A-495-79
Jacques Vachon (appelant) (demandeur)
c.
La Reine du chef du Canada, représentée par le
sous-ministre de la Santé nationale et du Bien-
être social (intimée) (défenderesse)
Cour d'appel, juges Heald, Le Dain et juge sup
pléant Kerr—Ottawa, 10 septembre et 10 novem-
bre 1981.
Fonction publique — Appel du jugement de première ins
tance — La période de stage de l'appelant a été prolongée, et il
a par la suite été renvoyé en cours de stage pour avoir
publiquement exprimé des opinions qui étaient tout à fait
contraires aux politiques du Ministère — L'arbitre a décidé
que l'appelant avait été renvoyé pour des motifs disciplinaires
et qu'il avait donc, en vertu de l'art. 91(1)b) de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique, compétence
pour déterminer si le congédiement du réclamant était justifié
— L'arbitre a jugé que la peine imposée n'était pas excessive
— Le juge de première instance a décidé que le prétendu
renvoi de l'appelant en cours de stage était entaché de nullité,
mais que les preuves justifiaient amplement la décision de
l'arbitre — L'appelant soutient que le juge de première ins
tance a eu tort de ne pas déclarer nul le grief, puisqu'il a
conclu à la nullité du renvoi pour un motif déterminé — Il
échet d'examiner si la décision de l'arbitre règle de manière
définitive la question de savoir s'il a été mis fin validement à
l'emploi de l'appelant — Appel rejeté — Loi sur l'emploi dans
la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 28(3),(5) —
Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, c. P-35, art. 91(1)b) — Règlement sur l'emploi
dans la Fonction publique, DORS/67-129, art. 30(2).
Appel est formé contre le jugement par lequel la Division de
première instance a rejeté l'action intentée par l'appelant contre
l'intimée. La période de stage de l'appelant a été prolongée, et il
a, par la suite, été renvoyé en cours de stage en vertu du
paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique. Les motifs invoqués pour son renvoi étaient que
l'appelant avait participé sans autorisation préalable à une
émission de télévision, que la nature de ses fonctions avait été
clairement précisée et que les opinions qu'il avait exprimées
étaient tout à fait contraires aux objectifs du Ministère. L'appe-
lant a déposé un grief qui a été renvoyé à l'arbitrage conformé-
ment à l'alinéa 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique. L'arbitre a décidé que la cessation
d'emploi de l'appelant se fondait sur des motifs disciplinaires et
qu'il avait donc, en vertu de l'article 91, compétence pour
décider si le congédiement du réclamant était justifié. L'arbitre
a décidé que l'appelant avait gravement manqué à ses devoirs,
ce qui justifiait l'imposition d'une peine, et que, dans les
circonstances, la peine imposée, le congédiement, n'était pas
excessive. L'appelant a alors institué une action devant la
Division de première instance dans laquelle il demandait que
soit déclaré ultra vires le paragraphe 30(2) du Règlement sur
l'emploi dans la Fonction publique, que soit déclaré que l'inti-
mée n'avait pas le pouvoir de le renvoyer en invoquant le
paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique ni le paragraphe 30(2) du Règlement sur l'emploi
dans la Fonction publique, et que soit déclaré que le prétendu
renvoi était nul. Le juge de première instance a décidé que, le
paragraphe 30(2) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction
publique étant ultra vires, la prolongation du stage de l'appe-
lant était illégale. Par conséquent, le prétendu renvoi de l'appe-
lant en cours de stage était entaché de nullité. Toutefois, le juge
de première instance est arrivé à la conclusion que les preuves
justifiaient amplement la décision de l'arbitre selon laquelle
l'appelant avait été congédié pour un manquement à la disci
pline. L'appelant soutient que le juge de première instance a eu
tort de ne pas déclarer nul le grief et donc non susceptible
d'arbitrage, et de conclure que la décision de l'arbitre avait
pour effet d'empêcher l'appelant d'obtenir des dommages-inté-
rêts. Le premier argument est fondé sur le raisonnement sui-
vant: le renvoi pour un motif déterminé étant entaché de
nullité, le grief qui en découle est également entaché de nullité.
La question est de savoir si la décision de l'arbitre portant que
l'appelant a été congédié pour des motifs disciplinaires et que
son congédiement était justifié règle de manière définitive la
principale question soulevée par l'appelant dans son action en
jugement déclaratoire et dommages-intérêts—c'est-à-dire, s'il a
été mis fin validement à son emploi.
Arrêt: l'appel est rejeté. Il faut trancher la question de savoir
si la décision de l'arbitre règle de manière définitive la princi-
pale question soulevée dans la demande de l'appelant non pas
en se fondant sur la nullité du renvoi mais sur l'examen de la
décision de l'arbitre pour déterminer s'il y a défaut de compé-
tence. Un arbitre a compétence en vertu de l'alinéa 91(1)b) de
la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique
pour examiner si un prétendu renvoi pour un motif déterminé
pendant le stage constitue de fait un congédiement discipli-
naire. Décider, du moins à l'instigation de l'employé, qu'une
prétendue cessation d'emploi présentée sous la forme d'un
renvoi constitue en fait un congédiement disciplinaire n'en-
traîne pas automatiquement un défaut de compétence. La Cour
doit se demander si la preuve est suffisante pour étayer les
conclusions de fait et si les conclusions de droit ou les conclu
sions mixtes de fait et de droit sont logiques. Les motifs donnés
pour le prétendu renvoi constituaient des éléments de preuve
suffisants pour justifier la décision de l'arbitre. La décision de
l'arbitre a été prise dans les limites de sa compétence.
Le juge Heald dissident: L'argument selon lequel le grief
était nul parce que le renvoi pour un motif déterminé était
entaché de nullité est bien fondé en droit puisque la jurispru
dence pertinente est au même effet. Il est clair que l'intimée
avait l'intention de procéder à un renvoi pour un motif déter-
miné et non pas à un congédiement. Permettre à l'employeur,
après coup, et contrairement aux termes clairs et sans équivo-
que de la lettre de renvoi, de transformer en quelque sorte ce
qui était au départ un renvoi pour un motif déterminé en un
congédiement reviendrait à fausser l'application des disposi
tions législatives et entraînerait une injustice pour l'appelant.
La vérité du principe qu'un arbitre refuse d'exercer sa compé-
tence s'il ne commence pas par déterminer la véritable nature
de la mesure prise par l'employeur lorsqu'il renvoie un sta-
giaire, et que l'arbitre n'est pas lié par la qualification attribuée
par l'employeur à ses propres actions est indiscutable, mais ce
principe ne peut s'appliquer qu'aux affaires dans lesquelles le
prétendu renvoi pour un motif déterminé est décidé pendant le
stage. Le juge de première instance a décidé à tort que l'arbitre
avait compétence en l'espèce en vertu de l'alinéa 91(1)b) de la
Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique.
Jurisprudence: arrêt suivi: Jacmain c. Le procureur géné-
ral du Canada [1978] 2 R.C.S. 15. Distinction faite avec
les arrêts: Wright c. La Commission des relations de
travail dans la Fonction publique [1973] C.F. 765;
R. c. Ouimet [1979] 1 C.F. 55; Emms c. La Reine
[1979] 2 R.C.S. 1148; Barnard c. National Dock Labour
Board [1953] 2 Q.B. 18; Fardella c. La Reine [1974]
2 C.F. 465; Richard c. La Commission des relations de
travail dans la Fonction publique [1978] 2 C.F. 344;
Cutter Laboratories International c. Le Tribunal anti-
dumping [1976] 1 C.F. 446.
APPEL.
AVOCATS:
John D. Richard, c.r. et L. H. Harnden pour
l'appelant (demandeur).
W. L. Nisbet, c.r., pour l'intimée (défende-
resse).
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'appe-
lant (demandeur).
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD (dissident): Il s'agit d'un appel
d'un jugement de la Division de première instance
[[1980] 1 C.F. 212] qui rejetait l'action qu'avait
intentée l'appelant contre l'intimée. Dans cette
affaire, les faits essentiels ne sont pas contestés.
J'en donnerai le résumé suivant. Le 27 janvier
1975, l'appelant entrait à la Fonction publique
fédérale, ayant été nommé recherchiste supérieur à
la Commission de la Fonction publique. Le 2
février 1976, la suite d'un concours, il a été
nommé à un poste de consultant dans la Division
de la planification familiale du ministère de la
Santé nationale et du Bien-être social. Il s'agissait
d'une mutation latérale et il conservait la même
classification. L'appelant devait effectuer un stage
du 2 février 1976 au 1" février 1977. Le 27 janvier
1977, l'appelant a été informé que sa période de
stage était prolongée de six mois et se terminerait
le lei août 1977. Le 8 mars 1977, l'appelant a été
informé par une lettre signée par P. D. Doucet,
directeur général, Direction de l'administration du
personnel, ministère de la Santé nationale et du
Bien-être social, Canada, qu'il avait été renvoyé en
cours de stage en vertu du paragraphe 28(3) de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, c. P-32'. Cette lettre est ainsi conçue
(voir D.A. aux pages 14 et 15):
[TRADUCTION] Monsieur,
Au nom du sous-ministre, je dois vous aviser que vous êtes
renvoyé en cours de stage en vertu de l'article 28(3) de la Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique. La date de votre renvoi
a été fixée au 8 avril 1977, à la fin de la journée de travail.
Vous avez été nommé au poste de consultant en éducation
dans la Division de la planification familiale le 2 février 1976,
et votre période de stage a été prolongée jusqu'au 1°r août 1977,
alors qu'elle devait se terminer le 1°r février 1977.
Vous avez déjà été informé des motifs de cette mesure par le
sous-ministre adjoint, Direction générale des programmes des
services sociaux. Premièrement, vous avez participé sans autori-
sation préalable à une émission de télévision de la chaîne 24
diffusée le 16 février 1977. Deuxièmement, la nature de vos
fonctions actuelles a été clairement précisée et les opinions que
vous avez exprimées à l'occasion de cette émission sur le
Programme de planification familiale de notre Ministère
étaient tout à fait contraires, dans l'opinion de la direction du
Ministère, aux objectifs officiels de ce Programme et à vos
fonctions dans le cadre de celui-ci. Par conséquent, la direction
estime que ces actes vous mettent dans l'impossibilité de vous
acquitter de vos fonctions de manière satisfaisante.
Conformément à l'article 28(5) de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, la Commission inscrira votre nom sur telle
liste d'admissibilité et à tel rang sur cette liste qui, de l'avis de
la Commission, correspondent à vos aptitudes.
D'ici le 8 avril, vous n'aurez pas à vous acquitter des
fonctions associées à votre poste actuel et par conséquent, vous
devrez vous abstenir de pénétrer dans les locaux du Ministère.
Pendant cette période, si vous désirez communiquer avec le
Ministère, vous pourrez vous mettre en rapport avec M. Dean
Moodie, chef du cabinet du sous-ministre adjoint, Direction
générale des programmes des services sociaux, 992-3864, ou M.
L. Brazeau, conseiller en personnel, Bien-être social, 996-8331.
Vous avez déjà fait savoir au sous-ministre adjoint, Direction
générale des programmes des services sociaux, que vous n'avez
conservé que des lettres ou des notes de service personnelles et
' Le paragraphe 28(3) se lit comme suit:
28....
(3) A tout moment au cours du stage, le sous-chef peut
prévenir l'employé qu'il se propose de le renvoyer, et donner
à la Commission un avis de ce renvoi projeté, pour un motif
déterminé, au terme du délai de préavis que la Commission
peut fixer pour tout employé ou classe d'employés. A moins
que la Commission ne nomme l'employé à un autre poste
dans la Fonction publique avant le terme du délai de préavis
qui s'applique dans le cas de cet employé, celui-ci cesse d'être
un employé au terme de cette période.
que vous n'avez aucun bien appartenant au gouvernement en
votre possession.
Le directeur général
de la Direction de l'administration
du personnel,
P. D. Doucet.
L'appelant a présenté un grief qui a été renvoyé
à l'arbitrage conformément à l'alinéa 91(1)b) de la
Loi sur les relations de travail dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, c. P-35 2 .
L'arbitre a décidé que la cessation d'emploi de
l'appelant se fondait sur des motifs disciplinaires et
qu'il avait donc, en vertu de l'article 91 (précité),
compétence pour décider si le congédiement du
réclamant était justifié. Après avoir examiné les
preuves, l'arbitre a décidé que l'appelant avait
gravement manqué à ses devoirs de fonctionnaire,
ce qui justifiait l'imposition d'une peine et que,
dans les circonstances, la peine imposée par l'em-
ployeur, le congédiement, n'était pas excessive. Le
principal reproche fait à l'appelant était d'avoir
participé à une émission de télévision dans laquelle
il avait critiqué ouvertement les politiques offi-
cielles de son Ministère et exprimé des opinions
tout à fait contraires aux politiques ou aux objec-
tifs du Ministère qui l'employait.
L'appelant a alors institué une action devant la
Division de première instance dans laquelle il
demandait que:
a) soit déclaré ultra vires le paragraphe 30(2)
du Règlement sur l'emploi dans la Fonction
publique, DORS/67-129 3 ;
2 L'alinéa 91(1)b) se lit comme suit:
91. (1) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au
dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusive-
ment, au sujet
b) d'une mesure disciplinaire entraînant le congédiement,
la suspension ou une peine pécuniaire,
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante
pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
3 L'article 30 du Règlement se lisait ainsi aux époques en
cause:
30. (1) La période de stage mentionnée au paragraphe (1)
de l'article 28 de la Loi pour un employé qui fait partie d'une
(Suite à la page suivante)
b) soit déclaré que l'intimée n'avait pas le pou-
voir de le renvoyer en invoquant le paragraphe
28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique ni le paragraphe 30(2) du Règlement
sur l'emploi dans la Fonction publique;
c) soit déclaré que le renvoi de l'appelant est nul
et non avenu et que l'appelant conserve son
statut d'employé comme s'il n'avait pas été ren-
voyé; et
d) soit rendu un jugement portant paiement à
l'appelant d'une somme suffisante pour le
dédommager des salaires et autres avantages
qu'il aurait reçus si l'intimée ne l'avait pas
illégalement renvoyé.
Le juge de première instance a appliqué la décision
rendue par la présente Cour dans l'affaire Ouimet 4
et a décidé que, le paragraphe 30(2) du Règlement
sur l'emploi dans la Fonction publique (précité)
étant ultra vires, la prolongation du stage de l'ap-
pelant était illégale. Par conséquent, il a estimé
que le prétendu renvoi de l'appelant en cours de
stage était entaché de nullité. Il a ensuite examiné
la jurisprudence de la présente Cour et de la Cour
suprême du Canada et il est arrivé à la conclusion
que l'arbitre devait déterminer le motif véritable
du renvoi de l'employé stagiaire par l'employeur
puisque le mécanisme de renvoi en cours de stage
«ne doit pas servir d'expédient dans les cas où
l'employeur répugne au congédiement pour man-
quement à la discipline» [à la page 220] . Il a
ensuite abordé la question de savoir s'il existait des
preuves suffisantes pour que l'arbitre puisse déci-
der que la véritable raison du congédiement de
l'employé était de nature disciplinaire et il est
arrivé à la conclusion que les preuves justifiaient
(Suite de la page précédente)
classe ou d'un groupe mentionnés à la colonne I de l'Annexe
A est la période indiquée en regard de cette classe ou de ce
groupe dans la colonne II de ladite Annexe.
(2) Le sous-chef peut prolonger la période de stage d'un
employé mais la période de prolongation ne doit pas dépasser
la période déterminée pour cet employé en conformité du
paragraphe (1).
4 La Reine c. Ouimet [1979] 1 C.F. 55.
amplement la décision de l'arbitre suivant laquelle
l'appelant avait été congédié pour un manquement
à la discipline. Voici ce passage [aux pages 222 et
223]:
A mon avis, les preuves administrées devant l'arbitre justi-
fiaient l'exercice de sa compétence. En conséquence, on ne
saurait dire qu'il était incompétent. Il était donc fondé à rejeter
le grief formulé par le demandeur.
Vu ma conclusion ci-dessus, il ne sert à rien de faire droit
aux fins visées aux alinéas a) et b) de la demande, car il n'en
découlerait aucun avantage concret pour le demandeur. De
même, le redressement demandé à l'alinéa c) ne peut être
accordé parce que le demandeur n'a pas été renvoyé en cours de
stage mais qu'il a été congédié ainsi que l'a conclu l'arbitre,
décision que je n'ai pas l'intention de mettre en cause à la
lumière des motifs exposés ci-dessus.
Par ces motifs, l'action du demandeur est rejetée, la défende-
resse ayant droit aux dépens si elle les demandait.
L'appelant soutient que le jugement de la Division
de première instance contient deux erreurs:
a) le grief déposé par l'appelant n'a pas été
déclaré nul et donc non susceptible d'arbitrage;
et
b) d'après ce jugement, la décision de l'arbitre a
pour effet d'empêcher l'appelant d'obtenir des
dommages-intérêts.
Le premier argument de l'appelant est fondé sur le
raisonnement suivant: le renvoi pour un motif
déterminé conformément au paragraphe 28(3) de
la Loi étant entaché de nullité, le grief qui en
découle est également entaché de nullité et ne peut
donc être renvoyé à l'arbitrage.
J'estime que cet argument est bien fondé en
droit puisque la jurisprudence pertinente est au
même effet. Dans la décision de cette Cour dans
l'affaire Ouimet, mentionnée plus haut, le juge en
chef Jackett a examiné un argument qui semble
identique à celui qu'a repris le juge de première
instance dans la présente affaire; en voici la
teneur: même si le prétendu renvoi en cours de
stage est nul, ce renvoi constitue néanmoins un
congédiement qui entraîne la cessation d'emploi de
l'appelant. Le juge en chef Jackett a rejeté cet
argument aux pages 60 et 61 du recueil:
Tout au moins dans le contexte des lois régissant la Fonction
publique, la vaine tentative de renvoi fondée sur l'article 28 ne
peut être assimilée à une révocation. (Cf. Bell Canada c. Office
and Professional Employees' International Union [1974]
R.C.S. 335, la page 340, et Jacmain c. Le procureur général
du Canada [1978] 2 R.C.S. 15.) Le renvoi fait partie inté-
grante du système de stage qui permet de sélectionner des
fonctionnaires titulaires parmi les stagiaires engagés à titre
d'essai. Tout «motif» tenant aux chances de l'intéressé de
devenir un membre efficace de l'«équipe» pourrait justifier le
renvoi. Il en est tout autre de la révocation. Elle vise normale-
ment à mettre fin, autrement que par la retraite, aux services
d'un fonctionnaire titulaire et les «motifs» de révocation sont
régis par des principes tout à fait différents de ceux applicables
au renvoi. En effet, rien ne permet de supposer que le supérieur
habilité à renvoyer un stagiaire au nom de Sa Majesté est
également celui qui a pouvoir de révocation.
Dans l'arrêt Emms c. La Reines, dont les faits
ressemblent à ceux de la présente affaire, le juge
Pigeon a déclaré à la page 1162:
Ayant conclu que le par. 30(2) du Règlement sur l'emploi
dans la Fonction publique visant la prolongation de la période
de stage doit être considéré sans effet, il s'ensuit qu'Emms n'a
jamais été valablement congédié parce que l'avis qu'on lui a
donné visait un renvoi durant son stage. A l'audition, on a
prétendu que ce renvoi devait néanmoins être considéré comme
un congédiement ayant effectivement mis fin à l'emploi du
demandeur. Vu sa conclusion qu'Emms avait été dûment ren-
voyé, la Cour d'appel n'a pas étudié cet argument. Il a cepen-
dant été analysé dans l'arrêt Ouimet et, à mon avis, c'est à juste
titre qu'il y a été rejeté ....
Ensuite, le juge Pigeon cite presque entièrement le
passage précité des motifs du juge en chef Jackett
dans l'affaire Ouimet (précitée)ns l'arrêt
Emms (précité), le juge M rtland", parlant au liom
de la majorité, mention ie également en les
approuvant les motifs du juge en chef Jackett dans
l'arrêt Ouimet (précité).
Si l'on applique les remarques du juge en chef
Jackett dans l'arrêt Ouimet (précité) aux faits de
la présente affaire, il est évident, d'après moi, que
l'intimée avait l'intention de renvoyer l'appelant
pour un motif déterminé pendant ce que l'intimée
pensait être le stage de l'appelant. La lettre du 8
mars 1977 mentionne précisément le paragraphe
28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, qui vise le renvoi pour un motif déter-
miné en cours de stage. Il est dit dans la lettre: «...
vous êtes renvoyé en cours de stage.» De plus, cette
lettre mentionne que la Commission va inscrire le
nom de l'appelant sur telle liste d'admissibilité et à
tel rang sur cette liste qui, de l'avis de la Commis
sion, correspondent aux aptitudes de l'appelant,
conformément au paragraphe 28(5) de la Loi sur
5 [1979] 2 R.C.S. 1148.
l'emploi dans la Fonction publique 6 .
L'avocat de l'intimée soutient cependant que,
lorsque l'arbitre a décidé, en se fondant sur des
preuves suffisantes, que la mesure prise par l'em-
ployeur constituait véritablement un congédiement
disciplinaire, ce congédiement est valide quelle que
soit la validité du prétendu renvoi. Je ne peux
accepter cet argument.
Il ressort clairement du dossier dans cette
affaire que l'intimée avait l'intention de procéder à
un renvoi pour un motif déterminé et non pas à un
congédiement. Cette situation est semblable à celle
examinée dans l'affaire Wright' dans laquelle le
juge en chef Jackett a déclaré [à la page 779]:
A mon avis, ayant essayé de faire perdre son emploi à un
employé en le renvoyant après l'expiration de la période du
stage, l'employeur ne pouvait, dans ce cas, s'appuyer après coup
sur le document de renvoi pour dire que l'employé avait perdu
son emploi par suite d'un congédiement pour inconduite.
Je partage cette opinion, exprimée par le juge en
chef Jackett dans l'arrêt Wright (précité), et je
pense qu'elle s'applique également à la présente
affaire. Permettre à l'employeur, après coup, et
contrairement aux termes clairs et sans équivoque
de la lettre de renvoi, de transformer en quelque
sorte ce qui était au départ un renvoi pour un
motif déterminé en un congédiement reviendrait,
d'après moi, à fausser l'application des dispositions
législatives et entraînerait une injustice pour
l'appelant.
L'avocat de l'intimée a cité les affaires Jacmain,
6 Le paragraphe 28(5) se lit comme suit:
28. ...
(5) Nonobstant la présente loi, une personne qui cesse
d'être un employé conformément au paragraphe (3)
a) doit, si elle a accédé à son poste alors qu'elle était déjà
membre de la Fonction publique, et
b) peut, dans tout autre cas,
être inscrite par la Commission sur telle liste d'admissibilité
et à tel rang sur cette liste qui, de l'avis de la Commission,
correspondent à ses aptitudes.
Wright c. La Commission des relations de travail dans la
Fonction publique [1973] C.F. 765.
Fardella, Richard et Cutter 8 pour établir le prin-
cipe qu'un arbitre refuse d'exercer sa compétence
s'il ne commence pas par déterminer la véritable
nature de la mesure prise par l'employeur lorsqu'il
renvoie un stagiaire, et que l'arbitre n'est pas lié
par la qualification attribuée par l'employeur à ses
propres actions. La vérité de cette proposition est
indiscutable, mais j'estime que ce principe ne peut
s'appliquer qu'aux affaires dans lesquelles le pré-
tendu renvoi pour un motif déterminé est décidé
pendant le stage. La nécessité de décider si la
véritable mesure prise est une mesure disciplinaire
camouflée en renvoi n'existe que dans ces cas-là.
Dans les affaires Jacmain et Fardella (précitées),
le prétendu renvoi pour un motif déterminé a été
décidé au cours du stage. Dans l'affaire Richard
(précitée), cette décision a été prise pendant une
prétendue prolongation d'un an de la durée du
stage. Cependant, l'affaire Richard (précitée) a
été jugée en 1977, bien avant les arrêts Ouimet et
Emms (précités) qui ont invalidé le paragraphe
30(2) du Règlement. Il ne ressort pas des motifs de
l'affaire Richard (précitée) que la validité du
paragraphe 30(2) du Règlement y ait été attaquée.
Je pense donc que les arrêts Jacmain, Fardella et
Richard (précités) ne peuvént aider l'intimée.
L'affaire Cutter (précitée) ne concerne pas la Loi
sur les relations de travail dans la Fonction pu-
blique et n'est donc pas directement pertinente.
Par ces motifs, je conclus que le juge de pre-
mière instance a décidé à tort que l'arbitre avait
compétence en l'espèce en vertu de l'alinéa 91(1)b)
de la Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique.
J'accueillerais donc l'appel avec dépens et décla-
rerais ce qui suit:
a) l'intimée n'avait pas le pouvoir de mettre fin
à l'emploi de l'appelant en vertu du paragraphe
28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique ni en vertu du paragraphe 30(2)
(abrogé par DORS/79-14) du Règlement sur
l'emploi dans la Fonction publique; et
8 Le procureur général du Canada c. La Commission des
relations de travail dans la Fonction publique (Roland Jac -
main) [1977] 1 C.F. 91, confirmé par la Cour suprême du
Canada [1978] 2 R.C.S. 15; Fardella c. La Reine [1974] 2
C.F. 465; Richard c. La Commission des relations de travail
dans la Fonction publique [1978] 2 C.F. 344à la page 347;
Cutter Laboratories International c. Le Tribunal antidumping
[1976] 1 C.F. 446.
b) la prétendue cessation d'emploi de l'appelant
est nulle et de nul effet.
Je renverrais donc cette affaire devant la Division
de première instance pour que le procès se pour-
suive dans le but de fixer le montant des domma-
ges-intérêts auquel l'appelant peut avoir droit.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: J'ai eu l'avantage de lire les
motifs de jugement préparés par mon collègue le
juge Heald mais je regrette de ne pouvoir souscrire
à la conclusion à laquelle il est arrivé. J'estime
qu'il convient de rejeter l'appel.
D'après moi, la question à trancher est celle de
savoir si la décision de l'arbitre portant que l'appe-
lant a été congédié pour des motifs disciplinaires et
que son congédiement était justifié règle de
manière définitive la principale question soulevée
par l'appelant dans son action en jugement décla-
ratoire et dommages-intérêts—c'est-à-dire, s'il a
été mis fin validement à son emploi. Le principe
applicable en l'espèce est qu'une décision adminis
trative définitive qui est rendue par une autorité
administrative compétente dans le cadre des pou-
voirs que lui confère la loi n'est pas susceptible
d'être modifiée. Voir l'article de Fazal, «Reliability
of Official Acts and Advice», 1972 Public Law 43,
aux pages 48 et 49. Cela découlerait de l'applica-
tion d'un aspect de la chose jugée que l'on appelle
généralement le principe de l'irrecevabilité de la
remise en cause d'une question de fait. Voir le
traité de Spencer Bower and Turner, The Doctrine
of Res Judicata, 2e éd., pages 149 et 150.
L'arbitre n'avait pas à trancher la question de la
validité du paragraphe 30(2) du Règlement sur
l'emploi dans la Fonction publique, mais j'estime
que cela ne peut affecter le caractère définitif de
sa conclusion selon laquelle ce qui semblait être un
renvoi pour un motif déterminé en cours de stage
constituait en fait un congédiement pour motifs
disciplinaires justifié dans les circonstances. Il
m'est impossible de partager l'opinion suivant
laquelle la cessation d'emploi de l'appelant étant
nulle en tant que renvoi pour motif déterminé en
vertu du paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique, la décision de l'arbitre
qualifiant cette mesure de congédiement pour rai-
sons disciplinaires est également nulle. L'avocat de
l'appelant a soutenu dans son mémoire que, le
prétendu renvoi étant nul en tant que renvoi, [TRA-
DUCTION] «le grief était également nul et ne pou-
vait donc être renvoyé devant un arbitre.» Si j'ai
bien compris cet argument, l'avocat concluait de
cette affirmation que l'arbitre n'ayant rien à tran-
cher dans ce cas, toute décision de sa part ne
pouvait être que nulle. A l'appui de ce raisonne-
ment, l'avocat de l'appelant a invoqué en particu-
lier la décision de cette Cour dans l'affaire Wright
c. La Commission des relations de travail dans la
Fonction publique (précitée) et une observation du
juge en chef Jackett dans l'affaire La Reine c.
Ouimet (précitée), approuvée par le juge Pigeon
dans l'affaire Emms c. La Reine (précitée). Il a
également cité l'arrêt Barnard c. National Dock
Labour Board [1953] 2 Q.B. 18 à l'appui de ses
arguments. Ce raisonnement peut se résumer ainsi:
une cessation d'emploi qui n'est pas valide à titre
de cessation d'emploi d'une certaine catégorie ne
peut jamais être déclarée valide à titre de cessation
d'emploi d'une autre catégorie. Avec le plus grand
respect pour l'opinion contraire, j'estime que les
décisions qui nous ont été mentionnées ne permet-
tent pas d'affirmer l'existence d'un tel principe.
L'avocat de l'appelant a soutenu que la présente
affaire ne pouvait, pour l'essentiel, être distinguée
de celle qui était examinée dans l'arrêt Wright. Je
pense qu'il existe deux différences importantes
qu'il faut garder à l'esprit lorsqu'on examine la
portée des affirmations sur lesquelles s'appuie
l'avocat de l'appelant. Dans l'affaire Wright, l'em-
ployé qui avait renvoyé un grief à l'arbitrage sou-
tenait que le prétendu renvoi pour un motif déter-
miné avait été décidé après la fin de son stage et
qu'on ne pouvait mettre fin à son emploi en vertu
du paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique (voir [1973] C.F. aux pages
766 et 767). L'arbitre a décidé que le prétendu
renvoi n'était pas valide mais a accepté l'argument
de l'employeur suivant lequel cet employé avait été
congédié et s'est déclaré compétent. En d'autres
mots, dans l'affaire Wright, le grief portait sur le
fait que le prétendu renvoi pour un motif déter-
miné était nul et non pas, comme dans la présente
affaire, qu'il constituait un congédiement discipli-
naire. De plus, dans l'affaire Wright, c'était l'em-
ployeur et non pas, comme dans la présente
affaire, l'employé qui mentionnait la notion de
congédiement disciplinaire. Il est évident que la
question de savoir si le renvoi étant nul ne pouvait
faire l'objet d'un renvoi devant un arbitre. C'est
dans ce contexte qu'il faut lire et comprendre les
paroles du juge en chef Jackett reproduites aux
pages 779 et 780: «Ce qu'on lui soumettait, c'était
un renvoi illégal et il ne semble pas y avoir de
fondement possible pour décider qu'il était compé-
tent pour trancher un grief à cet égard. A mon
avis, il aurait donc dû rejeter le renvoi au motif
qu'il n'avait pas compétence.» Ceci vaut également
pour la déclaration du juge Thurlow, [tel était
alors son titre] aux pages 780 et 781: «Le prétendu
renvoi de Wright était nul. Le grief de Wright ne
pouvait pas faire l'objet d'un renvoi à l'arbitrage.
L'arbitre n'avait pas compétence pour déclarer le
renvoi nul en tant que renvoi et il n'existait aucun
fondement lui permettant de déclarer qu'il s'agis-
sait d'un congédiement.» L'employeur s'est efforcé
d'invoquer l'existence d'un congédiement devant
l'arbitre, et c'est pour répondre à cet argument que
le juge en chef Jackett a déclaré à la page 779: «A
mon avis, ayant essayé de faire perdre son emploi à
un employé en le renvoyant après l'expiration de la
période du stage, l'employeur ne pouvait, dans ce
cas, s'appuyer après coup sur le document de
renvoi pour dire que l'employé avait perdu son
emploi par suite d'un congédiement pour incon-
duite.» Cet énoncé figure dans un long passage de
la page 779 dans lequel le juge en chef donne les
motifs qui l'amènent à conclure que le prétendu
renvoi pour un motif déterminé ne pouvait consti-
tuer un congédiement. Si j'ai bien compris les
motifs exprimés dans ce passage, ainsi que ceux
qui figurent à la note 5 de la page 782, il a abordé
cette question en y voyant une question mixte de
droit et de fait et non pas comme si la nullité du
congédiement découlait automatiquement de celle
du renvoi. Il ressort de son examen détaillé des
dispositions de la Loi concernant les différentes
façons par lesquelles une personne peut perdre son
emploi qu'il a été influencé dans sa décision par la
différence de nature qui existe en droit entre un
renvoi pour un motif déterminé sous le régime du
paragraphe 28(3) de la Loi, et un congédiement,
qu'il soit fondé sur des motifs disciplinaires ou sur
une incapacité à s'acquitter de ses fonctions,
comme l'avait décidé l'arbitre dans l'affaire
Wright. Il a également fondé sa conclusion sur les
faits présentés en preuve, comme l'indique sa
déclaration à la page 779: «Selon mon interpréta-
tion, aucun élément de preuve ressortant des docu
ments soumis aux tribunaux en cause, y compris
cette Cour, ne permet de conclure que le requérant
a perdu son emploi.»
De plus, l'énoncé du juge en chef Jackett dans
l'affaire Ouimet aux pages 60 et 61, qui a été
approuvé par le juge Pigeon, parlant en son nom et
en celui du juge Pratte, dans l'affaire Emms, aux
pages 1162 et 1163, s'adressait à un argument de
l'employeur dans une action intentée par un
employé qui demandait un jugement déclaratoire
et des dommages-intérêts. D'après cet employeur,
le prétendu renvoi en vertu du paragraphe 28(3)
constituait en fait un congédiement disciplinaire.
Dans l'arrêt Emms, c'était également l'employeur
qui invoquait la notion de congédiement discipli-
naire. Le passage de l'arrêt Ouimet qui a été
invoqué en particulier à l'appui de l'argument
fondé sur la nullité se retrouve à la page 60: «Tout
au moins dans le contexte des lois régissant la
Fonction publique, la vaine tentative de renvoi
fondée sur l'article 28 ne peut être assimilée à une
révocation.» Malgré l'emploi du qualificatif
«vaine», je ne peux voir dans cet énoncé l'intention
d'affirmer qu'il s'agit du résultat ou de la consé-
quence d'une nullité. Si on lit l'analyse qui suit à la
page 61 concernant les différences qui existent
entre les dispositions législatives en matière de
renvoi et de congédiement, la déclaration du juge
en chef semble plutôt indiquer qu'on ne peut en
droit considérer un renvoi comme un congédie-
ment. L'aspect important n'était pas que le renvoi
était «vain» ou nul dans cette affaire, mais que des
règles juridiques différentes s'appliquaient à un
renvoi et à un congédiement. Le fait que le juge en
chef ait mentionné la décision de la Cour suprême
du Canada dans l'affaire Jacmain c. Le procureur
général du Canada (précitée), à l'appui de
l'énoncé cité plus haut, confirme, d'après moi, qu'il
n'envisageait pas la question sous l'angle de la
nullité mais plutôt sous celui des motifs de la
décision majoritaire dans l'affaire Jacmain, selon
laquelle un renvoi pour un motif déterminé en
vertu du paragraphe 28(3) pendant la période de
stage ne pouvait être considéré dans cette affaire
comme un congédiement disciplinaire.
Dans la présente affaire, c'est l'employé ou la
personne qui a présenté le grief qui a soutenu
devant l'arbitre que la prétendue cessation d'em-
ploi constituait un congédiement disciplinaire. Je
ne peux comprendre comment un tel grief serait
nul ou ne pourrait faire l'objet d'un renvoi devant
un arbitre du seul fait que l'employé aurait pu
soutenir que le prétendu renvoi était nul et ne pas
recourir à l'arbitrage.
J'estime en outre que l'affaire Barnard c.
National Dock Labour Board (précitée), égale-
ment citée par l'avocat de l'appelant, ne s'applique
pas à la présente affaire. Il y a été décidé que la
décision d'un tribunal d'appel qui prétendait con-
firmer une décision entachée de nullité était elle-
même nulle. Ici, l'arbitre n'a pas décidé que le
prétendu renvoi était valide en tant que tel; il a
plutôt décidé qu'il constituait en fait un congédie-
ment disciplinaire.
A mon sens, il faut donc trancher la question de
savoir si la décision de l'arbitre règle de manière
définitive la principale question soulevée dans la
demande de l'appelant non pas en se fondant sur la
nullité du renvoi mais suivant l'optique adoptée
par le juge de première instance—examen de la
décision de l'arbitre pour déterminer s'il y a défaut
de compétence. Dans l'arrêt Tacmain, une majorité
des juges de la Cour suprême du Canada a affirmé
qu'un arbitre avait compétence en vertu de. l'alinéa
91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans
la Fonction publique pour examiner si un prétendu
renvoi pour un motif déterminé pendant le stage
constituait de fait un congédiement disciplinaire.
Compte tenu de l'étude faite par le juge en chef
Jackett dans les affaires Wright et Ouimet des
différences entre les dispositions législatives en
matière de renvoi et de congédiement, il découle
clairement du principe confirmé dans l'arrêt Tac-
main que décider, du moins à la demande de
l'employé, qu'une prétendue cessation d'emploi
présentée sous la forme d'un renvoi constitue en
fait un congédiement disciplinaire n'entraîne pas
automatiquement un défaut de compétence. Le
juge Pigeon, parlant également au nom du juge
Beetz, s'est exprimé ainsi à la page 40:
A l'audition, l'avocat du procureur général a concédé à juste
titre qu'on ne pouvait priver un employé en stage du droit de
présenter un grief contre un congédiement disciplinaire en
faisant celui-ci sous forme de renvoi en vertu de l'art. 28 de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. En conséquence,
lorsqu'un grief a été présenté, l'arbitre avait compétence pour
examiner s'il s'agissait en fait d'un congédiement comme le
prétend le réclamant. J'estime donc que la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique n'a pas fait erreur
en statuant ainsi selon l'arrêt Fardella c. La Reine [[1974] 2
C.F. 465]. La situation n'est pas la même que celle d'un
employé renvoyé par la Commission de la Fonction publique en
vertu de l'art. 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique. Dans ce cas-là, la Cour d'appel fédérale a décidé que
le grief de l'employé ne pouvait pas faire l'objet d'un arbitrage
(Re Cooper [[19741 2 C.F. 407]).
Le juge Dickson, parlant en son nom et en celui
du juge en chef Laskin et du juge Spence, a
déclaré à la page 25:
Comme d'habitude, le fond l'emporte sur la forme. La forme de
l'avis ne peut pas priver un arbitre de sa compétence si, compte
tenu de l'ensemble des faits, la mesure prise par l'employeur est
en réalité de nature disciplinaire. La Cour d'appel fédérale n'a
pas fait d'erreur en confirmant le droit d'un arbitre, en vertu de
la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, de
décider si le prétendu renvoi en cours de stage projeté par
l'employeur est, en fait, une mesure disciplinaire aboutissant à
un congédiement.
Les quatre autres juges, qui faisaient partie de
la majorité quant à l'issue du pourvoi, n'ont pas
exprimé d'opinion sur la nature de la compétence
d'un arbitre dans un tel cas. Ils ont souscrit à la
décision de la présente Cour suivant laquelle le
renvoi avait été effectué de bonne foi et que par
conséquent, «l'arbitre n'était pas compétent pour
examiner le grief en vertu de l'article 91 et a
commis une erreur de droit en se déclarant compé-
tent.» Comme le juge de Grandpré l'a déclaré à la
page 38: «Vu ma conclusion sur le fond, je n'ai pas
à décider si vraiment l'arbitre a compétence lors-
que le renvoi est clairement une mesure discipli-
naire.»
Les cinq juges qui ont affirmé qu'un arbitre
avait compétence pour décider si une prétendue
cessation d'emploi sous forme de renvoi constitue
en fait un congédiement disciplinaire ont examiné
la manière dont il fallait aborder l'examen judi-
ciaire de la décision d'un arbitre sur une question
mixte de droit et de fait touchant à sa compétence.
Le juge Dickson, parlant au nom du juge en chef
Laskin et du juge Spence, a déclaré à la page 29:
Le pouvoir de contrôle sur les questions de juridiction fournit
aux cours de justice un bon outil pour s'assurer que les tribu-
naux connaissent du genre de litiges que le législateur leur a
confié. Il leur permet de contrôler les tentatives d'usurpation de
pouvoir. Mais, à mon avis, les cours de justice devraient hésiter
à déclarer un tribunal incompétent quand sa décision est hon-
nête et équitable et qu'il a correctement pris en considération la
documentation qui lui a été soumise. Dans l'exercice de son
contrôle sur les conclusions en matière de compétence, la Cour
doit laisser place à une certaine latitude. Elle doit se demander
si la preuve est suffisante pour étayer les conclusions de fait et
si les conclusions de droit ou les conclusions mixtes de fait et de
droit sont logiques. L'erreur doit être manifeste. La Cour a un
rôle de révision; elle ne doit pas faire un nouveau procès.
Le juge Pigeon, parlant également au nom du
juge Beetz, a déclaré à la page 40:
Bien que l'arbitre ait le droit d'examiner si le renvoi est en fait
un congédiement disciplinaire, cet examen porte sur un fait
dont sa compétence dépend. Sa conclusion ne peut donc être
considérée comme définitive et elle est susceptible de révision à
titre de point de droit (Bell c. Ontario Human Rights Commis
sion [[1971] R.C.S. 756]).
Cependant, les juges Pigeon et Beetz ont rejeté
le pourvoi au motif que l'arbitre n'avait pas com-
pétence pour examiner la valeur des motifs de
renvoi afin de déterminer s'il s'agissait d'un congé-
diement disciplinaire.
Étant donné la diversité des réponses apportées
à la question soulevée dans l'affaire Jacmain, je
suis enclin, tant que la Cour n'aura pas apporté
d'autres précisions à ce sujet, à suivre le raisonne-
ment proposé par le juge Dickson pour décider si
la décision de l'arbitre est entachée d'un vice de
compétence. J'estime que les motifs donnés pour le
prétendu renvoi au troisième paragraphe de la
lettre envoyée par M. Doucet, qui est citée dans les
motifs prononcés par mon collègue le juge Heald,
constituaient des éléments de preuve suffisants
pour justifier la décision de l'arbitre.
Dans la présente affaire, le problème est que
l'appelant adopte dans sa demande de jugement
déclaratoire une position contraire à celle qu'il a
adoptée devant l'arbitre. Il semble qu'il pense avoir
trouvé - un meilleur argument pour fonder sa
demande. La question en litige portant sur la
compétence de l'arbitre, il semble bien qu'il puisse
ainsi changer sa position. J'estime néanmoins que
la question de savoir si l'arbitre a commis une
erreur qui porte atteinte à sa compétence en déci-
dant, à la demande du réclamant, que le prétendu
renvoi constituait un congédiement disciplinaire ne
saurait être tranchée de la même manière que la
question, se posant sans qu'un arbitre ait rendu
une décision, de savoir si, dans une demande de
jugement déclaratoire et de dommages-intérêts
présentée par un employé, l'employeur devrait
pouvoir invoquer un congédiement disciplinaire au
lieu de ce qui avait été qualifié de renvoi. Dans ce
dernier cas, qui n'est pas celui que nous avons à
trancher, il serait fort probablement loisible à la
Cour d'arriver à une conclusion différente, ce
qu'elle ne peut faire, d'après moi, dans la présente
affaire, en raison des limites qu'il convient de
respecter relativement à l'examen judiciaire de la
décision de l'arbitre.
Par ces motifs, je confirme le jugement de pre-
mière instance d'après lequel la décision de l'arbi-
tre que la cessation de l'emploi de l'appelant a été
validement effectuée au moyen d'un congédiement
disciplinaire justifié a été prise dans les limites de
sa compétence et n'est donc pas susceptible d'être
modifiée. Par conséquent, je rejette l'appel, sans
toutefois rendre d'ordonnance concernant les
dépens.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: J'ai eu l'avantage
de lire les motifs de jugement préparés par le juge
Heald et le juge Le Dain. Ces motifs distincts et
divergents précisent en détail les faits et les ques
tions en litige, les prétentions des parties ainsi que
la jurisprudence citée par les avocats dans leurs
plaidoiries. Il serait inutile de les répéter ici mais
j'en mentionnerai certains dans mes propres
motifs. D'après moi, les questions en litige sont
fort discutables.
Il est établi qu'après avoir reçu la lettre de P. D.
Doucet en date du 8 mars 1977, citée dans les
motifs du juge Heald, lettre lui signifiant son
renvoi en en donnant les motifs, l'appelant a pré-
senté un grief qui a été soumis à l'arbitrage confor-
mément à l'alinéa 91(1)b) de la Loi sur les rela
tions de travail dans la Fonction publique; que
l'arbitre a décidé que la mesure prise par l'em-
ployeur était de nature disciplinaire et qu'il avait
par conséquent compétence, en vertu de l'article
91, pour décider si cette mesure disciplinaire,
c.-à-d. le congédiement du réclamant, était justi-
fiée. L'arbitre a décidé que la mesure disciplinaire
était justifiée et a rejeté le grief.
L'appelant a ensuite institué une action devant
la Division de première instance. Dans son juge-
ment, le juge de première instance a décidé que,
dans ces circonstances, l'arbitre devait examiner la
véritable nature du renvoi du réclamant et après
un examen objectif des faits, décider, à titre de
question de fait, si le prétendu renvoi en cours de
stage constituait en fait une mesure disciplinaire
au sens de l'alinéa 91(1)b), donnant ainsi compé-
tence à l'arbitre. Le juge de première instance a
décidé que les preuves justifiaient amplement la
conclusion de l'arbitre suivant laquelle le récla-
mant avait été congédié pour un manquement à la
discipline et qu'il avait compétence pour trancher
cette question. La Division de première instance a
donc rejeté l'action du demandeur.
D'après moi, pour en arriver à sa décision, l'ar-
bitre a simplement exercé sa compétence: il a
examiné tous les faits et a cherché à déterminer la
véritable nature de la mesure prise par l'em-
ployeur. A première vue, la lettre de l'employeur
datée du 8 mars 1977 semble indiquer une mesure
prise en vertu du paragraphe 28(3) de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique. Mais cette
lettre mentionnait également des motifs. En l'es-
pèce, cette lettre ne prouvait pas nécessairement
que cette mesure n'était pas essentiellement disci-
plinaire. Le réclamant et son avocat ont soutenu
devant l'arbitre que cette mesure prise par l'em-
ployeur était en fait une mesure disciplinaire. Il
appartenait à l'arbitre de trancher de bonne foi
cette question. Je pense qu'il a pris cette décision
dans les limites de sa compétence et qu'il existait
des preuves suffisantes pour la justifier.
Après avoir examiné cette question, je partage
l'opinion du juge Le Dain que la question à tran-
cher est, pour reprendre ses paroles, «celle de
savoir si la décision de l'arbitre portant que l'appe-
lant a été congédié pour des motifs disciplinaires et
que son congédiement était justifié règle de
manière définitive la principale question soulevée
par l'appelant dans son action en jugement décla-
ratoire et dommages-intérêts---c'est-à-dire, s'il a
été mis fin validement à son emploi» ainsi que son
autre opinion d'après laquelle «la question de
savoir si la décision de l'arbitre règle de manière
définitive la principale question soulevée dans la
demande de l'appelant [doit être tranchée] non pas
en se fondant sur la nullité du renvoi mais suivant
l'optique adoptée par le juge de première instan-
ce—examen de la décision de l'arbitre pour déter-
miner s'il y a défaut de compétence.»
Par ces motifs et les motifs du juge Le Dain, je
confirme le jugement de première instance d'après
lequel la décision de l'arbitre que la cessation de
l'emploi de l'appelant a été validement effectuée
au moyen d'un congédiement disciplinaire justifié
a été prise dans les limites de sa compétence et
n'est donc pas susceptible d'être modifiée. Par
conséquent, je rejette l'appel, sans toutefois rendre
d'ordonnance concernant les dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.