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T-2531-81
Le procureur général du Canada (Requérant) c.
Le Conseil arbitral institué en vertu de l'article 91 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage et composé de E. Berry, E. Barrett et O. Quinn (Intimé)
Division de première instance, le juge Mahoney— Ottawa, 19 et 20 mai 1981.
Brefs de prérogative Prohibition Le requérant demande qu'il soit interdit au Conseil arbitral d'entendre l'appel formé contre une décision de la Commission de l'em- ploi et de l'immigration Rejet de la plainte déposée devant la Commission et selon laquelle les employés n'auraient pas obtenu une fraction de la réduction du taux de cotisation patronale accordée à la société employeuse, contrairement à l'art. 25(1) du Règlement sur l'assurance-chômage Il échet d'examiner si le Conseil arbitral a compétence pour entendre l'appel Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970- 71-72, c. 48, art. 2(1)b), 17, 19, 64(1),(4), 94(1) Règlement sur l'assurance-chômage, C.R.C. 1978, Vol. XVIII, c. 1576, art. 24(2),(3),(4), 25(1), 60.
Arrêt mentionné: Commission de l'emploi et de l'immi- gration du Canada c. MacDonald Tobacco Inc. [1981] 1 R.C.S. 401. Arrêt appliqué: Cornish -Hardy c. Le Conseil arbitral constitué en vertu de l'article 91 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage [1979] 2 C.F. 437; confirmé par [1980] 1 R.C.S. 1218.
REQUÊTE. AVOCATS:
P. Annis pour le requérant. Allan R. O'Brien pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Nelligan/Power, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Le procureur général du Canada demande qu'il soit interdit à un Conseil arbitral, institué en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage', d'entendre l'appel formé contre une décision de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, ci-après appelée
' S.C. 1970-71-72, c. 48.
«la Commission», relative au respect par un employeur des dispositions du paragraphe 25 (1) du Règlement sur l'assurance-chômàge 2 concer- nant la répartition des réductions de cotisations reçues par l'employeur. Le procureur général, dési- rant que la question soit tranchée sur le fond, ne s'est pas appuyé sur le fait que l'appel a été interjeté devant le Conseil arbitral par un syndicat plutôt que par des employés individuellement. L'intimé a admis que la Cour est liée par une décision la Cour d'appel fédérale 3 a statué que bien qu'il ne soit pas partie aux procédures dont est saisi le Conseil arbitral, le procureur général a le droit de présenter cette demande nonobstant le dictum de la Cour suprême du Canada dans l'ap- pel formé contre cette décision 4 . L'avis de requête introductif d'instance a été signifié à la Commis sion, aux membres du Conseil arbitral, à l'em- ployeur et au syndicat. Seuls l'avocat du procureur général et celui du syndicat ont demandé à être entendus.
La Loi prévoit ce qui suit:
64. ( I ) La cotisation patronale que doit verser au cours d'une année un employeur d'un assuré est égale à 1.4 fois la cotisation ouvrière pour cette année, à moins qu'un autre taux de cotisation ne soit prévu pour une année en application du présent article.
(4) La Commission doit, avec l'approbation du gouverneur en conseil, établir des règlements prévoyant un mode de réduc- tion de la cotisation patronale payable en vertu de la présente loi lorsque le paiement d'allocations, de prestations ou autres sommes en vertu d'un régime autre qu'un régime établi en vertu d'une loi provinciale, qui couvre des assurés exerçant un emploi au service d'un employeur, aurait pour effet de réduire les prestations payables à ces assurés en vertu de la présente loi, en cas de chômage causé par une maladie ou une grossesse, si les assurés exerçant un emploi au service de l'employeur obtien- dront une fraction de la réduction de la cotisation patronale égale à cinq douzièmes au moins de cette réduction.
Le paragraphe 25(1) du Règlement répète la con dition prévue au paragraphe 64(4) de la Loi, savoir que:
25. ( I ) Il n'est accordé de réduction du taux de la cotisation patronale que si les assurés exerçant un emploi au service de l'employeur obtiennent une fraction de la réduction égale à 5/12 au moins.
2 C.R.C. 1978, Vol. XVIII, c. 1576.
3 I re le Tribunal antidumping [1973] C.F. 745, pp. 758 sqq.
4 [1976] 2 R.C.S. 739, pp. 741 sqq.
Le syndicat United Food Processors, section locale 483, a formé devant la Commission, au nom des assurés à l'emploi de The Canada Starch Company Limited, une plainte selon laquelle ces employés n'auraient pas obtenu une fraction de la réduction du taux de cotisation patronale accordée à la société considérée. La Commission a instruit la plainte et a statué que la répartition de la réduction exigée par la Loi avait bel et bien été faite. C'est de cette décision dont il a été fait appel devant le Conseil arbitral, qui a jugé qu'il avait compétence pour en connaître.
Un conseil arbitral tient sa compétence des arti cles 56 et 57, qui ne s'appliquent pas en l'espèce, et du paragraphe 94(1) de la Loi.
94. (1) Le prestataire ou un employeur du prestataire peut à tout moment, dans les trente jours de la date il reçoit communication d'une décision de la Commission, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder pour des raisons spéciales dans un cas particulier, interjeter appel de la manière prescrite devant le conseil arbitral.
L'alinéa 2(1)b) dispose:
2. (1) Dans la présente loi,
b) «prestataire» désigne une personne qui demande ou qui a demandé des prestations en vertu de la présente loi;
Le terme «prestations» n'y est pas défini.
La Loi et le Règlement ne contiennent aucune disposition permettant à un employé de demander que lui soit accordée une partie de la réduction de la cotisation de son employeur. Que l'employé reçoive une telle portion est plutôt une condition préalable à l'approbation de la demande de réduc- tion présentée par l'employeur.
L'article 24 du Règlement, après avoir prévu la façon de présenter cette demande, prévoit ce qui suit:
24... .
(2) Au reçu d'une demande de réduction du taux de la cotisation patronale, un fonctionnaire de la Commission décide si une réduction doit ou non être accordée.
(3) L'employeur peut, dans les 30 jours qui suivent l'envoi par la poste d'un avis de la décision prise conformément au paragraphe (2), ou dans un délai prolongé selon que peut l'autoriser la Commission, demander la révision de la décision par un comité formé de fonctionnaires désignés par la Commission.
(4) L'employeur qui n'est pas satisfait de la décision prise par le comité de révision dont il est question au paragraphe (3) peut interjeter appel devant la Commission pour qu'elle règle la question de manière définitive.
Après avoir rappelé ces dispositions, la Cour suprême du Canada a fait remarquer ceci 5 :
Il ressort du Règlement et, en particulier des dispositions citées de l'art. 24, qu'il existe une révision à sens unique d'une demande de réduction de taux de cotisation, savoir une révision à la demande de l'employeur. Si, comme en l'espèce, le fonc- tionnaire de la Commission accorde une réduction de taux de cotisation, il n'y a rien dans le Règlement qui en permette la révision si l'employeur en est satisfait; ni le fonctionnaire ni le comité de révision ni même la Commission n'a reçu le pouvoir exprès d'annuler de sa propre initiative une réduction qui a déjà été approuvée. Seul l'employeur peut, en vertu du Règlement, contester une décision qui ne lui est pas favorable.
La Cour suprême n'a pas pris en considération, dans cette affaire, la position des employés; cepen- dant, une fois rendue, la décision ne semblerait pas plus susceptible de révision par la Commission à la demande des employés qu'elle ne l'est de plein droit.
L'article 60 du Règlement, qui était auparavant l'article 175, permet à la Commission d'accorder une remise sur certaines obligations résultant de la Loi, telles que pénalités et trop-perçus de presta- tions. Il a été jugé qu'un refus d'accorder une remise n'est pas une décision susceptible d'appel devant un conseil arbitral en vertu de l'article 94 de la Loi 6 .
Pour avoir un droit d'appel à un conseil arbitral en vertu de l'article 94, l'employé doit être presta- taire. Il ne peut être prestataire que si, au stade de l'appel, il a présenté une demande de prestations en vertu de la Loi. Une requête afin que la Com mission examine si l'employeur se conforme à l'exigence que ses employés obtiennent, comme le prévoit la Loi, une fraction de la réduction du taux de cotisation ne constitue pas plus une demande de prestations en vertu de la Loi qu'une demande de remise qui serait présentée en vertu de l'article 60 du Règlement.
Dans ce dernier cas, l'on cherche du moins à obtenir des «prestations» au sens large du terme. Je m'abstiendrai de spéculer sur ce que les «presta- tions» auraient été pour les employés si la Commis sion avait accueilli leurs allégations. Cependant, à
5 Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada c. MacDonald Tobacco Inc. [1981] 1 R.C.S. 401 aux pp. 404 et 405.
6 Cornish -Hardy c. Le Conseil arbitral constitué en vertu de l'article 91 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage [1979] 2 C.F. 437. Confirmé par [1980] 1 R.C.S. 1218.
mon avis, les «prestations en vertu de la présente loi» pour lesquelles une personne doit avoir pré- senté une demande pour être un «prestataire» ayant un droit d'appel devant un conseil arbitral, ne correspondent pas à ces prestations au sens large. Il résulte de l'économie de la Loi que l'ex- pression «prestations en vertu de la présente loi» désigne les «prestations d'assurance-chômage» dont l'article 17 prévoit le paiement en application de la Partie II de la Loi, et dont l'article 19 exige qu'elles fassent l'objet d'une demande. En présen- tant une demande, un «assuré» devient un «prestataire».
Le Conseil arbitral est incompétent pour connaî- tre de cet appel. La demande sera accueillie sans dépens. Le requérant pourra, si cela est nécessaire, rédiger et soumettre un projet d'ordonnance en bonne et due forme.
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