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T-4640-80
La Reine et le procureur général du Canada (Demandeurs)
c.
Wayne Perry, Robin Mercer, Vernon Argram Warkentin, Bruce Norman Nahorny, Normand Rivest, Patrick Tupper, Douglas Harold Church, Brian Alexander Wilson, David E. English, Frede- rick G. Brock, Robert William Randall, Gareth Leland Gwilliam, tant à titre personnel qu'en qua- lité de représentants de tous les employés de l'unité de négociation du groupe des contrôleurs de la circulation aérienne (Défendeurs)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Jerome—Ottawa, 18 août et 16 septembre 1981.
Pratique Outrage au tribunal Requête de la Couronne concluant à une ordonnance exigeant des défendeurs qu'ils expliquent pourquoi ils ne devraient pas être considérés comme auteurs d'un outrage au tribunal pour refus de diriger le trafic aérien en provenance ou à destination des États-Unis Ordonnance judiciaire antérieure interdisant à plusieurs des défendeurs de faire grève tant que leur affaire ne serait pas instruite Ordonnance d'interdiction résultant d'une série de débrayages «sauvages» rendant le transport aérien incertain Refus, fondé sur des motifs de sécurité, consécutif à des arrêts de travail des contrôleurs aériens américains Refus des défendeurs de diriger le trafic aérien américain pour des motifs de sécurité équivalent ou non à une infraction à l'or- donnance d'interdiction judiciaire Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 2 Règle 355(4) de la Cour fédérale.
La présente requête est présentée ex parte par la Couronne qui conclut à une ordonnance qui exigerait des défendeurs qu'ils expliquent pourquoi ils ne devraient pas être considérés comme auteurs d'un outrage à la Cour pour refuser de diriger le trafic aérien en provenance ou à destination des États-Unis consécutif à des arrêts de travail de leurs collègues américains. La Cour avait auparavant accordé une injonction interlocutoire interdisant à la plupart des défendeurs de faire grève tant que leur affaire ne serait pas instruite. L'ordonnance d'interdiction qui visait certains membres de l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien était la conséquence d'une série de débrayages «sauvages» qui englobaient tout le pays, rendant ainsi le transport aérien incertain au Canada. Dans la requête initiale, les arrêts de travail concernaient les relations employeur-employé; ici, alors que la direction de l'Association est impliquée, les craintes exprimées concernent uniquement la sécurité. Il échet d'examiner si le refus des défendeurs de diriger le trafic aérien américain pour des motifs de sécurité est une infraction à l'ordonnance judiciaire.
Arrêt: la requête est rejetée. Les contrôleurs aériens cana- diens par leurs agissements, leur refus de contrôler le trafic aérien américain pour des raisons de sécurité, peuvent avoir été
au-delà de leur autorité et cela peut fort bien les rendre passibles de sanctions disciplinaires internes. Il se peut même que ces agissements soient visés par la description des actes assimilés à une grève, aux termes de l'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, mais, si c'est le cas, ce n'est que dans un sens extrêmement technique. A tous autres égards, ces agissements sont distincts et différents des questions que vise l'ordonnance d'interdiction et rien dans la preuve administrée n'établit un lien entre eux ni ne soulève quelque possibilité raisonnable que notre juridiction constate qu'en agissant comme ils l'ont fait ces défendeurs démontraient une attitude de mépris pour cette ordonnance d'interdiction.
Distinction faite avec l'arrêt: Canada Metal Co. Ltd. c. Société Radio-Canada (N° 2) (1975) 48 D.L.R. (3°) 641. Arrêt mentionné: MacMillan Bloedel (Alberni) Ltd. c. Swanson (1972) 26 D.L.R. (3 ° ) 641.
REQUÊTE ex parte. AVOCATS:
W. Nisbet, c.r., pour la requérante la Reine. J. Nelligan, c.r., pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
requérante la Reine.
Nelligan/Power, Ottawa, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: La pré- sente requête est présentée conformément à la Règle 355(4) ex parte. Elle a été suscitée par le refus, allègue-t-on, des contrôleurs aériens cana- diens de diriger le trafic en provenance ou à desti nation des Etats-Unis; on demande une ordon- nance qui exigerait des défendeurs qu'ils expliquent pourquoi ils ne devraient pas être consi- dérés comme auteurs d'un outrage à la Cour pour ce fait, lequel serait contraire à une ordonnance du juge Walsh du 9 octobre 1980, que voici:
[TRADUCTION] Vu la requête des demandeurs et considérant les plaidoiries des avocats des parties et considérant aussi les affidavits présentés au nom des demandeurs et des défendeurs: LA COUR DIT QU'ELLE ACCORDE une injonction interlocutoire interdisant aux défendeurs et à tous les contrôleurs de la circulation aérienne au service du gouvernement du Canada de l'unité de négociation du groupe des contrôleurs de la circula tion aérienne qui sont des employés aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, tant que leur affaire ne serait pas instruite, cesser de travailler ou de refuser de travailler ou de continuer à travailler ou de cesser de diminuer ou limiter leur production contrairement à la clause 101(2)a) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, sous réserve de l'engagement,
souscrit au nom de Sa Majesté la Reine et du procureur général du Canada, que le sous-procureur général du Canada prendra toutes mesures pour faciliter l'exécution de la présente ordon- nance d'injonction.
Les questions d'outrage au tribunal sont des plus sérieuses étant punissables d'amendes et de peines de prison importantes; aussi, une indication du respect que notre juridiction demande que l'on ait pour ses ordonnances, il est d'usage, depuis quel- que temps, qu'elle insiste pour que soit souscrit l'engagement que mentionne la dernière phrase de l'ordonnance du juge Walsh. Ce qui place la Cou- ronne, qui requiert de telles ordonnances, dans l'obligation d'engager une poursuite dès qu'elle a connaissance d'un prétendu outrage, ce qui expli- que que la Couronne ait agi dans les circonstances actuelles conformément à ce qu'elle perçoit comme son obligation. Lors du dépôt de la présente demande, ex parte, j'ai immédiatement accordé un jour d'audience extraordinaire, le 11 août 1981. La Cour nota avec plaisir la présence à cette audience de Me John P. Nelligan, c.r., actuellement avocat représentant à peu près tous les contrôleurs aériens canadiens dans d'autres instances de nature com parable à Montréal; la Cour s'est fait un plaisir d'entendre Me Nelligan à titre d'amicus curiae.
Les tribunaux ont acquis, faut-il le dire, malheu- reusement, une expérience considérable en la matière mais la plus grande part de la jurispru dence à ce sujet n'est pas d'un grand secours en l'espèce puisqu'elle traite presque toujours de la répétition de l'activité même qui a été interdite. Je pense aux nombreux exemples de grèves, de lock outs commencés ou repris, de piquets de grève dressés ou redisposés, parfois dans les heures qui suivent l'ordonnance et parfois aussi accompagnés de déclarations publiques hostiles au tribunal. Ces cas, manifestement, exigent que l'on rende compte au tribunal; aussi une ordonnance de venir se disculper est d'habitude aussitôt lancée. Un cas quelque peu différent nous est fourni par la déci- sion du juge O'Leary de la Haute Cour d'Ontario en 1974 dans l'affaire Canada Metal Co. Ltd. c. Société Radio-Canada (Ne 2) 1 , laquelle comporte une analyse fort instructive des décisions en matière d'outrage au tribunal, au civil, lesquelles incorporent plusieurs des éléments normalement
' (1975) 48 D.L.R. (3e) 641.
associés à la culpabilité au criminel. Il dit à la page 660:
[TRADUCTION] Je ne suis pas saisi d'une requête en exécu- tion d'une ordonnance judiciaire mais bien d'une requête pour que soient châtiées deux des parties à l'instance pour violation prétendue de l'injonction et pour que soient châtiés aussi quatre autres individus non parties à l'instance pour s'être conduits, prétend-on, de façon à entraver le cours de la justice en méprisant l'injonction, en y contrevenant. La procédure dont je suis saisi est d'une nature criminelle ou quasi criminelle et je dois donc avoir l'intime conviction que le délit reproché aux intimés a été prouvé au-delà de tout doute raisonnable: General Printers Ltd. c. Thomson et al., [1965] 1 O.R. 81, 46 D.L.R. (2e) 697, juge Haines, aux pp. 82 et 83 O.R., pp. 698 et 699 D.L.R.: «Les instances de ce genre sont d'une nature quasi criminelle et la preuve à y faire doit avoir la même rigueur que dans le cas d'une inculpation criminelle.» Affaire Bramblevale Ltd., [1970] Ch. 128, lord Denning, M.R., à la p. 137:
Un outrage au tribunal est une infraction pénale. Elle peut entraîner l'incarcération d'un individu. Elle doit être établie de façon satisfaisante. Pour employer la formule consacrée, elle doit être prouvée au-delà de tout doute raisonnable.
En dernière analyse, toutefois, la constatation de l'outrage au tribunal dans l'affaire Canada Metal Co. Ltd. c. Société Radio-Canada (N° 2), précitée, repose sur le contenu d'une émission, c.-à-d. un contenu identique à celui que visait la Cour dans son interdiction. En fait, nous n'avons pas à aller au-delà de l'ordonnance même du juge Walsh dont les motifs visent une série de débrayages non auto- risés, sauvages, qui s'étaient produits dans divers lieux à travers le pays à des intervalles irréguliers rendant le transport aérien au Canada si incertain qu'il y avait alors eu menace d'immobilisation de l'ensemble du système. En mars 1981, dans une requête dont initialement fut saisi le juge Catta- nach, puis dont je fus saisi à mon tour, les pièces attestées par serment produites alléguaient que ces mêmes activités avaient repris à l'aéroport de Montréal; aussi des ordonnances de venir se discul- per furent-elles accordées. Il en résulta la procé- dure d'outrage au tribunal présentement engagée devant le juge Addy à Montréal.
Je dois aussi souligner que s'il n'était question que de savoir si ces contrôleurs aériens n'avaient pas l'autorité de refuser de contrôler le trafic américain, avec les instances disciplinaires que cela pourrait entraîner, la question serait de beau- coup plus simple. Pour cette raison, j'ai offert à la Couronne de fixer une date rapprochée pour l'au- dience d'une requête qui demanderait une ordon- nance d'interdiction de ces comportements indé-
pendamment de tout lien avec l'ordonnance du juge Walsh mais, manifestement, cela fut sans effet.
Il est tout à fait régulier d'engager la procédure en ces matières par défaut, ex parte, mais, à mon avis, rien ne justifiait de tenter de résoudre ces questions somme toute importantes en l'absence de représentation formelle des défendeurs et, en con- séquence, j'ai ordonné de surseoir à l'affaire jus-
qu'au mardi 18 août 1981, 10h ainsi que de notifier les défendeurs dans l'intervalle de façon à leur permettre de constituer avocat. Au jour dit, Me Nelligan a comparu pour les défendeurs et, quoique techniquement notification ne leur ait pas été encore signifiée, il a pu confirmer qu'il agissait au nom de l'Association, de ses membres en géné- ral et de la majorité des défendeurs nommément désignés, ce qui certainement suffisait pour les fins d'un jugement d'avant dire droit de ce genre.
Les déclarations sous serment, les affidavits que la requérante a produits relatent les faits perti- nents suivants: le 11 août 1981, William J. Robert- son, président de l'Association canadienne du con- trôle du trafic aérien, a annoncé publiquement que, par suite de la menace manifeste à la sécurité posée dans le cas des voyages à destination des États-Unis et le peu d'empressement du ministère des Transports du Canada à mettre fin à ses opérations outre-frontière tant que le contrôle aérien américain ne serait pas revenu à la normale, les membres de l'Association, à compter du lende- main matin, ne contrôleraient plus les vols à desti nation ou en provenance de l'espace aérien améri- cain sauf pour les cas d'urgence; entre le 6 et le 10 août, dans plusieurs des principaux centres de contrôle du trafic aérien canadien, le personnel cadre a avisé les contrôleurs qu'il avait connais- sance d'une certaine consigne de ne pas contrôler le trafic américain et a rappelé instamment l'obli- gation pour les contrôleurs d'exécuter l'ensemble de leurs fonctions, leur demandant des assurances à cet effet et leur communiquant, dans certains cas, l'opinion du Ministère que l'inexécution de celles-ci ferait l'objet de sanctions disciplinaires et pourrait équivaloir à une infraction à l'ordonnance du juge Walsh du 9 octobre 1980; la réponse varia d'un centre à l'autre, d'un fonctionnaire à l'autre mais en général prit les formes suivantes: certains
ne firent aucune réponse laissant planer le doute sur leurs intentions, d'autres laissèrent entendre qu'ils refuseraient de contrôler ces vols mais, dans l'un comme dans l'autre cas, il n'est pas clair si ces défendeurs ont agi ou non selon leurs dires, d'au- tres étaient en fonction lorsqu'il y eut refus de contrôler les vols américains mais, encore une fois, il n'est pas clair si tel ou tel défendeur a effective- ment refusé de les contrôler et, enfin, un dernier groupe de contrôleurs ont effectivement refusé de contrôler le trafic américain alors qu'ils étaient en fonction; il s'en est suivi, au minimum, la perturba tion des horaires impliquant des vols américains, avec tous les inconvénients qui s'ensuivent pour les voyageurs et les transporteurs; autre conséquence plus importante, dans le secteur de contrôle aérien de Gander, les contrôleurs canadiens ont la responsabilité du trafic international, il a fallu instituer des mesures d'urgence qui allèrent jus- qu'à mettre en péril l'exercice de cette responsabi- lité; la question fut résolue au cours de la nuit du 11 au 12 août, d'où résulta le communiqué con joint du 12 août du ministre des Transports et de M. Robertson créant, entre autres choses, des équipes spéciales chargées de constater les faits, de vérifier les incidents signalés par les contrôleurs canadiens et de surveiller ceux-ci à l'avenir afin de rassurer les contrôleurs et de montrer que les systèmes de trafic aérien canadien et américain demeuraient suffisamment sûrs.
Dans les cas c'est l'activité interdite même qui reprend peu de temps après le lancement de l'ordonnance, la désobéissance en elle-même est synonyme d'outrage au tribunal. Ici, toutefois, il y a de toute évidence un écart tellement grand dans le temps et dans les faits que cette relation ne peut plus être automatique. L'ordonnance antérieure, quoique de nature interlocutoire, continue de lier la plupart des défendeurs en l'instance mais comme elle est éloignée des présents événements de quelque huit mois, les faits en cause se rappro- chent davantage de ceux de l'affaire MacMillan Bloedel (Alberni) Ltd. c. Swanson 2 dont le som- maire, que voici, nous vient en aide:
[TRADUCTION] Pour décider de la conduite à suivre exigée par une ordonnance d'interdiction, il faut la lire à la lumière des motifs du jugement qui la soutient et, lorsque dans ces motifs on se réfère à une série d'arrêts de travail ayant eu lieu au cours d'un intervalle de temps donné, dans le but de réduire
2 (1972) 26 D.L.R. (3e) 641.
les stocks de la demanderesse à un niveau sa capacité de négocier avec le syndicat des défendeurs en serait amoindrie, l'ordonnance interdisant notamment «toute activité ayant pour but de restreindre ou de limiter ou restreignant ou limitant la production ou les services à [l'usine de la demanderesse]" vise les divers actes connexes constitutifs du ralentissement de tra vail destiné à limiter la production. Toutefois, lorsque au moment d'une grève étendue à toute l'industrie du bois en Colombie-Britannique, les défendeurs refusent de travailler non pour poursuivre leur ralentissement de travail mais plutôt par suite d'une grève de tous les bûcherons de la côte, jugé que, quoique la grève puisse avoir été illicite, elle ne consistait pas en l'activité interdite par l'ordonnance; aussi une requête en ou trage au tribunal devait être rejetée.
Les avocats admettent aussi que le juge Walsh n'a pu avoir à l'esprit les événements en cause, d'origine récente, relatifs aux arrêts de travail aux États-Unis. D'ailleurs, l'ordonnance du juge Walsh visait particulièrement certains membres de l'As- sociation, non la direction car les pièces justificati- ves montraient clairement que les grèves à inter- dire provenaient d'actions entreprises contre la volonté de l'exécutif; or, en l'espèce, la direction était le premier moteur. Ce qui ne veut pas dire qu'un cas est moins sérieux que l'autre; seulement qu'ils sont différents. A ce sujet, il importe de noter que tout ce que l'on peut reprocher à M. Robertson c'est d'avoir encouragé ou conseillé aux membres de faire grève puisqu'il n'est pas person- nellement en position de participer à une grève. L'ordonnance antérieure, bien entendu, n'interdit pas expressément ce comportement. Dans la requête initiale, les arrêts de travail concernaient les relations employeur-employé. Ici les craintes exprimées concernent uniquement la sécurité et, bien que la Couronne en ait contesté la bonne foi, il n'y a pas la moindre prétention que la résolution procurera quelque avantage aux travailleurs ou quelque concession de la direction. Dans l'ordon- nance antérieure, les grèves visées prenaient la forme d'absences alors qu'en l'espèce tous les défendeurs se sont présentés au travail et tous-se sont déclarés prêts à remplir normalement une partie de leurs obligations régulières.
Qu'est-ce donc qui justifierait la Cour de con- clure que ces événements sont reliés à l'ordonnance antérieure du juge Walsh assez directement pour équivaloir non seulement à une désobéissance tech nique mais aussi à une attitude publique de dé- fiance et de mépris, attitude constamment jugée
comme constituant un élément de l'outrage au tribunal? Je crois que nous avons touché au noeud du problème lorsque l'avocat de la Couronne m'a suggéré de constater d'office que la seule intention véritable des défendeurs était d'apporter leur appui à leurs homologues américains et que toute men tion de la sécurité était, pour reprendre ses termes [TRADUCTION] «une façade de papier». Je vois en cela l'essence même de la question; ma conclusion évidemment quant à l'attitude des défendeurs serait fort différente si je devais juger en ce sens, mais je dois rejeter sommairement toute sugges tion que, je puisse en arriver d'office à une conclu sion d'une telle importance. Je ne puis, bien sûr, résoudre une telle question qu'en fonction de la preuve qu'on m'administre; or, non seulement n'y a-t-il aucune preuve à l'appui de la prétention de la Couronne mais encore toutes les pièces versées au dossier semblent la nier. L'annonce du président de l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien portait clairement et expressément sur la sécurité; dans toutes et chacune des dépositions sous serment, des affidavits, dont je suis saisi, le motif fourni par les employés de leur refus est lié à la sécurité; en définitive, la solution du problème à laquelle arrivaient le Ministre et le président de l'Association concernait la sécurité; on créait un comité, conjoint pour vérifier les incidents du passé et surveiller ceux de l'avenir; le conflit américain se poursuit alors qu'au Canada il a depuis long- temps été résolu; or, il n'y a aucune preuve qu'à quelque moment, l'un ou l'autre groupe ait fait même une seule déclaration publique pour dire que les agissements des contrôleurs canadiens cons- tituaient un geste stratégique d'appui à leurs homologues américains.
Il s'agit ici d'une procédure d'avant dire droit; aussi, vu le respect que la Cour doit exiger pour ses ordonnances, serait-on tenté d'accorder celle demandée, abandonnant la solution du litige au jugement sur le fond. Ce comportement mettrait cependant en branle plusieurs poursuites quasi cri- minelles d'où ne pourraient résulter des condamna- tions pour outrage au tribunal, cependant, qu'une fois faite la preuve de la culpabilité hors de tout doute raisonnable de chaque défendeur; aussi, je crois que la Cour a la responsabilité d'évaluer soigneusement les possibilités réelles de telles con- damnations avant de lancer de semblables ordon- nances. L'ordonnance du juge Walsh interdisait à
plusieurs des défendeurs de faire grève au sens de l'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique 3 , notamment de sa disposition suivante:
«grève» comprend un arrêt de travail ou un refus de travailler ou de continuer à travailler, par des employés, lié, assorti ou conforme à une entente commune, ou un ralentissement ou une autre activité concertée, de la part des employés, ayant pour objet la restriction ou la limitation du rendement;
Les contrôleurs aériens canadiens, par leurs agisse- ments, leur refus de contrôler le trafic aérien américain pour des raisons de sécurité, peuvent avoir été au-delà de leur autorité et cela peut fort bien les rendre passibles de sanctions disciplinaires internes. Il se peut même que ces agissements soient visés par la description ci-dessus des actes assimilés à une grève mais, si c'est le cas, ce n'est, à mon avis, que dans un sens extrêmement techni que. A tous autres égards, ces agissements sont distincts et différents des questions que vise l'or- donnance du juge Walsh et rien dans la preuve administrée devant moi n'établit un lien entre eux ni ne soulève, à mon avis, quelque possibilité rai- sonnable que notre juridiction constate qu'en agis- sant comme ils l'ont fait ces défendeurs démon- traient une attitude de mépris pour l'ordonnance du juge Walsh. En conséquence, je refuse de lancer une ordonnance qui forcerait ces défendeurs à dire pourquoi ils ne devraient pas être reconnus coupables d'outrage à la Cour.
ORDONNANCE
La demande est rejetée. Les défendeurs auront droit aux dépens.
3 S.R.C. 1970, c. P-35.
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