T-3131-80
Clover Survey & Yachting Co. Ltd.' (Demande-
resse)
c.
La Corporation de disposition des biens de la
Couronne et la Reine (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Marceau—
Ottawa, 25 et 29 mai 1981.
Couronne — Contrats — La corporation défenderesse se
réservait le droit, en vertu d'une condition stipulée dans un
contrat de vente d'un bateau de récupération, de retirer de la
vente tout bien non livré, et ce, sans pénalité, sauf à charge par
elle de rembourser la somme payée relativement à ce bien —
Un avis subséquent portant acceptation de l'offre de la deman-
deresse contenait la mention que la corporation défenderesse
pouvait annuler le contrat à moins d'un paiement total avant
une date déterminée — Il échet d'examiner si la défenderesse
n'avait l'intention de conserver un droit d'annulation que dans
la seule éventualité du défaut de paiement du prix d'acquisi-
tion — L'action est rejetée.
ACTION.
AVOCATS:
Pierre Tourigny pour la demanderesse.
Robert Côté pour les défenderesses.
PROCUREURS:
Langlois, Drouin & Associés, Montréal, pour
la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défenderesses.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE MARCEAU: Les faits de cette cause
sont aussi simples qu'est précis le problème qu'ils
soulèvent.
Les faits sont les suivants. Le 13 novembre
1979, la demanderesse, répondant à un appel d'of-
fres de la corporation défenderesse (dont le rôle
essentiel est contenu dans son titre), se portait
soumissionnaire pour l'achat d'un bateau de récu-
pération (Crash boat n° 111), propriété de Sa
' Une erreur typographique s'était glissée dans l'intitulé de la
déclaration initiale, erreur qui avait persisté jusqu'au procès: au
lieu de Clover, on avait écrit Cloyer. J'ai accepté une demande
verbale du procureur faite au début de l'audition aux fins
d'émettre une ordonnance visant à apporter la correction qui
s'imposait.
Majesté la Reine. Son offre devait être faite et
était effectivement faite, sujette à des conditions
générales formelles, dont l'une stipulait comme
suit:
[TRADUCTION] 1. RETRAIT—LA CORPORATION DE DISPOSI
TION DES BIENS DE LA COURONNE (ci-après appelée la «Cor-
poration») se réserve le droit de retirer de la vente tout bien qui
n'a pas été livré à l'acquéreur et ce, sans pénalité, sauf à charge
par elle de rembourser à ce dernier la somme payée relative-
ment à ce bien.
Le 15 novembre 1979, la demanderesse recevait de
la défenderesse, sur une formule intitulée
«demande de paiement», un avis lui signifiant que
son offre était acceptée et que le montant offert
devait être payé avant une date déterminée. L'avis
contenait la mention que voici:
A moins due [sic] le paiement total soit fait par chèque visé,
mandat de banque ou mandat de poste avant (le 14 décembre
1979) la Corporation de disposition des biens de la Couronne
peut annuler le contrat sans préjudice à d'autres recours.
Le 14 décembre 1979, la demanderesse recevait
une lettre l'informant que le bateau avait été
«retiré de la vente», la défenderesse s'étant préva-
lue de la «clause de retrait» du contrat, et qu'en
conséquence le chèque qu'elle avait déjà fait parve-
nir en satisfaction du prix convenu lui était
retourné. La demanderesse protesta, prétendit que
le droit de retrait n'existait plus et réclama livrai-
son. Finalement, elle intenta la présente action
pour se faire déclarer propriétaire du bateau avec
droit d'en prendre possession.
L'action ne s'en prend nullement à la légalité ou
à la portée de la clause des conditions générales de
la vente relative à la possibilité de retrait—clause
qui serait de la nature de la condition subsequent
de la common law (cf. Chitty on Contracts, 24e
éd., vol. 1, p. 321, par. 694; voir Highfield Hold
ings (B.C.) Ltd. c. Canaveral Investments Ltd.
(1979) 11 B.C.L.R. 245) ou de la condition résolu-
toire du droit civil (cf. les articles 1079 et suivants
du Code civil de la province de Québec). L'action
repose strictement sur la prétention que la clause
aurait été mise de côté ou altérée par la mention
insérée dans la «demande de paiement» (et que j'ai
reproduite ci-haut), on la défenderesse aurait là
signifié son intention de conserver un droit d'annu-
lation que dans la seule éventualité du défaut de
paiement du prix d'acquisition. Ainsi, le problème
à résoudre en est strictement un d'interprétation de
contrat et de recherche d'intention des parties.
La prétention de la demanderesse, aussi habile-
ment présentée qu'elle ait pu l'être par son avocat,
m'apparaît dénuée de mérite. Il ne me semble tout
simplement pas y avoir de lien entre «la clause de
retrait possible» du contrat lui-même et la «men-
tion relative à l'annulation au cas de non-paie-
ment» de la formule d'acceptation. Alors que la
première crée, en faveur de la corporation défende-
resse, le droit de se retirer de la convention à
volonté et sans pénalité jusqu'à la date de la
livraison, la seconde vise strictement à appuyer sur
la sanction éventuelle d'un défaut de paiement de
l'acheteur avant la date indiquée. Il ne me paraît
pas possible de penser que la défenderesse a
entendu renoncer, librement et sans raison, au
droit de se désister tant que la livraison n'aura pas
été effectuée—un droit pour elle manifestement
fondamental, qu'elle s'était clairement et formelle-
ment réservé dans le contrat de base lui-même—en
soulignant simplement, au moment de requérir le
paiement, la nécessité pour la demanderesse de lui
faire parvenir la somme offerte dans un délai
imparti.
A mon avis, en retirant de la vente le bateau et
en résolvant ainsi rétroactivement le contrat inter-
venu au moment de l'acceptation de l'offre, la
défenderesse a exercé un droit qu'elle s'était
réservé et auquel elle n'avait pas renoncé. Le
contrat ayant été validement et légalement résolu,
la demanderesse ne peut prétendre à quelque droit
lui en résultant. Son recours en revendication n'est
donc pas fondé.
L'action en conséquence sera rejetée.
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