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A-440-81
Le procureur général du Canada (requérant)
c.
Karen Sharpe et autres (intimés)
Cour d'appel, juges Heald et Urie, juge suppléant Kerr—Ottawa, 27 mai et 22 juin 1982.
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Commission de la Fonction publique Appels, fondés sur l'art. 21b) de la Loi, contre la mutation latérale à un nouveau poste d'une personne qui ne figurait pas sur la liste d'admissibilité à des postes dans la zone prescrite Pendant la durée de validité de la liste d'admissibilité, la Commission ne peut muter une personne à un poste semblable à celui qu'elle occupe déjà sans tenir compte de cette liste Demande rejetée Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 8, 10, 13, 17, 18, 21 Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, C.R.C., chap. 1337, art. 5, 21 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2eSupp.), chap. 10, art. 28.
En l'espèce, des personnes estimant que leurs chances d'avan- cement avaient été amoindries ont fait appel, en vertu de l'alinéa 21b) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, à l'encontre de la nomination de Dorothy Tickner sans con- cours. La Commission de la Fonction publique a tenu un concours restreint, limité aux employés dans le district de Barrie, par suite duquel a été établie une liste d'admissibilité à des postes qui allaient devenir vacants. Tickner travaillait à Guelph, mais a demandé une mutation latérale à Owen Sound qui se trouve dans le district de Barrie. Elle a été affectée à un poste qui venait d'être créé à Owen Sound. Comme elle a été mutée d'un endroit hors de la zone du concours normale, la Commission de la Fonction publique a exigé que des avis d'appel soient affichés. L'autorisation de nommer Tickner a été accordée, sous réserve du droit d'appel des intimés, qui figu- raient sur la liste d'admissibilité. L'appel des intimés a été accueilli, d'où la demande d'examen.
Arrêt: la demande est rejetée. Une fois la liste d'admissibilité établie, la Commission de la Fonction publique ne peut en droit négliger d'en tenir compte et mettre dans un poste une personne qui n'a pu participer au concours. Si elle le faisait, cela amoindrirait les chances d'avancement des personnes qui ont participé de bonne foi au concours et dont les noms figurent sur la liste. Par la mutation latérale, on a contourné d'une façon volontaire, même si tout à fait compréhensible, les règles établies pour assurer le respect du principe du mérite.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Kelso c. Sa Majesté la Reine, [1981] 1 R.C.S. 199.
DEMANDE de contrôle judiciaire. AVOCATS:
Walter L. Nisbet, c.r., pour le requérant. Maurice W. Wright, c.r. et A. J. Raven pour les intimés.
Dorothy Tickner (en personne) pour l'intéres- sée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'une demande, fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, d'examen et d'annulation d'une décision du Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique rendue par suite d'un appel formé en vertu de l'article 21 dela Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, contre la sélection d'une nommée Dorothy Tickner comme PM-2, conseiller en emploi, Commission de l'emploi et de l'immi- gration du Canada, Owen Sound (Ontario).
Voici les faits pertinents:
Vers le 17 avril 1980, la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada («la Commission») a annoncé la tenue d'un concours restreint en vue de pourvoir à des postes de PM-2, conseiller en emploi, car on prévoyait des vacances dans le district de Barrie de la Commission. Par suite du concours, on a établi une liste d'admissibilité. Quatre des intimés en l'espèce, savoir Karen Sharpe, Gertrude Dickson, Dorothy Howell et Patricia Sylvester, se sont classées respectivement deuxième, troisième, cinquième et sixième sur cette liste.
Après l'établissement de la liste d'admissibilité, un poste de PM-2, conseiller en emploi, est devenu vacant au bureau de Parry Sound de la Commis sion. Chacun des trois premiers candidats sur la liste s'est vu offrir le poste mais l'a refusé de sorte qu'il a été offert au candidat occupant le qua- trième rang sur la liste, qui l'a accepté.
Dorothy Tickner avait occupé un poste de PM-3, conseiller chargé des programmes spéciaux, au Centre de main-d'oeuvre du Canada d'Hamil- ton (Ontario). Le 8 mars 1978, Mme Tickner avait présenté une demande de mutation latérale au Centre de main-d'oeuvre du Canada d'Owen Sound, donnant pour motif que son mari envisa- geait de prendre sa retraite le mois suivant pour établir sa résidence à leur maison à Owen Sound et qu'elle voulait l'y accompagner. Vu l'impossibilité d'effectuer la mutation en question, Mme Tickner a, de temps à autre, renouvelé sa demande de mutation et, le 19 mai 1980, a volontairement accepté une rétrogradation pour assumer un poste de PM-2, conseiller en emploi, au Centre de main- d'oeuvre du Canada de Guelph parce que cela diminuait le temps qu'elle devait consacrer chaque semaine au déplacement entre son lieu de travail et son domicile à Owen Sound. Malgré cette nomina tion, Mme Tickner a continué à présenter des demandes de mutation au poste à Owen Sound. Le 2 juin 1981, elle a été affectée à un poste qui venait d'être créé au Centre d'emploi du Canada d'Owen Sound.
Il est à noter que Guelph ne se trouve pas dans le district de Barrie de la Commission et que le concours aboutissant à l'établissement de la liste d'admissibilité susmentionnée se limitait aux employés dans le district de Barrie. Mme Tickner n'était donc pas admissible au concours et, par conséquent, son nom ne figurait pas ni n'a pu figurer sur la liste d'admissibilité. Il convient éga- lement de noter, et on ne conteste pas ce fait, que Mme Tickner est une employée estimée et très compétente dont on n'a mis en doute ni les qualités ni la capacité d'accomplir les devoirs liés au poste à Owen Sound. Comme M me Tickner a été mutée d'un endroit hors de la zone du concours normale, la Commission de la Fonction publique a exigé que des avis d'appel soient affichés, à moins que la Commission ne puisse la convaincre qu'il y avait des raisons d'humanité suffisantes militant en faveur du non-respect des droits d'appel et que les chances d'avancement des employés dans la zone du concours n'avaient pas été amoindries. Il appert qu'on n'a pas convaincu la Commission de la Fonction publique et il y a eu confirmation du droit d'appel des intimés en l'espèce. D'après une déclaration que la Commission a produite en preuve, l'autorisation de nommer M me Tickner au
poste à Owen Sound a été donnée le 28 mai 1981, sous réserve de tout appel qui pouvait être formé dans le délai prescrit.
La Commission de la Fonction publique a établi un Comité d'appel sous la présidence d'Anna Ste- venson, c.r., qui, le 23 juillet 1981, a rendu la décision par laquelle elle a accueilli les appels des intimés. La présente demande fondée sur l'article 28 attaque cette décision.
Chacune des parties reconnaît qu'il y a deux questions litigieuses:
(1) Le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique a-t-il commis une erreur en concluant qu'une fois établie une liste d'admissi- bilité à des postes au niveau PM -2, la Commis sion ne pouvait muter de préférence aux person- nes figurant sur la liste d'admissibilité un employé dont le nom n'y figurait pas? et
(2) Subsidiairement, la mutation projetée de Dorothy Tickner était-elle une «nomination» au sens de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, de sorte que les intimés pouvaient en appeler de la sélection de Mme Tickner pour combler le poste de PM -2, conseiller en emploi, qui venait d'être créé au Centre d'emploi du Canada de Barrie (Ontario)?
Les articles 8, 10, 13, 17, 18 et 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique («la Loi») sont pertinents relativement aux questions soulevées en l'espèce. En voici le texte:
8. Sous réserve de la présente loi, la Commission possède de façon exclusive le droit et l'autorité de nommer à des postes de la Fonction publique des personnes qui sont déjà membres de la Fonction publique ou qui n'en font pas partie, dont aucune autre loi du Parlement n'autorise ou ne prévoit la nomination.
10. Les nominations à des postes de la Fonction publique, faites parmi des personnes qui en sont déjà membres ou des personnes qui n'en font pas partie, doivent être faites selon une sélection établie au mérite, ainsi que le détermine la Commis sion. La Commission les fait à la demande du sous-chef en cause, à la suite d'un concours, ou selon telle autre méthode de sélection du personnel établie afin de déterminer le mérite des candidats que la Commission estime la mieux adaptée aux intérêts de la Fonction publique.
13. Avant de tenir un concours, la Commission doit
a) déterminer la région les postulants sont tenus de résider afin d'être admissibles à une nomination; et
b) dans le cas d'un concours restreint, déterminer la partie, s'il en est, de la Fonction publique, ainsi que la nature des fonctions et le niveau des postes, s'il en est, les candidats éventuels doivent obligatoirement être employés afin d'être admissibles à une nomination.
17. (1) Parmi les candidats qualifiés inscrits à un concours, la Commission doit choisir ceux qui occupent les premiers rangs et placer leurs noms sur une ou plusieurs listes, dites listes d'admissibilité, selon qu'elle l'estime nécessaire pour suppléer à une vacance ou à des vacances anticipées.
(2) Toute liste d'admissibilité est valide pour la période de temps que la Commission peut fixer dans chaque cas ou classe de cas.
(3) En établissant une liste d'admissibilité dans le cas d'un concours restreint, la Commission doit y inscrire les candidats qualifiés par ordre de mérite.
(4) En établissant une liste d'admissibilité dans le cas d'un concours public, la Commission, après s'être conformée à l'arti- cle 16 et avoir tenu toute autre enquête qu'elle juge nécessaire, doit procéder en se fondant sur les principes suivants:
a) les personnes visées par l'alinéa 16(3)a), qui sont quali fiées, doivent être placées, par ordre de mérite, avant les autres candidats reçus;
b) les personnes visées par l'alinéa 16(3)b), qui sont quali fiées, doivent figurer sur la liste par ordre de mérite, immé- diatement à la suite des candidats mentionnés à l'alinéa a) du présent paragraphe;
c) les personnes visées par l'alinéa 16(3)c), qui sont quali fiées, doivent être placées par ordre de mérite après les candidats mentionnés soit à l'alinéa a), soit à l'alinéa b) du présent paragraphe; et
d) les personnes que ne visent pas les alinéas a), b) ou c) et qui sont qualifiées doivent être placées par ordre de mérite après tout candidat visé par ces alinéas.
(5) Aucune prescription prévue ou contenue dans la présente loi ou toute autre loi, visant la limite d'âge et les conditions d'aptitude physique relativement à une nomination à la Fonc- tion publique, ne s'applique à une personne visée par l'alinéa 16(3)a) ou b), si la Commission atteste que son âge et son état physique satisfaisant lui permettent d'accomplir les devoirs liés à son poste et qu'elle pourra probablement le faire pendant une durée de temps raisonnable après sa nomination.
18. Lorsqu'une nomination prévue par la présente loi doit être faite à un poste à la suite d'un concours, la personne à nommer doit être choisie sur une liste d'admissibilité établie pour ce poste ou pour des postes à des niveaux comparables et comportant des occupations semblables. Toutefois, si cette liste est épuisée, le titulaire peut être choisi sur une liste d'admissibi- lité établie pour des postes comportant des occupations sembla- bles mais situés à un niveau supérieur.
21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est choisie à cette fin au sein de la Fonction publique
a) à la suite d'un concours restreint, chaque candidat non reçu, ou
b) sans concours, chaque personne dont les chances d'avance- ment, de l'avis de la Commission, sont ainsi amoindries,
peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la nomination à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l'appelant et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se faire entendre. La Commission doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révoquer, ou
d) si la nomination n'a pas été faite, la faire ou ne pas la faire,
selon ce que requiert la décision du comité.
Il faut également tenir compte des articles 5 et 21 du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, C.R.C., chap. 1337. En voici le texte:
5. Toute nomination faite en vertu de l'article 10 de la Loi doit être conforme aux normes de sélection et faite au moyen d'une des méthodes suivantes de sélection du personnel:
a) concours publics auxquels participent des personnes qui
(i) répondent à un avis public, ou
(ii) sont identifiées au moyen d'un répertoire;
b) concours restreints auxquels participent des employés qui
(i) répondent à un avis, ou
(ii) sont identifiés au moyen d'un répertoire; ou
c) étude des documents ou tenue des examens, tests, entre- vues et enquêtes que la Commission juge nécessaires pour établir qu'un candidat est qualifié, lorsque la Commission est d'avis qu'il n'est pas dans l'intérêt de la Fonction publique de tenir un concours, dans le cas
(i) de la nomination d'un employé à un poste dont le traitement maximum ne dépasse pas le traitement maxi mum du poste occupé par cette personne immédiatement avant la nomination,
(ii) de la nomination d'un employé à un poste dont on a changé la classification, et que l'employé occupait immé- diatement avant ce changement,
(iii) de la promotion d'un employé dans son poste lorsque cet employé y avait été nommé à un niveau inférieur à celui du poste,
(iv) de la nomination pour une période spécifiée d'une personne de l'extérieur de la Fonction publique pour répondre à des besoins d'urgence, et
(y) d'une nomination, par la Commission, autre que celles décrites dans les dispositions (i) à (iv), lorsque la Commis sion considère que cette nomination se fait dans l'intérêt de la Fonction publique.
21. Lorsqu'une liste d'admissibilité a été établie pour un certain poste, la personne qui, dans l'ordre des noms de la liste, occupe la première place et est prête à accepter la nomination doit être nommée au poste.
Comme on l'a souvent fait remarquer, l'article 21 de la Loi confère un droit d'«en appeler de la nomination> devant un comité établi par la Com mission. En l'espèce, des personnes estimant que leurs chances d'avancement en avaient été amoin- dries ont fait appel, en vertu de l'alinéa 21b), de la nomination de M me Tickner sans concours. Il s'en dégage donc que la première question à trancher est de savoir si les intimés en l'espèce ont le droit d'en appeler de la nomination, compte tenu du fait que par suite d'un concours une liste d'admissibi- lité avait été établie pour des postes de PM -2, conseiller en emploi, dans le district de Barrie de la Commission, qui comprend le Centre d'emploi du Canada d'Owen Sound, et du fait que les noms de tous les intimés figuraient sur cette liste.
L'article 10 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique dispose que «Les nominations à des postes de la Fonction publique, faites parmi des personnes qui en sont déjà membres ou des personnes qui n'en font pas partie, doivent être faites selon une sélection établie au mérite ... à la suite d'un concours, ou selon telle autre méthode de sélection du personnel établie afin de détermi- ner le mérite des candidats que la Commission estime la mieux adaptée aux intérêts de la Fonc- tion publique.» Pour combler les postes de PM -2, conseiller en emploi, dans le district de Barrie, la Commission a apparemment estimé qu'il était au mieux des intérêts de la Fonction publique de tenir un concours: d'où l'établissement de la liste d'ad- missibilité susmentionnée, conformément à l'arti- cle 17 de la Loi. Puis l'article 18 exige qu'une «.. . nomination prévue par la présente loi ...» soit faite à partir d'«... une liste d'admissibilité ....»
Pour résoudre la première question, il faut déci- der si une mutation latérale l'emporte sur l'exi- gence que, lorsqu'il y a eu tenue d'un concours et établissement d'une liste d'admissibilité, les per- sonnes à nommer doivent être choisies sur cette liste. Il va, bien sûr, sans dire que cette exigence existe pendant toute la durée de validité de la liste ou jusqu'à son épuisement par suite de nomina tions. Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à la première question, il faut décider si l'on peut qualifier de «nomination> la simple mutation laté- rale de M me Tickner d'un lieu d'emploi à un autre
pour occuper un poste dont les fonctions sont identiques à celles du poste qu'elle a occupé avant la mutation, de sorte que s'appliquent les différen- tes dispositions de la Loi citées ci-dessus ou si la mutation ne peut être qualifiée de «nomination», de sorte qu'elle peut s'effectuer sans que ces disposi tions soient respectées.
Il n'est pas sans pertinence, quand on essaie de répondre à ces questions, de se rappeler ce que dit le juge Dickson dans l'arrêt récent de la Cour suprême du Canada Kelso c. Sa Majesté la Reine', savoir:
Personne ne conteste le droit général du gouvernement de répartir les ressources et les effectifs comme il le juge appro- prié. Mais ce droit n'est pas illimité. Son exercice doit respecter la loi. Le droit du gouvernement de répartir les ressources ne peut l'emporter sur une loi ....
Il ne fait pas de doute que par suite du concours une liste d'admissibilité a été établie pour des postes de PM-2, conseiller en emploi, dans le district de Barrie dont fait partie le Centre d'em- ploi du Canada d'Owen Sound. Tel étant le cas, il semble s'ensuivre que sur création d'un nouveau poste de PM-2, conseiller en emploi, on aurait normalement l'offrir aux personnes figurant sur la liste d'admissibilité suivant l'ordre de leur classe- ment. A supposer qu'il y ait eu acceptation du poste par la première personne à qui on l'a offert, ou, dans le cas celle-ci l'aurait refusé, par toute autre personne figurant sur la liste suivant l'ordre du classement, cette personne aurait été nommée au poste. Si je comprends bien, l'avocat du requé- rant ne conteste pas que c'est ainsi que le poste à Owen Sound aurait été comblé en temps normal et que cela aurait constitué une «nomination» au sens de la Loi.
Selon l'avocat, dans le cas d'une mutation d'un PM-2, conseiller en emploi, d'un lieu d'emploi à un autre (en l'occurrence, de Guelph à Owen Sound), cette logique ne s'applique pas. Il fait valoir que Mme Tickner, la titulaire du poste de PM-2, con- seiller en emploi, à Guelph, avait déjà été nommée à ce poste et que sa mutation de Guelph à Owen Sound ne nécessitait pas une nouvelle nomination, car le poste à Guelph était un poste de PM-2 identique à celui qu'elle avait occupé à Owen Sound. Cela découle, selon l'argument de l'avocat, du droit de l'employeur «de répartir les ressources
1 [1981] 1 R.C.S. 199, la p. 207.
et les effectifs» (comme le dit le juge Dickson dans l'arrêt Kelso, précité), à l'intérieur d'une classifi cation de postes donnée, d'un endroit à un autre, sans tenir compte de l'existence d'une liste d'ad- missibilité visant le poste même auquel on a pourvu par voie de mutation.
Je ne puis retenir cet argument. Je conçois bien qu'il soit souhaitable de satisfaire aux désirs et aux besoins d'un employé estimé, si cela peut se faire d'une manière conforme à la loi. La loi applicable en l'espèce est la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Conformément à cette loi, la Commis sion de la Fonction publique a mis sur pied un programme destiné à pourvoir à des postes précis dans un district, au fur et à mesure que ceux-ci devenaient vacants; ce programme consistait à tenir un concours en vue d'établir une liste d'ad- missibilité. Une fois la liste établie, je suis d'avis qu'on ne saurait en droit négliger d'en tenir compte et mettre dans un poste une personne (si méritoire soit-elle) qui n'a pas participé au con- cours ni n'a pu y participer. L'article 10 exige que les nominations soient faites selon le mérite. Une des façons prévues par la Loi pour la détermina- tion du mérite est la tenue d'un concours en vue de l'établissement d'une liste d'admissibilité à partir de laquelle seront comblés des postes déterminés. J'estime que dès lors qu'on opte pour cette façon de déterminer le mérite à l'égard de ces postes, il ne faut pas s'en écarter. S'il en était autrement, cela amoindrirait les chances d'avancement des personnes qui ont participé de bonne foi au con- cours par suite duquel a été établie la liste sur laquelle figuraient leurs noms. Par la mutation latérale, on a contourné d'une façon volontaire, même si tout à fait compréhensible, les règles établies pour assurer le respect du principe du mérite. C'est donc avec raison, à mon avis, que le Comité d'appel a décidé que les intimés en l'espèce avaient le droit d'en appeler de la sélection de Mme Tickner pour combler la vacance à Owen Sound parce que, comme l'a conclu la Commission, leurs chances d'avancement avaient été amoindries.
Il s'ensuit donc, pour les mêmes motifs, qu'on aurait offrir le poste à Owen Sound aux person- nes dont les noms figuraient sur la liste d'admissi- bilité selon l'ordre de mérite, c'est-à-dire aux inti- més en l'espèce, et que la conclusion du Comité d'appel en ce sens n'est entachée d'aucune erreur.
Vu cette conclusion, il n'est pas nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, de décider si la muta tion constituait une nomination et je m'abstiens expressément de toute observation sur la conclu sion du Comité d'appel qu'on ne peut pourvoir à un poste que par suite d'une nomination, soit en se servant d'une liste d'admissibilité, soit par voie de mutation latérale. Le point essentiel en l'espèce est qu'on a comblé un poste en y affectant par voie de mutation latérale une personne dont le nom, en raison d'une incapacité de satisfaire aux critères d'admissibilité au concours, ne figurait ni ne pou- vait figurer sur une liste d'admissibilité. Pendant toute la durée de validité de la liste en question, on ne pouvait, sans tenir compte de celle-ci, combler un poste dans la zone prescrite. Quant à la ques tion de savoir si, après que la liste cesse d'être valide, quelle qu'en soit la raison, une mutation latérale constitue une nomination, point n'est besoin d'y répondre en l'espèce.
Pour tous ces motifs, je suis d'avis de rejeter la demande fondée sur l'article 28.
LE JUGE HEALD: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je souscris aux motifs de jugement du juge Urie ainsi qu'à la manière dont il se propose de trancher la demande fondée sur l'article 28.
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