T-2009-77
T-2010-77
Fonthill Lumber Limited (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge en chef adjoint
Jerome—Toronto, 14 avril; Ottawa, 15 octobre
1981.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Allocation du
coût en capital — Appel d'une réévaluation du montant de
l'allocation du coût en capital auquel la demanderesse avait
droit pour les années d'imposition 1973 et 1974 — La deman-
deresse a emprunté de l'argent de la Société de développement
de l'Ontario pour acheter des biens en capital — Le contrat de
prêt prévoyait la possibilité d'une remise de la moitié du prêt
pourvu que certaines conditions soient remplies — La première
remise n'a pas eu lieu au cours des années d'imposition 1973
ou 1974 de la demanderesse — Le ministre du Revenu natio
nal soutient qu'en raison de l'art. 13(7)e) de la Loi de l'impôt
sur le revenu, la demanderesse ne pouvait revendiquer une
allocation du coût en capital quant à la partie du prêt suscep
tible de faire l'objet d'une remise — Il échet de déterminer si
cette partie constitue aune prime, subvention ou toute autre
aide» — Il s'agit de savoir si la décision portant que la
demanderesse n'avait pas droit, pour les années d'imposition
1973 et 1974, à l'allocation du coût en capital en ce qui
concerne la partie du prêt susceptible de faire l'objet d'une
remise, était bien fondée — Appel accueilli — Loi de l'impôt
sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 13(7)e), 172.
Jurisprudence: distinction faite avec la décision: G.T.E.
Sylvania Canada Ltd. c. La Reine [1974] 1 C.F. 726.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
John Clow et Joanne Swystun pour la
demanderesse.
I. MacGregor pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Goodman and Carr, Toronto, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: La
demanderesse interjette appel en conformité de
l'article 172 de la Loi de l'impôt sur le revenu,
S.C. 1970-71-72, c. 63, d'une réévaluation par le
ministre du Revenu national, du montant de l'allo-
cation du coût en capital auquel elle avait droit
pour les années d'imposition 1973 et 1974. Les
faits sont simples et la question soulevée par le
litige très précise.
La demanderesse fabriquait et vendait des pro-
duits de bois à Fonthill, en Ontario. Le 13 décem-
bre 1972, elle a signé avec la Société de développe-
ment de l'Ontario un contrat d'emprunt d'une
somme de $103,950 pour acheter des biens en
capital. Elle a consacré la totalité de cette somme
à l'achat de biens en capital pendant l'année d'im-
position 1973. Le contrat a été versé au dossier, et
révèle que la moitié de la somme, décrite comme
un [TRADUCTION] «prêt à terme», était rembour-
sable avec intérêts, en versements réguliers, tandis
que l'autre moitié, désignée comme [TRADUC-
TION] «prêt à demande», était prêtée sans intérêt
jusqu'au moment où la demande de rembourse-
ment serait faite. Le contrat renfermait aussi la
clause de remise conditionnelle suivante:
[TRADUCTION] La Société [la S.D.O.] consentira une remise
du prêt à demande ou des tranches dudit prêt qui auront été
versées selon les modalités qui suivent:
le premier jour du treizième mois — 10% des
suivant la date du versement final de sommes du
la somme consentie en vertu du prêt à
présent contrat demande
versées
le premier jour du vingt-cinquième — 10% des
mois suivant la date du versement final sommes du
de la somme consentie en vertu du prêt à
présent contrat demande
versées
le premier jour du trente-septième — 10% des
mois suivant la date du versement final sommes du
de la somme consentie en vertu du prêt à
présent contrat demande
versées
le premier jour du quarante-neuvième — 10% des
mois suivant la date du versement final sommes du
de la somme consentie en vertu du prêt à
présent contrat demande
versées.
le premier jour du soixante et unième — 10% des
mois suivant la date du versement final sommes du
de la somme consentie en vertu du prêt à
présent contrat demande
versées
le premier jour du soixante-treizième — le solde des
mois suivant la date du versement final sommes du
de la somme consentie en vertu du prêt à
présent contrat demande
versées
à la condition que l'emprunteur ait, en tout temps avant la date
de chaque remise, exploité son entreprise (ou si l'emprunteur
fait affaires dans d'autres domaines, ou exploite son entreprise
à d'autres endroits, la partie de son entreprise que touche le
projet) d'une façon que la Société [la S.D.O.] estime satisfai-
sante, et, sans restreindre la portée générale de ce qui précède,
qu'il ait exploité son entreprise de fabrication de produits de
bois pour l'industrie de la construction sans interruption
(compte tenu de la nature de son entreprise) dans le village de
Fonthill, comté de Welland.
Même si la Société [la S.D.O.] consent une remise en vertu du
présent contrat, elle ne s'engage pas à en consentir d'autres.
La dernière tranche du prêt a été versée le
11 juin 1973, de sorte que la première remise a été
faite le ler juillet 1974, ce qui est postérieur aux
deux années d'imposition qui nous occupent en
l'instance.
Durant l'année d'imposition 1973 et avant le 27
mars de cette même année, la Société de dévelop-
pement de l'Ontario a versé, à la demanderesse, la
totalité du montant du prêt à terme ($51,975). Le
27 mars 1973, elle lui a versé $33,950 du montant
du prêt à demande. Le solde de $18,025 de ce
dernier prêt n'a été versé que le 11 juin 1973,
c'est-à-dire pendant l'année d'imposition 1974 de
la demanderesse. La première remise a été consen-
tie le ler juillet 1974 conformément aux termes du
contrat, et en temps utile, la totalité du prêt à
demande a fait l'objet d'une remise. Je vais m'abs-
tenir de faire la chronologie des déclarations, avis
de nouvelle cotisation et oppositions qui se sont
succédé. Le Ministre a fait valoir qu'à cause des
dispositions de l'article 13(7)e), le contribuable ne
peut pas revendiquer l'allocation du coût en capital
en ce qui a trait au montant du prêt à demande:
13. (7) ...
e) lorsqu'un contribuable a reçu ou est en droit de recevoir
d'un gouvernement, d'une municipalité ou de tout autre
organisme public, relativement à des biens ou pour leur
acquisition, une prime, subvention ou toute autre aide qui ne
soit pas une somme dont le paiement est autorisé en vertu
d'une Loi portant affectation de crédits, selon les modalités
approuvées par le conseil du Trésor, dans le but de relever ou
de maintenir le niveau de compétence technologique des
industries manufacturières canadiennes ou d'autres indus
tries canadiennes. le coût des biens en capital est réputé être
le coût en capital supporté par le contribuable pour leur
acquisition, diminué du montant de la subvention ou de toute
autre aide.
Un prêt n'est certes pas une subvention; mais un
prêt à remboursement conditionnel peut-il consti-
tuer une prime ou une subvention, ou sinon, peut-il
constituer une «toute autre aide»? Voici ce que le
juge Cattanach a dit sur cette question générale
d'interprétation dans l'affaire G.T.E. Sylvania
Canada Ltd. c. La Reine':
Si l'on se reporte à nouveau aux définitions des mots «octroi»
et «subvention» dans les dictionnaires, on y remarque un point
commun, le fait qu'il s'agisse d'un don ou d'une remise d'argent
provenant de fonds publics et alloué par le gouvernement ou les
autorités publiques à un particulier ou à une entreprise privée à
des fins réputées profitables au public. Quelques subtilités
mises à part, il semble donc que, selon les définitions des
dictionnaires, les termes «octroi» et «subvention» soient presque
synonymes.
A mon avis, on doit appliquer les règles ou principes d'inter-
prétation établis par les tribunaux lorsqu'ils sont pertinents et,
en affirmant cela, je ne méconnais pas le fait que de telles
règles, et en particulier le principe ejusdem generis, sont de
bons serviteurs mais de mauvais maîtres.
La doctrine ejusdem generis est aussi ancienne que le baco-
nisme. Selon cette règle, que je répète, des termes génériques
faisant suite à une énumération de termes spécifiques n'intro-
duisent pas un sens incompatible avec le genre des premiers.
A mon avis, la règle classique voulant que, lorsqu'ils font
suite à des termes spécifiques appartenant tous à un seul genre,
les termes génériques sont réputés se limiter au même genre
que les termes spécifiques, s'applique aux mots «octroi, subven-
tion ou autre aide» de l'article 20(6)h) de la Loi de l'impôt sur
le revenu. Dans cet article, les termes spécifiques «octroi» et
«subvention» précèdent immédiatement l'expression «ou autre
aide».
Il est manifeste que l'expression générique «ou autre aide» ne
peut être que subordonnée aux termes «octroi» et «subvention».
A mon avis, il est logique que des termes subordonnés à
d'autres, ne soient pas interprétés de manière à supprimer toute
signification aux termes spécifiques qui les précèdent.
Comme je l'ai déjà déclaré, le trait constant et dominant des
termes «octroi» et «subvention» est qu'ils évoquent une aide
pécuniaire provenant de fonds publics, accordée à une personne
par un gouvernement dans l'intérêt du public. Il faut qu'un tel
don soit concret et tangible. Pour les raisons que je viens
d'exposer, il faut interpréter l'expression «ou autre aide» à la
lumière des autres mots.
Dans cette affaire, le juge Cattanach a jugé qu'il
serait injustifié de considérer un avantage fiscal ne
comportant aucun versement d'argent au contri-
buable, une prime ou une subvention. Toutefois, il
y a eu, en l'espèce, un versement d'argent au
contribuable pour l'achat des biens en capital, et le
contrat de prêt prévoit la possibilité de remise de la
dette en ce qui concerne le prêt à demande, remise
' [1974] 1 C.F. 726, aux pp. 736 et 737.
qui ne saurait être consentie qu'en vertu de pro
grammes financés à même les fonds publics. C'est
pourquoi la partie du prêt susceptible de faire
l'objet d'une remise peut, à mon avis, devenir une
prime ou une subvention au moment de la remise
et, peut certainement, de toute façon, être com
prise dans l'expression «toute autre aide» sans qu'il
y ait contravention à la règle ejusdem generis.
Il n'est pas difficile de comprendre le libellé et
l'intention de l'article 13(7)e), à savoir que l'on ne
peut pas fixer l'allocation du coût en capital en se
fondant sur un montant que le contribuable n'a pas
engagé lui-même, mais qui provient partiellement
ou en totalité de fonds publics. C'est l'exactitude
du coût en capital qui importe dans cette disposi
tion et c'est pourquoi il faut considérer le moment
où le contribuable a acquis les biens en question.
Les parties conviennent que pour l'année d'imposi-
tion 1973, la demanderesse a engagé la somme de
$103,950 pour l'achat de biens en capital dans le
cadre du contrat conclu par cette dernière et la
Société de développement de l'Ontario et qu'elle a
inclus cette somme dans le montant total de son
coût en capital. Si ce que prétend le Ministre est
valide, le contribuable était tenu, en vertu de l'arti-
cle 13(7)e), de souligner le fait qu'il n'avait pas
engagé lui-même la totalité du coût en capital,
puisque $51,975 provenaient d'un emprunt qu'il
avait contracté et n'était pas obligé de rembourser,
mais je ne crois pas que le contribuable était en
mesure de faire une telle déclaration à ce
moment-là. Si l'argument du Ministre est valide, il
ne peut l'être qu'en ce qui a trait au montant de
$33,950 qui a effectivement été versé au contri-
buable durant l'année d'imposition 1973, puisque
les faits révèlent sans contredit qu'une partie du
prêt à demande, savoir $18,025, n'a été versée que
dans l'année d'imposition 1974. Mais la question
décisive est plus fondamentale que celle de déter-
miner si le montant du prêt à demande a été versé
au contribuable dans l'année d'imposition 1973 ou
1974.
Quand le contribuable a acheté les biens, il
n'avait pas encore reçu le montant du prêt, et
même après l'avoir reçu, tout ce qu'il pouvait
savoir, c'était que le prêt à demande ne portait pas
d'intérêt quand une demande de remboursement,
probablement fondée sur l'échec d'une partie quel-
conque du projet, était présentée. Il se pourrait
qu'une pareille dispense d'intérêt ait des consé-
quences fiscales, mais elle ne saurait avoir d'in-
fluence sur le coût en capital original; il en va de
même, à mon avis, de la clause de remise condi-
tionnelle, tant que la condition demeure future et
incertaine. La première fois que le contribuable a
pu être certain qu'il n'avait pas lui-même supporté
une partie de son coût en capital de 1973, mais que
cette partie l'avait été par des fonds publics, c'est
lorsque s'étant conformé aux conditions prévues
par le contrat, il s'est vu accorder concrètement la
première remise par la Société de développement
de l'Ontario. Cette remise n'a eu lieu ni dans
l'année d'imposition 1973, ni dans l'année d'impo-
sition 1974. Aussi, bien que je sois d'avis que, de
façon générale, ce programme de prêt à rembour-
sement conditionnel soit visé par l'article 13(7)e),
j'estime que le Ministre a pris une décision erronée
en jugeant que, pour les années d'imposition 1973
et 1974, le contribuable n'avait pas droit à l'alloca-
tion du coût en capital en ce qui concernait le
montant du prêt à demande, [TRADUCTION]
«parce qu'en conformité du paragraphe 13(7) de la
Loi, le contribuable ne peut pas réclamer la déduc-
tion prévue à l'alinéa 20(1)a) de ladite Loi, relati-
vement à la somme de $51,975 qu'il a reçue en
1973 de la Société de développement de l'Ontario
...o. L'appel est accueilli et la question est ren-
voyée au Ministre pour qu'il réévalue correctement
l'allocation du coût en capital à laquelle le contri-
buable a droit pour les années d'imposition 1973 et
1974.
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