A-385-80
A. M. Smith & Company, Limited (Appelante)
(Demanderesse)
c.
La Reine (Intimée) (Défenderesse)
Cour d'appel, les juges Pratte, Ryan et Le Dain—
Ottawa, 27 octobre 1980 et 19 février 1981.
Couronne — Indemnisation — Perte d'achalandage par
suite de l'institution de l'Office canadien du poisson salé —
Appel contre la décision de la Division de première instance
selon laquelle l'action en indemnisation est prescrite en vertu
de l'art. 2 de The Statute of Limitations de la Nouvelle-
Écosse — Il échet d'examiner s'il s'agit d'une action fondée
sur un contrat formel — Appel rejeté — The Statute of
Limitations, S.R.N.-Ê. 1967, c. 168, art. 2 — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 38 — Règle 474 de
la Cour fédérale — Loi sur le poisson salé, S.R.C. 1970 (le
Supp.), c. 37, art. 21, 22 — Limitations of Actions Act,
S.R.N.-E. 1873, c. 100, art. 1, 25 — Civil Procedure Act,
1833, 3 & 4 Will. 4, c. 42, art. 3.
Appel contre la décision de la Division de première instance
selon laquelle la réclamation de la demanderesse était prescrite
en vertu de l'article 2 de The Statute of Limitations de la
Nouvelle-Écosse. La demanderesse avait intenté une action en
jugement déclarant qu'elle avait droit à indemnisation pour
l'achalandage de son entreprise, dont elle a été dépossédée sans
indemnité par l'opération de la Loi sur le poisson salé. Cette
action n'a pas été introduite dans les six ans de la date où la
cause d'action a pris naissance. Il échet d'examiner si elle est
fondée sur un contrat formel. La demanderesse prétend en
premier lieu qu'il s'agit d'une action en indemnisation fondée
sur une condition implicite de la Loi sur le poisson salé et,
partant, d'une action sur un contrat formel. Il s'ensuit que les
mots «les actions fondées sur un cautionnement ou autre contrat
formel» figurant à l'alinéa 2(1)c) de The Statute of Limitations
trouvent application et que, par conséquent, l'action se prescrit
par vingt ans à compter de la date où l'action a pris naissance.
Le juge de première instance a conclu qu'il existait, en dehors
de la loi, une cause d'action en indemnisation fondée sur la
dépossession de l'achalandage et sur l'appropriation de celui-ci,
cause d'action à laquelle la Loi sur le poisson salé ne porte
nullement atteinte. En conséquence, le recours de la demande-
resse n'est pas fondé sur la loi et n'est donc pas fondé sur un
contrat formel, mais découle simplement de la loi. La demande-
resse fait valoir en second lieu que, même si l'action n'est pas
fondée sur un contrat formel, elle ne tombe pas dans le champ
d'application d'une autre disposition de The Statute of Limita
tions, quelle qu'elle soit. Le juge de première instance a estimé
qu'il s'agissait d'une action découlant de la dépossession de
biens au sens de l'alinéa 2(1)e).
Arrêt: l'appel est rejeté. La question de savoir si l'action est
fondée sur un contrat formel est fonction de deux autres
questions, dont la première est de savoir si l'action repose sur
une cause d'action créée par la loi. L'autre est de savoir si, dans
cette hypothèse, il s'agit quand même d'une action fondée sur
un contrat formel, étant donné que la réclamation porte sur un
montant non liquidé et non sur une dette ou une autre somme
liquidée. La cause d'action découle d'un droit à indemnisation
implicite à la loi même et non d'une action distincte découlant
de la common law ou de l'equity. C'est par suite de l'opération
de la Loi sur le poisson salé que l'appelante fut dépossédée de
son achalandage. L'omission de délivrer une licence ou d'accor-
der une exemption n'était nullement fautive. La Couronne a
néanmoins l'obligation d'indemniser et cette obligation résulte
d'une condition implicite de la loi. On ne doit pas imputer au
législateur l'intention de priver un citoyen d'un bien sans lui
donner un droit légitime à indemnisation pour la perte de ce
bien, à moins que cette intention ne soit exprimée en termes
non équivoques. Quant à la seconde question soulevée par la
première prétention de la demanderesse, pour recouvrer une
somme indéterminée il aurait fallu, selon la procédure de la
common law, introduire une action de case. Et une action on
the case en recouvrement d'une somme indéterminée, bien que
la réclamation reposât sur un droit créé par une loi, n'était pas,
du simple fait qu'il s'agissait d'une action »on the case», consi-
dérée comme étant fondée sur un contrat formel. Comme
l'action en instance eût pu être intentée in case, elle n'est pas
fondée sur un contrat formel et ce, même si la demande
d'indemnisation repose sur un droit créé par la Loi sur le
poisson salé. En conséquence, la prescription de vingt ans
prévue, pour les actions fondées sur les contrats formels, par
l'alinéa 2(1)c) de The Statute of Limitations ne s'applique pas.
Pour ce qui est de la seconde prétention de la demanderesse,
même si les mots »actions for the taking away ... of property
... » ou »toutes actions en réparation de dommages directs aux'
meubles ou aux immeubles» ne s'appliquent pas en l'espèce,
cette action tombe dans le champ d'application des mots: »et
toutes autres actions qui eussent pu autrefois être intentées sous
forme d'action délictuelle de trespass on the case ...».
Arrêt suivi: Manitoba Fisheries Limited c. La Reine
[1979] 1 R.C.S. 101. Arrêt appliqué: Central Control
Board (Liquor Traffic) c. Cannon Brewery Company Lim
ited [1919] A.C. (C.L.) 744. Distinction faite avec l'arrêt:
The Cork and Bandon Railway Company c. Goode (1853)
13 C.B. 826. Arrêts mentionnés: Thomson c. Lord Clan-
morris [1900] 1 Ch. 718; Miller c. Le Roi [1927] R.C.É.
52; Eisener c. Maxwell [1951] 3 D.L.R. 345.
APPEL.
AVOCATS:
K. E. Eaton, c.r. pour l'appelante (demande-
resse).
E. Mitchell Thomas, c.r. et H. Gordon pour
l'intimée (défenderesse).
PROCUREURS:
Kitz, Matheson, Green & Macisaac, Halifax,
pour l'appelante (demanderesse).
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Il est fait appel du jugement
par lequel la Division de première instance a, le 23
mai 1980, [[1981] 1 C.F. 167], répondu par l'af-
firmative à la question de droit qui avait été
soumise à son appréciation en vertu de la Règle
474 des Règles de la Cour fédérale'.
L'action introduite par l'appelante («la deman-
deresse») tend à faire déclarer qu'elle a droit à
indemnisation pour l'achalandage de son entre-
prise, dont elle aurait été dépossédée sans indem-
nité par l'opération de la Loi sur le poisson salé 2 .
On a fait valoir, et cela n'est semble-t-il pas con
testé, que la présente affaire n'est pas, quant à
l'essentiel, différente de l'arrêt Manitoba Fisheries
Limited c. La Reine 3 , où il fut décidé qu'une
société, privée de sa clientèle par l'opération de la
Loi sur la commercialisation du poisson d'eau
douce 4 , avait droit à indemnisation. La question
n'est pas de savoir s'il existe un droit à indemnisa-
tion, mais plutôt de savoir si l'action en indemnisa-
tion a été intentée dans les délais. Il est évident
qu'elle n'a pas été introduite dans les six ans de la
date où la cause d'action a pris naissance. C'est
The Statute of Limitations 5 de la Nouvelle-Écosse
qui s'applique en vertu de l'article 38 de la Loi sur
la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10 6 , et
' L'alinéa (1), sous-alinéa a) de la Règle 474 des Règles de
la Cour fédérale est ainsi rédigé:
Règle 474. (1) La Cour pourra, sur demande, si elle juge
opportun de le faire,
a) statuer sur un point de droit qui peut être pertinent pour
la décision d'une question, ..
et une telle décision est finale et péremptoire aux fins de
l'action sous réserve de modification en appel.
2 S.R.C. 1970 (let Supp.), c. 37.
3 [1979] 1 R.C.S. 101.
4 S.R.C. 1970, c. F-13.
5 S.R.N.-É. 1967, c. 168.
6 L'article 38 de la Loi sur la Cour fédérale est ainsi conçu:
38. (1) Sauf disposition contraire de toute autre loi, les
règles de droit relatives à la prescription des actions en
vigueur entre sujets dans une province s'appliquent à toute
procédure devant la Cour relativement à une cause d'action
qui prend naissance dans cette province et une procédure
devant la Cour relativement à une cause d'action qui prend
naissance ailleurs que dans une province doit être engagée au
plus tard six ans après que la cause d'action a pris naissance.
(2) Sauf disposition contraire de toute autre loi, les règles
de droit relatives à la prescription des actions désignées au
paragraphe (1) s'appliquent à toutes procédures engagées par
ou contre la Couronne.
la question est de savoir si, comme l'a prétendu la
demanderesse, il s'agit d'une action fondée sur un
contrat formel (mon a specialty») de sorte que
s'applique la prescription de vingt ans prévue à la
Loi de la Nouvelle-Ecosse pour ces actions. Si tel
était le cas, l'action ne se trouverait pas prescrite.
La question de droit considérée était ainsi posée:
[TRADUCTION] «Est-ce que la réclamation de la
demanderesse était périmée en vertu des disposi
tions de l'article 2 de The Statute of Limitations,
S.R.N.-É. 1967, chapitre 168?» Dans le jugement
attaqué il fut répondu «oui».
Il convient de citer dès maintenant les disposi
tions pertinentes de l'article 2 de The Statute of
Limitations de la Nouvelle-Écosse.
[TRADUCTION] 2 (1) Les actions dont il est fait mention
dans le présent article doivent être engagées dans le délai prévu
pour chacune, savoir:
b) pour les actions en recouvrement des indemnités, des
dommages-intérêts ou des sommes d'argent accordés en vertu
d'une loi aux parties lésées, dans les deux ans de la date où la
cause d'action a pris naissance;
c) pour les actions en recouvrement du loyer prévu par un
bail, les actions fondées sur un cautionnement ou autre
contrat formel et les actions en exécution d'un jugement ou
d'un engagement, dans les vingt ans de la date où la cause
d'action a pris naissance ou du prononcé du jugement;
e) sous réserve des exceptions prévues à la présente loi,
toutes actions fondées sur un prêt ou un contrat ordinaire,
exprès ou tacite, ou en recouvrement de dommages-intérêts
découlant d'un contrat ordinaire, ou en recouvrement de
deniers faisant l'objet d'une saisie-exécution; toutes actions
en réparation de dommages directs aux meubles ou aux
immeubles; actions en dépossession ou en conversion de biens
meubles ou immeubles; actions en diffamation, en abus de
procédures et en arrestation illégale, en séduction, en adul-
tère, et toutes autres actions qui eussent pu autrefois être
intentées sous forme d'action délictuelle de trespass on the
case, dans les six ans de la date où la cause d'action a pris
naissance;
La demanderesse a prétendu en première ins
tance qu'il s'agissait d'une action en indemnisation
fondée sur une condition implicite de la Loi sur le
poisson salé et, partant, sur un contrat formel (son
a specialty»). Il s'ensuivrait donc, toujours selon
elle, que les mots «les actions fondées sur un
cautionnement ou autre contrat formel» figurant à
l'alinéa 2(1)c) de The Statute of Limitations trou-
vent application et que, par conséquent, l'action se
prescrit par vingt ans à compter de la date où la
cause d'action a pris naissance. Le juge de pre-
mière instance a rejeté cette prétention. Il a
décidé, si je comprends bien ses motifs, qu'il exis-
tait, en dehors de la loi, une cause d'action en
indemnisation fondée sur la dépossession de l'acha-
landage et sur l'appropriation de celui-ci, cause
d'action à laquelle la Loi sur le poisson salé ne
portait nullement atteinte. Il a statué que «... le
recours des demanderesses n'est pas fondé sur la
loi («on the statute») et n'est donc pas fondé sur un
contrat formel (son a specialty»), mais dérive sim-
plement de la loi, comme a jugé la Cour suprême».
La demanderesse a fait valoir en outre que,
même si l'action n'est pas fondée sur un contrat
formel («on a specialty»), elle ne tombe tout de
même pas dans le champ d'application de quelque
autre disposition de The Statute of Limitations.
Le premier juge a cependant estimé qu'il s'agissait
d'une action découlant de la dépossession de biens
au sens des mots «actions en dépossession ou en
conversion de biens meubles ou immeubles» de
l'alinéa 2(1)e).
L'avocat de l'appelante a repris devant nous les
moyens invoqués en première instance.
La question de savoir si l'action est fondée sur
un contrat formel (son a specialty») est, selon moi,
fonction de deux autres questions, dont la première
est de savoir si l'action repose sur une cause d'ac-
tion créée par la Loi sur le poisson salé. L'autre
est de savoir si, dans cette hypothèse, il s'agit
quand même d'une action fondée sur un contrat
formel (son a specialty»), compte tenu du fait que
la réclamation porte sur un montant non liquidé et
non sur une dette ou une autre somme liquidée.
L'intimée a pour sa part soutenu que, même si la
cause d'action est créée par la loi, la réclamation,
puisqu'elle porte sur un montant non liquidé, n'est
pas fondée sur un contrat formel («on a
specialty»).
La question de droit devait être tranchée sur le
fondement d'un exposé conjoint des points litigieux
et des faits. Voici les faits tels qu'énoncés dans cet
exposé:
[TRADUCTION] (1) La demanderesse est une société qui a été
constituée dans la province de Nouvelle-Écosse et qui a son
siège social à Halifax, dans cette même province.
(2) Jusqu'en 1971, la demanderesse possédait et exploitait une
entreprise d'exportation de poisson. Dans le cadre de ses activi-
tés, elle achetait à Terre-Neuve du poisson préparé au sel
qu'elle emmagasinait, préparait et traitait en Nouvelle-Écosse
pour le revendre ensuite à des acheteurs dans les autres provin
ces du Canada et à l'extérieur du Canada.
(3) Le 25 mars 1970, la Loi sur le poisson salé (ci-après
appelée la «Loi») a institué l'Office canadien du poisson salé
(ci-après appelé l'«Office») et a déclaré celui-ci mandataire de
la défenderesse aux fins de la Loi.
(4) La Partie III de la Loi fait interdiction à la demanderesse
de continuer d'acheter du poisson salé à Terre-Neuve et de le
transporter en Nouvelle-Écosse sans licence de l'Office, licence
que la demanderesse n'a jamais obtenue.
(5) Le gouverneur en conseil tient de la Loi le pouvoir d'exemp-
ter la demanderesse de l'application de la Partie III, mais il ne
l'a pas fait.
(6) La Loi autorise le ministre responsable, avec l'approbation
du gouverneur en conseil, à conclure, au nom du gouvernement
du Canada, un accord avec le gouvernement de la Nouvelle-
Écosse prévoyant le paiement par la province d'une indemnité
aux propriétaires d'établissements ou de matériel servant à
l'emmagasinage, au traitement ou à la préparation du poisson
pour le marché, lorsque ces établissements ou ce matériel
étaient appelés à, ou susceptibles de, devenir superflus du fait
d'activités que la Partie III de la Loi autorisait l'Office à
exercer. Mais la province de Nouvelle-Écosse a refusé de
conclure un tel accord.
(7) Par lettre en date du 7 septembre 1971, le ministre des
Pêches a informé la demanderesse que le gouvernement du
Canada avait autorisé le versement à celle-ci à titre gracieux,
de la somme de $60,000 pour la perte de son entreprise
résultant de l'entrée en vigueur de la Loi; la demanderesse a par
la suite reçu cette somme.
(8) Du fait que l'Office ne lui a délivré aucune licence et que le
gouverneur en conseil ne l'a pas exemptée de l'application de la
Partie III de la Loi, la demanderesse a, vers la fin de 1971,
cessé d'exploiter son entreprise d'exportation de poisson et a
perdu l'achalandage de cette entreprise.
(9) Le 3 octobre 1978, la Cour suprême du Canada a rendu sa
décision dans l'affaire Manitoba Fisheries Limited c. La Reine
(1978) 23 N.R. 159 et une copie des motifs de jugement
prononcés au nom de la Cour par le juge Ritchie est annexée au
présent exposé.
(10) Le 21 décembre 1978, la demanderesse a introduit la
présente action en déposant sa déclaration.
(11) Le 28 février 1979, le sous-procureur général du Canada a
déposé, pour le compte de la défenderesse, une défense invo-
quant l'article 2 de The Statute of Limitations, S.R.N.-É.
1967, chapitre 168.
L'appelante a, comme je l'ai indiqué plus haut,
prétendu que l'action repose sur la Loi sur le
poisson salé et qu'elle est de ce fait fondée sur un
contrat formel (gon a specialty»). La prétention
que la cause d'action découle d'un droit à indemni-
sation implicite à la loi même et non d'une action
distincte découlant de la common law ou de
l'equity est, à mon avis, convaincante. C'est par
suite de l'opération de la Loi sur le poisson salé
que l'appelante fut dépossédée de son achalandage.
La transmission à l'Office canadien du poisson
salé, et par le fait même à la Couronne, de l'acha-
landage n'était pas en soi illicite. Il n'y a pas eu
délit civil ou faute. En outre, l'Office canadien du
poisson salé n'était nullement, aux termes de
l'article 21 de la Loi sur le poisson salé', tenu de
délivrer à l'appelante une licence, pas plus que ne
l'était le gouverneur en conseil d'adopter, en vertu
de l'article 22 de la même Loi', un règlement
ayant pour effet d'exempter l'appelante de l'appli-
cation de celle-ci. Par conséquent, l'omission de
délivrer une licence ou d'accorder une exemption
n'était nullement fautive. Dans l'affaire Manitoba
Fisheries, il était clair que la Couronne avait le
devoir d'indemniser. Il n'était pas nécessaire de
déterminer la source exacte de l'obligation, la
7 L'article 21 de la Loi sur le poisson salé est ainsi rédigé:
21. (1) Sauf en conformité des modalités indiquées dans
toute licence qui peut être délivrée par l'Office à cette fin,
aucune personne autre que l'Office ou un mandataire de
l'Office ne doit
a) exporter hors du Canada du poisson préparé ou des
sous-produits de la préparation du poisson;
b) envoyer, transporter d'une province participante à une
autre province participante ou à toute autre province, du
poisson préparé ou des sous-produits de la préparation du
poisson;
c) dans une province participante, recevoir pour les trans
porter hors de la province du poisson préparé ou des
sous-produits de la préparation du poisson; ou
d) vendre ou acheter, ou convenir de vendre ou d'acheter
du poisson préparé ou des sous-produits de la préparation
du poisson se trouvant dans une province participante pour
les livrer dans une autre province participante ou non, ou
hors du Canada.
(2) Le Conseil peut, aux fins du présent article, établir les
règlements administratifs prévoyant la délivrance de licences
par l'Office et prescrivant la forme de ces licences et les
modalités devant y figurer.
' L'article 22 de la Loi sur le poisson salé est ainsi conçu:
22. Le gouverneur en conseil peut, par règlement, exemp-
ter de l'application de tout ou partie des dispositions de la
présente Partie, conditionnellement ou non, et d'une façon
générale ou pour un certain temps, toute zone ou région dans
une province participante ou toute catégorie de poisson pré-
paré ou tout sous-produit de la préparation du poisson.
simple existence de celle-ci étant suffisante. En
l'espèce, il en est autrement et j'estime que le
devoir de payer une indemnité découle implicite-
ment de la Loi même; en termes courants, il
résulte d'une condition implicite de la loi.
J'appuie cette affirmation sur un passage du
jugement de lord Atkinson dans l'arrêt Central
Control Board (Liquor Traffic) c. Cannon Brewery
Company Limited 9 . La Central Control Board
(Liquor Traffic), agissant sous le régime de la
Defence of the Realm (Amendment) (No. 3) Act,
1915 et des Defence of the Realm (Liquor Con
trol) Regulations, 1915, s'était approprié certains
débits de boissons. Il fut décidé que, loin d'être
limité au montant accordé à titre gracieux, le
propriétaire pouvait, en vertu de la Lands Clauses
Consolidation Act, 1845, réclamer de plein droit
une indemnité. Le passage qui nous intéresse se
trouve à la page 752:
[TRADUCTION] On n'a pas prétendu que les Règlements sus-
mentionnés constituaient un excès de pouvoir; on n'a pas sou-
tenu non plus que le principe reconnu par une jurisprudence
abondante, notamment les décisions Attorney -General c.
Horner ((1884) 14 Q. B. D. 245, 257), Commissioner of Public
Works (Cape Colony) c. Logan ([1903] A. C. 355, 363),
Western Counties Ry. Co. c. Windsor and Annapolis Ry. Co.
((1882) 7 App. Cas. 178, 188), comme un canon en matière
d'interprétation des lois ne s'appliquait pas au corps de législa-
tion sous l'empire duquel la commission prétendait agir. Le
canon est le suivant: on ne doit pas imputer au législateur
l'intention de priver un citoyen d'un bien sans lui donner un
droit légitime à indemnisation pour la perte de ce bien, à moins
que cette intention ne soit exprimée en termes. non équivoques.
J'ai employé intentionnellement l'expression «droit légitime à
indemnisation», car je pense que cette jurisprudence établit que,
en l'absence de termes non équivoques à cet effet, on ne peut
limiter à une somme donnée à titre gracieux l'indemnité paya
ble au citoyen. Je ne crois pas que le procureur général ait
vraiment contesté cela. Il ne s'est pas non plus, si je l'ai bien
compris, opposé au principe selon lequel, lorsque la loi autori-
sant à déposséder un citoyen de son bien ou à y infliger quelque
dommage ne prévoit aucun tribunal spécial chargé de fixer le
montant de l'indemnité qui revient audit citoyen ou lorsque la
loi ne prévoit qu'un tribunal qui n'existe plus, le citoyen peut
s'adresser à la Haute Cour de Justice pour faire fixer ce
montant: Bentley c. Manchester, Sheffield, and Lincolnshire
Ry. Co. ([18911 3 Ch. 222).
Les mots «... sans lui donner un droit légitime à
indemnisation ...» me semblent particulièrement
importants. Non moins important, il va sans dire,
est le droit reconnu au citoyen, en l'absence d'un
9 [1919] A.C. (C.L.) 744.
tribunal spécial prévu à cet effet par la loi, de
recourir aux tribunaux pour faire établir le
montant.
Il s'agit en l'espèce, à mon avis, d'une action en
indemnisation fondée sur une loi 10
La question qui se pose alors est de savoir si
l'action, reposant sur un droit à indemnisation
prévue à la loi, est fondée sur un contrat formel
(«on a specialty») au sens de l'alinéa 2(1)c) de The
Statute of Limitations de la Nouvelle - Ecosse,
compte tenu toujours du fait que la réclamation,
malgré le chiffre de $500,000 mentionné dans la
déclaration, est en fait d'un montant indéterminé,
soit la valeur de l'achalandage approprié par la
Couronne.
La prescription de vingt ans prévue à l'alinéa
2(1)c) pour les actions fondées sur les cautionne-
ments ou autres contrats formels («specialties»)
remonte au moins jusqu'à l'article 25 de la Limi
tations of Actions Act, qui constituait le chapitre
100 des Statuts revisés de la Nouvelle-Écosse,
1873". Mais elle semble inspirée de l'article 3 de
la Civil Procedure Act, 1833 12 de l'Angleterre,
selon lequel se prescrivent par vingt ans [TRADUC-
TION] «... toutes les actions découlant d'un enga
gement ou en paiement d'une dette fondées sur un
cautionnement ou autre contrat formel ...».
10 Voir Glanville Williams et B. A. Hepple, Foundations of
the Law of Tort (1976), aux pages 20 22.
" L'article 25 prévoyait ce qui suit:
[TRADUCTION] 25. Toutes les actions en recouvrement du
loyer prévu par un bail, toutes les actions fondées sur un
cautionnement ou autre contrat formel et toutes les actions
en scire facias fondées sur un engagement, ou les actions
découlant d'une évasion ou en recouvrement de deniers fai-
sant l'objet d'une saisie-exécution, et toutes les actions en
recouvrement des indemnités, des dommages-intérêts ou des
sommes d'argent accordés, en vertu d'une loi présentement
en vigueur ou qui entrera en vigueur, à la partie lésée,
doivent être intentées dans les délais prévus ci-après, à savoir:
les actions en recouvrement du loyer prévu par un bail ou
fondées sur un cautionnement ou autre contrat formel et les
actions en scire facias fondées sur un engagement, avant le
septième jour de mai 1876 ou dans les vingt ans de la date où
la cause d'action a pris naissance; les actions par la partie
lésée, dans les deux ans de la date où la cause d'action a pris
naissance; et les autres actions, dans les six ans de la date où
la cause d'action a pris naissance: mais aucune des présentes
dispositions ne s'applique à un droit d'action accordé par une
loi lorsque le délai pour intenter une telle action est ou sera
spécialement limité en vertu d'une loi.
12 3 & 4 Will. 4, c. 42.
Il fut jugé en Angleterre que cette disposition de
la Civil Procedure Act, 1833 s'appliquait à une
action en paiement d'une dette fondée sur une loi.
Dans l'affaire The Cork and Bandon Railway
Company c. Goode 13 , il s'agissait d'une action en
paiement d'une dette intentée par une société fer-
roviaire, en vertu de la Companies Clauses Con
solidation Act 14 et de la Loi spéciale constitutive
de ladite société, contre l'un de ses actionnaires.
L'action tendait au versement par le défendeur du
montant impayé sur ses actions, mais ce dernier
avait prétendu qu'étant fondée [TRADUCTION]
«sur des contrats ordinaires (`without specialty')»,
elle était assujettie à la prescription de six ans
prévue à la Limitation Act, 1623 1 s. La demande-
resse opposa au moyen soulevé par le défendeur
une fin de non-recevoir et eut gain de cause. Il
conviendrait peut-être ici d'exposer au long les
motifs du jugement prononcés par le juge Maule 16 :
[TRADUCTION] Je suis également d'avis que cette défense n'est
pas valable. On y affirme que l'action est fondée sur des
contrats ordinaires («without specialty») et que les prétendues
causes d'action n'ont pas pris naissance, dans l'un ou l'autre
cas, dans les six ans qui ont précédé la présente action. Nous
découvrons, à l'examen de la déclaration, que l'action est
fondée sur deux lois, soit la companies clauses consolidation
act, 8 & 9 Vict., c. 16, et la Cork and Bandon Railway Act, 8
& 9 Vict., c. cxxii. Il s'agit, cela devient manifeste à sa lecture,
d'une déclaration de dette fondée sur les deux lois susmention-
nées. Or, une déclaration de dette fondée sur une loi est fondée
par le fait même sur un contrat formel («upon a specialty») et
elle ne l'est pas moins simplement parce que les faits entraînant
l'obligation contractuelle du défendeur sont étrangers à la loi:
cela se produit constamment dans les actions découlant d'obli-
gations créées par des lois. Comme il semble en être ainsi, la
prétention avancée dans la défense selon laquelle l'action est
fondée sur des contrats ordinaires («without specialty») consti-
tue une fausse allégation d'un point de droit. Il peut certaine-
ment exister des cas où la loi permet d'intenter une action, sans
cependant que celle-ci soit fondée sur ladite loi édictée par le
parlement. Mais ce qui nous intéresse c'est de savoir si tel est le
cas en l'espèce. Il me semble manifestement s'agir ici d'une
action en paiement d'une dette fondée sur la loi, action fondée
donc sur un contrat formel («upon a specialty»). Se demander
s'il pourrait y avoir action d'assumpsit ou action de case, ce
serait passer à côté de la question de savoir si la défense
constitue une réponse à la présente action. Les choses me
semblent suffisamment claires. La prescription applicable est
celle de vingt ans prévue par la 3 & 4 W. 4, c. 42, art. 3. Une
action fondée sur une loi est par le fait même fondée sur un
contrat formel («upon a specialty») et tombe clairement dans le
champ d'application des mots «en paiement d'une dette fondées
13 (1853) 13 C.B. 826; 138 E.R. 1427.
14 8 & 9 Vict., c. 16 (Imp.).
15 21 Jac. I, c. 16.
16 (1853 ) • 13 C.B. 826, aux pp. 835 et 836; 138 E.R. 1427, à
la p. 1431.
sur un cautionnement ou autre contrat formel» dudit article,
même si un cautionnement est la forme la plus commune et la
plus simple de contrat formel et une loi la forme la plus élevée.
Somme toute, d'accord avec le juge en chef, j'estime qu'il y a
lieu de rendre jugement en faveur de la demanderesse confor-
mément à la fin de non-recevoir soulevée par cette dernière.
Il est évident, selon moi, que la présente action
ne tomberait pas dans le champ d'application de
l'article 3 de la Civil Procedure Act, 1833 de
l'Angleterre. A la différence de l'affaire Cork and
Bandon Railway, il s'agit en l'espèce d'une action
en recouvrement d'une somme indéterminée,
action qui n'aurait donc pas pu, selon la procédure
de la common law, être intentée comme une action
en paiement d'une dette; il aurait fallu introduire
une action de case. Dans Chitty's Practice of the
Law (3e éd., 1837), aux pages 24 et 25a, on
retrouve ce passage:
[TRADUCTION] On remarquera que les vieux droits et
recours de common law étaient relativement peu nombreux et
simples, faciles à séparer et à énumérer; mais, avec le temps, les
besoins de la société ont amené, dernièrement surtout, une
multiplication des textes, lesquels ont soit mieux défini, ou
modifié ou réglementé ce qui fut auparavant reconnu en partie
par la common law, soit même créé des droits nouveaux ou
imposé de nouveaux devoirs et sanctions pour le défaut de
respecter ceux-ci. Nous ne songeons pas simplement aux règle-
ments ayant trait à l'ordre public mais aussi à ceux de caractère
privé.
L'introduction par un bon nombre de lois de ces nouveaux
droits et devoirs fait que la violation de ceux-ci ou le défaut de
les respecter créent une grande variété de nouveaux préjudices
et de nouvelles infractions exigeant à leur tour de nouveaux
recours pour prévenir, enlever, indemniser ou punir.
Dans certains cas, les lois créatrices de nouveaux droits et
devoirs ont passé sous silence les recours découlant de la
violation de ces droits et devoirs. La loi, dans ces cas, prévoit
implicitement un recours approprié, car, comme le veut la
maxime, lorsqu'une loi confère un droit, cela signifie un droit
selon la common law, et il n'est nullement question d'obliger la
partie à prendre un recours extraordinaire devant une Cour
d'Equity. Ainsi, si un nouveau droit privé est créé ou reconnu,
la loi prévoit implicitement, lorsque les dommages découlant de
la violation du droit sont incertains, un recours comme par
action on the case; comme pour enlever les biens en vertu d'une
saisie-exécution, sans avoir à payer le loyer pour une année; et,
lorsque la somme est de nature certaine ou facilement détermi-
nable, par action en paiement d'une dette.
Comme je l'ai indiqué, l'article 25 de la Limita
tions of Actions Act de 1873 de la Nouvelle-
Écosse semble avoir été inspiré par l'article 3 de la
Civil Procedure Act, 1833 de l'Angleterre. L'arti-
cle 25 de la Loi de la Nouvelle-Écosse prévoyait
pour «... toutes les actions fondées sur un caution-
nement ou autre contrat formel ...» une prescrip-
tion de vingt ans. Le libellé de cet article est en
contraste marqué avec celui de la disposition cor-
respondante de l'article 3 de la Civil Procedure
Act, 1833 de l'Angleterre: les mots «découlant d'un
engagement ou en paiement d'une dette» en ont été
retranchés. Cela soulève la question de savoir si les
dispositions néo-écossaises de 1873 ont étendu la
portée de celles de la Loi anglaise de 1833 de façon
à englober les causes d'action prévues dans une loi,
actions qui, à l'époque de la procédure de common
law, auraient été intentées in case, en d'autres
termes, les actions en recouvrement de montants
indéterminés.
Il n'est peut-être pas inutile de rechercher les
raisons de l'adoption de l'article 3 de la Civil
Procedure Act, 1833; cela nous permettra (peut-
être) de comprendre celles qui sont à l'origine de
l'adoption de l'article 25 de la Limitations of
Actions Act de 1873 de la Nouvelle-Écosse.
Dans l'arrêt Thomson c. Lord Clanmorris ", la
Cour d'appel anglaise fut appelée à interpréter la
partie de l'article 3 de la Civil Procedure Act,
1833 qui établissait, à l'égard de [TRADUCTION]
«... toutes les actions en recouvrement des indem-
nités, des dommages-intérêts ou des sommes d'ar-
gent accordés, en vertu d'une loi présentement en
vigueur ou qui entrera en vigueur, à la partie lésée
...», une prescription de deux ans. De cette dispo
sition anglaise l'alinéa 2(1)b) de la Statute of
Limitations, 1967 de la Nouvelle-Écosse est le
pendant. Lord Lindley, M.R., a dit à la page 725:
[TRADUCTION] Le point soulevé par le présent appel est nou-
veau pour nous tous et il n'est sans doute pas sans présenter
certaines difficultés.
Il faut, pour interpréter l'art. 3 de la Loi de 1833, comme
d'ailleurs pour l'interprétation de toute autre loi, avoir égard
non seulement au libellé, mais aussi à l'historique de la Loi
ainsi qu'aux raisons qui ont conduit à l'adoption de celle-ci. Il
faut tenir compte autant du mal auquel il fallait remédier que
du remède apporté. Et lorsque nous considérons l'état du droit
avant la Loi de 1833, nous voyons assez clairement le mal visé.
Il existait des causes d'action sans délai de prescription défini,
certaines desquelles, notamment «les actions en paiement d'une
dette fondées sur un cautionnement ou autre contrat formel», se
trouvent énumérées à la première partie de l'art. 3. Les Statutes
of Limitations alors existantes, et c'est là le premier mal qui
nous intéresse, ne prévoyaient pas ces actions, qui furent donc
mentionnées dans la nouvelle loi. Il y avait une autre catégorie
d'actions qui n'étaient pas assujetties à un délai de prescription
défini, soit les «actions en recouvrement des indemnités, des
dommages-intérêts ou des sommes d'argent accordés ... à la
17 [1900] 1 Ch. 718.
partie lésée» en vertu de diverses Lois du Parlement, non à titre
d'indemnisation de ladite partie, mais à titre de peine ou
punition, l'objet étant, comme l'a souligné lord Esher, M.R., en
commentant dans Saunders c. Wiel ([1892] 2 Q. B. 321)
l'affaire Adams c. Batley (18 Q. B. D. 625), de punir; et le
montant à payer, que celui-ci fut appelé amende, ou domma-
ges-intérêts ou somme d'argent, n'était pas fixé pour indemni-
ser le demandeur, même si ce dernier pouvait en empocher une
partie. C'est précisément cette catégorie d'actions que visait la
dernière partie de l'art. 3. Autrement dit, il s'agissait là de ce
qu'on appelle couramment des «actions pénales». Cela se dégage
de l'historique de la Loi et de la connaissance tant de l'état du
droit à l'époque que du mal auquel il fallait remédier.
Si je cite ce passage, c'est surtout parce qu'il fait
l'historique des dispositions ayant trait aux actions
en paiement d'une dette fondées sur les cautionne-
ments ou autres contrats formels («specialties»).
Mais je l'ai cité intégralement parce que, à mon
avis, tout comme le jugement rendu par la Cour, il
permet de statuer sur la prétention, avancée lors
des débats par l'avocat de l'intimée, selon laquelle
cette action tombe dans le champ d'application de
l'alinéa 2(1)b) de la Loi de la Nouvelle-Ecosse.
Le fait que les mots «... découlant d'un engage
ment ou en paiement d'une dette ...» aient été
retranchés de l'article 25 de la Limitations of
Actions Act de 1873 de la Nouvelle-Écosse peut
s'expliquer par la modification importante appor-
tée par la New Practice Act, 1853 18 à la procédure
dans cette province. Cette Loi dispose:
[TRADUCTION] 2. Toute action personnelle commence par un
bref d'assignation ou par replevin, ... .
3. Il n'est pas nécessaire de mentionner, dans le bref ou dans
les autres actes de procédure, la forme de l'action.
5. Sous réserve de certains cas exceptionnels, où la déclara-
tion pourra être soit annexée, soit signifiée séparément, le bref,
suivant la procédure adoptée par la présente loi pour les causes
sommaires et conformément aux formules de l'annexe B, con-
tient la déclaration.....
54. Seront suffisants toute déclaration, que celle-ci fasse
partie du bref ou y soit annexée, ainsi que tous actes de
procédure subséquents qui feront clairement et distinctement
état de tous les faits propres à fonder l'action, la défense ou la
réponse, selon le cas, sans qu'il soit nécessaire d'exprimer ces
faits dans un langage technique ou formel ou d'une façon
technique ou formelle, ou d'employer des expressions techni
ques ou formelles.
L'effet semble avoir été (de façon très générale)
de substituer, aux complexités de la procédure et
des actes de procédure de la common law, d'une
18 S.N.-É. 1853, c. 4.
part, un bref d'assignation pour introduire la plu-
part des actions et, d'autre part, une déclaration et
des actes de procédure subséquents qui devaient,
tout en évitant un langage technique ou formel,
énoncer les faits propres à fonder l'action, la
défense ou la réponse. On a bien pu juger oppor-
tun, en 1873, de retrancher les termes engagement
et dette. Le fait que, depuis la Limitation of
Actions Act, 1758, les actions on the case 19 , y
compris, sauf erreur, les actions en recouvrement
de sommes indéterminées fondées sur des causes
d'action prévues par une loi se prescrivaient par six
ans, revêt peut-être aussi une certaine importance.
Il paraît peu probable que la disposition de 1873
relative aux actions fondées sur des actes formels
(deeds» ou «specialties») ait été destinée non seu-
lement à englober les actions en paiement d'une
dette fondées sur une loi, entre autres, mais aussi à
porter de six à vingt ans le délai de prescription
alors existant pour les actions en recouvrement
d'une somme indéterminée fondées sur une loi 20 .
Mais il y a une autre raison pour interpréter les
mots «toutes les actions fondées sur un cautionne-
ment ou autre contrat formel» comme étant limi
tés, en ce qui concerne les actions fondées sur des
lois, aux actions en paiement de dettes ou en
recouvrement d'autres sommes déterminées. Cette
raison ressort d'un passage du jugement prononcé
par le lord juge Vaughan Williams dans l'affaire
Thomson c. Lord Clanmorris, précitée. Il s'agis-
sait là d'une action intentée par un actionnaire
contre les administrateurs d'une société et sollici-
tant une indemnité en vertu de la Directors Liabi-
19 L'article 1 de la Loi de 1873 prévoyait ce qui suit:
[TRADUCTION] 1. Nulle action d'assumpsit, de trespass
quare clausum fregit, de detinue, de trover, de replevin, en
paiement d'une dette découlant d'un prêt ou d'un contrat
ordinaire et nulle action en recouvrement du loyer, en reddi-
tion des comptes ou upon the case ne doit être intentée, si ce
n'est dans les six ans de la date où la cause d'action a pris
naissance.
Il y a dans l'article 4 de la Limitation of Actions Act, 1758 et
dans les lois subséquentes en matière de prescription, une
disposition semblable bien que non identique. L'article 1 de la
loi de 1873, par exemple, est identique à l'article 1 du c. 153
des Statuts revisés de la Nouvelle-Écosse, 1851.
20 Voir Miller c. Le Roi [1927] R.C.É. 52, aux pp. 64 et 65,
où est rejetée la prétention selon laquelle la réclamation d'une
indemnité prévue par la Loi des expropriations fédérale consti-
tuait une demande en [TRADUCTION] «paiement d'une dette
fondée sur une loi».
lity Act, 1890 de l'Angleterre et des dommages-
intérêts [TRADUCTION] «... sur le fondement que
le prospectus de la société contenait de fausses
déclarations, sur la foi duquel le demandeur avait
souscrit des actions». Le lord juge Vaughan Wil-
liams a dit aux pages 727 et 728:
[TRADUCTION] Il faut prendre en considération la vraie nature
des dispositions de l'art. 3 de la Directors Liability Act, 1890.
Et il me semble que, même si ledit article ne prévoit pas, quant
à la forme, une nouvelle action, même s'il prévoit seulement
que les administrateurs et autres «sont tenus d'indemniser, pour
les pertes ou dommages qu'elles ont pu subir en raison de toute
fausse déclaration dans le prospectus, toutes les personnes qui,
sur la foi dudit prospectus, ont souscrit des actions», ce que fait
l'article, en réalité, c'est de donner une nouvelle action on the
case. Il crée une nouvelle obligation négative. Une nouvelle
obligation relativement aux prospectus et autres semblables
documents se trouve en effet imposée aux administrateurs ou
aux promoteurs ou à toute autre catégorie incluse dans l'article.
D'une manière générale, on peut dire que la Loi crée une
nouvelle obligation légale d'exactitude—une nouvelle obligation
légale de s'abstenir de déclarations inexactes ou fausses, et
qu'elle accorde à ceux qui ont pu être lésés par la violation de
cette obligation légale l'équivalent d'une nouvelle action on the
case. Dès lors, il me semble que la présente action relève de la
loi 21 Jac. 1, c. 16. Comme il s'agit d'une action on the case,
c'est bien entendu la prescription de six ans qui s'applique.
Mais on s'appuie sur l'affaire Cork and Bandon Ry. Co. c.
Goode (13 C. B. 826) pour affirmer qu'il s'agit non pas d'une
action on the case mais d'une action fondée sur une loi. Il faut
toutefois se rappeler que dans cette affaire l'action tendait au
paiement d'une dette créée par une loi et que la seule question à
trancher était celle de savoir si la dette était «fondée sur un
contrat ordinaire» au sens de l'art. 3 de la loi de James. Je
n'estime pas que la décision rendue dans cette affaire soit
pertinente en l'espèce. Le juge Maule a souligné qu'il y a une
distinction à faire entre une action accordée par une loi et une
action fondée sur une loi. Il s'agissait dans Cork and Bandon
Ry. Co. c. Goode d'une action en paiement d'une dette fondée
sur une loi et, comme je l'ai déjà dit, la seule véritable question
à trancher était celle de savoir si l'action tombait dans le champ
d'application de l'art. 3 de la loi de James. En l'espèce, il me
semble qu'il est créé, relativement à la préparation et à la
publication des prospectus, une nouvelle obligation d'exactitude
et qu'une action on the case est accordée à ceux qui peuvent
être lésés par la violation de cette obligation.
Cette distinction entre une action accordée par
une loi et une action fondée sur une loi peut
paraître subtile, mais nous sommes malheureuse-
ment dans le domaine de la subtilité. Et je tiens
pour acquis qu'une action on the case en recouvre-
ment d'une somme indéterminée, bien que la récla-
mation reposât sur un droit créé par une loi, n'était
pas, du simple fait qu'il s'agissait d'une action «on
the case», considérée comme étant fondée sur un
contrat formel («on a specialty»). Pour cette
raison, je conclus qu'en l'espèce, l'action, qui
aurait été intentée in case, n'est pas fondée sur un
contrat formel («on a specialty») et ce, même si la
demande d'indemnisation repose sur un droit créé
par la Loi sur le poisson salé. En conséquence, la
prescription de vingt ans prévue pour les actions
fondées sur des contrats formels («on specialties»)
par l'alinéa 2(1)c) de The Statute of Limitations
ne s'applique pas à l'action considérée.
On a prétendu subsidiairement qu'aucune dispo
sition de The Statute of Limitations de la Nou-
velle-Écosse ne trouvait application et que l'action
n'était donc pas prescrite. On a soutenu notam-
ment qu'il ne s'agit pas d'une action découlant de
la dépossession de biens au sens des termes «.. .
actions en dépossession ou en conversion de biens
meubles ou immeubles ...», sur lesquels s'est
fondé le juge de première instance. Selon cette
prétention, il ressort de l'historique de la disposi
tion que les mots employés n'étaient pas destinés à
s'appliquer aux actions nées d'une perte d'achalan-
dage découlant d'une intervention législative dans
les affaires commerciales. Il a été allégué que le
premier texte de loi en matière de prescription de
la Nouvelle-Écosse, soit la Limitation of Actions
Act, 1758, prévoyait un délai de prescription pour
toutes les «. .. actions of trespass, detinue, action
of trover, and replevin for taking away of goods
and cattle», s'inspirant ainsi de la Limitation Act,
1623 de l'Angleterre. La même formulation a été
retenue dans les révisions des lois néo-écossaises en
matière de prescription, jusques et y compris le
chapitre 112 des Statuts revisés de la Nouvelle-
Écosse, 1884. Dans le chapitre 167 de la révision
de 1900 cependant, les mots «detinue, trover and
replevin» ont été remplacés par l'expression
«actions for the taking away or conversion of
property» («actions en dépossession ou en conver
sion de biens»). On a fait valoir que ce changement
était destiné à refléter les modifications apportées
aux formes d'action par The Nova Scotia Judica
ture Act, 1884, l'intention étant, a-t-on prétendu,
d'atteindre par les mots «actions for the taking
away ... of property» le même objet que les
actions de detinue et de replevin et de remplacer
«trouer» par le terme plus moderne de «conversion».
La disposition actuelle doit donc, a-t-on soutenu,
se limiter aux actions fondées sur une dépossession
matérielle des biens.
Il a en outre été prétendu que les mots «toutes
actions en réparation de dommages directs aux
meubles ou aux immeubles» de l'alinéa 2(1)e) se
limitent aux dommages matériels et ne s'étendent
pas aux dommages infligés aux biens incorporels.
Là encore on invoque, du moins en partie, l'histori-
que de la disposition, remontant jusqu'à la disposi
tion de la Limitation of Actions Act, 1758 de la
Nouvelle-Écosse, qui établissait, pour les actions
délictuelles de trespass et de trespass quare clau-
sum fregit, un délai de prescription de six ans.
J'ajouterai que l'emploi du terme «dommages
directs», vu dans la perspective du trespass, peut
revêtir une importance particulière 21 .
Si les prétentions portant sur ces dispositions de
l'alinéa 2(1)e) me semblent présenter un incontes
table intérêt, je n'estime toutefois pas qu'il y ait
lieu de décider si, en l'espèce, l'une ou l'autre de
celles-ci s'applique. Même si ce n'était pas le cas,
l'action tomberait néanmoins, selon moi, dans le
champ d'application des mots: «et toutes autres
actions qui eussent pu autrefois être intentées sous
forme d'action délictuelle de trespass on the case
» 22 .
Dans l'affaire Eisener c. Maxwell 23 , le juge
MacDonald a décidé que, pour déterminer si une
action aurait [TRADUCTION] «pu autrefois être
intentée sous forme d'action délictuelle de trespass
on the case», il fallait, en Nouvelle-Écosse, se
reporter à l'époque ayant immédiatement précédé
The Nova Scotia Judicature Act, 1884 24 . Une
action de ce genre aurait alors été intentée in case
ou plus précisément, par voie de trespass on the
case, bien qu'à l'époque considérée la mention
spécifique, dans le bref d'assignation ou dans les
autres actes de procédure, de la forme de l'action
ne semble pas avoir été nécessaire. J'ai déjà exposé
les motifs pour lesquels j'en suis arrivé à cette
conclusion.
L'appelante a également prétendu que sa cause
d'action n'a pris naissance que le jour où a été
rendu l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans
21 Mais voir Miller c. Le Roi [1927] R.C.É. 52, aux pp. 67
et 68.
22 Ibid., à la p. 68.
23 [1951] 3 D.L.R. 345 (Cour suprême, Nouvelle-Écosse),.à
la p. 354.
24 S.N.-É. 1884, c. 25; S.R.N.-É. 1884, c. 104.
l'affaire Manitoba Fisheries. Cette prétention doit,
de toute évidence, être repoussée.
Je rejetterai l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE PRATTE: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
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