A-583-80
La Reine pour le Conseil du Trésor (Requérante)
c.
Benoît Charland, Paul-G. Tremblay, Gérald
Coude, Pierre Tremblay et Yvan De Foy (Intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant Hyde—Montréal, 21 et 23 janvier 1981.
Examen judiciaire — Relations du travail — Demande
d'annulation de la décision arbitrale qui fait droit aux griefs
présentés par les intimés après que l'employeur eut refusé de
leur payer l'indemnité pour frais de déplacement prévue à la
convention collective — L'arbitre reconnaît aux intimés le
droit à l'indemnité en dépit de la disponibilité d'un moyen
normal de transport public et il fonde sa décision sur la
pratique antérieure suivie par l'employeur en pareil cas —
Demande accueillie au motif que l'indemnité n'est payable
qu'à la condition que l'employé soit tenu d'utiliser un moyen
de transport autre qu'un moyen normal de transport public —
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28. "
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Jean-Claude Demers pour la requérante.
Mario Létourneau pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
requérante.
Mario Létourneau, Montréal, pour les inti-
més.
Voici les motifs du jugement prononcés en fran-
çais à l'audience par
LE JUGE PRATTE: La requérante demande l'an-
nulation en vertu de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10,
d'une décision arbitrale prononcée suivant
l'article 96 de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35.
Cette décision a fait droit aux griefs qu'avaient
présentés les intimés après que leur employeur eut
refusé de leur payer une indemnité de frais de
déplacement.
Les intimés sont à l'emploi du ministère des
Transports à l'aéroport international de Montréal
à Mirabel. En mai et juin 1979, ils ont fait du
travail supplémentaire après leur travail régulier.
Ils utilisèrent ensuite leurs automobiles pour s'en
retourner chez eux. A strictement parler, ils au-
raient pu, s'ils l'avaient voulu, s'en retourner en
autobus mais on comprend que, s'étant rendus au
travail en voiture, ils aient voulu en revenir de la
même façon. Les intimés réclamèrent ensuite de
leur employeur l'indemnité prévue au paragraphe
a) de la clause 25.07 de la convention collective
régissant leurs conditions de travail. Aux termes de
cette clause:
Lorsqu'un employé est tenu d'effectuer du travail supplémen-
taire accolé ou non et qu'il est tenu d'utiliser un moyen de
transport autre qu'un moyen normal de transport public, il est
remboursé de toute dépense raisonnable de la façon suivante:
a) indemnité de millage au taux normalement versé à l'em-
ployé lorsque l'employeur l'autorise à utiliser sa propre
automobile quand l'employé se déplace dans sa propre
automobile,
ou
b) débours pour d'autres moyens de transport commercial.
L'employeur refusa de payer l'indemnité récla-
mée. De là les griefs des intimés auxquels a fait
droit la décision attaquée.
Devant l'arbitre, l'employeur a soutenu que les
griefs devaient être rejetés parce que les intimés
n'avaient pas prouvé qu'ils satisfaisaient aux deux
conditions mentionnées au début de la clause
25.07, savoir, qu'ils avaient été tenus «d'effectuer
du travail supplémentaire» et qu'ils avaient été
tenus, aussi, «d'utiliser un moyen de transport
autre qu'un moyen normal de transport public».
L'arbitre rejeta cette prétention. Il décida que,
dans les circonstances, les intimés avaient établi
avoir été tenus de faire du travail supplémentaire.
A cette partie de sa décision, je ne trouve rien à
redire. Il décida aussi que les intimés avaient droit
à l'indemnité réclamée en dépit du fait qu'«un
moyen normal de transport public» était disponible
pour s'en retourner chez eux.
Si l'arbitre a ainsi décidé que les intimés avaient
droit d'être indemnisés malgré l'existence d'un ser
vice d'autobus, c'est pour le seul motif, si je com-
prends bien la décision attaquée, que, dans le
passé, sous l'empire de conventions collectives con-
tenant des clauses semblables à la clause 25.07,
l'employeur avait toujours payé les frais de trans
port des employés ayant fait du temps supplémen-
taire même dans les cas où ceux-ci n'avaient pas
été tenus «d'utiliser un moyen de transport autre
qu'un moyen normal de transport public».
En jugeant de cette façon, l'arbitre me semble
avoir refusé d'appliquer la clause 25.07 de la con
vention collective ce qui constitue, à mon avis, une
erreur de droit. Il est clair que l'indemnité dont
parle la clause 25.07 n'est payable qu'à la condi
tion que l'employé ait été «tenu d'utiliser un moyen
de transport autre qu'un moyen normal de trans
port public». Le fait que l'employeur ait, dans le
passé, consenti à indemniser des employés qui ne
satisfaisaient pas à cette condition n'a pas eu pour
effet de changer la convention collective ou d'auto-
riser l'arbitre à en ignorer les stipulations.
Je ferais donc droit à la requête, je casserais la
décision attaquée et je renverrais l'affaire à l'arbi-
tre pour qu'il la décide en prenant pour acquis que
les intimés n'ont droit à l'indemnité qu'ils récla-
ment qu'à la condition d'avoir été tenus «d'utiliser
un moyen de transport autre qu'un moyen normal
de transport public».
* * *
LE JUGE LE BAIN y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
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