T-3418-81
La Commission canadienne des droits de la per-
sonne (Requérante)
c.
Frank D. Jones et Air Canada (Intimés)
Division de première instance, le juge Walsh—
Ottawa, 17 septembre et ler octobre 1981.
Brefs de prérogative — Mandamus — Demande de bref de
mandamus enjoignant à l'intimé Jones d'ordonner à l'intimée
Air Canada de mettre fin à un acte discriminatoire — Jones a
décidé qu'il n'avait pas compétence pour rendre une telle
ordonnance, puisqu'il ne pouvait faire exécuter ce redresse-
ment qui impliquerait la modification des tarifs, question qui
relève de la compétence du Comité des transports aériens —
Tant la requérante qu'Air Canada se sont adressées à la Cour
d'appel pour solliciter un examen judiciaire — La requérante
prétend que la conclusion de Jones constituait un refus de
rendre une décision ou ordonnance, en violation des disposi
tions présumément obligatoires de l'art. 41(2) de la Loi cana-
dienne sur les droits de la personne — Il échet d'examiner si la
Division de première instance a compétence en l'espèce, étant
donné l'art. 28(3) de la Loi sur la Cour fédérale — Il y a à
déterminer si le droit d'appel prévu à l'art. 42.1 de la Loi
canadienne sur les droits de la personne exclut toute demande
de bref de mandamus — Il faut déterminer si le bref de
mandamus est le recours approprié, puisque Jones a conclu à
son incompétence pour rendre l'ordonnance — Demande reje-
tée — Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C.
1976-77, c. 33, art. 41(1),(2), 42.1 — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28(3), 50 — Règlement sur
les transporteurs aériens, C.R.C. 1978, Vol. I, c. 3, art. 112(8),
113, 115.
Demande de bref de mandamus enjoignant à l'intimé Jones
d'ordonner à l'intimée Air Canada de mettre fin à un acte
discriminatoire. L'intimé Jones a conclu qu'Air Canada était
coupable d'un acte discriminatoire, mais qu'il n'avait pas com-
pétence pour enjoindre à Air Canada d'y mettre fin, puisqu'il
ne pouvait faire exécuter un tel redressement qui impliquerait
la modification des tarifs, question relevant de la compétence
du Comité des transports aériens. La Commission a demandé
un examen judiciaire de la décision de Jones portant qu'il
n'avait pas compétence pour ordonner à Air Canada de mettre
fin à son acte, et Air Canada a également demandé un examen
judiciaire de la décision selon laquelle elle était coupable d'un
acte discriminatoire. La requérante soutient que la décision de
Jones qu'il n'avait pas compétence pour ordonner à Air Canada
de mettre fin à son acte discriminatoire constituait un refus de
rendre une décision ou ordonnance. Elle soutient aussi qu'est
obligatoire le paragraphe 41(2) de la Loi canadienne sur les
droits de la personne, qui confère le pouvoir de rendre certaines
ordonnances contre une personne trouvée coupable d'un acte
discriminatoire. Il échet d'examiner si la Division de première
instance a compétence en l'espèce étant donné le paragraphe
28(3) de la Loi sur la Cour fédérale, qui prévoit que la Division
de première instance est sans compétence pour connaître de
toute procédure relative à une décision ou ordonnance suscepti
ble d'être soumise à un examen judiciaire par la Cour d'appel,
si le droit d'interjeter appel de la décision de Jones prévu à
l'article 42.1 de la Loi canadienne sur les droits de la personne
exclut toute demande de bref de mandamus, et si le bref de
mandamus est le recours approprié, puisque Jones a conclu
qu'il n'avait pas compétence pour rendre l'ordonnance.
Arrêt: la demande est rejetée. Le bref de mandamus ne
devrait pas être accordé pour divers motifs d'ordre procédural.
Jones a considéré qu'il n'avait pas compétence pour rendre
l'ordonnance demandée par la requérante. La question de
savoir si cette conclusion est correcte ou non en est une qui ne
peut probablement être tranchée de façon définitive que par le
tribunal de dernière instance, mais c'est la conclusion à laquelle
il est arrivé quant à sa compétence. Étant donné que la
requérante admet que la Cour d'appel est compétente pour
connaître de la demande fondée sur l'article 28 présentée par
l'intimée, il serait absurde s'il était décidé que la Cour d'appel
n'avait pas compétence pour connaître de la décision par
laquelle Jones se déclarait incompétent pour ordonner à Air
Canada de déposer un tarif modifié. Il semble douteux que la
décision de Jones puisse être divisée en deux. De plus, le bref de
mandamus est un redressement qui doit normalement prendre
effet dans les meilleurs délais et il en résulterait une situation
absurde s'il était ordonné à Jones d'enjoindre à Air Canada de
modifier ses tarifs et que la Cour d'appel décidait plus tard que
la structure tarifaire actuelle ne contrevient pas aux disposi
tions de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La
Division de première instance n'a donc pas compétence en la
matière. L'article 42.1 de la Loi prévoit que la Commission
peut interjeter appel dans les 30 jours du prononcé de l'ordon-
nance. La requérante n'a pas interjeté appel. Lorsqu'une loi
prévoit un droit d'appel, c'est là le recours approprié qu'il faut
exercer plutôt que de demander un bref de mandamus, qui
n'est pas censé être une solution de remplacement. Il ne semble
pas que ce soit faire un usage approprié du mandamus que de
chercher à obliger Jones à émettre une ordonnance pour l'émis-
sion de laquelle il s'est déclaré incompétent. Cela ne semble pas
constituer un refus d'accomplir un acte que la loi l'oblige à
accomplir, mais plutôt une différence d'opinions quant à savoir
si Jones a compétence pour accomplir un tel acte. Une telle
différence d'opinions devrait certainement être tranchée en
appel. Le refus d'émettre le mandamus ne découle pas d'un
exercice de discrétion judiciaire, mais se fonde uniquement sur
diverses questions d'ordre procédural.
Arrêts appliqués: Curr c. La Reine [1972] R.C.S. 889;
National Indian Brotherhood c. Juneau (N° 2] [1971]
C.F. 66, infirmé par [1971] C.F. 73; Harelkin c. L'univer-
sité de Regina [1979] 2 R.C.S. 561. Distinction faite avec
l'arrêt: La Commission canadienne des droits de la per-
sonne c. British American Bank Note Co. [1981] 1 C.F.
578. Arrêts mentionnés: Oscroft c. Benabo [1967] 2 All
E.R. 548; Padfield c. Minister of Agriculture, Fisheries
and Food [1968] A.C. 997; Albermarle Paper Co. c.
Moody 9 EPD 7999; Gana c. Le Ministre de la Main-
d'oeuvre et de l'Immigration [1970] R.C.S. 699; Landre-
ville c. La Reine [1981] 1 C.F. 15.
DEMANDE.
AVOCATS:
R. Juriansz pour la requérante.
Personne n'a comparu pour l'intimé Frank D.
Jones.
R. P. Saul pour l'intimée Air Canada.
PROCUREURS:
Service du contentieux, Commission cana-
dienne des droits de la personne, Ottawa,
pour la requérante.
Service du contentieux, Air Canada, Mont-
réal, pour l'intimée Air Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: La requérante demande un
bref de mandamus enjoignant à l'intimé Frank D.
Jones, en sa qualité de membre de tribunal consti-
tué sous le régime de l'article 39 de la Loi cana-
dienne sur les droits de la personne', d'ordonner à
l'intimée Air Canada de mettre fin à un acte
discriminatoire. La demande se base sur le fait que
l'intimé Frank D. Jones aurait commis une erreur
de droit en refusant d'ordonner à l'intimée Air
Canada de mettre fin à un acte discriminatoire. A
l'audition de la requête, M. Jones n'était pas repré-
senté par un avocat mais ceux de la Commission et
de l'intimée Air Canada ont présenté une preuve
imposante et des arguments appuyés par une juris
prudence abondante. Après avoir examiné attenti-
vement ces arguments et la jurisprudence, j'ai
décidé de ne pas accorder de bref de mandamus
pour divers motifs d'ordre procédural dont je par-
lerai séparément. Je ne me prononcerai donc pas
sur le fond du litige, mais il est nécessaire de faire
état dans une certaine mesure du contexte général
pour trancher les questions de procédure qui se
posent en l'espèce.
REVUE DES FAITS
Le 21 avril 1978, Nancy Bain, une plaignante, a
déposé une plainte devant la Commission cana-
dienne des droits de la personne, requérante, sous
le régime de l'article 32 de la Loi. Elle y déclarait
qu'elle avait des motifs raisonnables de croire que
l'intimée Air Canada avait commis un acte discri-
minatoire fondé sur la situation de famille. La
plainte se résume à ceci: que le fait d'appliquer des
tarifs réduits aux membres d'une famille voya-
geant ensemble en fondant cette réduction sur la
1 S.C. 1976-77, c. 33.
situation de famille alors que deux adultes céliba-
taires voyageant ensemble ne peuvent pas se préva-
loir de ces mêmes tarifs constituait un acte discri-
minatoire fondé sur la situation de famille en
violation de l'alinéa 2a) et de l'article 5 de la Loi.
Le 26 septembre 1980, la requérante a nommé
l'intimé Frank D. Jones, ci-après appelé le tribu
nal, pour examiner la plainte. Sa nomination a été
faite conformément à l'article 39 de la Loi. Dans
l'exposé conjoint des faits déposé à l'audience, on a
prétendu qu'un tarif familial offert au mari et à la
femme inclut également les conjoints de fait mais
qu'il ne s'applique pas à deux ou plusieurs adultes
voyageant ensemble entre lesquels n'existe pas l'un
ou l'autre des liens susmentionnés.
L'affaire a été entendue par M. Jones le 3
décembre 1980 et dans une décision rendue le 15
avril 1981, après examen approfondi de la juris
prudence et de définitions de divers dictionnaires,
il a conclu qu'«il y a une distinction qui affecterait
défavorablement un individu qui n'entre pas dans
le `groupe familial'» et en outre que «les définitions
de ce groupe sont en partie fondées sur la situation
de famille. La défaveur que crée cette distinction
est la différence entre le tarif régulier et le tarif
familial.» Plus loin, il dit: «Ayant établi que j'ai la
juridiction d'entendre et de juger, et ayant jugé le
cas, je dois maintenant me pencher sur les redres-
sements recherchés.» Auparavant dans ses motifs,
il avait examiné la jurisprudence relative à la
signification du mot «compétence» et avait plus
particulièrement retenu la décision de lord Diplock
dans l'arrêt Oscroft c. Benabo 2 qui concluait à
l'existence de deux genres de compétence; premiè-
rement, la compétence d'entendre et de juger l'af-
faire et deuxièmement, la compétence de rendre
l'ordonnance demandée. Il a ensuite conclu que le
tribunal n'avait pas compétence pour ordonner à
Air Canada de mettre fin à l'acte discriminatoire
ou pour le forcer à présenter une demande au
Comité des transports aériens. Il dit que «pour
avoir `juridiction' en ce qui concerne les redresse-
ments recherchés, c'est le tribunal lui-même qui
doit pouvoir les faire exécuter afin d'avoir la juri-
diction d'accorder ce redressement, plutôt que de
devoir se fier à un appel à un organisme indépen-
dant (la Cour fédérale) pour faire exécuter le
redressement.» Il ajoute:
2 [ 1967] 2 All E.R. 548.
Le présent tribunal ne peut pas ordonner à une industrie aussi
étroitement réglementée que celle des transports aériens le
redressement que lui propose la Commission canadienne des
droits de la personne, soit d'arrêter d'offrir un tarif aérien
discriminatoire. Ce qui ne signifie pas, d'après moi, que la
Commission canadienne des droits de la personne ne pourrait
pas déposer une plainte auprès de la Commission canadienne
des transports si elle est d'avis que les tarifs sont discriminatoi-
res et enfreignent la Loi canadienne sur les droits de la per-
sonne. La décision de refuser d'ordonner à Air Canada de faire
une demande auprès du Comité des transports aériens (lequel
peut recommander ou ne pas recommander à la Commission
canadienne des transports de changer les tarifs proposés dans la
demande, et la Commission canadienne des transports à son
tour peut accepter ou ne pas accepter la recommandation du
Comité des transports aériens) est compatible avec celle qui a
souvent été citée au cours des procédures, nommément:
Roberta Bailey, William Carson, Réal J. Pellerin, Michael
McCaffery et la Commission canadienne des droits de la
personne v. Sa Majesté la Reine du chef du Canada, telle que
représentée par le Ministre du Revenu national.
Le paragraphe 41(2) de la Loi canadienne sur
les droits de la personne prévoit qu'à l'issue de son
enquête, le tribunal qui juge la plainte fondée peut
rendre une ordonnance contre la personne trouvée
coupable d'un acte discriminatoire. Le paragraphe
prévoit plus loin qu'il peut ordonner à cette per-
sonne de mettre fin à l'acte discriminatoire et
d'accorder à la victime les droits dont l'acte l'avait
privée ainsi que d'autres mesures accessoires. C'est
une ordonnance de ce genre que l'intimé Jones a
refusé de rendre au motif qu'il n'avait pas compé-
tence pour le faire.
Le 22 avril 1981, la Commission canadienne des
droits de la personne a déposé devant la Cour
d'appel fédérale une demande fondée sur
l'article 28 tendant à l'examen et à l'annulation de
la décision et, le 23 avril 1981, Air Canada a
également déposé une demande fondée sur l'article
28 pour obtenir une ordonnance annulant ladite
décision. Comme nous l'avons fait remarquer, la
décision se divise en deux parties, la première
concluant qu'Air Canada était coupable de l'acte
discriminatoire dont on s'était plaint et la seconde,
que le tribunal n'avait pas compétence pour ordon-
ner à Air Canada d'y mettre fin parce que la
société ne peut, seule, établir des tarifs qui sont
soumis au pouvoir général de surveillance de la
Commission canadienne des transports.
Tous les transporteurs aériens doivent déposer
leur tarif au bureau du Comité des transports
aériens de la Commission canadienne des trans
ports pour entrer en vigueur à 45 jours d'avis. Bien
que les tarifs n'aient pas à être formellement
approuvés par le Comité, ils peuvent être rejetés.
L'article 113 du Règlement sur les transporteurs
aériens, C.R.C. 1978, Vol. I, c. 3, se lit comme
suit:
113. (1) Tous les taux, les modalités et les conditions de
transport établis par un transporteur aérien doivent être justes
et raisonnables et doivent toujours, dans des circonstances et
conditions sensiblement analogues et à l'égard de tout le trans
port du même genre, être imposés de la même façon à toutes
personnes au même taux.
(2) Il est interdit à un transporteur aérien, en ce qui concerne
les taux,
a) d'établir une distinction injuste au détriment d'une per-
sonne ou d'une compagnie;
b) d'accorder une préférence ou un avantage indu ou dérai-
sonnable à l'égard ou en faveur d'une personne ou d'un autre
transporteur aérien, à quelque point de vue que ce soit; ou
c) de faire subir à une personne, à un autre transporteur
aérien ou à un certain genre de transport un désavantage ou
préjudice indu ou déraisonnable, à quelque point de vue que
ce soit.
L'article 115 du Règlement sur les transpor-
teurs aériens est ainsi rédigé:
115. Le Comité peut
a) suspendre ou rejeter un tarif ou un taux qui, à son avis,
peut être contraire aux articles 112, 113 ou 114;
b) enjoindre à un transporteur aérien de substituer à un tarif
ou à un taux visé à l'alinéa a) un tarif ou un taux jugé
satisfaisant par le Comité; ou
c) prescrire un autre tarif ou un autre taux en remplacement
d'un tarif ou d'un taux rejeté en vertu de l'alinéa a).
Et le paragraphe (8) de l'article 112 est ainsi
rédigé:
112. . ..
(8) Lorsqu'un tarif, portant la date de sa publication et de
son entrée en vigueur, est déposé conformément aux règle-
ments, ordonnances et directives du Comité, les taux, les moda-
lités et les conditions de transport qu'il contient sont, sous
réserve d'une suspension ou d'un rejet du Comité, ou encore du
remplacement par un nouveau tarif, une preuve concluante de
leur légalité et ils entrent en vigueur à la date indiquée dans le
tarif; le transporteur, ses agents et représentants doivent, à
compter de cette date et jusqu'à ce que le tarif expire, soit
suspendu ou rejeté par le Comité, ou encore remplacé par un
nouveau tarif, appliquer les taux, les modalités et les conditions
de transport spécifiés dans ce tarif.
Donc, s'il est vrai que le Comité des transports
aériens de la Commission canadienne des trans
ports n'a pas à approuver formellement les tarifs
publiés par les compagnies aériennes, il a néan-
moins sur eux un pouvoir de contrôle important et
une compagnie aérienne ne peut exiger rien d'au-
tre que le tarif publié. Il a également le pouvoir de
décider s'il y a eu distinction injuste ou préférence
ou avantage indus ou déraisonnables ainsi que de
prescrire lui-même un autre taux ou un autre tarif.
A l'audition devant le tribunal constitué en l'es-
pèce, John Pageau, chef de la division des tarifs-
passagers, des taux et des services du Comité des
transports aériens a déclaré que l'article 113
remonte très loin en arrière et qu'il reprend le
libellé relatif à la distinction injuste employé pour
la première fois dans la Loi sur les chemins de fer
et dans ses règlements d'application et que- les
commissaires de la Commission canadienne des
transports n'ont jamais formellement considéré ni
déterminé que le tarif familial n'enfreint pas l'arti-
cle 113. Ni le Comité a-t-il donné des directives ou
des ordres exigeant l'introduction du tarif familial.
Personne ne peut sérieusement contester le fait
que l'introduction du tarif familial a un objectif
économique valable, soit d'attirer d'autres passa-
gers quand le chef de famille voyagerait autrement
seul. Bien que la requérante prétende qu'on obtien-
drait les mêmes avantages si un couple n'étant pas
uni par les liens du mariage voyageant ensemble
bénéficiait du même tarif, je ne peux me prononcer
sur cette question étant donné que la question de
distinction injuste n'est pas soumise à la Cour dans
la présente espèce.
Je crois que c'est là toute l'information dont
nous avons besoin pour examiner les questions de
droit qui se posent sous diverses rubriques dans le
cadre de la présente demande de mandamus.
1. ARGUMENT VOULANT QUE LE PARAGRAPHE
28(3) DE LA LOI SUR LA COUR FÉDÉRALE PRIVE
LA DIVISION DE PREMIÈRE INSTANCE DE COM-
PÉTENCE EN L'ESPÈCE
Le paragraphe 28(3) de la Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2® Supp.), c. 10, est ainsi
rédigé:
2s....
(3) Lorsque, en vertu du présent article, la Cour d'appel a
compétence pour entendre et juger une demande d'examen et
d'annulation d'une décision ou ordonnance, la Division de
première instance est sans compétence pour connaître de toute
procédure relative à cette décision ou ordonnance.
La Cour d'appel est saisie de deux demandes
fondées sur l'article 28, l'une présentée par la
requérante et l'autre, par l'intimée. Si la Cour
d'appel est compétente, alors la Division de pre-
mière instance ne l'est pas. La requérante prétend
que la Division de première instance a compétence
pour connaître de la présente requête en manda-
mus parce que la décision de M. Jones qu'il n'avait
pas compétence pour ordonner à Air . Canada de
mettre fin à l'acte discriminatoire ou pour présen-
ter une demande tendant à faire cesser l'acte
discriminatoire n'est pas en soi une «décision ou
ordonnance» mais un refus d'en rendre une. On a
cité la décision de la Cour d'appel dans l'affaire La
Commission canadienne des droits de la personne
c. British American Bank Note Company 3 . Dans
cette affaire, le tribunal des droits de la personne
ayant statué qu'il n'avait pas compétence, n'a pas
entendu la plainte et aucune ordonnance formelle
n'a été rendue. La Cour d'appel suggéra que si la
conclusion relative à la compétence était erronée,
la Division de première instance, saisie d'une
requête en mandamus, pourrait trancher cette
question. Le juge en chef Thurlow a déclaré à la
page 581:
Je ne pense pas que le fait pour le tribunal de conclure à sa
propre incompétence équivaille à un rejet des plaintes dont
s'agit. Selon le paragraphe 41(1) de la Loi canadienne sur les
droits de la personne, le pouvoir qu'a le tribunal de rejeter une
plainte ne se fait jour qu'au moment où il la trouve non fondée,
à l'issue de son enquête. On ne saurait, en l'espèce, présumer à
la légère que le tribunal entendait exercer ce pouvoir et l'a
effectivement exercé, alors qu'il ne s'était même pas penché sur
le fond de ces plaintes. Une telle présomption serait d'autant
moins justifiée que le tribunal n'a rendu aucune ordonnance et
qu'il était fondé à conclure à sa propre incompétence et à ne
rien faire au sujet des plaintes dont s'agit.
Que ce soit par suite de cette décision ou non,
l'intimé Jones a fait exactement le contraire de ce
qui avait été fait dans cette affaire. C'est-à-dire
qu'il a examiné la plainte, tel que prescrit par le
paragraphe 41(1) de la Loi canadienne sur les
droits de la personne mais, après être arrivé à
cette conclusion, décida qu'il n'avait pas compé-
tence pour rendre l'ordonnance demandée pour
corriger la situation.
La requérante prétend que le mot «peut» au
paragraphe 41(2) ne laisse pas au tribunal le choix
de rendre une ordonnance ou pas mais qu'il est en
pratique obligatoire. Il existe une jurisprudence
3 [1981] 1 C.F. 578.
abondante en ce sens, notamment l'arrêt de la
Chambre des lords Padfield c. Minister of
Agriculture, Fisheries and Food' où un bref de
mandamus fut délivré contre le Ministre lui enjoi-
gnant d'examiner la plainte conformément au
droit, l'arrêt américain Albermarle Paper Com
pany c. Moody 5 , une affaire de discrimination
raciale où il est dit, à la page 8004:
[TRADUCTION] Les requérants prétendent que la loi ne
fournit aucune indication si ce n'est qu'indiquer que l'octroi
d'un rappel de salaire relève de la discrétion de la Cour de
district. Nous ne sommes pas d'accord. Il est vrai que le rappel
de salaire n'est pas un remède automatique ni obligatoire.
Comme tous les autres remèdes prévus par la Loi, c'en est un
que les cours «peuvent» octroyer. La Loi reconnaît implicite-
ment qu'il peut y avoir des cas appelant un remède en particu-
lier mais pas un autre, et—étant donné la structure de l'appa-
reil judiciaire fédéral—ces choix sont évidemment laissés en
premier lieu aux cours de district. Mais ces choix ne sont pas
laissés à «l'inclination» de la cour mais à son jugement. Et son
jugement doit être guidé par des principes juridiques solides,
et l'arrêt de la Cour suprême Gana c. Le Ministre
de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration 6 , une
affaire d'immigration où le juge Spence déclare à
la page 709:
On a prétendu de la part du ministre que les premiers mots
de l'alinéa (f) du paragraphe (3) de l'article 34 du Règlement
«si un fonctionnaire à l'immigration est d'avis» interdisent toute
révision. Je ne suis pas d'avis que ces mots du Règlement font
obstacle à la révision de l'opinion du fonctionnaire à l'immigra-
tion, dans l'accomplissement du devoir statutaire imposé à
l'enquêteur spécial par différentes dispositions de la Loi sur
l'immigration. A mon avis ces mots signifient simplement que
le fonctionnaire à l'immigration doit faire l'appréciation du
requérant, mais non que sa conclusion est définitive et sans
appel.
On a également cité la décision récente du juge
Collier dans Landreville c. La Reine' où, aux
pages 50 et suivantes, il passe en revue la jurispru
dence d'où il ressort que bien que le libellé d'un
texte puisse être rédigé en des termes qui laissent
un choix, il impose néanmoins un devoir d'exercer
le pouvoir à la demande d'une partie intéressée
ayant le droit de présenter la demande. Normale-
ment, après qu'un tribunal a conclu, aux termes
d'une enquête, que la plainte est fondée, il rendrait
certainement une ordonnance conformément au
paragraphe (2) de l'article 41 de la Loi canadienne
4 [1968] A.C. 997 la p. 1030.
5 9 EPD 7999 la p. 8018.
6 [1970] R.C.S. 699.
7 [1981] 1 C.F. 15.
sur les droits de la personne contre les personnes
trouvées coupables de l'acte discriminatoire. En
l'espèce toutefois, le tribunal semble avoir eu de
bonnes raisons, ou à tout le moins des raisons
défendables, pour refuser de le faire. Il s'est fondé
sur l'affaire entendue par un tribunal des droits de
la personne, Bailey c. La Reine du chef du Cana-
da 8 . Dans cette affaire, on demandait au tribunal
de déclarer que certains articles de la Loi de
l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63,
modifiés, établissaient une distinction illicite
fondée sur la situation de famille. Les motifs étu-
dient à fond les arrêts de la Cour suprême et de la
Cour fédérale relatifs à la Déclaration canadienne
des droits, S.C. 1960, c. 44 [S.R.C. 1970, Appen-
dice III], mais finissent par conclure que bien que
les articles de la Loi de l'impôt sur le revenu
établissent une distinction illicite, il ne suffit pas
que les dispositions de la loi incriminée établissant
une classification soient déraisonnables pour qu'el-
les deviennent inopérantes du fait qu'elles sont en
désaccord avec la Loi canadienne sur les droits de
la personne. Il est dit à l'alinéa 1958:
[TRADUCTION] Les dispositions incriminées ne sont pas en
désaccord au point d'être inopérantes en droit si la classifica
tion établie par la loi est fondée sur des considérations tenues
par le Parlement comme pertinentes par rapport au but premier
de la législation fiscale qui est la perception des impôts.
On a cité, entre autres, l'arrêt de la Cour suprême
Curr c. La Reine 9 où le juge Laskin (tel était alors
son titre) dit aux pages 899 et 900:
... il faudrait avancer des raisons convaincantes pour que la
Cour soit fondée à exercer en l'espèce une compétence conférée
par la loi (par opposition à une compétence conférée par la
constitution) pour enlever tout effet à une disposition de fond
dûment adoptée par un Parlement compétent à cet égard en
vertu de la constitution et exerçant ses pouvoirs conformément
au principe du gouvernement responsable, lequel constitue le
fondement de l'exercice du pouvoir législatif en vertu de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique.
M. Jones, le tribunal en l'espèce, a considéré que le
pouvoir général de contrôle des tarifs, y compris le
droit de déterminer s'ils établissent une distinction
injuste, conféré à la Commission canadienne des
transports par le Parlement, compétent à cet égard
en vertu de la constitution et exerçant ses pouvoirs
conformément au principe du gouvernement res-
ponsable, l'empêchait de rendre l'ordonnance
8 Canadian Human Rights Reporter, Vol. 1, décision 40,
alinéas 1715 1971.
9 [1972] R.C.S. 889.
demandée par la requérante sous le régime de la
Loi canadienne sur les droits de la personne. La
question de savoir si cette conclusion est correcte
ou non en est une qui ne peut probablement être
tranchée de façon définitive que par le tribunal de
dernière instance, mais c'est la conclusion à
laquelle il est arrivé quant à sa compétence.
Je ne suis donc pas d'accord avec l'argument
soumis par la requérante qu'il ne s'agit pas d'une
«décision» dont peut connaître la Cour d'appel
dans le cadre d'une demande fondée sur
l'article 28.
On pourrait également prétendre que la requé-
rante, en présentant sa demande fondée sur l'arti-
cle 28, a peut-être admis qu'il s'agissait d'une telle
«décision» et cela devrait constituer à son égard
une fin de non-recevoir l'empêchant de demander
un bref de mandamus en Division de première
instance, comme elle l'a fait, au motif que le
tribunal n'a pas rendu l'ordonnance demandée
sous le régime du paragraphe 41(2) de la Loi
canadienne sur les droits de la personne et qu'il
devrait donc être obligé de le faire par cette Cour,
sans attendre l'issue de la demande fondée sur
l'article 28.
Au cours des débats, l'avocat de la requérante a
suggéré qu'on pourrait appliquer l'article 50 de la
Loi sur la Cour fédérale et suspendre les procédu-
res au motif que la demande est en instance devant
un autre tribunal ou qu'il est dans l'intérêt de la
justice de suspendre les procédures. Cet argument
aurait peut-être été convaincant n'eût été de la
décision de la Cour d'appel fédérale dans National
Indian Brotherhood c. Juneau [No 2 . 1 1 °. Dans cette
affaire, j'avais décidé en première instance (juge-
ment publié à [1971] C.F. 66) que la Division de
première instance ne devrait pas statuer sur les
requêtes en mandamus et en certiorari parce que,
le même jour, une demande fondée sur l'article 28
de la Loi sur la Cour fédérale tendant à l'annula-
tion de l'ordonnance attaquée avait été présentée
devant la Cour d'appel et que la Division de
première instance ne devrait pas rendre de décision
sur la question tant que la Cour d'appel n'aurait
pas décidé si elle avait compétence ou non en vertu
de l'article 28. J'ai dit, aux pages 70 et 71:
10 [1971] C.F. 73.
Dans ces conditions et en raison de cette autre procédure
pendante, il ne semble pas souhaitable qu'un juge de la Division
de première instance se prononce sur la question de savoir si la
Cour d'appel a compétence pour entendre et juger la requête en
examen et annulation de la décision ou ordonnance du comité
de direction de l'intimé, le Conseil de la Radio-Télévision
canadienne, pendante devant cette même Cour. C'est une déci-
sion qu'elle rendra elle-même ultérieurement.
Si la Cour d'appel devait déclarer par jugement définitif ne
pas avoir compétence, la Division de première instance pourrait
alors avoir compétence en vertu de l'art. 18 ..
Toutefois, lors d'une demande de directives présen-
tée subséquemment devant la Cour d'appel, le juge
en chef Jackett a dit, aux pages 79 et 80:
... à mon avis, un juge de la Division de première instance ne
doit pas se sentir embarrassé pour trancher une question rela
tive à la compétence de la Cour d'appel lorsque cette question
est accessoire à la détermination de la compétence de la
Division de première instance. Il a tout autant le droit de
trancher une telle question lorsqu'elle se présente à lui que l'a la
Cour d'appel lorsqu'elle lui est présentée.
Il semblerait donc qu'il m'incombe de statuer sur
la question de l'application du paragraphe 28(3) et
que je ne dois pas avoir recours à l'article 50 pour
suspendre les procédures jusqu'à ce que la Cour
d'appel ait elle-même statué sur la question de la
compétence. Étant donné que la requérante admet
que la Cour d'appel est compétente pour connaître
de la demande fondée sur l'article 28 présentée par
l'intimée, il serait absurde et cela pourrait mener à
des résultats malheureux s'il était décidé que la
Cour d'appel n'avait pas compétence pour connaî-
tre de la décision par laquelle le tribunal se décla-
rait incompétent pour ordonner à Air Canada de
déposer un tarif modifié. Il semble très douteux
que la décision de M. Jones puisse être divisée en
deux comme le demande la requérante, la pre-
mière partie devant être considérée comme une
décision susceptible d'examen par la Cour d'appel
et la deuxième, comme n'étant pas une décision du
tout et, pâr conséquent, ouvrant droit à manda-
mus, ce que soutient la requérante. Le bref de
mandamus, comme tous les brefs de prérogative,
est un redressement qui doit normalement prendre
effet dans les meilleurs délais et il en résulterait
une situation absurde s'il était ordonné au tribunal
à l'issue de la présente requête d'enjoindre à Air
Canada de modifier ses tarifs et que la Cour
d'appel décidait plus tard, après audition de la
demande fondée sur l'article 28, que la structure
tarifaire actuelle ne contrevient pas aux disposi
tions de la Loi canadienne sur les droits de la
personne. Il est fort probable qu'un appel serait
formé contre une telle décision sur la demande de
mandamus et toute la question devrait, de toute
façon, être alors tranchée par la Cour d'appel.
L'appel peut évidemment être formé également
contre une décision refusant de décerner le bref de
mandamus. La Cour d'appel pourrait renvoyer la
question à la Division de première instance pour
qu'elle entende l'affaire au fond si elle décidait que
la Division de première instance était compétente.
L'autre possibilité, c'est que la Cour d'appel, si elle
décidait qu'elle a compétence, tranche elle-même
la question dans le cadre de la demande fondée sur
l'article 28 présentée par la requérante.
Je conclus donc que la Division de première
instance n'a pas compétence en la matière.
2. ARGUMENT VOULANT QU'ON NE PUISSE AVOIR
RECOURS AU BREF DE MANDAMUS LORSQU'IL
EXISTE UN DROIT D'APPEL
L'article 42.1 de la Loi canadienne sur les droits
de la personne prévoit que lorsque la décision ou
l'ordonnance a été rendue par un tribunal de moins
de trois membres, la Commission ou les parties
peuvent interjeter appel dans les 30 jours du pro-
noncé de la décision ou de l'ordonnance. La requé-
rante n'a pas interjeté appel et elle admet qu'il est
maintenant trop tard pour le faire. La requérante
a cité la décision de la Cour suprême Harelkin c.
L'université de Regina" où, par une décision de 4
contre 3, la Cour a décidé que bien qu'il y ait eu
infraction à la règle audi alteram partem lorsque
l'étudiant fut expulsé de l'université, son droit
d'appel devant le sénat de l'université constituait le
recours approprié en l'espèce, de préférence à une
demande de certiorari et de mandamus. La requé-
rante établit une distinction entre cette affaire et
la présente espèce en citant le passage suivant des
motifs du juge Beetz, page 567, qui rendait le
jugement majoritaire:
Mais je ne peux admettre ... ni que la demande de certiorari et
de mandamus de l'appelant aurait dû être accueillie. Il était, et
il l'est encore, plus avantageux pour l'appelant de se prévaloir
de son droit d'appel devant le comité du sénat; il aurait dû
l'exercer.
En l'espèce, ce droit d'appel n'existe plus. Toute-
fois, je ne crois pas que la compétence de la Cour
devrait être reconnue dans le cadre d'une requête
" [1979] 2 R.C.S. 561.
en mandamus, compétence qu'elle n'aurait pas
autrement uniquement parce que la requérante n'a
pas fait preuve de diligence dans l'exercice du droit
d'appel dont elle disposait. Une telle conclusion
permettrait à la requérante au cas où elle préfére-
rait faire examiner et casser une décision du tribu
nal avec laquelle elle ne serait pas d'accord au
moyen d'un bref de prérogative devant la Division
de première instance de la Cour fédérale plutôt
que d'exercer son droit d'appel prévu à l'article
42.1 de la Loi, d'attendre tout simplement que le
délai d'appel soit expiré avant de demander un
bref de prérogative. Je ne veux pas insinuer que la
requérante ait eu cette arrière-pensée en l'espèce;
mais il me semble néanmoins que lorsqu'une loi
prévoit un droit d'appel, c'est là le recours appro-
prié qu'il faut exercer plutôt que de demander à la
Cour fédérale un bref de mandamus, qui n'est pas
censé être une solution de remplacement. Pour ce
motif également, je déciderais que la demande doit
être rejetée.
3. ARGUMENT FONDÉ SUR LA FINALITÉ DU
MANDAMUS
Il est de droit constant que le mandamus peut
être demandé pour obliger une personne à accom-
plir un acte de fonction publique qu'elle a omis ou
refusé d'accomplir. C'est un recours discrétion-
naire que la Cour refusera d'accorder si un autre
recours légal est également avantageux, commode
ou efficace.
En l'espèce, je ne vois pas comment on peut
prétendre que M. Jones a omis d'accomplir un acte
de fonction publique qu'il aurait été tenu d'accom-
plir en relation avec l'enquête. Comme je l'ai fait
remarquer plus tôt, j'estime qu'il est possible d'éta-
blir une distinction entre la présente affaire et
l'arrêt British American Bank Note. Bien que la
requérante prétende qu'en omettant de rendre une
ordonnance contre l'intimée Air Canada sous le
régime du paragraphe 41(2) de la Loi après avoir
conclu à l'existence d'un acte discriminatoire sous
le régime du paragraphe 41(1), le tribunal a omis
d'accomplir l'acte de fonction publique qu'il était
tenu d'accomplir, le mot «peut» au paragraphe
41(2) comportant une obligation et non seulement
un choix, j'ai déjà conclu, après avoir examiné
attentivement la question, que la décision du tribu
nal qu'il n'avait pas la compétence voulue pour
rendre une telle ordonnance est en fait une «déci-
sion» qui peut être examinée par la Cour d'appel
en vertu des dispositions de l'article 28 de la Loi
sur la Cour fédérale. Certes, cela peut ne pas être
le genre de décision prévue au paragraphe 41(2) de
la Loi canadienne sur les droits de la personne,
mais il ne me semble pas que ce soit faire un usage
approprié du mandamus que de chercher à obliger
le tribunal à émettre une ordonnance pour l'émis-
sion de laquelle il s'est déclaré incompétent. Cela
ne me semble pas constituer un refus par le tribu
nal d'accomplir un acte que la loi l'oblige à accom-
plir mais plutôt une différence d'opinions entre le
tribunal et la requérante quant à savoir s'il a
compétence pour accomplir un tel acte. Une telle
différence d'opinions devrait certainement être
tranchée en appel et le mandamus n'est pas une
forme d'appel contre une décision d'un tribunal
inférieur.
En général, un bref de mandamus ne sera pas
décerné pour obliger un intimé à faire ce qu'il est
impossible de faire en droit ou en fait (voir de
Smith: Judicial Review of Administrative Action,
4° édition, page 559). Compte tenu de la conclu
sion du tribunal qu'il lui était impossible de rendre
l'ordonnance demandée par la requérante, opinion
qui peut évidemment être fondée ou non, il semble-
rait inapproprié d'ordonner au tribunal de rendre
une ordonnance qu'il a déclarée impossible de
rendre. D'après les principes généraux donc, j'es-
time que le mandamus n'est pas la procédure
appropriée en l'espèce et, pour ce motif également,
je rejetterais la demande.
Puisque, comme je l'ai déjà mentionné, l'affaire
n'a pas été entendue au fond, le refus d'émettre le
mandamus ne découle pas d'un exercice de discré-
tion judiciaire que la Cour aurait de toute façon,
mais se fonde uniquement sur les diverses ques
tions d'ordre procédural examinées dans les pré-
sents motifs.
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