T-1230-81
Harold Irvine, Namasco Limited, Charles Ian
McKay, Drummond McCall Inc., Samuel, Son &
Co. Limited, W. Grant Brayley, Westeel-Rosco
Limited, York Russel Inc., L. F. Newbery,
Norman Katzman, John M. White, Leon Robi-
doux, Timothy H. Coughlin, Newman Steel Ltd.,
Benjamin P. R. Newman, Sigmund R. Taube,
Zenon R. Karcz, Peter R. Sheppard, Lorne Gilbert
Coons, James Arthur Jobin, Donald Charles Grin-
stead, Hugh Fitzgerald Thomson, William Alex-
ander Mowat, et Bruce Scott Moore (Requérants)
c.
La Commission sur les pratiques restrictives du
commerce, le directeur des enquêtes et recherches
nommé aux termes de la Loi relative aux enquêtes
sur les coalitions et M. H. H. Griffin (Intimés)
Division de première instance, le juge Collier—
Toronto, 9, 12 et 24 mars 1981.
Brefs de prérogative — Certiorari, prohibition et mandamus
— Contestation par les requérants de décisions de l'officier
présidant l'enquête sur certaines pratiques restrictives de com
merce — L'officier n'était pas membre de la Commission —
Refus d'autoriser le contre-interrogatoire des témoins par les
avocats — Refus de permettre la présence des requérants et de
leurs avocats tout au long des interrogatoires — Refus d'auto-
riser l'ajournement demandé par une personne morale requé-
rante pour recourir à un avocat — L'officier avait-il le droit
d'autoriser les témoins à être représentés par avocat? —
Validité des décisions en cause — Décision cassée — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 18 — Loi
relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23,
art. 8a)(iii), 17(1),(2) et 20(1),(2).
Les requérants demandent des brefs de certiorari, de prohibi
tion et de mandamus. L'officier enquêteur, qui n'était pas
membre de la Commission sur les pratiques restrictives du
commerce, a ouvert une enquête sur certaines pratiques com-
merciales restrictives. En cours de procédure il a présumé avoir
le droit d'autoriser les témoins à se faire représenter par des
avocats. Il n'a pas autorisé le contre-interrogatoire par ces
avocats des autres témoins. Il n'a pas non plus autorisé les
témoins à assister à tous les interrogatoires. Il a rejeté la
demande d'ajournement du témoin d'une personne morale qui
voulait solliciter d'un membre de la Commission le droit de se
faire représenter par un avocat. Il échet d'examiner si ces
décisions sont fondées.
Arrêt: la demande est accueillie. En premier lieu, seul un
commissaire peut autoriser celui dont la conduite fait l'objet de
l'enquête à se faire représenter par avocat. Il s'ensuit que
l'officier enquêteur aurait dû accorder un ajournement pour
permettre de demander à un membre de la Commission d'auto-
riser la personne morale requérante à être représentée par
avocat. La loi en cause n'est pas ici silencieuse quant au droit à
un avocat. La Commission s'est vu attribuer par la loi des
pouvoirs d'enquête larges et efficaces. Le Parlement a prévu
certaines garanties de sauvegarde. L'une d'elles est le droit de
ceux dont la conduite fait l'objet de l'enquête, et celui des
témoins qui sont interrogés sous serment, d'être représentés par
avocat. Ce droit, c'est d'interroger et de contre-interroger au
nom de leur client, de la façon habituellement associée au rôle
de l'avocat représentant un client dans une procédure sem-
blable, comme dans les enquêtes selon la Loi sur les enquêtes
du Canada et les lois provinciales sur les enquêtes. Le droit de
contre-interroger ou d'interroger ne peut aller que là où les
clients des avocats sont ou peuvent être touchés par le témoi-
gnage requis d'eux. Les décisions de l'officier enquêteur concer-
nant l'interrogatoire et le contre-interrogatoire sont cassées.
Quant aux autres décisions entreprises, les avocats des divers
clients ont le droit d'être présents tout au long des inter-
rogatoires. Le droit d'être représenté par avocat ne peut être
exercé effectivement si le client ne peut aussi être présent avec
son avocat pour lui fournir instructions et renseignements.
Arrêt mentionné: Stevens c. La Commission sur les pra-
tiques restrictives du commerce [1979] 2 C.F. 159.
DEMANDE.
AVOCATS:
F. J. C. Newbould pour York Russel Inc., L.
F. Newbery, Norman Katzman, John M.
White, Leon Robidoux et Timothy H.
Coughlin.
J. Chipman, c.r. pour Drummond McCall
Inc.
E. Sexton, c.r. pour Harold Irvine.
J. Sopinka, c.r. et J. D. Weir pour Lorne
Gilbert Coons.
William Miller pour Samuel, Son & Co.
Limited et W. Grant Brayley.
J. S. Leon pour Namasco Limited et Charles
Ian McKay.
J. A. Hodgson pour Westeel-Rosco Limited.
G. Garton pour les intimés.
PROCUREURS:
Tilley, Carson & Findlay, Toronto, pour
York Russel Inc., L. F. Newbery, Norman
Katzman, John M. White, Leon Robidoux et
Timothy H. Coughlin.
Ogilvy, Renault, Montréal, pour Drummond
McCall Inc.
Osler, Hoskin & Harcourt, Toronto, pour
Harold Irvine.
Stikeman, Elliott, Robarts & Bowman,
Toronto, pour Lorne Gilbert Coons.
Smith, Lyons, Torrance, Stevenson & Mayer,
Toronto, pour Samuel, Son & Co. Limited et
W. Grant Brayley.
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour
Namasco Limited et Charles Ian McKay.
Blake, Cassels & Graydon, Toronto, pour
Westeel-Rosco Limited.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE COLLIER: Les requérants demandent,
conformément à l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, des brefs
de certiorari, de prohibition et de mandamus.
Ils s'en prennent à certains aspects d'une
enquête en cours selon les dispositions applicables
de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions,
S.R.C. 1970, c. C-23, modifiée.
Le directeur des enquêtes et recherches aux
termes de cette loi a ouvert l'enquête sur le fonde-
ment du sous-alinéa 8a)(iii). Je reproduis ici l'arti-
cle 8 en son entier:
8. Le directeur doit,
a) sur une demande faite en vertu de l'article 7,
b) chaque fois qu'il a des raisons de croire
(i) qu'une personne a violé ou transgressé une ordonnance
rendue en application des articles 29, 29.1 ou 30,
(ii) qu'il existe des motifs permettant à la Commission de
rendre une ordonnance en vertu de la Partie IV.1, ou
(iii) qu'on a commis ou qu'on est sur le point de commettre
une infraction visée par la Partie V ou l'article 46.1, ou
c) chaque fois que le Ministre lui ordonne de déterminer au
moyen d'une enquête si l'un quelconque des faits visés aux
sous-alinéas b)(i) à (iii) existent,
faire étudier toutes questions qui, d'après lui, nécessitent une
enquête en vue de déterminer les faits.
Les motifs qui présumément ont donné au direc-
teur raison de croire qu'une infraction selon l'arti-
cle 32 de la Partie V de la loi avait été, ou allait
être, commise ne sont pas donnés dans les pièces
déposées devant moi. Je reviendrai là-dessus un
peu plus loin.
Un sous-directeur a demandé à un membre de la
Commission une ordonnance selon l'article 17 de
la loi. Voici les paragraphes (1) et (2) de cet
article:
17. (1) Sur demande ex parte du directeur, ou de sa propre
initiative, un membre de la Commission peut ordonner que
toute personne résidant ou présente au Canada soit interrogée
sous serment devant lui ou devant toute autre personne
nommée à cette fin par l'ordonnance de ce membre, ou produise
à ce membre ou à cette autre personne des livres, documents,
archives ou autres pièces, et peut rendre les ordonnances qu'il
estime propres à assurer la comparution et l'interrogatoire de ce
témoin et la production par ce dernier de livres, documents,
archives ou autres pièces, et il peut autrement exercer, en vue
de l'exécution de ces ordonnances ou de la punition pour défaut
de s'y conformer, les pleins pouvoirs exercés par toute cour
supérieure au Canada quant à l'exécution des brefs d'assigna-
tion ou à la punition en cas de défaut de s'y conformer.
(2) Toute personne assignée sous le régime du paragraphe
(1) est habile à agir comme témoin et peut être contrainte à
rendre témoignage.
Le 27 janvier 1981, le président de la Commis
sion intimée a rendu une ordonnance. Celle-ci n'a
pas été déposée devant moi; mais une ordonnance
ultérieure du président, datée du 3 février 1981, a
cependant été produite comme preuve. Je présume
que la première allait dans le même sens que la
seconde sauf qu'elle ne devait pas contenir le
deuxième paragraphe, à compter de la fin, de
l'ordonnance du 3 février. La première ordonnance
convoquait devant M. Stoner, président de la
Commission, vingt-neuf personnes, qu'elle nom-
mait, ainsi que [TRADUCTION] «toute autre per-
sonne que je convoquerai nommément pour dépo-
ser sous serment dans le cadre de l'enquête.» Cette
enquête était décrite comme:
[TRADUCTION] ... une enquête sur la production, la fabrica
tion, l'achat, la vente et la fourniture d'acier laminé, d'acier en
plaques, d'acier en barres et d'acier de construction et autres
produits connexes.
Antérieurement au 3 février 1981 de prétendues
citations à comparaître, des «subpœnas», furent
lancées contre ces personnes. Celle que le président
a adressée à M. N. Katzman en est un exemple.
Elle cite M. Katzman à comparaître, au moment
et au lieu y spécifiés, pour déposer sous serment
devant M. Stoner ou [TRADUCTION] «devant toute
autre personne préposée à cette fin» par lui.
Le 3 février, la deuxième ordonnance que j'ai
mentionnée fut rendue. Le deuxième paragraphe
de la fin désigne nommément un certain H. H.
Griffin comme personne devant qui celles nommé-
ment convoquées seront [TRADUCTION] «interro-
gées sous serment.» Je note que le paragraphe
17(1) désigne la personne interrogée comme un
«témoin». Je vais utiliser ce terme.
M. Griffin n'est pas membre de la Commission
sur les pratiques restrictives du commerce.
On a fait valoir au nom des requérants que la
nomination de M. Griffin était invalide pour
n'avoir pas été faite dans la première ordonnance
prononcée le 27 janvier 1981. D'après une inter-
prétation étroite du paragraphe 17(1), l'ordon-
nance requérant l'interrogatoire des témoins et
nommant une personne autre que le commissaire
auteur de l'ordonnance doit, a-t-on dit, être la
même. En admettant que cette interprétation de la
loi soit juste, j'appliquerais l'article 3 de la Loi
relative aux enquêtes sur les coalitions qui prévoit
qu'une instance ne saurait être invalidée en raison
de quelque vice de forme ou irrégularité technique.
On a aussi soutenu, au sujet de la nomination de
M. Griffin, qu'un commissaire, qui rend une
ordonnance sur le fondement du paragraphe 17(1),
ne peut que requérir l'interrogatoire de témoins
devant lui ou quelque autre commissaire qu'il dési-
gne. On a parlé de certaines difficultés et anoma
lies qui surgissent lorsque les interrogatoires ne se
font pas devant un commissaire. Dans certains cas
on arriverait à des résultats absurdes; la loi devrait
être interprétée de façon à éviter ces absurdités.
Je reconnais qu'il y a des difficultés d'ordre
procédural lorsque celui qui préside l'interroga-
toire des témoins n'est pas un commissaire mais
simplement une sorte d'officier enquêteur—
expression utilisée au cours du débat que je vais
adopter. Mais je ne crois pas que l'on doive inter-
préter le paragraphe comme on l'a suggéré. A mon
avis, la procédure que prévoit la loi à l'article 17,
et dans les articles connexes, peut très bien être
menée par un officier enquêteur tout autant que
par un commissaire. Cette exception est donc
rejetée.
M. Griffin commença la procédure d'interroga-
toire des témoins sous serment. Plusieurs personnes
ont comparu. Certains témoins avaient reçu des
citations à comparaître (des «subpoenas»). Certains
de ceux-ci ont comparu en personne, d'autres par
ministère d'avocat. D'autres encore, y compris des
sociétés, dont le statut semble avoir été celui de
personnes «dont la conduite fait l'objet d'une
enquête» ont comparu. Voir le paragraphe 20(1)
de la loi. Certaines de ces sociétés dans cette
catégorie ont comparu en la personne d'un de leurs
cadres ou dirigeants; d'autres, par ministère d'avo-
cat, certaines y joignant aussi un cadre ou un
dirigeant pourvu d'instructions.
Il est constant que ni la Commission ni ses
membres, en aucun moment, n'ont fait connaître
expressément à quiconque que la conduite d'une
personne spécifique faisait l'objet d'une enquête.
Certaines personnes, y compris des sociétés, qui
n'étaient pas convoquées pour interrogatoire,
furent notifiées qu'on procédait à l'interrogatoire
de certains témoins. Si je comprends bien, on ne
faisait pas savoir au témoin que sa conduite pou-
vait fort bien faire l'objet de l'enquête. Je fais ces
remarques maintenant car le défaut de la Commis
sion de spécifier clairement la ou les catégories
dans lesquelles telle ou telle personne tombait,
imposait, à mon avis, un fardeau inutile au contri-
buable et au citoyen qui devaient deviner l'inten-
tion collective de la Commission. Pour sûr, le
citoyen a droit de savoir si sa conduite fait l'objet
d'une enquête. Il peut alors être représenté par
avocat et ce, pas uniquement aux interrogatoires
des témoins. Il ne devrait pas avoir à présumer son
statut ni à s'interroger à son sujet avec pour tout
indice quelques notifications lui indiquant la date
et le lieu où certains témoins seront interrogés.
Je reviens à la procédure devant M. Griffin.
Beaucoup parmi ceux qui étaient présents ont
présumé, cela se comprend, qu'il était membre de
la Commission. On a discuté longuement du droit
à l'avocat, du droit tout au long de l'instance à la
présence des avocats, des témoins ou des personnes
dont la conduite faisait l'objet de l'enquête. Le rôle
de l'avocat lors de l'interrogatoire des témoins a
été débattu. L'officier enquêteur a statué plusieurs
fois. Ces décisions sont contestées en l'instance
présente.
La question des motifs du directeur pour enga-
ger l'enquête a été soulevée au cours de l'instance
devant l'officier enquêteur. On a soutenu qu'un
commencement de preuve, à tout le moins, devait
être administré devant l'officier enquêteur afin de
démontrer l'existence de certains motifs objectifs
justifiant le directeur d'ouvrir la procédure d'en-
quête. M. Griffin a dit que le directeur ou ses
représentants n'avaient pas à administrer sem-
blables preuves.
Cette décision, de même que le défaut des inti-
més de faire valoir un élément objectif quelconque
en l'instance, invaliderait, dit-on, toute la procé-
dure d'enquête et, bien entendu, l'interrogatoire
des témoins auquel on a procédé devant M.
Griffin.
Je ne partage pas cet avis.
Je ne suis pas saisi, dans cette instance engagée
selon l'article 18, de l'autorisation ou de l'ordre,
comme on voudra, du directeur qui a mis en branle
l'ensemble de la procédure d'enquête. Elle n'a pas
vraiment d'ailleurs été contestée en l'instance. Si
cette contestation était permise, elle devrait, à mon
avis, faire l'objet de la procédure prévue (article 18
ou 28 de la Loi sur la Cour fédérale) en évocation
de cette autorisation du directeur, non celui d'une
procédure en évocation de certaines décisions d'un
officier enquêteur. La décision du juge Addy dans
Stevens c. La Commission sur les pratiques res-
trictives du commerce [1979] 2 C.F. 159, spéciale-
ment à la page 160, me paraît raisonnablement
analogue.
Ce moyen donc est rejeté. Ce qui dispose, en
fait, de l'avis additionnel de requête du 5 mars
1981 et de son paragraphe a).
Je reviens une fois de plus à l'instance devant
l'officier enquêteur. Il faut d'abord rappeler l'arti-
cle 20 de la Loi relative aux enquêtes sur les
coalitions:
20. (1) Un membre de la Commission peut permettre à toute
personne dont la conduite fait l'objet d'une enquête, et doit
permettre à quiconque est personnellement interrogé sous ser-
ment d'être représenté par un avocat.
(2) Nul n'est dispensé de comparaître et de rendre témoi-
gnage et de produire des livres, documents, archives ou autres
pièces en conformité de l'ordonnance d'un membre de la Com
mission, pour le motif que le témoignage verbal ou les docu
ments requis de lui peuvent tendre à l'incriminer ou à l'exposer
à quelque procédure ou pénalité, mais nul témoignage oral ainsi
exigé ne peut être utilisé ni n'est recevable contre cette per-
sonne dans toutes poursuites criminelles intentées par la suite
contre elle, sauf dans une poursuite pour parjure en rendant un
tel témoignage ou dans une poursuite intentée en vertu de
l'article 122 ou 124 du Code criminel à l'égard d'un tel
témoignage.
J'ai décrit précédemment les personnes et avo-
cats qui ont comparu devant M. Griffin. Au début
des interrogatoires, et ici je me répète un peu, la
plupart de ceux qui étaient présents, sinon tous, y
compris les avocats, ont présumé que M. Griffin
était membre de la Commission. Il ne l'était pas.
Mais il a poursuivi en présumant qu'il avait le
droit d'autoriser un témoin ou une personne dont
la conduite faisait l'objet de l'enquête d'être repré-
senté par un avocat. Il avait tort. Les avocats des
intimés, dont l'intimé Griffin, le concèdent: seul un
commissaire peut autoriser celui dont la conduite
fait l'objet de l'enquête à se faire représenter par
avocat. Je note ici que cette représentation particu-
lière n'est pas limitée à la procédure d'interroga-
toire des témoins. Encore une fois, seul un commis-
saire peut accorder la permission requise pour
qu'un témoin ait droit à un avocat.
M. Griffin a rendu plusieurs décisions limitant
le rôle des avocats représentant les témoins ou les
personnes de l'autre catégorie. Il a refusé de per-
mettre aux avocats, celui du directeur excepté,
d'interroger ou de contre-interroger les témoins.
Le seul genre d'interrogatoire qu'il autorisa fut
celui mené par l'avocat comparaissant pour un
témoin particulier ou pour une compagnie au ser
vice de laquelle était un témoin particulier. Un
«réinterrogatoire», selon l'officier enquêteur serait:
[TRADUCTION] la procédure que j'ai esquissée cherche à être
équitable envers le témoin et à lui permettre d'expliquer tout ce
qui pourrait être obscur ou ambigu
et plus loin:
[TRADUCTION] ... réinterroger pour aider le témoin
et plus loin encore:
[TRADUCTION] LE PRÉSIDENT: Non, je comprends cela et je ne
vous demande pas de l'accepter, mais en permettant à l'avocat
de la compagnie A d'interroger un témoin, au service de cette
compagnie, qui n'est pas représenté par un avocat, c'est unique-
ment pour éclaircir—pour le témoin—ce qui autrement pour-
rait n'être pas clair.
Suis-je—en d'autres mots, je ne veux pas que vous pensiez
que mon allusion, ma digression de ce matin, était que M°
Hamilton pouvait réinterroger au nom des autres avocats. Ce
n'était pas mon intention. Il pouvait réinterroger pour éclaircir
la déposition d'un témoin qui n'était pas représenté par avocat.
m. SEXTON: Eh bien, de toute façon, cela clarifie pour moi la
nécessité de la décision que nous demandons à la Cour fédérale.
LE PRÉSIDENT: Cela se peut, je veux être juste envers vous en
disant cela, de sorte que si vous agissez en conséquence, ce ne
sera pas à cause de quelque malentendu.
Ce genre de réinterrogatoire mis à part, les
avocats des témoins ou personnes de l'autre caté-
gorie que j'ai mentionnée, ne pouvaient pas, en
vertu de cette décision, contre-interroger les autres
témoins même si de sérieuses accusations étaient
portées contre leurs clients par ceux-ci.
L'avocat des intimés était d'avis que les restric
tions qu'avait imposées l'officier enquêteur étaient
justes; les décisions ne devraient pas être cassées
par certiorari ou par quelque autre recours du
genre. L'interrogatoire de témoins avait pour
unique but d'obtenir des témoignages sous serment
pour connaître des faits; l'officier enquêteur
n'avait pas à statuer sur ces faits. Il ne rendait pas
compte au directeur; il se bornait à lui transmettre
la preuve. Ce qui pouvait arriver après cela était
prévu aux articles 14, 15, 18 et 19 de la loi. A ces
stades ultérieurs, selon l'argument, tous ceux à qui
l'enquête pouvait porter préjudice pourraient se
faire entendre personnellement ou par ministère
d'avocat. Quant à ce dernier argument, je dirai
ceci. Ce stade ultérieur de la procédure ne prévoit
pas le rappel des témoins sur la foi de la déposition
desquels, n'ayant fait l'objet d'aucun contre-inter-
rogatoire, le directeur peut s'appuyer pour prépa-
rer son exposé de la preuve obtenue au cours de
l'ensemble de la procédure d'enquête et destinée à
la Commission (article 18). Ces témoins qui n'ont
pas été contre-interrogés peuvent être morts ou
n'être plus disponibles. Je ne vois pas non plus que
celui «contre qui une allégation . .. est faite» puisse
avoir quelque droit de rappeler ces témoins pour
contre-interrogatoire.
Je reviens aux arguments antérieurs des intimés.
Je reconnais que la consignation des dépositions
des témoins n'est qu'une des étapes de l'ensemble
de la procédure d'enquête. Il s'agit là d'une procé-
dure administrative, non d'une procédure juridic-
tionnelle, quasi judiciaire.
Si le paragraphe 20(1) de la loi n'existait pas,
l'argument des intimés voulant que personne n'ait
le droit d'être présent aux interrogatoires ni celui
d'interroger ou de contre-interroger les témoins
cités à comparaître, ou les autres, serait, quant à
moi, décisif. L'avocat s'est appuyé sur la jurispru
dence bien connue concernant les règles de justice
naturelle, lorsque sont en jeu des décisions juridic-
tionnelles, quasi judiciaires, et les règles d'équité
lorsque ne sont en cause que des décisions
administratives.
J'ajoute ici que je ne suis pas convaincu qu'exis-
te une distinction si tranchée, une telle dichotomie.
Selon l'économie particulière de la loi, les circons-
tances de l'espèce, les règles de justice naturelle,
aussi bien que les règles d'équité peuvent s'appli-
quer également aux organismes n'ayant que des
décisions administratives à rendre.
La jurisprudence bien connue qu'a citée l'avocat
des intimés, à quelques exceptions près, traite
toute de cas où la loi est silencieuse quant au droit
à une audience, à celui de connaître ce qu'on vous
reproche, au droit à un avocat, au droit de contre-
interroger, et cetera.
La loi en cause n'est pas ici silencieuse quant au
droit à un avocat. Le législateur manifestement a
pensé que les instances engagées en application de
cette loi exigeaient que ce droit soit expressément
énoncé. Qu'entendait-il par «représenté par un
avocat»?
Les intimés disent que cela veut dire le droit à la
présence de son avocat lorsqu'on est interrogé en
tant que témoin, pour savoir si on doit répondre et,
peut-être, si on peut s'opposer à répondre, motif
pris d'auto-incrimination, mais non pour se faire
interroger si ce n'est pour clarifier certains points
de sa déposition. Dans le cas de ceux dont la
conduite fait l'objet de l'enquête, le seul droit,
dit-on, serait d'agir comme alter ego, d'être pré-
sent et d'écouter.
Je ne puis croire que le législateur ait voulu
confiner l'avocat à un rôle aussi restreint.
La Commission s'est vu attribuer par la loi des
pouvoirs d'enquête larges et efficaces. L'un de ses
objets ultimes est, lorsque justifié, de servir de
fondement à des accusations criminelles. Fort peu
d'organismes ou d'individus chargés de l'applica-
tion de la loi sont investis de pouvoirs inquisiteurs
de ce genre. Les agents de police et procureurs de
la Couronne, par exemple, n'ont pas, sauf dans
certains cas, avec l'approbation des tribunaux, les
droits qu'accordent au directeur les articles 9, 10
et 12. Ils n'ont pas non plus le pouvoir de convo-
quer les citoyens à témoigner sous serment alors
qu'ils font enquête sur des crimes éventuels. Tous
ces pouvoirs de la Loi relative aux enquêtes sur les
coalitions sont d'exception. Le Parlement, à mon
avis, a prévu certaines garanties de sauvegarde.
L'une d'elles est le droit de ceux dont la conduite
fait l'objet de l'enquête, et celui des témoins qui
sont interrogés sous serment, d'être représentés par
avocat. Ce droit, c'est d'interroger et de contre-
interroger au nom de leur client, de la façon
habituellement associée au rôle de l'avocat repré-
sentant un client dans une procédure semblable,
comme dans les enquêtes selon la Loi sur les
enquêtes du Canada et les lois provinciales sur les
enquêtes.
A mon avis, lorsque des commissaires autorisent
un individu quelconque à avoir droit à un avocat,
et dans le cas de témoins, ils doivent, sur demande,
les autoriser à avoir un avocat, les conséquences
suivantes en découlent. Les avocats ont le droit
d'interroger leurs propres clients ou témoins et les
autres témoins interrogés. Manifestement, le droit
de contre-interroger ou d'interroger ne peut être
sans limite; il ne peut aller que là où leurs propres
clients sont ou peuvent être touchés par le témoi-
gnage que requiert d'eux l'officier enquêteur.
Les décisions de l'officier enquêteur concernant
l'interrogatoire et le contre-interrogatoire sont
donc cassées et le recours en certiorari accordé.
Trois autres décisions de l'officier enquêteur
sont entreprises. Elles sont énoncées aux paragra-
phes a), d) et e) de l'avis de requête en date du 4
mars 1981.
Paragraphe a): M. Griffin a refusé de permettre
aux personnes dont la conduite faisait l'objet d'une
enquête, et aux témoins, d'être présents tout au
long des interrogatoires. A mon avis, les avocats
des divers clients ont le droit d'être présents tout
au long des interrogatoires. Le droit d'être repré-
senté par avocat ne peut, comme je le conçois, être
exercé effectivement si le client ne peut aussi être
présent avec son avocat pour lui fournir instruc
tions et renseignements. Cette décision de l'officier
enquêteur doit donc être cassée par le certiorari.
Paragraphe d): Il a été ordonné à un certain
James T. Kirch d'être interrogé par l'officier
enquêteur. Après avoir prêté serment, il a requis
que son témoignage soit entendu en privé, en l'ab-
sence des autres témoins, des personnes dont la
conduite faisait l'objet de l'enquête ou de leurs
avocats présents. Cette requête a été appuyée par
l'avocat du directeur. L'officier enquêteur a rejeté
la requête. L'avocat du directeur a alors refusé de
«poser» des questions au témoin. L'officier enquê-
teur n'a pas alors interrogé le témoin lui-même. Il
n'a pas permis aux avocats des différents requé-
rants de l'interroger ou de le contre-interroger.
Le directeur doit être réprimandé à cet égard; il
a placé l'officier enquêteur dans une position
embarrassante. Ce dernier avait l'obligation d'in-
terroger Kirch. L'ordonnance du président de la
Commission l'exigeait. Pour faciliter les choses, on
utilise souvent un avocat qui mène l'interrogatoire
au nom de l'officier enquêteur. Lorsque cet avocat
s'est refusé à le faire, il appartenait à l'officier
enquêteur d'y procéder, comme je l'ai dit. Mais
cette obligation est envers la Commission, non
envers les personnes dont la conduite fait l'objet de
l'enquête ou envers les autres témoins. Il n'y a pas
lieu à mandamus à leur profit.
Paragraphe e): Me Chipman, avocat de la requé-
rante, Drummond McCall Inc., était présent à
l'audience. Apparemment cette requérante voyait
sa conduite faire l'objet de l'enquête. Lorsqu'on
découvrit que M. Griffin n'était pas membre de la
Commission, Me Chipman demanda un ajourne-
ment afin de pouvoir demander à un membre de la
Commission de permettre à sa cliente d'être repré-
sentée par avocat. M. Griffin refusa cet ajourne-
ment. Il pensait de toute évidence qu'il avait lui-
même le pouvoir d'accorder à un avocat le droit de
représenter cette requérante et d'être présent à
l'audience. Il se trompait. S'il avait admis que c'est
à un commissaire seul qu'il appartient d'accorder
le droit d'être représenté par avocat, il aurait, en
toute équité, dû accorder un ajournement, relative-
ment bref, pour permettre de présenter une
requête en ce sens. Je ne vois rien qui ait interdit
de présenter une requête en ce sens par écrit ou
par téléphone.
Cette décision, ce refus de l'ajournement, est, en
l'espèce, cassée.
Je résume maintenant les précédentes conclu
sions en l'instance me référant aux paragraphes de
l'avis de requête du 4 mars 1981:
a) le refus de l'officier enquêteur de permettre
aux clients représentés par avocats de demeurer
tout au long de l'instance est cassé;
b) le refus de permettre aux avocats d'interroger
ou de contre-interroger les témoins est cassé;
c) la décision sur le droit limité au réinterroga-
toire est cassée;
d) le refus d'interroger le témoin Kirch ne donne
ouverture à aucun recours;
e) la décision refusant l'ajournement requis par
Drummond McCall Inc. est cassée.
Je ne saurais conclure ces motifs sans faire
quelques commentaires au sujet de M. Griffin.
Bien que j'aie cassé certaines de ses décisions, mes
motifs ne sont nullement une critique à son égard.
Il se trouvait dans une position difficile. Il avait en
face de lui une batterie d'avocats soulevant une
volée d'exceptions. Il devait statuer sur celles-ci
rapidement. Je n'aurais pas aimé avoir à le faire.
Les notes sténographiques montrent que M. Grif
fin s'est montré patient et courtois tout au long de
l'audience. Il a statué selon ce qu'il considérait être
le droit et la procédure à suivre.
Veut-on faire valoir quelque moyen quant aux dépens?
M e GARTON: Comme mon ami, M' Sexton, l'a laissé entendre
hier, il s'agit de requêtes sans précédent judiciaire apparent;
aussi, dans les circonstances, je propose qu'il n'y ait pas alloca
tion des dépens.
M e SEXTON: Votre Seigneurie, je propose qu'il y ait lieu aux
dépens pour ce qui est des aspects où les requérants ont gain de
cause. Les intimés ont fait valoir devant M. Griffin qu'elle
rendait nécessaire la présente requête. Ce n'est pas comme si
les intimés n'étaient pas les auteurs de cette perturbation. Ils le
sont. Ils auraient pu reconnaître fondée la requête des requé-
rants faite devant eux et devant M. Griffin et, en conséquence,
je pense que les dépens devraient en découler.
SA SEIGNEURIE: Y a-t-il d'autres observations? Je ne vois
aucune raison de déroger à la règle habituelle. Je crois que M.
Griffin a agi selon ce que la Commission considérait de bonne
pratique. Je ne sais si les dépens peuvent être alloués contre la
Commission, en ce sens qu'il y ait des fonds recouvrables, mais
je vais rendre une ordonnance disant que les requérants ont
droit à leurs dépens, taxables en l'instance, à l'encontre de la
Commission sur les pratiques restrictives du commerce et de M.
Griffin. Je ne crois pas pouvoir rendre une ordonnance à
l'encontre du directeur quant aux dépens.
Me GARTON: Votre Seigneurie, je me demande si je ne
pourrais pas demander des directives spéciales relatives aux
dépens sur le fondement de la Règle 334. Je crois que si. Il n'y
avait réellement que quatre chefs devant vous et les requérants,
plutôt que de payer vingt-quatre postes de dépens, je suggère
que l'intimée n'ait à payer qu'un seul poste de dépens.
SA SEIGNEURIE: Eh bien, il n'y aura qu'un seul poste de
dépens et les honoraires d'avocat. Non, je crois que les autres
avocats ont contribué au débat. Il y aura quatre postes d'hono-
raires d'avocats.
Me GARTON: Merci Votre Seigneurie.
SA SEIGNEURIE: Merci beaucoup, messieurs. Il y aura trans
cription des motifs.
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