T-4074-81
In re 454 054 511, caporal Brydges, Raymond
Theodore, Force régulière des Forces armées
canadiennes
et
In re une cour martiale permanente convoquée
pour juger 454 054 511, caporal Brydges, Ray-
mond Theodore, Forces armées canadiennes, du
navire H.M.C.S. Saguenay
Division de première instance, le juge Dubé—
Halifax, 3 septembre; Ottawa, 18 septembre 1981.
Compétence — Cour martiale — Brefs de prérogative —
Certiorari — Demande de bref de certiorari pour faire infir-
mer la condamnation prononcée par une cour martiale perma-
nente, au motif que la cour martiale avait rejeté une requête
d'ajournement présentée par la défense pour permettre la
comparution d'un témoin de moralité — La Division de pre-
mière instance a compétence pour émettre un bref de certiorari
contre tout office, toute commission ou tout autre tribunal
fédéral — La Cour d'appel a compétence pour examiner les
décisions d'un tribunal, dont celles d'une cour martiale, mais
l'art. 28(6) de la Loi sur la Cour fédérale exclut toute procé-
dure pour une infraction militaire en vertu de la Loi sur la
défense nationale — La Loi sur la défense nationale confire au
requérant un droit d'appel devant le Tribunal d'appel des
cours martiales — Il échet d'examiner si la Cour fédérale a
compétence pour émettre un bref de certiorari contre une cour
martiale — Demande rejetée — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 18, 28 — Loi sur la défense
nationale, S.R.C. 1970, c. N-4, art. 160, 197, 201, 209.
Arrêt appliqué: Martineau c. Le Comité de discipline de
l'Institution de Matsqui [1980] 1 R.C.S. 602.
DEMANDE.
AVOCATS:
G. Michael Owen pour le requérant.
A. R. Pringle pour l'intimée.
PROCUREURS:
G. Michael Owen, Halifax, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DUBÉ: Un bref de certiorari est
demandé en vertu des dispositions de l'article 18 de
la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), c. 10, pour faire infirmer la condamnation
du matelot de première classe Brydges, du
H.M.C.S. Saguenay, par une cour martiale perma-
nente dûment convoquée par le vice-amiral Fulton,
chef du commandement maritime, au motif que la
cour martiale avait rejeté une requête d'ajourne-
ment présentée par la défense pour permettre la
comparution d'un certain lieutenant Lazenby à
titre de témoin à décharge.
J'estime que la présente Cour n'a pas compé-
tence pour émettre un bref de certiorari contre une
cour martiale.
L'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale
prévoit que la Division de première instance a
compétence exclusive en première instance pour
émettre un bref de certiorari contre tout office,
toute commission ou tout autre tribunal fédéral.
Cependant, un tel bref ne peut être émis que
relativement à des questions d'ordre administratif
et pour vérifier si le tribunal a agi équitablement'.
Aux termes de l'article 28 de la Loi, la Cour
d'appel fédérale a compétence pour entendre une
demande d'examen d'une décision rendue par un
tribunal exerçant des fonctions judiciaires ou quasi
judiciaires à l'occasion de procédures, comme le
serait une décision d'une cour martiale dans le
cadre d'un procès. Mais le paragraphe 28(6)
exclut toute procédure pour une infraction mili-
taire en vertu de la Loi sur la défense nationale 2 .
Ce paragraphe est ainsi rédigé:
28....
(6) Nonobstant le paragraphe (1), aucune procédure ne doit
être instituée sous son régime relativement à une décision ou
ordonnance du gouverneur en conseil, du conseil du Trésor,
d'une cour supérieure ou de la Commission d'appel des pensions
ou relativement à une procédure pour une infraction militaire
en vertu de la Loi sur la défense nationale.
L'article 197 de la Loi sur la défense nationale
prévoit, relativement à certaines matières, un droit
d'appel pour toute personne qui a été déclarée
coupable par une cour martiale. L'article se lit
comme suit:
Droit d'appel
197. Quiconque a été jugé et déclaré coupable par une cour
martiale possède, sous réserve du paragraphe 199(3), un droit
d'appel concernant l'une ou la totalité des matières suivantes:
a) la sévérité de la sentence;
b) la légalité de l'une ou de la totalité des conclusions; ou
' Voir Martineau c. Le Comité de discipline de l'Institution
de Matsqui [1980] 1 R.C.S. 602.
2 S.R.C. 1970, c. N-4.
c) la légalité de la totalité ou de quelque partie de la
sentence.
Aux termes de l'article 199, le délai pour inter-
jeter appel en vertu de l'article 197 est de quatorze
jours à compter de la remise au délinquant d'une
copie des procès-verbaux des séances. En l'espèce,
les procès-verbaux des séances n'ont pas encore été
remis au caporal Brydges. Il a donc encore parfai-
tement le droit d'interjeter appel de sa condamna-
tion devant le tribunal approprié, soit le Tribunal
d'appel des cours martiales (article 201).
En outre, à l'expiration du délai d'appel, les
procédures de chaque cour martiale sont révisées
par le juge-avocat général relativement à toute
matière mentionnée à l'alinéa 197b) ou c) (article
209).
Le Parlement a donc prévu des remèdes sous le
régime de la Loi sur la défense nationale pour la
prétendue violation des droits du requérant.
Même si la Cour fédérale avait compétence pour
émettre un bref de certiorari contre une cour
martiale, je suis d'avis que l'exercice judicieux, par
la Cour, de son pouvoir discrétionnaire aboutirait
en l'espèce à un refus de le faire. Il ressort claire-
ment des affidavits produits contre la requête ou à
l'appui de celle-ci ainsi que de la transcription de
la décision du président que le procès en cour
martiale a été mené régulièrement et que la cour a
considéré équitablement la requête du caporal
Brydges.
Le 16 juillet 1981, le vice-amiral Fulton a
ordonné la convocation d'une cour martiale perma-
nente pour juger le caporal Brydges sur plusieurs
accusations se rapportant à la drogue. Ce jour-là,
l'avocat du requérant a écrit une lettre au capi-
taine sous-adjoint au juge-avocat demandant la
comparution de certains témoins, y compris le
lieutenant Lazenby, et la lettre a été dûment
portée à la connaissance de l'autorité qui avait
convoqué la cour martiale permanente.
On avait demandé la comparution des témoins
pour faire la preuve de la bonne réputation de
l'accusé. Informée de ceci, l'autorité ayant convo-
qué la cour martiale permanente a écrit à son
président le 22 juillet 1981 et l'a informé qu'étant
donné la nature générale du témoignage que l'on
voulait obtenir et compte tenu des exigences du
service, la présence du lieutenant Lazenby ne pou-
vait être raisonnablement obtenue.
A l'ouverture du procès le 28 juillet 1981, l'avo-
cat du requérant, se fondant sur l'article 160 de la
Loi sur la défense nationale, a demandé la compa-
rution du lieutenant Lazenby. Le président de la
cour martiale permanente a entendu les arguments
et rejeté la requête. L'article 160 de la Loi sur la
défense nationale prévoit la citation des témoins. Il
se lit comme suit:
Témoins devant les cours martiales
160. (1) L'officier commandant l'accusé, l'autorité convo-
quant une cour martiale ou, une fois la cour martiale réunie, le
président de celle-ci, doivent prendre les mesures nécessaires
pour obtenir la comparution des témoins dont le procureur à
charge et l'accusé demandent la citation et dont la présence
peut être raisonnablement obtenue, eu égard aux exigences du
service. Toutefois, aucune disposition du présent paragraphe
n'astreint à obtenir la comparution de témoins lorsque, selon
l'officier commandant, l'autorité convoquant la cour martiale
ou le président de celle-ci, la demande en vue de leur citation
est futile ou vexatoire.
(2) Lorsqu'une demande de l'accusé, en vue de la citation
d'un témoin, est jugée futile ou vexatoire, la comparution de ce
témoin, si elle est raisonnablement possible, compte tenu des
exigences du service, doit être obtenue si l'accusé acquitte
d'avance les honoraires et dépenses du témoin aux taux pres-
crits par les règlements. Si, au procès, la déposition du témoin
se révèle pertinente et importante, le président de la cour
martiale ou l'autorité convoquant la cour martiale doit ordon-
ner le remboursement, à l'accusé, des honoraires et dépenses du
témoin ainsi payés.
(3) Aucune disposition du présent article ne restreint le droit,
pour l'accusé, de produire au procès, à ses propres frais, les
témoins qu'il désire, si les exigences du service le permettent.
Il ressort de la transcription de la décision que le
président, après un examen attentif de la requête,
était d'avis que si le lieutenant Lazenby était
[TRADUCTION] «de quelque façon que ce soit pré-
senté à la cour comme un témoin essentiel ... je
serais certainement porté à accueillir la requête».
En réponse à une observation de l'avocat de la
défense, le président a ajouté que si le lieutenant
Lazenby [TRADUCTION] «était partie aux infrac
tions ou avait observé quelque chose ... qui était
survenu à un moment un tant soit peu rapproché
des infractions de telle sorte que cela pourrait se
rapporter directement à la preuve», il le citerait à
comparaître pour le défendeur. Il a dit qu'étant
donné que le témoignage visait [TRADUCTION]
«simplement à donner son opinion sur la sincérité
de l'accusé», ce témoignage n'était [TRADUCTION]
«pas nécessaire aux fins de la justice».
En outre, le président a attiré l'attention de
l'avocat de la défense sur les dispositions du para-
graphe 160(2) de la Loi qui permet à l'accusé
d'acquitter d'avance les honoraires et dépenses du
témoin: si, au procès, la déposition du témoin se
révèle pertinente, l'accusé est remboursé. L'avocat
de la défense a répondu qu'il préférerait un ajour-
nement de quelques jours pour lui permettre de
présenter une demande à la Cour fédérale.
La cour martiale permanente a été ajournée
pour deux semaines, mais il semble que le requé-
rant n'ait fait aucun effort pour obtenir la compa-
rution du lieutenant Lazenby durant cette période.
La demande dont est saisie la présente Cour en
l'espèce n'a été déposée que le 10 août, soit le jour
avant la reprise du procès devant la cour martiale.
La cour martiale a repris ses travaux le 11 août et
le requérant a été déclaré coupable sur quatre
accusations de trafic de drogue et sur une accusa
tion de possession de drogue.
Le bref de prérogative appelé certiorari est un
recours discrétionnaire et extraordinaire. Il ne peut
être demandé de plein droit. Je ne vois aucune
raison valable en l'espèce pour accorder un tel
remède, même si j'avais la compétence pour le
faire, étant donné que le président de la cour
martiale a été équitable envers l'accusé et qu'il
avait certainement le droit en l'espèce de refuser la
comparution du témoin. Si le requérant se sent
lésé, les recours prévus par la Loi sur la défense
nationale lui sont toujours ouverts. La requête est
donc rejetée avec dépens.
ORDONNANCE
La requête est rejetée avec dépens.
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