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T-802-76
Willard James Leach et Verla Fern Leach (Demandeurs)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge suppléant Grant—Toronto, 4 mai et 19 octobre 1981.
Expropriation Jugement avait été rendu en faveur des demandeurs en vertu du par. 24(6) de la Loi sur l'expropria- tion: ceux-ci avaient droit à une indemnité plus l'intérêt au taux de base, conformément au par. 33(2) Le paragraphe 33(2) vise les cas une offre n'a pas été acceptée Les demandeurs avaient accepté des offres et ils avaient reçu l'argent La première offre de la Couronne était inférieure à 90% de la valeur du droit exproprié des demandeurs; mais si l'on y ajoute les deux offres ultérieures, on arrive à une somme qui est bien supérieure à ce pourcentage D'après les deman- deurs, ils ont droit, en application de l'al. 33(3)b), à un intérêt au taux de 5% l'an sur la totalité de l'indemnité; ils préten- dent en effet que la première offre «envoyée+ et accompagnée de l'évaluation était la seule offre qui doive être prise en considération pour déterminer si le montant de l'offre est inférieur à 90% de l'indemnité, parce que les offres ultérieures n'étaient pas accompagnées d'évaluation écrite !l échet d'examiner si une évaluation écrite doit accompagner toute offre de sommes additionnelles Il faut déterminer si les demandeurs ont droit à l'intérêt prévu à l'al. 33(3)b) Il s'agit de déterminer si l'intérêt visé à l'al. 33(3)a) doit être calculé sur la base de la totalité de l'indemnité depuis la date de l'offre Les demandeurs ont droit à l'intérêt prévu à l'al. 33(3)a) Loi sur l'expropriation, S.R.C. 1970 (let Supp.), c. 16, art. 14(1), 24(2),(3),(6), 33(1),(2),(3).
Arrêt suivi: Cotton c. La Reine (1976) 10 L.C.R. 350 (C.A.F.).
ACTION. AVOCATS:
R. L. K. Smith, c.r., pour les demandeurs.
T. Dunne et E. J. Forster pour la défende-
resse.
PROCUREURS:
Blaney, Pasternak, Smela & Watson, Toronto, pour les demandeurs.
McTaggart, Potts, Stone, Winters & Her- ridge, Toronto, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT GRANT: Dans cette action, j'ai déjà prononcé les motifs de jugement le 26
août 1981. J'y ai jugé que les demandeurs, en vertu du paragraphe 24(6) de la Loi sur l'expro- priation, S.R.C. 1970 (1" Supp.), c. 16, avaient droit à la somme de $150,000, plus l'intérêt au taux de base, conformément au paragraphe 33(2) de la Loi et ce, jusqu'au 31 décembre 1976 seule- ment, après déduction des sommes qu'ils avaient reçues ou qui avaient été versées à leur nom. Depuis lors, j'ai entendu les avocats au sujet de l'allocation des intérêts et des frais. C'est à tort que j'ai indiqué que cet intérêt était payable en application du paragraphe 33(2), ce dernier visant les cas «une offre n'a pas été acceptée», au sens que donne la Loi à cette expression. Le paragraphe 33(3) est la disposition applicable à l'intérêt à allouer en l'espèce, puisque les demandeurs avaient accepté les offres et qu'ils avaient reçu l'argent.
Ce paragraphe est ainsi conçu:
33....
(3) Lorsqu'une offre a été acceptée, un intérêt est payable par la Couronne depuis la date de l'offre jusqu'à la date du prononcé du jugement,
a) au taux de base, sur le montant par lequel l'indemnité dépasse le montant de l'offre, et, par surcroît,
b) au taux de cinq pour cent l'an sur l'indemnité, si le montant de l'offre est inférieur à quatre-vingt-dix pour cent de l'indemnité;
et, lorsqu'une offre a été acceptée après la date de la possession, l'intérêt est payable sur l'indemnité, au taux de base, depuis la date de la possession jusqu'à la date de l'offre.
Il est énoncé au paragraphe 33 (1) que dans cet article portant sur l'intérêt, le mot «offre» désigne une offre faite en vertu de l'article 14, et que la «date de l'offre» désigne le jour cette offre a été acceptée.
Le paragraphe 14(1) décrit l'avis que le Minis- tre doit envoyer à toute personne qui a droit à une indemnité en vertu de cette Partie comme «une offre [par écrit] d'indemnité d'un montant que le Ministre estime égal à l'indemnité à laquelle cette personne peut alors prétendre en vertu de la pré- sente Partie». [C'est moi qui souligne.]
D'après les demandeurs, ils ont droit, en appli cation de l'alinéa 33(3)b) (susmentionné), à un intérêt au taux de 5% l'an sur la totalité de l'in- demnité. Ils prétendent en effet que la première offre «envoyée» en avril 1973 et accompagnée de l'évaluation était inférieure à 90% de l'indemnité allouée par cette Cour, et que cette offre seulement doit être prise en considération pour déterminer si
le montant de l'offre est inférieur à quatre-vingt- dix pour cent de l'indemnité. Toujours selon les demandeurs, les sommes additionnelles offertes par la suite ne sauraient être considérées comme faisant partie de l'offre, puisque aucune nouvelle évaluation écrite justifiant l'augmentation n'a accompagné ces sommes additionnelles et, par con- séquent, on ne saurait les considérer comme des offres visées à l'article 14, au sens de la définition du mot «offre» (précitée). Il convient de noter que la première offre de $63,465 faite par la Couronne en avril 1973 était inférieure à 90% de la valeur du droit exproprié des demandeurs, qui s'élevait à $100,289.57; mais si l'on y ajoute les deux offres ultérieures, on arrive à la somme de $93,090.43, qui est bien supérieure à ce pourcentage.
Dans l'affaire Cotton c. La Reine (1976) 10 L.C.R. 350 (C.A.F.), à la page 358, le juge Urie a statué sur une prétention semblable en considérant une telle offre supplémentaire comme une modifi cation de l'offre originaire visée à l'article 14. Il dit ceci: «cet article n'interdit pas au Ministre de modifier son offre et, le cas échéant, il ne l'oblige pas à envoyer une nouvelle évaluation.»
Il ne serait pas pratique d'exiger du Ministre qu'il envoie une nouvelle évaluation écrite aux demandeurs chaque fois qu'il augmente l'offre de règlement. La première offre, qui, selon les exigen- ces de cet article, doit être envoyée dans les 90 jours qui suivent l'enregistrement de l'avis d'expro- priation n'est qu'un montant calculé approximati- vement par le Ministre à l'époque. Il se peut qu'il n'ait reçu aucune nouvelle évaluation et qu'il aug- mente le montant que la Couronne est disposée à payer seulement parce que de nouveaux éléments l'amènent à le faire. Il se peut aussi qu'il le fasse pour éviter un procès.
Les demandeurs ne seront en mesure de calculer le montant minimum suffisant pour leur permettre de se réinstaller dans ou sur des lieux raisonnable- ment équivalant aux lieux expropriés qu'au moment de l'acquisition. Ce moment est déterminé par le paragraphe 24(6) comme suit:
24. (6) ...
a) soit au moment lui est fait le paiement d'une indemnité relative au droit autrement qu'en conformité d'une offre à lui faite en vertu de l'article 14,
b) soit au moment la Couronne a eu le droit de prendre matériellement possession ou de faire usage de l'immeuble dans les limites du droit exproprié,
en prenant de ces deux dates celle qui est antérieure à l'autre,
En l'espèce, l'alinéa b) s'applique et la date est le 30 mai 1975. Il appert donc que l'indemnité visée à l'alinéa 33(3)b) (susmentionné) est celle qui est établie en déterminant la valeur du droit exproprié conformément aux paragraphes 24(2) et (3) de la Loi, et n'a rien à voir avec la somme visée au paragraphe 24(6), soit le montant requis pour permettre aux demandeurs de se réinstaller dans une résidence équivalente.
On ne pouvait s'attendre à ce que le Ministre estimât le coût de la nouvelle résidence des deman- deurs et fonde sa première offre sur ce prix dans son offre faite conformément à l'article 14. Cela est confirmé par l'emploi du terme «alors» à l'arti- cle 14, lorsqu'il est fait mention de l'estimation de l'indemnité que le Ministre doit faire et envoyer aux demandeurs, indemnité «à laquelle cette per- sonne peut alors prétendre». [C'est moi qui souligne.]
Par conséquent, je suis convaincu que les demandeurs n'ont pas droit à l'intérêt de pénalité prévu à l'alinéa 33(3)b) de la Loi.
Selon les demandeurs, l'intérêt auquel ils ont droit sous le régime de l'alinéa 33(3)a) doit être calculé sur la base de la totalité de la valeur attribuée à leur droit depuis la date de l'offre lors même qu'ils ont reçu le versement des sommes y mentionnées. Il serait très étrange si un deman- deur était en droit de recouvrer l'intérêt sur cette partie de l'indemnité qu'il a déjà reçue. Voici la définition que donne du mot «interest» (intérêt) The Shorter Oxford English Dictionary: [TRA- DUCTION] «Somme payée pour l'usage de l'argent prêté (le capital) ou pour la prorogation de l'échéance d'une dette, selon un taux fixé .. .».
A mon avis, ce paragraphe est tout à fait clair: sous son régime, l'intérêt est payable, au taux de base, seulement depuis la date de l'acceptation de l'offre de la Couronne et sur le montant par lequel l'indemnité totale adjugée par la Cour dépasse le montant de l'offre faite par la Couronne à cette date.
Bien que leurs demandes initiales et celles expo sées dans la déclaration fussent, à mon avis, dérai- sonnables, les demandeurs ont précisé à l'ouverture de l'instruction qu'ils ne réclamaient que les
sommes auxquelles leurs experts cités comme témoins étaient arrivés dans leur évaluation de la propriété. On a déjà pénalisé les demandeurs en les privant d'intérêt après le 31 décembre 1976. Compte tenu de ce fait, j'estime qu'il y a lieu de leur adjuger les frais sur une base procureur-client.
Outre le redressement accordé dans mes motifs de jugement en date du 26 août dernier, j'ordonne que les demandeurs auront droit à l'intérêt prévu à l'alinéa 33(3)a) de la Loi, calculé de la manière indiquée ci-dessus et qui s'élève à la somme de $11,389.34, plus les frais taxés sur une base procureur-client.
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