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T-4275-82
Municipalité de la ville d'Edmonton (requérante) c.
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunica- tions canadiennes (intimé)
Division de première instance, juge en chef adjoint Jerome—Edmonton, 18 juin; Ottawa, 15 octobre 1982.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari Demande fondée sur l'art. 18 visant à obtenir un bref de certiorari, un bref de prohibition et un bref de mandamus en vue d'annuler une décision d'interdire à l'intimé de rendre une décision avant que la requérante ne soit entendue et d'ordonner que l'intervention soit entendue La requérante a déposé un avis de son intention d'intervenir au cours de l'audience tenue par l'intimé au sujet de la demande de QCTV visant à faire modifier sa licence L'intimé a accusé réception du dépôt, invité la requérante à assister à l'audience publique et fait savoir qu'elle rendrait une décision finale au sujet de l'inter- vention au moment de l'audience Pour intervenir, la requé- rante s'est fondée sur l'autorisation accordée par une résolu- tion de son conseil municipal La résolution du conseil a été annulée par une ordonnance de la Cour du Banc de la Reine avant que la demande de QCTV ne soit entendue Au début de l'audience, l'intimé a jugé qu'en raison de l'ordonnance de la Cour du Banc de la Reine, la requérante n'était pas autori- sée à intervenir En rendant cette décision, l'intimé a-t-il excédé la compétence que lui confère l'art. 19(7) de la Loi sur la radiodiffusion et les art. 13 à 17 des Règles de procédure du
CRTC? L'art. 19(7) confère à l'intimé les pouvoirs, droits et privilèges d'une cour supérieure d'archives lorsqu'il tient une
audience publique en vertu de cet article Les art. 13 à 17 des Règles prescrivent les conditions d'admissibilité d'une intervention au cours d'une telle audience Loi sur la radio- diffusion, S.R.C. 1970, chap. B-11, art. 19(7) Règles de procédure du CRTC, C.R.C., chap. 375, art. 13, 14, 15, 16, 17 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 18.
AVOCATS:
J. H. Pratt pour la requérante.
K. Katz pour l'intimé.
F. Slatter et L. A. Desrochers (McCuaig Des-
rochers, Edmonton) pour Capital Cable TV.
V. Lopatka (Rowand, Lopatka & Savich, Edmonton) et L. Callaghan (a/s de QCTV Ltd., Edmonton) pour QCTV Ltd.
PROCUREURS:
Service du contentieux de la ville d'Edmon- ton, Edmonton, pour la requérante.
K. Katz, a/s du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Hull, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: La pré- sente demande a été entendue à Edmonton (Alberta) le 18 juin 1982. Invoquant l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, la requérante vise à obtenir, à l'aide d'une ordonnance:
a) un bref de certiorari en vue d'annuler une décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) qui interdit à la requérante d'intervenir dans un certain nombre de demandes;
b) un bref de prohibition en vue d'interdire au CRTC de rendre une décision avant que la requérante ne soit entendue;
c) un bref de mandamus en vue d'obliger le CRTC à entendre l'intervention de la requé- rante.
Les faits sont simples et non contestés. Le 10 juin 1982, le CRTC a convoqué une audience publique au sujet d'une demande présentée par QCTV Limited (QCTV) visant à faire modifier sa licence et majorer ses tarifs mensuels maximums et ses frais d'installation maximums. Le 19 mai 1982, les procureurs de la ville d'Edmonton ont déposé et signifié au CRTC un avis de leur inten tion d'intervenir dans la demande de QCTV. Dans un télex en date du 31 mai 1982 il accusait réception de l'avis, le Conseil a fait savoir à l'inter- venante qu'elle ne rendrait une décision finale au sujet de l'intervention projetée qu'au moment de l'audience. Dans une lettre en date du 28 mai 1982, la requérante QCTV a répliqué à l'interven- tion de la ville d'Edmonton en contestant certaines allégations avancées par cette dernière et plus particulièrement en mettant en doute l'autorisation en vertu de laquelle la ville d'Edmonton prétendait comparaître. A cet égard, voici la résolution adop- tée par le conseil municipal d'Edmonton en date du 25 mai 1982:
[TRADUCTION] Il est résolu que le conseil municipal d'Edmon- ton, agissant à titre de représentant de ses citoyens, autorise le procureur de la ville à intervenir dans les demandes en question
au nom des abonnés actuels et futurs de QCTV Ltd. et de Capital Cable T.V. Ltd. qui résident dans la ville d'Edmonton.
Par suite d'une demande présentée à la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta par un certain David S. Rowand, le juge John A. Agrios a rendu, le mercredi 9 juin 1982, une ordonnance qui annulait la résolution.
Lorsque le CRTC a convoqué son audience à Edmonton le 10 juin 1982, on a attiré son atten tion sur l'ordonnance du juge Agrios et son prési- dent a invité QCTV et la ville d'Edmonton à faire des représentations au sujet du statut de l'interve- nante. Après un bref ajournement pendant lequel il a examiné les arguments, le président a rendu la décision suivante:
[TRADUCTION] Ayant examiné attentivement l'ordonnance du juge Agrios rendue le 9 juin 1982 ainsi que les arguments présentés aujourd'hui, 10 juin 1982, par l'avocat de QCTV Ltd. et par celui de la ville d'Edmonton, le Conseil décide que l'intervention, telle que produite, doit être rayée du dossier, que la ville d'Edmonton ne peut donc comparaître à titre d'interve- nante dans la demande de QCTV Ltd. et que l'ordonnance du juge Agrios doit être consignée dans le dossier public.
La responsabilité du CRTC concernant les audiences publiques et l'intervention des parties intéressées est régie par le paragraphe 19(7) de la Loi sur la radiodiffusion' et par les articles 13 à 17 des Règles de procédure du CRTC, C.R.C., chap. 375, adoptées en application de ladite Loi. Le paragraphe 19(7) prévoit ce qui suit:
19....
(7) Le Conseil possède, quant à toute audition publique en vertu du présent article, en ce qui a trait à la comparution, la prestation de serment et l'interrogatoire des témoins à cette audition, la production et l'examen de documents, l'exécution de ses ordonnances, l'accès aux biens et leur inspection et à toute autre chose nécessaire ou opportune en ce qui concerne une telle audition, tous les pouvoirs, droits et privilèges qui sont reconnus à une cour supérieure d'archives.
Les articles pertinents des Règles stipulent ce qui suit:
13. Toute personne, sauf le requérant, qu'intéresse une demande ou qui veut faire une plainte ou des représentations que le Conseil aura jugé être une intervention, peut déposer auprès du Conseil une intervention dans le but d'appuyer une demande, de s'y opposer ou de la modifier.
1 S.R.C. 1970, chap. B-11.
14. (1) Une intervention doit
a) faire état de l'intérêt de l'intervenant;
b) comporter un exposé clair et succinct des faits et de; motifs pour lesquels l'intervenant appuie la demande, s'} oppose ou propose de la modifier;
c) être divisée en paragraphes numérotés consécutivement. chacun se rapportant, autant que possible, à un seul point essentiel;
d) porter le nom, l'adresse et le numéro de téléphone de l'intervenant et, selon le cas, de son mandataire;
e) porter la signature de l'intervenant ou de son mandataire; J) si elle est signée par le mandataire de l'intervenant, être accompagnée d'une copie du document par lequel le manda- taire a été nommé, document qui doit être établi selon la formule indiquée à l'annexe I;
g) comporter une liste de tous les documents qui peuvent servir à expliquer ou à appuyer l'intervention;
h) indiquer si l'intervenant veut comparaître ou non; et
i) être déposée auprès du Conseil avec copie des documents visés à l'alinéa g).
(2) L'intervenant doit signifier une copie conforme de son intervention au requérant intéressé et à toutes les autres person- nes que le Conseil peut désigner.
15. L'intervention doit être déposée et signifiée au moins 20 jours avant la date d'ouverture de l'audience indiquée dans l'avis publié selon le sous-alinéa 4(2)b)(1), sauf si l'avis contient une indication contraire ou si le Conseil en décide autrement.
16. Dans les 10 jours qui suivent la date de la signification d'une intervention conformément au paragraphe 14(2), le requérant peut expédier par la poste ou remettre au secrétaire une réplique dont il doit signifier une copie conforme à l'intervenant.
17. (1) Dans sa réplique, le requérant peut s'opposer à l'intervention comme étant insuffisante, indiquer les motifs de son opposition et il peut admettre ou nier certains faits ou tous les faits allégués dans l'intervention.
(2) La réplique doit porter la signature du requérant ou celle de son mandataire, et dans le cas elle est signée par le mandataire, elle doit être accompagnée d'une copie conforme du document par lequel le mandataire a été nommé, document qui doit être établi selon la formule indiquée à l'annexe I.
Les règles de procédure prévoient le cas il y aurait désaccord sur la question de savoir ce qui constitue une intervention légitime et il est clair que l'article 13 prévoit une décision préliminaire du CRTC. A cet égard, le paragraphe 19(7) de la Loi sur la radiodiffusion confère au CRTC un
pouvoir identique à celui d'une cour supérieure. Il ne s'agit pas en l'espèce de savoir si la ville d'Ed- monton a l'intérêt voulu pour intervenir mais plutôt si elle a l'autorisation voulue pour le faire. Les avocats ont admis, ce qui, de toute façon,
constitue une règle de droit bien établie, qu'une municipalité est une création de la loi et qu'elle ne peut agir à titre de représentant qu'en vertu d'une résolution ou d'un règlement. Dans la présente affaire, le conseil municipal d'Edmonton a tenté d'autoriser l'intervention en adoptant une résolu- tion. Celle-ci fut annulée par une ordonnance de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta. Au moment de l'audience du CRTC, personne n'avait encore attaqué cette ordonnance. La présente ins tance n'est évidemment pas un appel de l'ordon- nance de la Cour du Banc de la Reine ni, ce qui est plus significatif, de la décision du CRTC. Il s'agit plutôt d'une demande d'obtention d'un bref de prérogative fondée sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale pour le motif que le Conseil a outrepassé ses pouvoirs. Au reçu de l'avis par lequel la ville d'Edmonton manifestait son inten tion d'intervenir, le Conseil a accusé réception de l'avis, invité la ville à comparaître lors de l'au- dience publique et indiqué qu'elle rendrait alors une décision finale sur l'admissibilité de l'interven- tion. Ayant été avisé, au début de l'audience, de l'ordonnance de la Cour du Banc de la Reine annulant la résolution qui visait à autoriser l'inter- vention de la ville, le Conseil a entendu les argu ments des deux parties et il a ensuite rendu une décision préliminaire refusant à la ville d'Edmon- ton le droit de comparaître. Ce faisant, le CRTC a agi dans les limites de la compétence et en confor- mité avec les pouvoirs qui lui sont attribués par les dispositions législatives susmentionnées.
Par conséquent, la demande est rejetée avec dépens.
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