T-7705-82
D. A. Berarducci (requérant)
c.
Canadien Pacifique Limitée (C.P. voie ferrée)
(intimée)
Division de première instance, juge Collier Van-
couver, 17 et 18 janvier 1983.
Relations de travail — Compétence de la Cour en matière
de requête en fixation du montant de l'indemnité payable par
l'intimée par suite d'une décision arbitrale rendue conformé-
ment à l'art. 155 du Code canadien du travail — Décision
arbitrale, favorable au requérant, ordonnant notamment le
paiement d'une indemnité pour perte de salaire en conséquence
du congédiement du requérant sans faire le calcul du montant
dû — Désaccord entre le requérant et l'employeur à ce sujet —
Refus de l'arbitre, s'estimant functus officio, de se prononcer
— Dépôt subséquent par le requérant de la décision devant la
Cour fédérale sur le fondement de l'art. 159 du Code, qui
porte que le dépôt de la décision, puis son enregistrement, lui
confèrent la même force et le même effet qu'un jugement de la
Cour, toutes procédures y faisant suite pouvant dès lors être
engagées en conséquence — Selon le requérant, la Cour est
compétente pour faire le calcul de l'indemnité; c'est l'une des
«procédures» nécessaires à l'exécution de la décision arbitrale
— Requête rejetée — L'art. 159(2) ne confère à la Cour
fédérale que le pouvoir d'ordonner des procédures d'exécution
quand existe déjà un jugement cohérent De plus, la Règle
337(5) n'est d'aucune aide car elle n'autorise pas la Cour à
renvoyer l'affaire à l'arbitre pour plus ample décision Code
canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art. 155 (mod.
par S.C. 1972, chap. 18, art. 1; 1977-78, chap. 27, art. 52), art.
159 (mod. idem, art. 57)— Règle 337(5) de la Cour fédérale.
AVOCATS:
Glen Ewan pour le requérant.
N. D. Mullins, c.r., pour l'intimée.
PROCUREURS:
Pope & Ewan, Golden (C.-B.), pour le
requérant.
Contentieux, Canadien Pacifique Limitée,
Vancouver, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE COLLIER: Le requérant Berarducci
demande à la Cour d'établir le montant de l'in-
demnité payable par l'intimée, Canadien Pacifique
Limitée, par suite d'une décision arbitrale. Cette
décision a été rendue conformément à l'article 155
du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap.
L-1, mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1; 1977-78,
chap. 27, art. 52.
Le requérant était employé par la compagnie de
chemins de fer comme chef de train. Le 13 janvier
1981, il fut congédié à la suite d'un conflit avec
son employeur. L'affaire fut soumise à arbitrage
conformément à la convention collective et à l'arti-
cle 155 du Code canadien du travail. L'arbitre, J.
W. Weatherill, a rendu sa décision le 3 septembre
1982. Le dispositif de la décision ou ordonnance
arbitrale dit ceci:
[TRADUCTION] En conséquence, j'estime que le grief doit être
partiellement accueilli. Le congédiement est infirmé et le récla-
mant doit être réintégré immédiatement dans son emploi sans
perte d'ancienneté ni d'autres avantages, avec indemnité pour
perte de salaire à partir du 13 janvier 1981. Le dossier discipli-
naire du réclamant devrait constater un total de quarante
mauvaises notes, à la date de sa réintégration dans son emploi.
Comme on peut le constater, l'arbitre n'a pas
fait le calcul du montant dû au titre des pertes de
salaire du requérant. Il pensait probablement que
les parties pourraient établir sans difficulté le
montant de l'indemnité.
Un désaccord est cependant survenu entre le
requérant et l'employeur en ce qui concerne le
calcul du montant. On m'a dit que le requérant a
tenté de faire renvoyer la question à l'arbitre;
celui-ci a refusé de se prononcer, s'estimant func-
tus officio.
Par la suite, le requérant a déposé devant notre
Cour l'ordonnance ou la décision de l'arbitre, con-
formément à l'article 159 du Code canadien du
travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art. 159, mod. par
S.C. 1972, chap. 18, art. 1; 1977-78, chap. 27, art.
57, que je cite:
159. (1) Une personne ou association concernée par l'ordon-
nance ou la décision d'un arbitre ou d'un conseil d'arbitrage
peut, après l'expiration d'un délai de quatorze jours à partir de
la date de l'ordonnance ou de la décision ou de la date
d'exécution qui y est fixée, si celle-ci est postérieure, déposer à
la Cour fédérale du Canada une copie du dispositif de l'ordon-
nance ou de la décision.
(2) Dès son dépôt à la Cour fédérale du Canada effectué en
vertu du paragraphe (I), une ordonnance ou une décision d'un
arbitre ou d'un conseil d'arbitrage doit être enregistrée à la
Cour et cet enregistrement lui confère la même force et le
même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de la
Cour et toutes les procédures y faisant suite peuvent dès lors
être engagées en conséquence.
J'en viens maintenant au redressement particu-
lier sollicité de cette Cour par le requérant. Je cite:
[TRADUCTION] ... que le montant de l'indemnité payable par
la défenderesse au demandeur soit fixé à 33 569,71 $ plus
intérêts calculés à partir du 19 janvier 1982 et dépens, et que ce
montant soit payable sans délai au demandeur.
Le requérant s'appuie sur le paragraphe 159(2).
Son avocat soutient que les mots «toutes les procé-
dures» comprennent toutes les procédures nécessai-
res afin de rendre l'ordonnance exécutoire. On
propose en l'espèce que cette Cour entende la
preuve concernant le mode de calcul de l'indemnité
due au requérant.
À mon avis, le paragraphe 159(2) ne confère pas
à la Cour fédérale la compétence qu'on lui attribue
au nom du requérant. L'enregistrement à la Cour
de l'ordonnance de l'arbitre Weatherill confère à
cette décision la même force et le même effet que
s'il s'agissait d'un jugement émanant de la Cour.
Les procédures qui peuvent y faire suite sont,
d'après moi, des procédures d'exécution, mais il
faut d'abord qu'il existe un jugement cohérent
pouvant être exécuté.
Cette Cour ne peut apporter cette cohérence à la
décision en cause. La Règle 337(5), mon sens, ne
nous aide pas. Cette Règle permet à la Cour telle
qu'elle est «constituée au moment du prononcé», de
faire un nouvel examen des termes du dispositif,
pour certaines raisons particulières. À mon avis,
cette Règle ne permet pas à un juge de cette Cour
d'entendre une preuve et, en fait, de modifier ou
compléter le prononcé de l'arbitre. Elle n'autorise
pas non plus cette Cour à renvoyer l'affaire à
l'arbitre, pour plus ample décision.
Il ressort de tout cela que cette Cour est dans
l'impossibilité de venir en aide au requérant. Il se
peut que celui-ci se trouve sans recours juridique.
Si tel est vraiment le cas, cette lacune devrait être
comblée par des modifications appropriées de la loi
pertinente.
Une solution simple et pratique en l'espèce
serait, il me semble, que les parties conviennent de
renvoyer l'affaire à l'arbitre et que ce dernier
rende une décision, sur consentement, au sujet de
l'indemnité payable. Cette décision pourrait alors
être déposée et des procédures exécutoires pour-
raient alors, au besoin, être introduites.
ORDONNANCE
vu la requête déposée le 20 décembre 1982 au
nom de D. A. Berarducci, dans le but d'obtenir
une ordonnance conformément à la Règle 321, à
l'effet que «le montant de l'indemnité payable par
la défenderesse au demandeur soit fixé à
33 569,71 $ plus intérêts calculés à partir du 19
janvier 1982 et dépens, et que ce montant soit
payable sans délai au demandeur».
ORDONNANCE
La requête est rejetée.
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