T-7404-82
Edward Fat Law (demandeur)
c.
Solliciteur général du Canada et Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration (défendeurs)
Division de première instance, juge Mahoney—
Toronto, 17 janvier; Ottawa, 1 e' février 1983.
Immigration — Demandeur un immigrant ayant reçu le
droit d'établissement — Déclaration de culpabilité d'extorsion
et ordonnance d'expulsion — Appel devant la Commission
d'appel de l'immigration qui accorde plusieurs sursis à l'exé-
cution — Signature, conformément à l'art. 83, d'une attesta
tion portant que ne pas rejeter l'appel irait à l'encontre de
l'intérêt public — Demande de jugement déclarant: (1) que les
défendeurs sont tenus d'informer le demandeur des allégations
et de lui permettre de faire des observations; (2) que l'art. 83
de la Loi sur l'immigration de 1976 enfreint la Charte — Aux
termes de l'art. I de la Charte, le caractère raisonnable des
limites doit être prouvé, à moins qu'il ne soit manifeste — La
Commission est «un tribunal compétent» au sens de l'art. 24(1)
de la Charte — La Commission a compétence exclusive sur les
questions de droit concernant l'ordonnance de renvoi — Les
questions soulevées par le réexamen de l'arrêt Prata sont des
questions de droit — L'art. 21 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration est presque identique à l'art. 83 —
La Cour fédérale n'ayant pas compétence, l'action est rejetée
parce qu'elle constitue un abus de procédure — Loi sur
l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 59(1),
65(1), 72(1), 75(1), 83, 128(1) — Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration, S.R.C. 1970, chap. I-3, art. 21 —
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie
I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 7, 24(1) — Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur lé
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 52(1) — Code criminel,
S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 305 — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 50(1),(2).
Droit constitutionnel — Charte des droits — L'art. 83 de la
Loi sur l'immigration de 1976 est-il compatible avec l'art. 7 de
la Charte? — L'art. 7 doit être lu avec l'art. 1 aux termes
duquel les droits ne peuvent être restreints que dans des limites
raisonnables — À moins qu'il ne soit manifeste, le caractère
raisonnable doit être prouvé — La Commission d'appel de
l'immigration est un tribunal compétent au sens de l'art. 24(1)
de la Charte — La Commission a compétence exclusive pour
trancher les questions de droit soulevées dans le cadre d'un
appel contre une ordonnance de renvoi — N'ayant pas compé-
tence, la Cour fédérale rejette l'action parce qu'elle constitue
un abus de procédure — Charte canadienne des droits et
libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), art. 1, 7, 24(1) — Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, chap. 52, art. 83 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 50(1),(2).
Compétence — Commission d'appel de l'immigration saisie
d'un appel contre une ordonnance d'expulsion — Immigrant
qui sollicite en Division de première instance des jugements
déclaratoires et une ordonnance de prohibition — Incompé-
tence de la Cour fédérale — Saisir d'une action un tribunal
incompétent constitue un abus de procédure — Radiation de la
déclaration et rejet de l'action — Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 59(1), 72(1) — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 50(1),(2).
Pratique — Requête en radiation des plaidoiries — Deman-
deur un immigrant ayant reçu le droit d'établissement
Déclaration de culpabilité d'extorsion et ordonnance d'expul-
sion — Appel devant la Commission d'appel de l'immigration
qui accorde plusieurs sursis à l'exécution — Signature par les
défendeurs, conformément à l'art. 83, d'une attestation portant
que ne pas rejeter l'appel irait à l'encontre de l'intérêt public
— Demande de jugement déclarant: (1) que les défendeurs sont
tenus d'informer le demandeur des allégations et de lui per-
mettre de faire des observations; (2) que l'art. 83 de la Loi sur
l'immigration de 1976 enfreint la Charte — Rejet de l'argu-
ment selon lequel il n'y a aucune cause d'action raisonnable —
II serait abusif de refuser au demandeur un réexamen de
l'arrêt Prata à la lumière de la jurisprudence subséquente et
de la Charte — L'art. 21 de la Loi sur la Commission d'appel
de l'immigration est presque identique à l'art. 83 — Aux
termes de l'art. I de la Charte, le caractère raisonnable des
limites doit être prouvé, à moins qu'il ne soit manifeste — Il
n'y a pas lieu à radiation lorsque la défense est fondée sur
l'art. 1 — La Commission est »un tribunal compétent» au sens
de l'art. 24(1) de la Charte — La Commission a compétence
exclusive sur les questions de droit concernant l'ordonnance de
renvoi — Radiation de la déclaration et rejet de l'action parce
qu'elle constitue un abus de procédure — Loi sur l'immigra-
tion de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 59(1), 65(1), 72(1),
75(1), 83, 128(1) — Loi sur la Commission d'appel de l'immi-
gration, S.R.C. 1970, chap. I-3, art. 21 — Charte canadienne
des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 7, 24(1) — Loi consti-
tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada,
1982, chap. 11 (R.-U.), art. 52(1) — Code criminel, S.R.C.
1970, chap. C-34, art. 305 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 50(1),(2).
Le demandeur, un immigrant ayant reçu le droit d'établisse-
ment, a été reconnu coupable d'extorsion, par suite de quoi on a
ordonné son expulsion. Il en a appelé devant la Commission
d'appel de l'immigration qui, à plusieurs reprises, a sursis à
l'exécution de l'ordonnance d'expulsion. Conformément à l'arti-
cle 83 de la Loi sur l'immigration de 1976, les défendeurs ont
signé une attestation portant qu'à leur avis, la Commission irait
à l'encontre de l'intérêt national si elle ne rejetait pas l'appel du
demandeur. Cette attestation a été produite auprès de la Com
mission. Le demandeur, dans une action introduite en Division
de première instance, demande notamment: (1) un jugement
déclaratoire portant qu'avant de signer une attestation visée à
l'article 83, les défendeurs devaient l'informer des allégations
pesant contre lui et lui permettre de faire des observations; et
(2) un jugement déclaratoire portant que l'article 83 enfreint la
Charte des droits. Les défendeurs demandent la radiation de la
déclaration soit parce qu'elle ne révèle aucune cause raisonna-
ble d'action, soit parce qu'elle constitue un abus de procédure;
subsidiairement, ils demandent la suspension des procédures en
vertu du paragraphe 50(1) de la Loi sur la Cour fédérale.
Jugement: la déclaration est radiée et l'action rejetée. Cette
décision n'est pas motivée par l'absence de cause raisonnable
d'action. Le demandeur cherche à obtenir un réexamen de
l'arrêt Prata dans lequel la Cour suprême du Canada a étudié
l'article 21 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigra-
tion, disposition qui est presque identique à l'article 83. Il veut
que cet arrêt soit réexaminé à la lumière de la jurisprudence
subséquente et de l'article 7 de la Charte. Lui refuser sommai-
rement la possibilité d'un tel réexamen serait un exercice abusif
du pouvoir discrétionnaire. Bien qu'en lisant l'article 7, on doive
tenir compte de l'article 1 qui prévoit que les droits peuvent être
restreints «dans des limites qui soient raisonnables», le caractère
raisonnable, à moins qu'il ne soit manifeste, doit être prouvé
dans chaque cas. Par conséquent, si la défense repose sur
l'article 1, il n'y a pas lieu de radier sommairement la déclara-
tion. L'action doit toutefois être rejetée pour cause d'abus de
procédure. Suivant le paragraphe 24(1) de la Charte, toute
personne victime de violation de ses droits peut s'adresser à «un
tribunal compétent» pour obtenir réparation. Dans les limites
fixées par la loi à sa compétence, la Commission est un tribunal
compétent au sens du paragraphe 24(1). De plus, le paragraphe
59(1) de la Loi sur l'immigration de 1976 attribue à la
Commission compétence exclusive sur toutes les questions de
droit relatives à l'ordonnance de renvoi dont il est fait appel. La
question soulevée en l'espèce de savoir si l'arrêt Prata s'appli-
que encore est une telle question de droit. Il s'ensuit que la
Commi. Sion est seule habilitée à se prononcer sur cette question
en première instance et que la Cour fédérale n'a pas compé-
tence. Cette action constitue donc un abus de la procédure de la
Cour, car il est de principe que, dès lors qu'on saisit d'une
action un tribunal n'ayant pas compétence pour examiner les
questions en litige, il y a abus de procédure. Même si l'action ne
devait pas être rejetée pour cette raison, il y aurait lieu d'y
surseoir dans l'intérêt de la justice, étant donné que la Commis
sion est déjà saisie de l'affaire et a compétence pour trancher
les questions soulevées. Dans les circonstances, le demandeur
aura essentiellement le même droit d'appel, peu importe que la
décision de première instance soit rendue par la Commission ou
par la Cour.
JURISPRUDENCE
DÉCISION CITÉE:
Prata c. Le Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immi-
gration, [1976] 1 R.C.S. 376.
AVOCATS:
P. D. Copeland pour le demandeur.
B. R. Evernden pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Copeland, Liss, Toronto, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Par cette requête, les
défendeurs essaient d'obtenir la radiation de la
déclaration parce qu'elle ne révèle aucune cause
d'action raisonnable contre eux ou parce qu'elle
constitue, pour d'autres raisons, un abus de procé-
dure, ou, subsidiairement, la suspension des procé-
dures conformément aux alinéas 50(1)a) et b) de
la Loi sur la Cour fédérale' au motif que la
Commission d'appel de l'immigration a présente-
ment compétence pour trancher la question.
La déclaration expose essentiellement que le
demandeur, originaire de Hong Kong, a reçu le
droit d'établissement au Canada le 31 juillet 1974,
que, le 15 mai 1978, il a été reconnu coupable
d'extorsion, infraction qui, aux termes de l'article
305 du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34],
comporte une peine maximale de 14 ans d'empri-
sonnement et que, le 28 novembre 1978, on a
ordonné son expulsion. Il en a appelé devant la
Commission d'appel de l'immigration qui a sursis à
l'exécution de l'ordonnance d'expulsion, et ce à
plusieurs reprises. La déclaration poursuit:
[TRADUCTION] 8. Le 20 juillet et le 3 août 1982, conformé-
ment à l'article 83 de la Loi sur l'immigration de 1976, le
ministre de l'Emploi et de l'Immigration et le solliciteur général
du Canada ont respectivement signé une attestation portant
qu'à leur avis, compte tenu des rapports secrets en matière de
criminalité qu'ils ont examinés, la Commission d'appel de
l'immigration irait à l'encontre de l'intérêt national si, dans
l'exercice du pouvoir que lui confère les paragraphes 75(1) et
76(3) de la Loi, elle ne rejetait pas l'appel formé par le
demandeur en vertu de l'alinéa 72(1)b).
9. Par une lettre datée du 10 août 1982 l'attestation a été
produite auprès de la Commission d'appel de l'immigration.
10. N'ayant pas été informé que les défendeurs envisageaient
de produire une attestation conformément à l'article 83 de la
Loi sur l'immigration de 1976, le demandeur n'a pas eu la
possibilité de présenter des observations sur les points étudiés
par les défendeurs relativement à l'attestation.
12. Le demandeur demande donc:
a) Un jugement déclaratoire portant que les défendeurs sont
tenus d'informer le demandeur des allégations générales
' S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10.
50. (1) La Cour peut, à sa discrétion, suspendre les
procédures dans toute affaire ou question,
a) au motif que la demande est en instance devant un
autre tribunal ou une autre juridiction; ou
b) lorsque, pour quelque autre raison, il est dans l'intérêt
de la justice de suspendre les procédures.
portées contre lui et de lui permettre de faire des observa
tions avant que ne soit établie à son sujet une attestation
visée par l'article 83.
b) Un jugement déclaratoire portant que l'article 83 de la
Loi sur l'immigration de 1976 enfreint la Charte des droits et
libertés.
c) Un jugement déclaratoire portant qu'à ce stade-ci de
l'appel, le ministre de l'Emploi et de l'Immigration ou ses
représentants ne peuvent avoir recours à une attestation visée
par l'article 83.
d) Une ordonnance de prohibition interdisant aux représen-
tants du ministre de l'Emploi et de l'Immigration, en cas
d'une reprise de l'appel du demandeur devant la Commission
d'appel de l'immigration, de tenter de produire une attesta
tion visée par l'article 83 ou de s'appuyer de quelque manière
sur une telle attestation.
e) Les dépens entraînés par cette action.
Le paragraphe 11 énonce des faits concernant la
citoyenneté de la femme et des enfants du deman-
deur et concernant i` statut au Canada de ses
parents et d'autres membres de sa famille, faits
dont les défendeurs essaient d'obtenir la radiation
parce qu'ils sont en tout état de cause non perti-
nents. On a vraisemblablement plaidé ces faits
pour démontrer que le demandeur a le droit d'in-
voquer l'alinéa 72(1)b) de la Loi sur l'immigration
de 1976 2 , et, par conséquent, de bénéficier des
sursis que la Commission d'appel de l'immigration
peut ordonner en l'absence d'une attestation visée
par l'article 83. Je suis d'accord que le
paragraphe 11 n'est pas pertinent en l'espèce et
qu'il y a lieu de le radier.
Les débats ont porté exclusivement sur le redres-
sement sollicité dans les paragraphes 12a) et b) de
la déclaration. Quant aux paragraphes 12c) et d),
ils n'ont fait l'objet d'aucune attaque, si ce n'est
dans le cadre de celle dirigée contre la déclaration
dans son ensemble. Dans le paragraphe 12a), le
demandeur réclame en réalité le réexamen de l'ar-
rêt Prata c. Le Ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration 3 à la lumière de la jurisprudence
subséquente, et, dans le paragraphe 12b), il en
demande le réexamen à la lumière de la nouvelle
Charte canadienne des droits et libertés, qui cons-
titue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.).
2 S.C. 1976-77, chap. 52.
3 [1976] 1 R.C.S. 376.
À la demande de la Cour, l'avocat du deman-
deur a précisé que les dispositions particulières
invoquées à l'appui du redressement sollicité au
paragraphe 12b) sont l'article 7 de la Charte et le
paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.).
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa
personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor-
mité avec les principes de justice fondamentale.
52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du
Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de
toute autre règle de droit.
L'article 7 de la Charte doit évidemment être lu
avec son article 1 aux termes duquel les droits
garantis «ne peuvent être restreints que ... dans
des limites qui soient raisonnables et dont la justi
fication puisse se démontrer dans le cadre d'une
société libre et démocratique»; toutefois, il est clair
que si c'est là le moyen de défense invoqué, il n'y a
pas lieu de radier sommairement la déclaration. Le
caractère raisonnable des limites, à moins qu'il ne
soit manifeste, doit être prouvé.
L'article 83 de la Loi sur l'immigration de 1976
est ainsi conçu:
83. (1) Par dérogation à toute autre disposition de la présente
loi, la Commission doit rejeter tout appel fondé ou considéré
comme tel en vertu du paragraphe 75(3), sur les alinéas
72(1)b) ou 72(2)d), ainsi que tout appel visé à l'article 79, au
cas où le Ministre et le solliciteur général déclarent, dans une
attestation portant leur signature et remise à la Commission,
qu'à la lumière des rapports secrets qu'ils détiennent en matière
de sécurité ou de criminalité, ils estiment que toute autre
décision de la Commission irait à l'encontre de l'intérêt
national.
(2) Lorsqu'elle est apparemment signée par le Ministre et le
solliciteur général, conformément au paragraphe (1), l'attesta-
tion fait foi de son contenu devant la Commission, l'authenticité
des signatures et le caractère officiel des signataires ne pouvant
être contestés que par le Ministre ou par le solliciteur général.
L'article 83 est pour l'essentiel et quant à son effet
identique à l'article 21 de la Loi sur la Commis
sion d'appel de l'immigration'', que la Cour
suprême du Canada a étudié dans l'arrêt Prata c.
Le Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion. Refuser sommairement au demandeur la pos-
° S.R.C. 1970, chap. I-3 [abrogée par la Loi sur l'immigra-
tion de l976, par. 128(1)].
sibilité d'un réexamen judiciaire de l'arrêt Prata à
la lumière de la Charte serait un exercice abusif
du pouvoir discrétionnaire. Au surplus, compte
tenu de l'évolution rapide du droit, il peut y avoir
d'autres raisons qui militent en faveur d'un tel
réexamen. Il n'y a pas lieu de rejeter cette action
pour le motif que la déclaration ne révèle aucune
cause raisonnable d'action.
Quant à la question de savoir si l'action doit être
rejetée parce qu'elle constitue un abus de procé-
dure, je tiens pour avéré que, dès lors qu'on saisit
d'une action un tribunal n'ayant pas compétence
pour trancher les questions soulevées, il y a abus
des procédures de ce tribunal. Les dispositions
législatives applicables sont les paragraphes 59(1),
65(1), 72(1) et 75 (1) de la Loi sur l'immigration
de 1976, et le paragraphe 24(1) de la Charte, dont
voici les parties pertinentes:
59. (1) Est instituée la Commission d'appel de l'immigration
ayant compétence exclusive, en matière d'appels visés aux
articles 72 ... pour entendre et juger sur des questions de droit
et de fait, y compris des questions de compétence, relatives à la
confection d'une ordonnance de renvoi ...
65. (1) La Commission est une cour d'archives; elle a un
sceau officiel dont l'authenticité est admise d'office.
72. (1) Toute personne frappée par une ordonnance de renvoi
qui est ... un résident permanent ... peut interjeter appel à la
Commission en invoquant l'un ou les deux motifs suivants:
b) le fait que, compte tenu des circonstances de l'espèce, elle
ne devrait pas être renvoyée du Canada.
75. (1) La Commission statuant sur un appel visé à l'article
72, peut
a) l'accueillir;
b) le rejeter; ou
c) ordonner de surseoir à l'exécution de l'ordonnance de
renvoi en cas d'appel fondé sur les alinéas 72(1)b) ou
72(2)d).
24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation
des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente
charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la
réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard
aux circonstances.
La Commission d'appel de l'immigration, dans
les limites fixées par la loi à sa compétence, est un
tribunal compétent au sens du paragraphe 24(1)
de la Charte. Le paragraphe 59(1) de la Loi sur
l'immigration de 1976 attribue à la Commission
compétence exclusive pour entendre et trancher,
entre autres, toutes les questions de droit relatives
à l'ordonnance de renvoi contre laquelle le deman-
deur a, en vertu du paragraphe 72(1), formé un
appel devant ladite Commission. Les questions
soulevées en l'espèce de savoir si, compte tenu de
la jurisprudence subséquente et de la Charte, le
principe énoncé dans l'arrêt Prata c. Le Ministre
de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration s'appli-
que encore, sont de telles questions de droit. Ces
questions sont du ressort exclusif de la Commis
sion; il n'appartient pas à cette Cour de les
trancher.
N'eût été ma conclusion qu'il y a lieu de rejeter
cette action en raison de l'incompétence de cette
Cour pour l'entendre, j'aurais ordonné le sursis des
procédures. Cela aurait été dans l'intérêt de la
justice. La Commission est déjà saisie de l'affaire
et elle a compétence pour trancher les questions
soulevées dans la déclaration. Dans les circons-
tances, le droit du demandeur à l'accès auprès des
tribunaux d'appel sera essentiellement le même,
peu importe que la décision initiale soit rendue par
la Commission ou par cette Cour.
JUGEMENT
La déclaration est radiée et l'action rejetée avec
dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.