait pas été imposée et qui, lorsqu'elle le fut, était pour des infractions qui n'avaient pas encore été perpétrées. Cela toutefois, à mon avis, n'influe pas sur la date du début de la peine unique que le paragraphe 14(1) présume avoir été imposée.
Selon le paragraphe 14(1), cette date de début demeure la date de début de la peine unique de l'appelant pour les fins de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus et de la Loi sur les
5 137....
(2) Aux fins du paragraphe (1), l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus s'applique pour déterminer la peine d'emprisonnement que purgeait une personne au moment de son évasion.
pénitenciers et, à mon avis, même si le paragraphe 137(1) du Code criminel exige que le reste de la peine purgée par l'appelant à l'époque de son évasion soit reporté jusqu'à ce qu'il ait purgé la peine pour évasion, la peine que l'appelant pur- geait lorsque l'article 24.2 de la Loi sur les péni- tenciers entra en vigueur était, pour les fins de cette Loi, une peine unique de 15 ans et quatre mois qui avait débuté le 6 juillet 1971 et que le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération con- ditionnelle de détenus présumait avoir été imposée lorsque, le 14 septembre 1976, la peine supplémen- taire de quatre mois, pour évasion, avait été impo sée, à une époque il purgeait déjà une peine de quinze ans qui, selon le paragraphe 14(1), était réputée imposée depuis le 6 juillet 1971.
J'accueillerais l'appel et disposerais du litige comme le propose monsieur le juge Cowan.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT COWAN: En l'espèce l'ap- pelant, demandeur en première instance, forme appel d'un jugement de la Division de première instance selon la procédure du mémoire spécial soumis à la Cour selon la Règle 475.
Voici ce mémoire spécial:
[TRADUCTION] ÉNONCÉ DES FAITS
1. Le 6 juillet 1971, le demandeur a été condamné à quatre années d'emprisonnement.
2. Le 6 novembre 1972, le demandeur a obtenu sa libération conditionnelle. Le 5 mars 1973, il a de nouveau été incarcéré après avoir été appréhendé en vertu d'un mandat suspendant sa libération conditionnelle.
3. Le 14 juin 1973, la libération conditionnelle du demandeur a été frappée de déchéance.
4. Le 14 juin 1973, le demandeur a été condamné à diverses peines totalisant deux ans d'emprisonnement, à être purgées consécutivement à la portion inachevée de toute période d'em- prisonnement pour laquelle il avait obtenu une libération conditionnelle.
5. Au cours des mois de janvier et février 1976, le demandeur est resté absent sans excuse légitime durant 31 jours. Le 13 avril 1976, il a été condamné à une période d'emprisonnement totale de neuf années devant être purgées consécutivement à toute peine qu'il était en train de purger.
6. Le 14 septembre 1976, le demandeur a été condamné à purger quatre mois d'emprisonnement au pénitencier de Kings-
ton, après avoir été reconnu coupable d'être resté absent sans excuse légitime aux termes de l'article 133(1)b) du Code criminel.
7. Voici la question, sur laquelle il faut statuer, dont les parties sont convenues et qu'elles proposent:
L'expression «la peine qu'il purge alors» utilisée à l'article 24.2 de la Loi sur les pénitenciers désigne-t-elle une «sentence consistant en une période d'emprisonnement commençant le jour la première de ces sentences d'emprisonnement (aux- quelles le détenu était assujetti) commence et se terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonnement qui se termine la dernière», aux termes de l'article 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus?
8. Si la Cour répond par l'affirmative, le demandeur aura droit, en vertu d'un jugement déclaratoire qui sera rendu à cet effet, à une réduction méritée de peine pouvant équivaloir au tiers de la peine totale calculée suivant cette formule.
9. Si la Cour répond par la négative, aucune réduction méritée de peine ne sera accordée au requérant après le 1" décembre 1979 et la date de sa remise en liberté sera calculée en conséquence.
Le docte premier juge était d'avis que la ques tion que pose le paragraphe 7 du mémoire spécial doit recevoir une réponse négative et la réduction de la peine du demandeur être calculée comme l'énonce le paragraphe 9 du mémoire spécial. Il y a eu ordonnance en ce sens.
À toutes les époques pertinentes, antérieurement au ler juillet 1978, il existait deux types de réduc- tion de peine. La réduction statutaire, en vertu de laquelle un quart du temps de la condamnation ou de l'incarcération était crédité dès l'entrée au péni- tencier, ce temps étant considéré comme déjà purgé, sous réserve de bonne conduite. La réduc- tion statutaire de peine pouvait faire l'objet d'une déchéance dans la mesure et selon les circons- tances prévues. Le deuxième type de réduction était la réduction méritée que pouvait voir portée à son actif un détenu, soit jusqu'à trois jours de réduction de peine pour chaque mois civil au cours duquel le détenu s'appliquait industrieusement, conformément aux règles prescrites, à suivre le programme du pénitencier il était incarcéré. Le maximum de ces réductions combinées pouvait s'élever au tiers environ de la peine à laquelle le détenu avait été condamné ou du temps passé en détention. Cette réduction était prévue par la Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, aux articles 22 24.
Par l'article 41 de la Loi de 1977 modifiant le droit pénal, S.C. 1976-77, chap. 53, en vigueur à
compter du P juillet 1978, les articles en cause de la Loi sur les pénitenciers ont été abrogés et leur ont été substitués les articles suivants:
24, 24.1 et 24.2.
La réduction statutaire était ainsi abolie et rem- placée par une réduction méritée, au rythme maxi mum plus accéléré de quinze jours de réduction de peine pour chaque mois et d'un certain nombre de jours, calculés au prorata, pour chaque partie de mois au cours desquels le détenu s'était industrieu- sement appliqué, aux termes des règles prévues, à un programme du pénitencier il était incarcéré.
Voici l'article 24.2:
24.2 Le détenu qui bénéficie déjà d'une réduction statutaire de peine, cesse d'avoir droit à la réduction méritée que prévoit le paragraphe 24(1) le jour le total des réductions suivantes correspond au tiers de la peine qu'il purge alors:
a) le maximum de jours de réduction statutaire de peine inscrit à son actif pour cette peine, en vertu de la présente loi ou de la Loi sur les prisons et les maisons de correction;
b) le nombre de jours de réduction de peine méritée accu- mulé à son actif avant que le présent article n'entre en vigueur; et
c) le maximum de jours de réduction de peine méritée inscrit à son actif en vertu du paragraphe 24(1).
L'appelant, un détenu, a bénéficié d'une réduc- tion statutaire avant le 1" juillet 1978; l'article a pour effet de lui enlever tout droit à une réduction méritée selon le paragraphe 24(1) une fois que le nombre maximum de jours de réduction statutaire, dont à tout moment il aurait profité, en vertu de la Loi sur les pénitenciers ou de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, S.R.C. 1970, chap. P-21, relativement à la peine alors purgée, et le nombre de jours de toute réduction méritée porté à son actif et accumulé avant l'entrée en vigueur de l'article, soit le 1" juillet 1978, ainsi que le nombre maximum de jours de réduction méritée, dont il a à tout moment bénéficié en vertu du paragraphe 24(1), atteignent un tiers de la peine purgée.
Pour répondre à la question que pose le mémoire spécial, il devient nécessaire d'établir la durée de la peine que purgeait le demandeur au moment la question a été posée.
Voici l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, modifié par S.R.C. 1970 (ler Supp.), chap. 31, art. 1:
14. (I) Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette date,
a) un individu est condamné à deux périodes d'emprisonne- ment ou plus, ou que
b) un détenu qui est en détention est condamné à une ou des périodes supplémentaires d'emprisonnement,
les périodes d'emprisonnement auxquelles il a été condamné, y compris dans un cas visé à l'alinéa b) la ou les périodes d'emprisonnement qu'il est en train de purger, sont, à toutes fins de la présente loi, de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, censées constituer une seule sentence consistant en une période d'emprisonnement commençant le jour la première de ces sentences d'empri- sonnement commence et se terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonnement qui se termine la dernière.
(2) Le présent article n'affecte pas le moment des senten ces, qui sont censées, aux termes du paragraphe (I), constituer une seule sentence, commençant en conformité du paragraphe 649(1) du Code criminel.
La Loi corrective de 1978, S.C. 1977-78, chap. 22, art. 19, inséra les termes «du Code criminel» entre l'expression «à toutes fins de la présente loi» et «de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction».
On soutient au nom de l'appelant que l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus s'applique à son cas et que, au moment de sa dernière condamnation, soit le 14 septembre 1976, les peines auxquelles il était condamné devaient, à toutes fins, y compris pour les fins de la Loi sur les pénitenciers, être présumées ne consti- tuer qu'une peine unique débutant le jour de la première de ces sentences, soit le 6 juillet 1971, et se terminant au terme de la dernière de ces pério- des d'emprisonnement. La peine de l'appelant donc consisterait dans l'ensemble des peines auxquelles il a été condamné, soit: le 6 juillet 1971, quatre ans; le 14 juin 1973, deux ans; le 13 avril 1976, à neuf ans et le 14 septembre 1976, quatre mois; soit un total de quinze ans et quatre mois ou 5,601 jours.
L'avocat de l'appelant fait valoir que c'est la peine que l'appelant purge actuellement pour les fins de l'article 24.2 de la Loi sur les pénitenciers; la réduction maximale à laquelle l'appelant a droit devrait donc être calculée en fonction de la durée
de cette peine, soit un tiers de 5,601 jours, soit donc une réduction maximale de 1,867 jours. L'avocat de l'appelant reconnaît qu'après la con- damnation du 14 septembre 1976, la partie encore non purgée de la peine alors purgée était de 3,702 jours, après déduction de la réduction statutaire dont l'appelant, de moments en moments, avait été déchu.
À cet égard, le docte premier juge a dit [aux pages 315 et 316]:
L'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus est général dans sa formulation et dans sa portée. Il est libellé en termes généraux. L'une des règles d'interprétation les plus sûres nous enseigne que ces dispositions générales s'appli- quent sous réserve des limites qui peuvent leur être imposées par d'autres dispositions de la même loi ou d'une autre.
Formulée différemment, cette règle cardinale d'interpréta- tion signifie que les dispositions générales ne limitent, ni n'anni- hilent les dispositions spéciales d'une même loi ou d'une autre loi. On doit voir les dispositions spéciales comme des exceptions aux générales. C'est la seule façon de réconcilier de telles dispositions du législateur.
Admettre que l'article 14 de la Loi sur la libération condi- tionnelle de détenus est de portée générale, c'est reconnaître qu'il puisse être subordonné à d'autres dispositions législatives d'application particulière.
Le procureur de Sa Majesté soutient qu'il existe une telle disposition spéciale dans le Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, en l'occurrence l'article 137, tel qu'il se lisait le 14 octobre 1977:
137. (1) Sauf disposition contraire de la Loi sur la libéra- tion conditionnelle de détenus, une personne qui s'évade pendant qu'elle purge une peine d'emprisonnement doit, après avoir subi toute peine à laquelle elle est condamnée pour cette évasion, purger la partie de la peine d'emprisonne- ment incluant toute réduction légale de peine mais excluant toute réduction méritée, qu'il lui restait à purger au moment de son évasion, moins toute période qu'elle a passée sous garde entre le jour elle a été reprise après son évasion et le jour elle a été condamnée pour cette évasion.
(2) Aux fins du paragraphe (1), l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus s'applique pour déter- miner la peine d'emprisonnement que purgeait une personne au moment de son évasion.
(3) Une personne qui s'évade alors qu'elle purgeait une peine d'emprisonnement doit subir, s'il en est, la peine à laquelle elle est condamnée pour cette évasion et la peine complémentaire calculée conformément au paragraphe (1) dans un pénitencier si la durée totale de ces peines est de deux ans ou plus ou, si elle est inférieure à deux ans,
a) dans la prison d'où elle s'est évadée, ou
b) lorsque la cour, le juge de paix ou le magistrat qui l'a condamnée pour l'évasion l'ordonne, nonobstant la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, dans un péniten- cier,
et, lorsqu'une personne est condamnée pour une évasion elle doit, nonobstant l'article 659, être condamnée en consé- quence.
(4) Pour l'application du présent article, le terme «évasion» signifie le bris de prison, le fait d'échapper à la garde légale ou, sans excuse légitime, de se trouver en liberté au Canada avant l'expiration de la période d'emprisonnement à laquelle une personne a été condamnée.
La Cour d'appel de la Saskatchewan a eu à trancher cette question même dans l'affaire R. c. Sowa (n° 2) [1980] 2 W.W.R. 83. La Cour devait alors déterminer si les autorités pénitentiaires avaient correctement interprété et appliqué l'arti- cle 137 du Code criminel en vigueur jusqu'au 15 octobre 1977 (ce texte est rapporté au paragraphe précédent).
L'arrêt a été prononcé par le juge Culliton, juge en chef de la Saskatchewan. Traitant de l'article 137, la page 87, le juge dit:
[TRADUCTION] Aux termes de l'article précité, la peine imposée à un détenu qui s'évade est déterminée et purgée selon les modalités suivantes:
a) Le détenu doit d'abord purger la peine imposée pour l'évasion;
b) Ensuite, il doit purger la partie de la peine qu'il lui restait à purger au moment de son évasion sans qu'on lui accorde aucune réduction statutaire;
c) On porte à l'actif du détenu, en réduction de la peine totale, toute période passée sous garde entre son arresta- tion et sa condamnation pour évasion.
Le docte premier juge estima que la question que soulevait le mémoire spécial était la même que celle dont la Cour d'appel de la Saskatchewan avait été saisie dans l'arrêt R. v. Sowa (No. 2), [1980] 2 W.W.R. 83, prononcé par le juge en chef de la Saskatchewan, le juge Culliton. Dans l'arrêt Sowa, l'appelant avait été, le 14 octobre 1971, condamné à quatre ans de prison. Le 18 février 1972, il était condamné à une peine supplémen- taire de sept ans consécutive à la peine du 14 octobre 1971. Le 26 septembre 1972, il s'évadait et était repris le 6 novembre 1972. Le 15 mai 1973, il était condamné à six mois de prison pour cette évasion. La condamnation pour évasion devait être purgée, disait-on, consécutivement à la peine purgée alors, mais toutes les parties ont reconnu que cette peine-là devait être purgée d'abord, avant le reste de la peine purgée antérieurement, comme le requiert l'article 137 du Code criminel.
Le 20 août 1973, l'appelant était condamné à une peine supplémentaire de quatre mois sur chacun des trois chefs d'accusation d'usage de
faux. Ces trois peines, concurrentes, devaient être consécutives à celle purgée alors.
Une fois l'appelant reconnu coupable de vol, et après sa condamnation du 20 août 1973, les autori- tés pénitentiaires, après avoir donné effet à toutes les réductions de peine statutaires et, possiblement, aux réductions méritées, ont fixé la date de relaxe de l'appelant et la date de sa libération sous sur veillance obligatoire. L'appelant soutient que les autorités pénitentiaires ont commis trois erreurs.
Premièrement, elles ne lui auraient accordé aucune réduction statutaire pour la période qui va du 6 novembre 1972 au 15 mai 1973, durée de son incarcération après son évasion. On aurait réduire d'autant ce qu'il restait à purger de la peine; ainsi il aurait eu droit à la réduction statu- taire de peine que prévoit le paragraphe 22(1) de la Loi sur les pénitenciers.
Deuxièmement, les autorités pénitentiaires, con- trairement au paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, auraient fixé la date du début de la peine unique au 15 mai 1973 et non au 14 octobre 1971.
Et enfin, troisièmement, les autorités péniten- tiaires auraient mal interprété et appliqué à tort l'article 137 du Code de 1970 alors qu'il avait été abrogé et remplacé par les S.C. 1976-77, chap. 53, art. 6, en vigueur le 15 octobre 1977. Par suite des erreurs précitées, les autorités pénitentiaires se seraient trompées en établissant la date de sa relaxe et celle il aurait eu droit à une libération sous surveillance obligatoire.
Le juge en chef Culliton traita d'abord du troi- sième point soulevé par l'appelant, décidant que l'article 137 du Code criminel en vigueur à l'épo- que l'appelant avait été reconnu coupable d'évasion était bien l'article régissant la peine à laquelle on le condamnait pour cette évasion. L'ar- ticle 137 avait été abrogé et remplacé par la Loi de 1977 modifiant le droit pénal, S.C. 1976-77, chap. 53, art. 6, en vigueur à compter du 15 octobre 1977, et l'un des effets du nouvel article était de permettre au juge condamnant l'évadé d'exiger qu'il purge la peine d'emprisonnement pour l'éva- sion soit concurremment avec la partie de la peine purgée au moment de l'évasion qu'il lui restait à
purger, soit consécutivement à celle-ci. Le juge en chef Culliton jugea que le nouvel article n'était pas rétroactif.
Il se demanda alors si les autorités pénitentiaires n'auraient pas mal interprété et appliqué à tort l'article 137 du Code criminel en vigueur jusqu'au 15 octobre 1977 et, au sujet de cet article, il déclara, aux pages 87 et 88:
[TRADUCTION] Aux termes de l'article précité, la peine imposée à un détenu qui s'évade est déterminée et purgée selon les modalités suivantes:
a) Le détenu doit d'abord purger la peine imposée pour l'évasion;
b) Ensuite, il doit purger la partie de la peine qu'il lui restait à purger au moment de son évasion sans qu'on lui accorde aucune réduction statutaire;
c) On porte à l'actif du détenu, en réduction de la peine totale, toute période passée sous garde entre son arrestation et sa condamnation pour évasion.
Voici l'article 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus modifié par l'art. 1 des S.R.C. 1970, chap. 31. (1" Supp.):
a14.(1) Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette date,
»a) un individu est condamné à deux périodes d'emprisonne-
ment ou plus, ou que
»b) un détenu qui est en détention est condamné à une ou des périodes supplémentaires d'emprisonnement,
ales périodes d'emprisonnement auxquelles il a été condamné, y compris dans un cas visé à l'alinéa b) la ou les périodes d'emprisonnement qu'il est en train de purger, sont, à toutes fins de la présente loi, de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, censées constituer une seule sentence consistant en une période d'emprisonnement commençant le jour la première de ces sentences d'empri- sonnement commence et se terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonnement qui se termine la dernière.»
De toute évidence, les premiers mots de l'art. 14(1) »Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette date», démontrent que cet article, y compris la modification de 1977-78, a une portée rétroactive pour ce qui est de la détermination de la peine unique objet de la réduction statutaire de peine.
L'appelant prétend qu'en vertu de la formulation de l'art. 14(1), sa peine unique doit être calculée à compter du 14 novembre 1971, date de sa première condamnation à l'empri- sonnement. N'eût-été des termes mêmes de l'article 137 de 1973, j'aurais été enclin à accueillir cet argument.
À mon avis, l'art. 137 du Code criminel, dans sa version de 1973, a pour effet d'imposer une nouvelle peine dont le point de départ est la date de la condamnation pour évasion. C'est là, je crois, la conclusion logique qui découle des prescriptions de
l'article relativement à la manière dont la peine imposée doit être calculée et purgée.
En vertu de l'art. 137, entré en vigueur le 15 juillet 1972, le détenu condamné pour évasion après cette date perd le bénéfice de toute réduction statutaire accumulée jusque-là. Au par. (3), la portion de la peine restante que l'on calcule conformément au par. (1), est désignée sous l'expression «la peine complémen- taire». Cela démontre clairement que la peine imposée pour l'évasion et toutes les peines supplémentaires qui viennent s'y greffer constituent une peine unique. Conséquemment, c'est à bon droit que les autorités pénitentiaires ont jugé que le point de départ de la peine unique, après la condamnation pour évasion, était le 15 mai 1973.
Le distingué premier juge, en l'espèce en cause, a été d'avis que l'arrêt Sowa (précité) correspon- dait parfaitement à l'espèce décrite par le présent mémoire spécial; on ne pouvait en différencier les faits. 11 accepta donc l'argument de l'avocat de Sa Majesté, fondé sur l'arrêt Sowa: la Cour qui avait condamné l'appelant pour évasion le 14 septembre 1976, l'avait condamné à une nouvelle peine et, bien qu'il ait été condamné à une peine de quatre mois pour cette infraction, cette peine de quatre mois fusionnait avec le reste de la peine que le détenu purgeait au moment de son évasion pour ne constituer qu'une peine unique par l'opération de l'article 137 du Code criminel, ce qui avait pour effet de créer une peine unique de 3,702 jours, débutant le 14 septembre 1976, date d'origine du calcul de la réduction de peine.
Le docte juge de première instance ajouta [aux pages 318 et 319] :
La portée du paragraphe 137(2) me cause certains tracas. En effet, par le biais de cette disposition du Code criminel, l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus reçoit application lors de l'identification de la peine qu'un évadé «purgeait ... au moment de son évasion». Le paragraphe ne fait pas référence à la période d'emprisonnement que ]'«évadé» purgeait au moment de sa condamnation pour évasion.
Le demandeur s'est évadé le 19 janvier 1976. Les neuf ans d'emprisonnement auxquels il a été condamné pour les infrac tions commises pendant la durée de son évasion, du 19 janvier 1976 au 18 février 1976, ne lui ont été imposés que le 13 avril 1976, après son arrestation, son procès et finalement sa condamnation.
Par conséquent, il y aurait un hiatus et l'on ne saurait trop insérer cette peine de neuf ans si ce n'était de l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus qui intègre cette peine de neuf ans à la peine que le demandeur purgeait, et de l'article 137 qui fusionne la peine relative à l'évasion et les peines antérieures en une peine unique ....
Selon moi, le hiatus apparent provient de l'inter- prétation de l'article 137 du Code criminel quand il fait présumer une peine unique, peine nouvelle qui débute au moment de la condamnation pour évasion. Dans le cas de l'appelant, si on applique le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération con- ditionnelle de détenus, comme l'exige le paragra- phe 137(2) du Code, on décide que la peine que l'appelant, évadé alors qu'il était incarcéré, pur- geait au moment de son évasion était une peine de six ans qui avait commencé le 6 juillet 1971.
Le paragraphe 137(1) porte que l'appelant, un évadé, devrait, après avoir purgé la peine à laquelle il a été condamné pour l'évasion, purger la partie de la peine, y inclus la réduction statutaire de peine, mais non la réduction méritée, qu'il purgeait au moment de son évasion et qu'il restait à purger, moins tout le temps passé en détention depuis son arrestation pour l'évasion, jusqu'au moment de sa condamnation à cet égard. L'appelant fut con- damné le 14 septembre 1976 une peine de quatre mois de prison pour l'évasion. Si, donc, on devait accepter qu'en condamnant ainsi l'appelant le juge condamnait à une nouvelle peine, cette nouvelle peine consisterait en six ans et quatre mois et débuterait le 14 septembre 1976.
Il n'y a rien dans l'article 137 qui autorise d'inclure dans cette peine les neuf ans auxquels il a été condamné le 13 avril 1976. Le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus n'apporte aucun éclaircissement lorsqu'il ajoute neuf ans à cette [TRADUCTION] «nouvelle peine» puisque le paragraphe 137(2) du Code dit que le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus s'applique lorsqu'on éta- blit la peine qu'un évadé purgeait au moment de l'évasion.
Lorsqu'on considère la situation de l'appelant en entrant dans le prétoire, le 14 septembre 1976, pour être condamné pour évasion, il est clair qu'il avait antérieurement été condamné à trois peines consécutives de quatre ans, deux ans et neuf ans, respectivement. Il y avait trois condamnations séparées et distinctes. Comme tout le monde, l'ap- pelant était assujetti aux dispositions du Code
criminel qui traitent des infractions et des procès des prévenus d'infractions, et des peines, y compris des peines de prison, auxquelles peuvent être con- damnés ceux qui sont reconnus coupables. L'appe- lant était détenu aussi dans un pénitencier et, en tant que tel, il était soumis à la Loi sur la libéra- tion conditionnelle de détenus, qui traite des ques tions relatives à la libération conditionnelle et à la relaxe avant que la peine n'ait été purgée, confor- mément à la loi, par suite d'une réduction de peine. Cette Loi prévoit la suspension et la révoca- tion de la libération conditionnelle, la déchéance de la libération conditionnelle, l'arrestation après révocation ou déchéance de la libération condition- nelle et la réincarcération du détenu par un magis- trat en cas de révocation ou de déchéance de la libération conditionnelle.
L'appelant, en tant que détenu, était aussi régi par les dispositions de la Loi sur les pénitenciers qui portent sur la façon dont les peines de prison doivent être purgées et sur les réductions de peine. L'article 24.2 de cette Loi est cet article qui fixe comme maximum à l'ensemble des réductions de peine, statutaires et méritées, le «tiers de la peine qu'il purge alors».
L'article 14 de la Loi sur la libération condi- tionnelle de détenus prévoyait, le 14 septembre 1976, dans le cas de l'appelant, avant qu'il ne soit condamné pour son évasion, que les peines aux- quelles il avait été condamné, soit quatre ans, deux ans et neuf ans, devraient, aux fins de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, être présumées ne consti- tuer qu'une peine unique de prison commençant le jour la première de ces peines d'emprisonne- ment commence et se terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonnement qui se ter- mine la dernière. A cette époque, le paragraphe 14(1) ne renvoyait pas au Code criminel.
La peine unique qu'il fallait présumer, par l'opé- ration du paragraphe 14(1), consistait en une peine commençant le 6 juillet 1971, soit le jour la première de ces peines commence, et se termi- nant à l'expiration de celle de ces périodes d'em- prisonnement qui se termine la dernière, soit 15 ans après le 6 juillet 1971. L'effet du paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus était que, alors que la peine du 14 juin
1973, de deux ans, et celle du 13 avril 1976, de neuf ans, étaient des peines distinctes et séparées, elles étaient, pour les fins des Lois énumérées, soit la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, la Loi sur les pénitenciers et la Loi sur les prisons et les maisons de correction, réputées ne constituer qu'une peine réunissant les peines respectives aux- quelles le détenu avait été initialement condamné, à toute ou à toutes autres peines antérieures.
Le juge devant qui l'appelant a comparu le 14 septembre 1976 l'a condamné à une peine de quatre mois pour évasion. Le paragraphe 137(1) porte que, dans ces circonstances, l'appelant doit d'abord purger la peine à laquelle il a été con- damné pour l'évasion, soit quatre mois, puis le reste de la peine, y inclus toute réduction statutaire de peine mais excluant toute réduction méritée, qu'il purgeait au moment de son évasion, moins le temps de détention écoulé entre le moment de son arrestation après son évasion et la date de sa condamnation pour cette évasion. La seule peine auquelle ce juge l'a condamné, c'est la peine de quatre mois.
Le juge en chef de la Saskatchewan, le juge Culliton, dans l'arrêt Sowa, à la page 88, répond à l'argument de l'appelant dans cette espèce voulant que, d'après le texte du paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, la peine unique dans son cas doive être calculée comme commençant au jour de sa première con- damnation. Il poursuit:
N'eût-été des termes mêmes de l'article 137 de 1973, j'aurais été enclin à accueillir cet argument.
Puis il interprète l'article 137 du Code criminel, tel qu'il existait en 1973, comme imposant une nouvelle peine, qui commencerait au moment de la condamnation pour évasion. Il s'appuie pour ce faire sur la mention dans le paragraphe (3) de l'article 137 de «la peine complémentaire», ce qui serait une indication claire que la peine pour l'éva- sion, plus toute peine supplémentaire, constitue la peine unique.
Le paragraphe 137(3), à mon avis, se borne à traiter du lieu l'évadé devra purger les deux peines, celle à laquelle il est condamné pour l'éva- sion et le reste des peines à purger auxquelles il
avait antérieurement été condamné, calculé con- formément au paragraphe (1) de l'article 14. Le paragraphe parle de la «peine complémentaire cal- culée conformément au paragraphe (1)» et non d'une peine complémentaire «[à laquelle] il a été condamné».
Avec déférence pour l'avis qu'exprima la Cour dans l'arrêt Sowa, je ne saurais admettre que l'article 137 du Code criminel, tel qu'il existait en 1973, doive être interprété comme établissant une nouvelle peine qui aurait commencé au moment de la condamnation pour l'évasion. Je ne saurais accepter la proposition voulant que ce soit la conclusion logique qu'il faille tirer de la manière dont l'article dit que la peine doit être purgée et calculée. A mon avis, le seul effet du paragraphe 137(1) est que l'évadé doit d'abord purger la peine à laquelle il est condamné pour l'évasion puis, ensuite, il purgera ce qui reste de la peine qu'il purgeait au moment de l'évasion, avec les ajuste- ments que prévoit le paragraphe.
À mon avis, il est significatif que le paragraphe 137(3) fasse une distinction nette entre la peine à laquelle le détenu est «condamné» pour l'évasion et la «peine complémentaire» que l'on dit calculée conformément au paragraphe (1). A mon avis, cela renforce l'opinion que la peine complémen- taire ne consiste qu'en ce qu'il reste à purger des peines des condamnations antérieures.
Comme il est dit ci-dessus, l'article 137 ne vise pas la peine de neuf ans de la condamnation du 13 avril 1976. En interprétant l'article 137 et en l'appliquant au cas de l'appelant en cause, il faut dire qu'avant sa condamnation pour évasion du 14 septembre 1976, l'appelant devait purger le restant de deux peines antérieures de quatre ans et de deux ans et la peine de neuf ans de la condamna- tion du 13 avril 1976. L'article 137 se bornait à dire qu'après la condamnation pour son évasion, l'appelant devait purger la peine de quatre mois à laquelle il était condamné pour cette évasion, avant de continuer de purger ce qui restait de la peine de prison de six ans qui avait commencé le 6
juillet 1971 et qu'il purgeait au moment de l'éva- sion. La peine de neuf ans, à laquelle il fut con- damné le 13 avril 1976, était consécutive aux peines de quatre ans et de deux ans et, lorsqu'il y a eu suspension des peines combinées de quatre et de deux ans pour quatre mois, la peine de neuf ans continuait d'être consécutive à ces peines combi nées de quatre et de deux ans.
Pour les fins de la Loi sur la libération condi- tionnelle de détenus et de la Loi sur les péniten- ciers, l'article 14 de la Loi sur la libération condi- tionnelle de détenus joue de telle sorte que toutes les peines sont réputées ne constituer qu'une peine unique consistant en une peine commençant le jour la première de ces peines commence, soit le 6 juillet 1971, et se terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonnement qui se termine la dernière, soit après quinze ans et quatre mois.
À mon avis, la modification du paragraphe 14(1) du 12 avril 1978, qui intercale la mention «du Code criminel», n'ajoute rien. Le juge en chef de la Saskatchewan, le juge Culliton, était d'avis que la disposition liminaire du paragraphe 14(1): «Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette date», indiquait que l'article, y compris la modifi cation de 1977-78, avait un effet rétroactif dans la détermination de la peine unique pour les fins de la réduction statutaire de peine.
Il est clair que l'article, y compris la modifica tion de 1977-78, s'applique dans le cas d'un détenu condamné avant comme après le 25 mars 1970, s'il est incarcéré et est condamné à une peine ou à des peines additionnelles. Toutefois, avant la modifica tion de 1977-78, il était clair que l'article ne s'appliquait que pour les fins de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction. En 1976, au moment de la condamnation pour l'évasion, le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de déte- nus ne mentionnait que ces trois Lois, non le Code criminel; il ne pouvait donc être avancé comme preuve que l'article 137 du Code devait être inter- prété comme imposant une nouvelle peine débu- tant au moment de la condamnation pour l'éva- sion. En fait, comme l'indique le juge en chef Culliton, l'article laisse entendre au contraire que
la peine unique n'est présumée que par l'opération du paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus et qu'elle commence le jour la première de ces peines commence, soit le 6 juillet 1971 dans le cas de l'appelant.
Le docte premier juge en l'espèce a été d'avis que l'article 14 de la Loi sur la libération condi- tionnelle de détenus est d'ordre général, alors que l'article 137 du Code criminel constituerait une législation spéciale, la Loi générale cédant devant la Loi spéciale. À mon avis, l'article 137 du Code n'est «spécial» qu'en ce sens qu'il traite du cas de l'évadé condamné, pour son évasion, à une peine de prison.
Selon moi, l'article traite de la peine que le détenu doit purger d'abord, la peine à laquelle il est condamné pour l'évasion, puis ensuite il pur- gera ce qu'il reste des peines des condamnations antérieures. D'autre part, l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus constitue une législation spéciale en ce sens qu'elle traite du calcul de l'emprisonnement résultant de plusieurs condamnations, calcul devant être fait pour les fins de la Loi sur la libération conditionnelle de déte- nus, de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction. C'est la disposition de l'article 24.2 de la Loi sur les péni- tenciers relative au «tiers de la peine qu'il purge alors» qui doit être interprétée en l'espèce et, à mon avis, l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus s'applique.
Comme indiqué ci-dessus, la Loi de 1977 modi- fiant le droit pénal, S.C. 1976-77, chap. 53, art. 6, en vigueur le 15 octobre 1977, a abrogé l'article 137, ancien, du Code. En fait, elle permet au juge de considérer les condamnations pour évasion, l'in- fracteur étant alors incarcéré, comme toute autre condamnation. L'évadé doit maintenant être con- damné à une peine pour l'évasion, soit concurrente au reste de la peine purgée au moment de l'éva- sion, soit consécutive à cette peine. La modifica tion n'est pas rétroactive mais, selon moi, elle signifie qu'il n'y a plus, si jamais il y a eu, une nouvelle peine commençant au moment de la con- damnation pour l'évasion. Que la peine doive être purgée concurremment ou consécutivement, le «jour la première de ces sentences d'emprison-
nement commence» demeure le même et l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus joue pour que les peines soient réputées ne constituer qu'une peine unique prolongée dans le temps par la nouvelle peine, si elle doit être purgée consécutivement, ou conservant la même durée, si elle doit être purgée concurremment.
L'avocat de Sa Majesté a fait valoir qu'interpré- ter l'article 24.2 de la Loi sur les pénitenciers, l'article 14 de la Loi sur la libération condition- nelle de détenus et l'article 137 du Code, tel qu'il existait en 1976, comme signifiant que «la peine qu'il purge alors» de l'article 24.2 signifie qu'une «sentence consistant en une période d'emprisonne- ment commençant le jour la première de ces sentences d'emprisonnement (auxquelles [l'appe- lant] était assujetti) commence et se terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonne- ment qui se termine la dernière», conformément au paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération con- ditionnelle de détenus, serait erroné. Non seule- ment l'appelant aurait-il droit à une réduction méritée du tiers de l'ensemble calculé de cette façon, soit quinze ans et quatre mois, mais aussi cela lui permettrait de réclamer une réduction statutaire, à compter du 14 septembre 1976, du quart de cette durée conformément à l'article 22 de la Loi sur les pénitenciers alors en vigueur.
À mon avis, ce résultat ne s'ensuit pas nécessai- rement. Je suis d'avis que l'appelant fut condamné le 14 septembre 1976 à une peine de quatre mois pour évasion. À son arrivée au pénitencier, il aurait eu droit de voir porter à son actif un quart de cette période, ainsi qu'à une réduction statu- taire du quart de la peine de neuf ans du 13 avril 1976. Toutefois, pour ce qui est de la peine de quatre ans et de la peine de deux ans des 6 juillet 1971 et 14 juin 1973 respectivement, il n'y aurait pas eu nouvelle condamnation et l'appelant n'au- rait été que réincarcéré pour purger le reste de cette peine de six ans.
Le paragraphe 22(1) de la Loi sur les péniten- ciers, qui traite de la réduction statutaire, parle de «Quiconque est condamné ou envoyé au péniten- cier». À mon avis, l'appelant n'aurait pas eu droit à une réduction statutaire sauf pour ce qu'il lui restait à purger de l'ensemble de ces peines. Qu'il en soit ainsi, l'avocat de l'appelant l'a reconnu.
Je suis donc d'avis que l'appel devrait être accueilli, l'ordonnance entreprise réformée et la question posée au paragraphe 7 du mémoire spé- cial répondue par l'affirmative. Il devrait aussi y avoir jugement déclaratoire conformément au paragraphe 8 du mémoire spécial disant que l'ap- pelant a droit à des réductions statutaire et méritée pouvant aller jusqu'au tiers de l'ensemble calculé en fonction de «la peine qu'il purge alors», ce qui, aux termes de l'article 24.2 de la Loi sur les pénitenciers, signifie, dans le cas de l'appelant, une [TRADUCTION] «sentence consistant en une période d'emprisonnement commençant le jour la première de ces sentences d'emprisonnement, auxquelles l'appelant était assujetti, commence, c'est-à-dire le 6 juillet 1971, et se terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonne- ment qui se termine la dernière, conformément au paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération con- ditionnelle de détenus».
L'appelant aura droit à ses dépens tant en appel qu'en première instance.
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris aux motifs du juge suppléant Cowan et aux conclusions qui en découlent.
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