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A-365-81
Sammy Parcho (Requérant) c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Ryan et le juge suppléant MacKay—Toronto, l er octobre; Ottawa, 19 octobre 1981.
Examen judiciaire Immigration Demande d'annula- tion de l'ordonnance d'exclusion Le requérant a été reconnu comme candidat dans le cadre du Programme de rectification du statut d'immigrant lancé en 1973 Le requérant n'a jamais produit un passeport en cours de validité En 1981, le requérant a tenté de traverser la frontière américaine, mais il a été arrêté et a fait plus tard l'objet d'une ordonnance d'expulsion S'appuyant sur les par. 12(1) et (2) de la Loi sur l'immigration de 1976, un agent d'immigration canadienne a établi un rapport, au motif que le requérant était un immi grant cherchant à entrer au Canada pour y établir sa résidence permanente, mais qu'il était inadmissible parce qu'il n'avait pas de passeport valide Par la suite, une ordonnance d'expulsion a été rendue, celle-ci étant fondée sur le défaut par le requérant d'avoir obtenu un visa avant de se présenter à un point d'entrée Il échet d'examiner si le requérant était tenu d'avoir un visa ou un passeport lors de son retour au Canada après une absence provisoire aux États-Unis, sa demande faite en application du Programme de rectification du statut d'immigrant lancé en 1973 n'ayant pas été définitive- ment tranchée Demande rejetée Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 9(1), 12(1),(2), 20(1), 27(2)d), 128 Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23, art. 35 Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 14(1)a).
Arrêt appliqué: Nagra c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration [1980] 2 C.F. 10. Distinction faite avec l'arrêt: Smalenskas c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration [1979] 2 C.F. 145.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
B. Knazan pour le requérant. T. James pour l'intimé.
PROCUREURS:
Knazan, Jackman & Goodman, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: La demande fondée sur l'arti- cle 28 tend à l'examen et à l'annulation de l'ordon- nance d'exclusion rendue contre le requérant le 19 juin 1981 par l'arbitre J. E. Kenney.
Le requérant, citoyen nigérien, est venu au Canada pour la première fois en 1972 à titre de visiteur non-immigrant. Plus tard, il s'est inscrit et a été provisoirement reconnu comme candidat dans le cadre du Programme de rectification du statut d'immigrant lancé en 1973 (ci-après appelé le Programme d'amnistie de l'immigration de 1973), et ce, en vue d'établir une résidence perma- nente au Canada. Le requérant a satisfait aux premiers critères d'admissibilité de ce Programme. Il a subi l'examen médical habituel et obtenu l'autorisation ministérielle d'exercer librement au Canada un emploi durant l'instruction de sa demande. Il restait seulement une condition à rem- plir par le requérant avant le parachèvement de sa demande, savoir, la production d'un passeport en cours de validité, son premier passeport nigérien ayant été auparavant perdu.
Les agents d'immigration de Toronto qui ins- truisaient cette demande ont conseillé au requérant de continuer à essayer de se procurer un passeport et la demande est demeurée en suspens bien au- delà de 1973. Il n'a jamais réussi à obtenir un passeport nigérien. Le consulat nigérien à Ottawa exigeait un garant, et comme le requérant n'avait aucun parent vivant au Nigéria, il n'a pas pu en obtenir un. Le 27 octobre 1975, le requérant a été déclaré coupable, au Canada, d'exhibitionnisme. La Couronne l'a poursuivi par voie de poursuite sommaire et la peine imposée a été de six mois d'emprisonnement avec sursis et probation. Le requérant n'a pas comparu devant la Commission après 1976, ne pouvant toujours pas obtenir un passeport. Le 25 juin 1980, le requérant a été déclaré coupable de possession illégale d'haschisch. Le 17 décembre 1980, sur le fondement de la condamnation pour exhibitionnisme en 1975, un rapport a été établi conformément à l'article 27 de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, alléguant que le requérant était non admissible en vertu de l'alinéa 27(2)d) de la Loi sur l'immi- gration de 1976. La date de l'enquête a été fixée au 11 mai 1981. Le 3 mai 1981, le requérant a
tenté d'aller à Buffalo (New York), aux États- Unis, pour remettre une demande de passeport nigérien à un ami qui partait pour le Nigéria le lendemain, ce dernier lui ayant fait savoir qu'il ne prendrait la demande que si le requérant la lui remettait aux États-Unis. A la frontière améri- caine, le requérant s'est prétendu citoyen canadien; les autorités américaines lui ont pourtant refusé l'admission, et il a été arrêté et mis en libération conditionnelle aux États-Unis. Le 8 mai 1981, un juge de l'immigration américaine ayant rendu une ordonnance d'expulsion contre lui, le requérant s'est présenté par la suite à la frontière canadienne en vue de son admission au Canada. S'appuyant sur les paragraphes 12(1) et 12(2) de la Loi sur l'immigration de 1976', un agent d'immigration canadienne a établi un rapport conformément au paragraphe 20(1), au motif que le requérant était un immigrant cherchant à entrer au Canada pour y établir sa résidence permanente, mais qu'il était inadmissible parce qu'il n'avait ni passeport, ni visa, ni de preuve qu'il disposait de ressources financières suffisantes. Par suite du rapport (sus- mentionné) fondé sur l'article 20, il y eut une enquête, au terme de laquelle l'arbitre Kenney a rendu l'ordonnance d'exclusion attaquée. Celle-ci était fondée, en premier lieu, sur le défaut par le requérant d'avoir demandé et obtenu un visa avant de se présenter à un point d'entrée, comme le prévoit le paragraphe 9(1) de la Loi, et en second lieu, sur le fait qu'il n'était pas en possession, comme l'exige l'alinéa 14(1)a) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, d'un pas- seport nigérien valide.
La seule attaque du requérant contre la légalité de l'ordonnance d'exclusion se fonde sur la déci- sion rendue par cette Cour dans l'affaire Smalenskas c. Le ministre de l'Emploi et de l'Im- migrations. Selon cet argument, puisque le requé-
Lesdits paragraphes 12(1) et 12(2) sont ainsi conçus:
12. (1) Toute personne désireuse d'entrer au Canada, doit se présenter devant un agent d'immigration à un point d'en- trée ou à tout autre endroit désigné par un agent d'immigra- tion supérieur; après examen, l'agent d'immigration déter- mine si la personne doit être autorisée à entrer au Canada ou si elle peut obtenir l'admission.
(2) Pour l'application du présent article, toute personne désireuse de retourner au Canada, que son séjour en pays étranger ait été autorisé ou non, est réputée désireuse d'en- trer au Canada.
2 [1979] 2 C.F. 145.
rant avait fait une demande de résidence perma- nente en application du Programme d'amnistie de l'immigration de 1973, et que les autorités de l'Immigration n'avaient jamais définitivement statué sur cette demande, les paragraphes 12(1) et (2), précités, de la Loi ne lui étaient pas applica- bles et il n'était donc pas tenu d'avoir un visa ou un passeport lors de son retour au Canada après une absence temporaire aux États-Unis.
Dans l'affaire Smalenskas (susmentionnée), il a été décidé qu'une personne qui, admissible à s'ins- crire, s'était inscrite dans le cadre du Programme d'amnistie de l'immigration de 1973, devenait membre d'une catégorie ayant droit à un traite- ment de faveur qui, généralement, n'était pas accordé aux autres immigrants, et que cette per- sonne tombait dans la catégorie d'«immigrant réputé». La Cour a, par conséquent, jugé que l'arbitre avait commis une erreur en droit en con- cluant que, du simple fait qu'il avait quitté le Canada, le requérant avait automatiquement perdu le statut ou l'avantage qu'il avait acquis en vertu du Programme d'amnistie de l'immigration de 1973. Elle a estimé que le requérant avait droit à une décision définitive à l'égard de sa demande faite dans le cadre du programme d'amnistie (en l'absence d'une preuve d'abandon par lui de cette demande), et qu'entre-temps, il conservait son statut d'immigrant réputé, dont il ne serait pas automatiquement déchu par suite d'une courte visite aux Etats-Unis.
A mon avis, une distinction peut être établie, sur la base des faits, avec l'affaire Smalenskas sus- mentionnée. Les deux visites aux États-Unis faites par Smalenskas ont eu lieu en 1975. En l'espèce, la visite du requérant aux États-Unis s'est produite en 1981.
Le Programme de rectification du statut d'im- migrant est entré en vigueur en vertu de la Loi modifiant la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, S.C. 1973-74, c. 27. La Loi sur la Commission d'appel de l'immigration a été abro- gée par l'article 128 de la Loi sur l'immigration de 1976, qui est entrée en vigueur le 10 avril 1978. Donc, le statut spécial dont jouissait le requérant en vertu du Programme d'amnistie de l'immigra-
tion de 1973 a pris fin le 10 avril 1978, moins
qu'on puisse affirmer que l'article 35 de la Loi d'interprétation 3 modifie la situation. A mon avis, cet article n'est d'aucun recours au requérant, puisqu'il n'a acquis aucun droit ou privilège en vertu du Programme d'amnistie de l'immigration de 1973. S'il avait été en mesure de remplir la condition suspensive qui restait (c.-à-d. un passe- port valide), alors on pourrait peut-être dire qu'il avait acquis le droit à une décision définitive à l'égard de sa demande. Il s'agit d'un autre fait qui distingue l'espèce de l'affaire Smalenskas (précitée), il n'existait aucune condition suspen- sive non remplie empêchant la Commission de rendre une décision à l'égard de la demande d'am- nistie. En l'espèce, les faits sont, à mon avis, quelque peu analogues à ceux de l'affaire Nagra c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration 4 , la Cour a jugé qu'une personne qui, en vertu du paragraphe 7(3) de la Loi sur l'immigration de 1952, S.R.C. 1952, c. 325 (abrogée le 10 avril 1978), aurait été réputée une personne cherchant à être admise au Canada, n'acquérait, sous le régime de ce paragraphe, aucun «droit» ou «privilège», au sens de l'article 35 de la Loi d'interprétation (sus- mentionnée). Comme dans l'affaire Nagra (préci- tée), j'estime que le requérant en l'espèce a, après l'abrogation du programme d'amnistie, perdu tout statut spécial qu'il avait acquis en vertu de ce programme, et qu'il était donc dans la même situation que n'importe quel autre immigrant cher- chant à entrer au Canada. Partant de là, j'estime que l'arbitre n'a commis aucune erreur en rendant l'ordonnance d'exclusion.
Par ces motifs, il y a lieu de rejeter la demande
fondée sur l'article 28.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris aux motifs
ci-dessus.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris aux motifs ci-dessus.
3 L'article 35 de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. 1-23 porte notamment:
35. Lorsqu'un texte législatif est abrogé en tout ou en partie, l'abrogation
c) n'a pas d'effet sur quelque droit, privilège, obligation ou responsabilité acquis, né, naissant ou encouru sous le régime du texte législatif ainsi abrogé;
4 [1980] 2 C.F. 10.
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