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A-495-79
Jacques Vachon (appelant) (demandeur) c.
La Reine du chef du Canada, représentée par le sous-ministre de la Santé nationale et du Bien- être social (intimée) (défenderesse)
Cour d'appel, juges Heald, Le Dain et juge sup pléant Kerr—Ottawa, 10 septembre et 10 novem- bre 1981.
Fonction publique Appel du jugement de première ins tance La période de stage de l'appelant a été prolongée, et il a par la suite été renvoyé en cours de stage pour avoir publiquement exprimé des opinions qui étaient tout à fait contraires aux politiques du Ministère L'arbitre a décidé que l'appelant avait été renvoyé pour des motifs disciplinaires et qu'il avait donc, en vertu de l'art. 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, compétence pour déterminer si le congédiement du réclamant était justifié L'arbitre a jugé que la peine imposée n'était pas excessive Le juge de première instance a décidé que le prétendu renvoi de l'appelant en cours de stage était entaché de nullité, mais que les preuves justifiaient amplement la décision de l'arbitre L'appelant soutient que le juge de première ins tance a eu tort de ne pas déclarer nul le grief, puisqu'il a conclu à la nullité du renvoi pour un motif déterminé Il échet d'examiner si la décision de l'arbitre règle de manière définitive la question de savoir s'il a été mis fin validement à l'emploi de l'appelant Appel rejeté Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 28(3),(5) Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 91(1)b) Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, DORS/67-129, art. 30(2).
Appel est formé contre le jugement par lequel la Division de première instance a rejeté l'action intentée par l'appelant contre l'intimée. La période de stage de l'appelant a été prolongée, et il a, par la suite, été renvoyé en cours de stage en vertu du paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Les motifs invoqués pour son renvoi étaient que l'appelant avait participé sans autorisation préalable à une émission de télévision, que la nature de ses fonctions avait été clairement précisée et que les opinions qu'il avait exprimées étaient tout à fait contraires aux objectifs du Ministère. L'appe- lant a déposé un grief qui a été renvoyé à l'arbitrage conformé- ment à l'alinéa 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. L'arbitre a décidé que la cessation d'emploi de l'appelant se fondait sur des motifs disciplinaires et qu'il avait donc, en vertu de l'article 91, compétence pour décider si le congédiement du réclamant était justifié. L'arbitre a décidé que l'appelant avait gravement manqué à ses devoirs, ce qui justifiait l'imposition d'une peine, et que, dans les circonstances, la peine imposée, le congédiement, n'était pas excessive. L'appelant a alors institué une action devant la Division de première instance dans laquelle il demandait que soit déclaré ultra vires le paragraphe 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, que soit déclaré que l'inti- mée n'avait pas le pouvoir de le renvoyer en invoquant le
paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ni le paragraphe 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, et que soit déclaré que le prétendu renvoi était nul. Le juge de première instance a décidé que, le paragraphe 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique étant ultra vires, la prolongation du stage de l'appe- lant était illégale. Par conséquent, le prétendu renvoi de l'appe- lant en cours de stage était entaché de nullité. Toutefois, le juge de première instance est arrivé à la conclusion que les preuves justifiaient amplement la décision de l'arbitre selon laquelle l'appelant avait été congédié pour un manquement à la disci pline. L'appelant soutient que le juge de première instance a eu tort de ne pas déclarer nul le grief et donc non susceptible d'arbitrage, et de conclure que la décision de l'arbitre avait pour effet d'empêcher l'appelant d'obtenir des dommages-inté- rêts. Le premier argument est fondé sur le raisonnement sui- vant: le renvoi pour un motif déterminé étant entaché de nullité, le grief qui en découle est également entaché de nullité. La question est de savoir si la décision de l'arbitre portant que l'appelant a été congédié pour des motifs disciplinaires et que son congédiement était justifié règle de manière définitive la principale question soulevée par l'appelant dans son action en jugement déclaratoire et dommages-intérêts—c'est-à-dire, s'il a été mis fin validement à son emploi.
Arrêt: l'appel est rejeté. Il faut trancher la question de savoir si la décision de l'arbitre règle de manière définitive la princi- pale question soulevée dans la demande de l'appelant non pas en se fondant sur la nullité du renvoi mais sur l'examen de la décision de l'arbitre pour déterminer s'il y a défaut de compé- tence. Un arbitre a compétence en vertu de l'alinéa 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique pour examiner si un prétendu renvoi pour un motif déterminé pendant le stage constitue de fait un congédiement discipli- naire. Décider, du moins à l'instigation de l'employé, qu'une prétendue cessation d'emploi présentée sous la forme d'un renvoi constitue en fait un congédiement disciplinaire n'en- traîne pas automatiquement un défaut de compétence. La Cour doit se demander si la preuve est suffisante pour étayer les conclusions de fait et si les conclusions de droit ou les conclu sions mixtes de fait et de droit sont logiques. Les motifs donnés pour le prétendu renvoi constituaient des éléments de preuve suffisants pour justifier la décision de l'arbitre. La décision de l'arbitre a été prise dans les limites de sa compétence.
Le juge Heald dissident: L'argument selon lequel le grief était nul parce que le renvoi pour un motif déterminé était entaché de nullité est bien fondé en droit puisque la jurispru dence pertinente est au même effet. Il est clair que l'intimée avait l'intention de procéder à un renvoi pour un motif déter- miné et non pas à un congédiement. Permettre à l'employeur, après coup, et contrairement aux termes clairs et sans équivo- que de la lettre de renvoi, de transformer en quelque sorte ce qui était au départ un renvoi pour un motif déterminé en un congédiement reviendrait à fausser l'application des disposi tions législatives et entraînerait une injustice pour l'appelant. La vérité du principe qu'un arbitre refuse d'exercer sa compé- tence s'il ne commence pas par déterminer la véritable nature de la mesure prise par l'employeur lorsqu'il renvoie un sta- giaire, et que l'arbitre n'est pas lié par la qualification attribuée par l'employeur à ses propres actions est indiscutable, mais ce principe ne peut s'appliquer qu'aux affaires dans lesquelles le
prétendu renvoi pour un motif déterminé est décidé pendant le stage. Le juge de première instance a décidé à tort que l'arbitre avait compétence en l'espèce en vertu de l'alinéa 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique.
Jurisprudence: arrêt suivi: Jacmain c. Le procureur géné- ral du Canada [1978] 2 R.C.S. 15. Distinction faite avec les arrêts: Wright c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique [1973] C.F. 765; R. c. Ouimet [1979] 1 C.F. 55; Emms c. La Reine [1979] 2 R.C.S. 1148; Barnard c. National Dock Labour Board [1953] 2 Q.B. 18; Fardella c. La Reine [1974] 2 C.F. 465; Richard c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique [1978] 2 C.F. 344; Cutter Laboratories International c. Le Tribunal anti- dumping [1976] 1 C.F. 446.
APPEL. AVOCATS:
John D. Richard, c.r. et L. H. Harnden pour l'appelant (demandeur).
W. L. Nisbet, c.r., pour l'intimée (défende- resse).
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'appe- lant (demandeur).
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD (dissident): Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Division de première instance [[1980] 1 C.F. 212] qui rejetait l'action qu'avait intentée l'appelant contre l'intimée. Dans cette affaire, les faits essentiels ne sont pas contestés. J'en donnerai le résumé suivant. Le 27 janvier 1975, l'appelant entrait à la Fonction publique fédérale, ayant été nommé recherchiste supérieur à la Commission de la Fonction publique. Le 2
février 1976, la suite d'un concours, il a été nommé à un poste de consultant dans la Division de la planification familiale du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social. Il s'agissait d'une mutation latérale et il conservait la même classification. L'appelant devait effectuer un stage du 2 février 1976 au 1" février 1977. Le 27 janvier 1977, l'appelant a été informé que sa période de stage était prolongée de six mois et se terminerait le lei août 1977. Le 8 mars 1977, l'appelant a été informé par une lettre signée par P. D. Doucet,
directeur général, Direction de l'administration du personnel, ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, Canada, qu'il avait été renvoyé en cours de stage en vertu du paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32'. Cette lettre est ainsi conçue (voir D.A. aux pages 14 et 15):
[TRADUCTION] Monsieur,
Au nom du sous-ministre, je dois vous aviser que vous êtes renvoyé en cours de stage en vertu de l'article 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. La date de votre renvoi a été fixée au 8 avril 1977, à la fin de la journée de travail.
Vous avez été nommé au poste de consultant en éducation dans la Division de la planification familiale le 2 février 1976, et votre période de stage a été prolongée jusqu'au 1°r août 1977, alors qu'elle devait se terminer le 1°r février 1977.
Vous avez déjà été informé des motifs de cette mesure par le sous-ministre adjoint, Direction générale des programmes des services sociaux. Premièrement, vous avez participé sans autori- sation préalable à une émission de télévision de la chaîne 24 diffusée le 16 février 1977. Deuxièmement, la nature de vos fonctions actuelles a été clairement précisée et les opinions que vous avez exprimées à l'occasion de cette émission sur le Programme de planification familiale de notre Ministère étaient tout à fait contraires, dans l'opinion de la direction du Ministère, aux objectifs officiels de ce Programme et à vos fonctions dans le cadre de celui-ci. Par conséquent, la direction estime que ces actes vous mettent dans l'impossibilité de vous acquitter de vos fonctions de manière satisfaisante.
Conformément à l'article 28(5) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, la Commission inscrira votre nom sur telle liste d'admissibilité et à tel rang sur cette liste qui, de l'avis de la Commission, correspondent à vos aptitudes.
D'ici le 8 avril, vous n'aurez pas à vous acquitter des fonctions associées à votre poste actuel et par conséquent, vous devrez vous abstenir de pénétrer dans les locaux du Ministère. Pendant cette période, si vous désirez communiquer avec le Ministère, vous pourrez vous mettre en rapport avec M. Dean Moodie, chef du cabinet du sous-ministre adjoint, Direction générale des programmes des services sociaux, 992-3864, ou M. L. Brazeau, conseiller en personnel, Bien-être social, 996-8331.
Vous avez déjà fait savoir au sous-ministre adjoint, Direction générale des programmes des services sociaux, que vous n'avez conservé que des lettres ou des notes de service personnelles et
' Le paragraphe 28(3) se lit comme suit:
28....
(3) A tout moment au cours du stage, le sous-chef peut prévenir l'employé qu'il se propose de le renvoyer, et donner à la Commission un avis de ce renvoi projeté, pour un motif déterminé, au terme du délai de préavis que la Commission peut fixer pour tout employé ou classe d'employés. A moins que la Commission ne nomme l'employé à un autre poste dans la Fonction publique avant le terme du délai de préavis qui s'applique dans le cas de cet employé, celui-ci cesse d'être un employé au terme de cette période.
que vous n'avez aucun bien appartenant au gouvernement en votre possession.
Le directeur général
de la Direction de l'administration
du personnel,
P. D. Doucet.
L'appelant a présenté un grief qui a été renvoyé à l'arbitrage conformément à l'alinéa 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35 2 .
L'arbitre a décidé que la cessation d'emploi de l'appelant se fondait sur des motifs disciplinaires et qu'il avait donc, en vertu de l'article 91 (précité), compétence pour décider si le congédiement du réclamant était justifié. Après avoir examiné les preuves, l'arbitre a décidé que l'appelant avait gravement manqué à ses devoirs de fonctionnaire, ce qui justifiait l'imposition d'une peine et que, dans les circonstances, la peine imposée par l'em- ployeur, le congédiement, n'était pas excessive. Le principal reproche fait à l'appelant était d'avoir participé à une émission de télévision dans laquelle il avait critiqué ouvertement les politiques offi- cielles de son Ministère et exprimé des opinions tout à fait contraires aux politiques ou aux objec- tifs du Ministère qui l'employait.
L'appelant a alors institué une action devant la Division de première instance dans laquelle il demandait que:
a) soit déclaré ultra vires le paragraphe 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, DORS/67-129 3 ;
2 L'alinéa 91(1)b) se lit comme suit:
91. (1) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusive- ment, au sujet
b) d'une mesure disciplinaire entraînant le congédiement, la suspension ou une peine pécuniaire,
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
3 L'article 30 du Règlement se lisait ainsi aux époques en cause:
30. (1) La période de stage mentionnée au paragraphe (1) de l'article 28 de la Loi pour un employé qui fait partie d'une
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b) soit déclaré que l'intimée n'avait pas le pou- voir de le renvoyer en invoquant le paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ni le paragraphe 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique;
c) soit déclaré que le renvoi de l'appelant est nul et non avenu et que l'appelant conserve son statut d'employé comme s'il n'avait pas été ren- voyé; et
d) soit rendu un jugement portant paiement à l'appelant d'une somme suffisante pour le dédommager des salaires et autres avantages qu'il aurait reçus si l'intimée ne l'avait pas illégalement renvoyé.
Le juge de première instance a appliqué la décision rendue par la présente Cour dans l'affaire Ouimet 4 et a décidé que, le paragraphe 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique (précité) étant ultra vires, la prolongation du stage de l'ap- pelant était illégale. Par conséquent, il a estimé que le prétendu renvoi de l'appelant en cours de stage était entaché de nullité. Il a ensuite examiné la jurisprudence de la présente Cour et de la Cour suprême du Canada et il est arrivé à la conclusion que l'arbitre devait déterminer le motif véritable du renvoi de l'employé stagiaire par l'employeur puisque le mécanisme de renvoi en cours de stage «ne doit pas servir d'expédient dans les cas l'employeur répugne au congédiement pour man- quement à la discipline» la page 220] . Il a ensuite abordé la question de savoir s'il existait des preuves suffisantes pour que l'arbitre puisse déci- der que la véritable raison du congédiement de l'employé était de nature disciplinaire et il est arrivé à la conclusion que les preuves justifiaient
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classe ou d'un groupe mentionnés à la colonne I de l'Annexe A est la période indiquée en regard de cette classe ou de ce groupe dans la colonne II de ladite Annexe.
(2) Le sous-chef peut prolonger la période de stage d'un employé mais la période de prolongation ne doit pas dépasser la période déterminée pour cet employé en conformité du paragraphe (1).
4 La Reine c. Ouimet [1979] 1 C.F. 55.
amplement la décision de l'arbitre suivant laquelle l'appelant avait été congédié pour un manquement à la discipline. Voici ce passage [aux pages 222 et 223]:
A mon avis, les preuves administrées devant l'arbitre justi- fiaient l'exercice de sa compétence. En conséquence, on ne saurait dire qu'il était incompétent. Il était donc fondé à rejeter le grief formulé par le demandeur.
Vu ma conclusion ci-dessus, il ne sert à rien de faire droit aux fins visées aux alinéas a) et b) de la demande, car il n'en découlerait aucun avantage concret pour le demandeur. De même, le redressement demandé à l'alinéa c) ne peut être accordé parce que le demandeur n'a pas été renvoyé en cours de stage mais qu'il a été congédié ainsi que l'a conclu l'arbitre, décision que je n'ai pas l'intention de mettre en cause à la lumière des motifs exposés ci-dessus.
Par ces motifs, l'action du demandeur est rejetée, la défende- resse ayant droit aux dépens si elle les demandait.
L'appelant soutient que le jugement de la Division de première instance contient deux erreurs:
a) le grief déposé par l'appelant n'a pas été déclaré nul et donc non susceptible d'arbitrage; et
b) d'après ce jugement, la décision de l'arbitre a pour effet d'empêcher l'appelant d'obtenir des dommages-intérêts.
Le premier argument de l'appelant est fondé sur le raisonnement suivant: le renvoi pour un motif déterminé conformément au paragraphe 28(3) de la Loi étant entaché de nullité, le grief qui en découle est également entaché de nullité et ne peut donc être renvoyé à l'arbitrage.
J'estime que cet argument est bien fondé en droit puisque la jurisprudence pertinente est au même effet. Dans la décision de cette Cour dans l'affaire Ouimet, mentionnée plus haut, le juge en chef Jackett a examiné un argument qui semble identique à celui qu'a repris le juge de première instance dans la présente affaire; en voici la teneur: même si le prétendu renvoi en cours de stage est nul, ce renvoi constitue néanmoins un congédiement qui entraîne la cessation d'emploi de l'appelant. Le juge en chef Jackett a rejeté cet argument aux pages 60 et 61 du recueil:
Tout au moins dans le contexte des lois régissant la Fonction publique, la vaine tentative de renvoi fondée sur l'article 28 ne peut être assimilée à une révocation. (Cf. Bell Canada c. Office and Professional Employees' International Union [1974] R.C.S. 335, la page 340, et Jacmain c. Le procureur général
du Canada [1978] 2 R.C.S. 15.) Le renvoi fait partie inté- grante du système de stage qui permet de sélectionner des fonctionnaires titulaires parmi les stagiaires engagés à titre d'essai. Tout «motif» tenant aux chances de l'intéressé de devenir un membre efficace de l'«équipe» pourrait justifier le renvoi. Il en est tout autre de la révocation. Elle vise normale- ment à mettre fin, autrement que par la retraite, aux services d'un fonctionnaire titulaire et les «motifs» de révocation sont régis par des principes tout à fait différents de ceux applicables au renvoi. En effet, rien ne permet de supposer que le supérieur habilité à renvoyer un stagiaire au nom de Sa Majesté est également celui qui a pouvoir de révocation.
Dans l'arrêt Emms c. La Reines, dont les faits ressemblent à ceux de la présente affaire, le juge Pigeon a déclaré à la page 1162:
Ayant conclu que le par. 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique visant la prolongation de la période de stage doit être considéré sans effet, il s'ensuit qu'Emms n'a jamais été valablement congédié parce que l'avis qu'on lui a donné visait un renvoi durant son stage. A l'audition, on a prétendu que ce renvoi devait néanmoins être considéré comme un congédiement ayant effectivement mis fin à l'emploi du demandeur. Vu sa conclusion qu'Emms avait été dûment ren- voyé, la Cour d'appel n'a pas étudié cet argument. Il a cepen- dant été analysé dans l'arrêt Ouimet et, à mon avis, c'est à juste titre qu'il y a été rejeté ....
Ensuite, le juge Pigeon cite presque entièrement le passage précité des motifs du juge en chef Jackett dans l'affaire Ouimet (précitée)ns l'arrêt Emms (précité), le juge M rtland", parlant au liom
de la majorité, mention ie également en les approuvant les motifs du juge en chef Jackett dans l'arrêt Ouimet (précité).
Si l'on applique les remarques du juge en chef Jackett dans l'arrêt Ouimet (précité) aux faits de la présente affaire, il est évident, d'après moi, que l'intimée avait l'intention de renvoyer l'appelant pour un motif déterminé pendant ce que l'intimée pensait être le stage de l'appelant. La lettre du 8 mars 1977 mentionne précisément le paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, qui vise le renvoi pour un motif déter- miné en cours de stage. Il est dit dans la lettre: «... vous êtes renvoyé en cours de stage.» De plus, cette lettre mentionne que la Commission va inscrire le nom de l'appelant sur telle liste d'admissibilité et à tel rang sur cette liste qui, de l'avis de la Commis sion, correspondent aux aptitudes de l'appelant, conformément au paragraphe 28(5) de la Loi sur
5 [1979] 2 R.C.S. 1148.
l'emploi dans la Fonction publique 6 .
L'avocat de l'intimée soutient cependant que, lorsque l'arbitre a décidé, en se fondant sur des preuves suffisantes, que la mesure prise par l'em- ployeur constituait véritablement un congédiement disciplinaire, ce congédiement est valide quelle que soit la validité du prétendu renvoi. Je ne peux accepter cet argument.
Il ressort clairement du dossier dans cette affaire que l'intimée avait l'intention de procéder à un renvoi pour un motif déterminé et non pas à un congédiement. Cette situation est semblable à celle examinée dans l'affaire Wright' dans laquelle le juge en chef Jackett a déclaré la page 779]:
A mon avis, ayant essayé de faire perdre son emploi à un employé en le renvoyant après l'expiration de la période du stage, l'employeur ne pouvait, dans ce cas, s'appuyer après coup sur le document de renvoi pour dire que l'employé avait perdu son emploi par suite d'un congédiement pour inconduite.
Je partage cette opinion, exprimée par le juge en chef Jackett dans l'arrêt Wright (précité), et je pense qu'elle s'applique également à la présente affaire. Permettre à l'employeur, après coup, et contrairement aux termes clairs et sans équivoque de la lettre de renvoi, de transformer en quelque sorte ce qui était au départ un renvoi pour un motif déterminé en un congédiement reviendrait, d'après moi, à fausser l'application des dispositions législatives et entraînerait une injustice pour l'appelant.
L'avocat de l'intimée a cité les affaires Jacmain,
6 Le paragraphe 28(5) se lit comme suit:
28. ...
(5) Nonobstant la présente loi, une personne qui cesse
d'être un employé conformément au paragraphe (3)
a) doit, si elle a accédé à son poste alors qu'elle était déjà membre de la Fonction publique, et
b) peut, dans tout autre cas,
être inscrite par la Commission sur telle liste d'admissibilité et à tel rang sur cette liste qui, de l'avis de la Commission, correspondent à ses aptitudes.
Wright c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique [1973] C.F. 765.
Fardella, Richard et Cutter 8 pour établir le prin- cipe qu'un arbitre refuse d'exercer sa compétence s'il ne commence pas par déterminer la véritable nature de la mesure prise par l'employeur lorsqu'il renvoie un stagiaire, et que l'arbitre n'est pas lié par la qualification attribuée par l'employeur à ses propres actions. La vérité de cette proposition est indiscutable, mais j'estime que ce principe ne peut s'appliquer qu'aux affaires dans lesquelles le pré- tendu renvoi pour un motif déterminé est décidé pendant le stage. La nécessité de décider si la véritable mesure prise est une mesure disciplinaire camouflée en renvoi n'existe que dans ces cas-là. Dans les affaires Jacmain et Fardella (précitées), le prétendu renvoi pour un motif déterminé a été décidé au cours du stage. Dans l'affaire Richard (précitée), cette décision a été prise pendant une prétendue prolongation d'un an de la durée du stage. Cependant, l'affaire Richard (précitée) a été jugée en 1977, bien avant les arrêts Ouimet et Emms (précités) qui ont invalidé le paragraphe 30(2) du Règlement. Il ne ressort pas des motifs de l'affaire Richard (précitée) que la validité du paragraphe 30(2) du Règlement y ait été attaquée. Je pense donc que les arrêts Jacmain, Fardella et Richard (précités) ne peuvént aider l'intimée. L'affaire Cutter (précitée) ne concerne pas la Loi sur les relations de travail dans la Fonction pu- blique et n'est donc pas directement pertinente.
Par ces motifs, je conclus que le juge de pre- mière instance a décidé à tort que l'arbitre avait compétence en l'espèce en vertu de l'alinéa 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique.
J'accueillerais donc l'appel avec dépens et décla- rerais ce qui suit:
a) l'intimée n'avait pas le pouvoir de mettre fin à l'emploi de l'appelant en vertu du paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ni en vertu du paragraphe 30(2) (abrogé par DORS/79-14) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique; et
8 Le procureur général du Canada c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique (Roland Jac - main) [1977] 1 C.F. 91, confirmé par la Cour suprême du Canada [1978] 2 R.C.S. 15; Fardella c. La Reine [1974] 2 C.F. 465; Richard c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique [1978] 2 C.F. 344à la page 347; Cutter Laboratories International c. Le Tribunal antidumping [1976] 1 C.F. 446.
b) la prétendue cessation d'emploi de l'appelant est nulle et de nul effet.
Je renverrais donc cette affaire devant la Division de première instance pour que le procès se pour- suive dans le but de fixer le montant des domma- ges-intérêts auquel l'appelant peut avoir droit.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: J'ai eu l'avantage de lire les motifs de jugement préparés par mon collègue le juge Heald mais je regrette de ne pouvoir souscrire à la conclusion à laquelle il est arrivé. J'estime qu'il convient de rejeter l'appel.
D'après moi, la question à trancher est celle de savoir si la décision de l'arbitre portant que l'appe- lant a été congédié pour des motifs disciplinaires et que son congédiement était justifié règle de manière définitive la principale question soulevée par l'appelant dans son action en jugement décla- ratoire et dommages-intérêts—c'est-à-dire, s'il a été mis fin validement à son emploi. Le principe applicable en l'espèce est qu'une décision adminis trative définitive qui est rendue par une autorité administrative compétente dans le cadre des pou- voirs que lui confère la loi n'est pas susceptible d'être modifiée. Voir l'article de Fazal, «Reliability of Official Acts and Advice», 1972 Public Law 43, aux pages 48 et 49. Cela découlerait de l'applica- tion d'un aspect de la chose jugée que l'on appelle généralement le principe de l'irrecevabilité de la remise en cause d'une question de fait. Voir le traité de Spencer Bower and Turner, The Doctrine of Res Judicata, 2e éd., pages 149 et 150.
L'arbitre n'avait pas à trancher la question de la validité du paragraphe 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, mais j'estime que cela ne peut affecter le caractère définitif de sa conclusion selon laquelle ce qui semblait être un renvoi pour un motif déterminé en cours de stage constituait en fait un congédiement pour motifs disciplinaires justifié dans les circonstances. Il m'est impossible de partager l'opinion suivant laquelle la cessation d'emploi de l'appelant étant nulle en tant que renvoi pour motif déterminé en vertu du paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, la décision de l'arbitre
qualifiant cette mesure de congédiement pour rai- sons disciplinaires est également nulle. L'avocat de l'appelant a soutenu dans son mémoire que, le prétendu renvoi étant nul en tant que renvoi, [TRA- DUCTION] «le grief était également nul et ne pou- vait donc être renvoyé devant un arbitre.» Si j'ai bien compris cet argument, l'avocat concluait de cette affirmation que l'arbitre n'ayant rien à tran- cher dans ce cas, toute décision de sa part ne pouvait être que nulle. A l'appui de ce raisonne- ment, l'avocat de l'appelant a invoqué en particu- lier la décision de cette Cour dans l'affaire Wright c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique (précitée) et une observation du juge en chef Jackett dans l'affaire La Reine c. Ouimet (précitée), approuvée par le juge Pigeon dans l'affaire Emms c. La Reine (précitée). Il a également cité l'arrêt Barnard c. National Dock Labour Board [1953] 2 Q.B. 18 à l'appui de ses arguments. Ce raisonnement peut se résumer ainsi: une cessation d'emploi qui n'est pas valide à titre de cessation d'emploi d'une certaine catégorie ne peut jamais être déclarée valide à titre de cessation d'emploi d'une autre catégorie. Avec le plus grand respect pour l'opinion contraire, j'estime que les décisions qui nous ont été mentionnées ne permet- tent pas d'affirmer l'existence d'un tel principe.
L'avocat de l'appelant a soutenu que la présente affaire ne pouvait, pour l'essentiel, être distinguée de celle qui était examinée dans l'arrêt Wright. Je pense qu'il existe deux différences importantes qu'il faut garder à l'esprit lorsqu'on examine la portée des affirmations sur lesquelles s'appuie l'avocat de l'appelant. Dans l'affaire Wright, l'em- ployé qui avait renvoyé un grief à l'arbitrage sou- tenait que le prétendu renvoi pour un motif déter- miné avait été décidé après la fin de son stage et qu'on ne pouvait mettre fin à son emploi en vertu du paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique (voir [1973] C.F. aux pages 766 et 767). L'arbitre a décidé que le prétendu renvoi n'était pas valide mais a accepté l'argument de l'employeur suivant lequel cet employé avait été congédié et s'est déclaré compétent. En d'autres mots, dans l'affaire Wright, le grief portait sur le fait que le prétendu renvoi pour un motif déter- miné était nul et non pas, comme dans la présente affaire, qu'il constituait un congédiement discipli- naire. De plus, dans l'affaire Wright, c'était l'em- ployeur et non pas, comme dans la présente
affaire, l'employé qui mentionnait la notion de congédiement disciplinaire. Il est évident que la question de savoir si le renvoi étant nul ne pouvait faire l'objet d'un renvoi devant un arbitre. C'est dans ce contexte qu'il faut lire et comprendre les paroles du juge en chef Jackett reproduites aux pages 779 et 780: «Ce qu'on lui soumettait, c'était un renvoi illégal et il ne semble pas y avoir de fondement possible pour décider qu'il était compé- tent pour trancher un grief à cet égard. A mon avis, il aurait donc rejeter le renvoi au motif qu'il n'avait pas compétence.» Ceci vaut également pour la déclaration du juge Thurlow, [tel était alors son titre] aux pages 780 et 781: «Le prétendu renvoi de Wright était nul. Le grief de Wright ne pouvait pas faire l'objet d'un renvoi à l'arbitrage. L'arbitre n'avait pas compétence pour déclarer le renvoi nul en tant que renvoi et il n'existait aucun fondement lui permettant de déclarer qu'il s'agis- sait d'un congédiement.» L'employeur s'est efforcé d'invoquer l'existence d'un congédiement devant l'arbitre, et c'est pour répondre à cet argument que le juge en chef Jackett a déclaré à la page 779: «A mon avis, ayant essayé de faire perdre son emploi à un employé en le renvoyant après l'expiration de la période du stage, l'employeur ne pouvait, dans ce cas, s'appuyer après coup sur le document de renvoi pour dire que l'employé avait perdu son emploi par suite d'un congédiement pour incon- duite.» Cet énoncé figure dans un long passage de la page 779 dans lequel le juge en chef donne les motifs qui l'amènent à conclure que le prétendu renvoi pour un motif déterminé ne pouvait consti- tuer un congédiement. Si j'ai bien compris les motifs exprimés dans ce passage, ainsi que ceux qui figurent à la note 5 de la page 782, il a abordé cette question en y voyant une question mixte de droit et de fait et non pas comme si la nullité du congédiement découlait automatiquement de celle du renvoi. Il ressort de son examen détaillé des dispositions de la Loi concernant les différentes façons par lesquelles une personne peut perdre son emploi qu'il a été influencé dans sa décision par la différence de nature qui existe en droit entre un renvoi pour un motif déterminé sous le régime du paragraphe 28(3) de la Loi, et un congédiement, qu'il soit fondé sur des motifs disciplinaires ou sur une incapacité à s'acquitter de ses fonctions, comme l'avait décidé l'arbitre dans l'affaire Wright. Il a également fondé sa conclusion sur les faits présentés en preuve, comme l'indique sa
déclaration à la page 779: «Selon mon interpréta- tion, aucun élément de preuve ressortant des docu ments soumis aux tribunaux en cause, y compris cette Cour, ne permet de conclure que le requérant a perdu son emploi.»
De plus, l'énoncé du juge en chef Jackett dans l'affaire Ouimet aux pages 60 et 61, qui a été approuvé par le juge Pigeon, parlant en son nom et en celui du juge Pratte, dans l'affaire Emms, aux pages 1162 et 1163, s'adressait à un argument de l'employeur dans une action intentée par un employé qui demandait un jugement déclaratoire et des dommages-intérêts. D'après cet employeur, le prétendu renvoi en vertu du paragraphe 28(3) constituait en fait un congédiement disciplinaire. Dans l'arrêt Emms, c'était également l'employeur qui invoquait la notion de congédiement discipli- naire. Le passage de l'arrêt Ouimet qui a été invoqué en particulier à l'appui de l'argument fondé sur la nullité se retrouve à la page 60: «Tout au moins dans le contexte des lois régissant la Fonction publique, la vaine tentative de renvoi fondée sur l'article 28 ne peut être assimilée à une révocation.» Malgré l'emploi du qualificatif «vaine», je ne peux voir dans cet énoncé l'intention d'affirmer qu'il s'agit du résultat ou de la consé- quence d'une nullité. Si on lit l'analyse qui suit à la page 61 concernant les différences qui existent entre les dispositions législatives en matière de renvoi et de congédiement, la déclaration du juge en chef semble plutôt indiquer qu'on ne peut en droit considérer un renvoi comme un congédie- ment. L'aspect important n'était pas que le renvoi était «vain» ou nul dans cette affaire, mais que des règles juridiques différentes s'appliquaient à un renvoi et à un congédiement. Le fait que le juge en chef ait mentionné la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Jacmain c. Le procureur général du Canada (précitée), à l'appui de l'énoncé cité plus haut, confirme, d'après moi, qu'il n'envisageait pas la question sous l'angle de la nullité mais plutôt sous celui des motifs de la décision majoritaire dans l'affaire Jacmain, selon laquelle un renvoi pour un motif déterminé en vertu du paragraphe 28(3) pendant la période de stage ne pouvait être considéré dans cette affaire comme un congédiement disciplinaire.
Dans la présente affaire, c'est l'employé ou la personne qui a présenté le grief qui a soutenu
devant l'arbitre que la prétendue cessation d'em- ploi constituait un congédiement disciplinaire. Je ne peux comprendre comment un tel grief serait nul ou ne pourrait faire l'objet d'un renvoi devant un arbitre du seul fait que l'employé aurait pu soutenir que le prétendu renvoi était nul et ne pas recourir à l'arbitrage.
J'estime en outre que l'affaire Barnard c. National Dock Labour Board (précitée), égale- ment citée par l'avocat de l'appelant, ne s'applique pas à la présente affaire. Il y a été décidé que la décision d'un tribunal d'appel qui prétendait con- firmer une décision entachée de nullité était elle- même nulle. Ici, l'arbitre n'a pas décidé que le prétendu renvoi était valide en tant que tel; il a plutôt décidé qu'il constituait en fait un congédie- ment disciplinaire.
A mon sens, il faut donc trancher la question de savoir si la décision de l'arbitre règle de manière définitive la principale question soulevée dans la demande de l'appelant non pas en se fondant sur la nullité du renvoi mais suivant l'optique adoptée par le juge de première instance—examen de la décision de l'arbitre pour déterminer s'il y a défaut de compétence. Dans l'arrêt Tacmain, une majorité des juges de la Cour suprême du Canada a affirmé qu'un arbitre avait compétence en vertu de. l'alinéa 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique pour examiner si un prétendu renvoi pour un motif déterminé pendant le stage constituait de fait un congédiement disciplinaire. Compte tenu de l'étude faite par le juge en chef Jackett dans les affaires Wright et Ouimet des différences entre les dispositions législatives en matière de renvoi et de congédiement, il découle clairement du principe confirmé dans l'arrêt Tac- main que décider, du moins à la demande de l'employé, qu'une prétendue cessation d'emploi présentée sous la forme d'un renvoi constitue en fait un congédiement disciplinaire n'entraîne pas automatiquement un défaut de compétence. Le juge Pigeon, parlant également au nom du juge Beetz, s'est exprimé ainsi à la page 40:
A l'audition, l'avocat du procureur général a concédé à juste titre qu'on ne pouvait priver un employé en stage du droit de présenter un grief contre un congédiement disciplinaire en faisant celui-ci sous forme de renvoi en vertu de l'art. 28 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. En conséquence, lorsqu'un grief a été présenté, l'arbitre avait compétence pour examiner s'il s'agissait en fait d'un congédiement comme le prétend le réclamant. J'estime donc que la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique n'a pas fait erreur en statuant ainsi selon l'arrêt Fardella c. La Reine [[1974] 2 C.F. 465]. La situation n'est pas la même que celle d'un employé renvoyé par la Commission de la Fonction publique en vertu de l'art. 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Dans ce cas-là, la Cour d'appel fédérale a décidé que le grief de l'employé ne pouvait pas faire l'objet d'un arbitrage (Re Cooper [[19741 2 C.F. 407]).
Le juge Dickson, parlant en son nom et en celui du juge en chef Laskin et du juge Spence, a déclaré à la page 25:
Comme d'habitude, le fond l'emporte sur la forme. La forme de l'avis ne peut pas priver un arbitre de sa compétence si, compte tenu de l'ensemble des faits, la mesure prise par l'employeur est en réalité de nature disciplinaire. La Cour d'appel fédérale n'a pas fait d'erreur en confirmant le droit d'un arbitre, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, de décider si le prétendu renvoi en cours de stage projeté par l'employeur est, en fait, une mesure disciplinaire aboutissant à un congédiement.
Les quatre autres juges, qui faisaient partie de la majorité quant à l'issue du pourvoi, n'ont pas exprimé d'opinion sur la nature de la compétence d'un arbitre dans un tel cas. Ils ont souscrit à la décision de la présente Cour suivant laquelle le renvoi avait été effectué de bonne foi et que par conséquent, «l'arbitre n'était pas compétent pour examiner le grief en vertu de l'article 91 et a commis une erreur de droit en se déclarant compé- tent.» Comme le juge de Grandpré l'a déclaré à la page 38: «Vu ma conclusion sur le fond, je n'ai pas à décider si vraiment l'arbitre a compétence lors- que le renvoi est clairement une mesure discipli- naire.»
Les cinq juges qui ont affirmé qu'un arbitre avait compétence pour décider si une prétendue cessation d'emploi sous forme de renvoi constitue en fait un congédiement disciplinaire ont examiné la manière dont il fallait aborder l'examen judi- ciaire de la décision d'un arbitre sur une question mixte de droit et de fait touchant à sa compétence. Le juge Dickson, parlant au nom du juge en chef Laskin et du juge Spence, a déclaré à la page 29:
Le pouvoir de contrôle sur les questions de juridiction fournit aux cours de justice un bon outil pour s'assurer que les tribu- naux connaissent du genre de litiges que le législateur leur a confié. Il leur permet de contrôler les tentatives d'usurpation de pouvoir. Mais, à mon avis, les cours de justice devraient hésiter à déclarer un tribunal incompétent quand sa décision est hon- nête et équitable et qu'il a correctement pris en considération la documentation qui lui a été soumise. Dans l'exercice de son contrôle sur les conclusions en matière de compétence, la Cour
doit laisser place à une certaine latitude. Elle doit se demander si la preuve est suffisante pour étayer les conclusions de fait et si les conclusions de droit ou les conclusions mixtes de fait et de droit sont logiques. L'erreur doit être manifeste. La Cour a un rôle de révision; elle ne doit pas faire un nouveau procès.
Le juge Pigeon, parlant également au nom du juge Beetz, a déclaré à la page 40:
Bien que l'arbitre ait le droit d'examiner si le renvoi est en fait un congédiement disciplinaire, cet examen porte sur un fait dont sa compétence dépend. Sa conclusion ne peut donc être considérée comme définitive et elle est susceptible de révision à titre de point de droit (Bell c. Ontario Human Rights Commis sion [[1971] R.C.S. 756]).
Cependant, les juges Pigeon et Beetz ont rejeté le pourvoi au motif que l'arbitre n'avait pas com- pétence pour examiner la valeur des motifs de renvoi afin de déterminer s'il s'agissait d'un congé- diement disciplinaire.
Étant donné la diversité des réponses apportées à la question soulevée dans l'affaire Jacmain, je suis enclin, tant que la Cour n'aura pas apporté d'autres précisions à ce sujet, à suivre le raisonne- ment proposé par le juge Dickson pour décider si la décision de l'arbitre est entachée d'un vice de compétence. J'estime que les motifs donnés pour le prétendu renvoi au troisième paragraphe de la lettre envoyée par M. Doucet, qui est citée dans les motifs prononcés par mon collègue le juge Heald, constituaient des éléments de preuve suffisants pour justifier la décision de l'arbitre.
Dans la présente affaire, le problème est que l'appelant adopte dans sa demande de jugement déclaratoire une position contraire à celle qu'il a adoptée devant l'arbitre. Il semble qu'il pense avoir trouvé - un meilleur argument pour fonder sa demande. La question en litige portant sur la compétence de l'arbitre, il semble bien qu'il puisse ainsi changer sa position. J'estime néanmoins que la question de savoir si l'arbitre a commis une erreur qui porte atteinte à sa compétence en déci- dant, à la demande du réclamant, que le prétendu renvoi constituait un congédiement disciplinaire ne saurait être tranchée de la même manière que la question, se posant sans qu'un arbitre ait rendu une décision, de savoir si, dans une demande de jugement déclaratoire et de dommages-intérêts présentée par un employé, l'employeur devrait pouvoir invoquer un congédiement disciplinaire au lieu de ce qui avait été qualifié de renvoi. Dans ce
dernier cas, qui n'est pas celui que nous avons à trancher, il serait fort probablement loisible à la Cour d'arriver à une conclusion différente, ce qu'elle ne peut faire, d'après moi, dans la présente affaire, en raison des limites qu'il convient de respecter relativement à l'examen judiciaire de la décision de l'arbitre.
Par ces motifs, je confirme le jugement de pre- mière instance d'après lequel la décision de l'arbi- tre que la cessation de l'emploi de l'appelant a été validement effectuée au moyen d'un congédiement disciplinaire justifié a été prise dans les limites de sa compétence et n'est donc pas susceptible d'être modifiée. Par conséquent, je rejette l'appel, sans toutefois rendre d'ordonnance concernant les dépens.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: J'ai eu l'avantage de lire les motifs de jugement préparés par le juge Heald et le juge Le Dain. Ces motifs distincts et divergents précisent en détail les faits et les ques tions en litige, les prétentions des parties ainsi que la jurisprudence citée par les avocats dans leurs plaidoiries. Il serait inutile de les répéter ici mais j'en mentionnerai certains dans mes propres motifs. D'après moi, les questions en litige sont fort discutables.
Il est établi qu'après avoir reçu la lettre de P. D. Doucet en date du 8 mars 1977, citée dans les motifs du juge Heald, lettre lui signifiant son renvoi en en donnant les motifs, l'appelant a pré- senté un grief qui a été soumis à l'arbitrage confor- mément à l'alinéa 91(1)b) de la Loi sur les rela tions de travail dans la Fonction publique; que l'arbitre a décidé que la mesure prise par l'em- ployeur était de nature disciplinaire et qu'il avait par conséquent compétence, en vertu de l'article 91, pour décider si cette mesure disciplinaire, c.-à-d. le congédiement du réclamant, était justi- fiée. L'arbitre a décidé que la mesure disciplinaire était justifiée et a rejeté le grief.
L'appelant a ensuite institué une action devant la Division de première instance. Dans son juge- ment, le juge de première instance a décidé que,
dans ces circonstances, l'arbitre devait examiner la véritable nature du renvoi du réclamant et après un examen objectif des faits, décider, à titre de question de fait, si le prétendu renvoi en cours de stage constituait en fait une mesure disciplinaire au sens de l'alinéa 91(1)b), donnant ainsi compé- tence à l'arbitre. Le juge de première instance a décidé que les preuves justifiaient amplement la conclusion de l'arbitre suivant laquelle le récla- mant avait été congédié pour un manquement à la discipline et qu'il avait compétence pour trancher cette question. La Division de première instance a donc rejeté l'action du demandeur.
D'après moi, pour en arriver à sa décision, l'ar- bitre a simplement exercé sa compétence: il a examiné tous les faits et a cherché à déterminer la véritable nature de la mesure prise par l'em- ployeur. A première vue, la lettre de l'employeur datée du 8 mars 1977 semble indiquer une mesure prise en vertu du paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Mais cette lettre mentionnait également des motifs. En l'es- pèce, cette lettre ne prouvait pas nécessairement que cette mesure n'était pas essentiellement disci- plinaire. Le réclamant et son avocat ont soutenu devant l'arbitre que cette mesure prise par l'em- ployeur était en fait une mesure disciplinaire. Il appartenait à l'arbitre de trancher de bonne foi cette question. Je pense qu'il a pris cette décision dans les limites de sa compétence et qu'il existait des preuves suffisantes pour la justifier.
Après avoir examiné cette question, je partage l'opinion du juge Le Dain que la question à tran- cher est, pour reprendre ses paroles, «celle de savoir si la décision de l'arbitre portant que l'appe- lant a été congédié pour des motifs disciplinaires et que son congédiement était justifié règle de manière définitive la principale question soulevée par l'appelant dans son action en jugement décla- ratoire et dommages-intérêts---c'est-à-dire, s'il a été mis fin validement à son emploi» ainsi que son autre opinion d'après laquelle «la question de savoir si la décision de l'arbitre règle de manière définitive la principale question soulevée dans la demande de l'appelant [doit être tranchée] non pas en se fondant sur la nullité du renvoi mais suivant l'optique adoptée par le juge de première instan- ce—examen de la décision de l'arbitre pour déter- miner s'il y a défaut de compétence.»
Par ces motifs et les motifs du juge Le Dain, je confirme le jugement de première instance d'après lequel la décision de l'arbitre que la cessation de l'emploi de l'appelant a été validement effectuée au moyen d'un congédiement disciplinaire justifié a été prise dans les limites de sa compétence et n'est donc pas susceptible d'être modifiée. Par conséquent, je rejette l'appel, sans toutefois rendre d'ordonnance concernant les dépens.
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