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T-3537-81
Harbans Kaur Bashir (Requérante)
c.
La Commission d'appel de l'immigration (Intimée)
Division de première instance, le juge Mahoney— Toronto, 14 septembre; Ottawa, 16 septembre 1981.
Immigration Brefs de prérogative Certiorari, manda- mus L'intimée a rejeté la demande de réexamen de la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention introduite par la requérante, celle-ci n'ayant pas déposé de déclaration conformément â l'art. 70(2) de la Loi sur l'immi- gration de 1976 L'intimée a par la suite refusé de permettre à la requérante de compléter sa demande, au motif que l'omission constituait un vice qui rendait nulle la demande La requérante sollicite un bref de certiorari qui annulerait la première décision, et un bref de mandamus qui enjoindrait à l'intimée de permettre â la requérante de compléter la demande, ou, un bref de mandamus qui ordonnerait à l'intimée d'entendre la demande, étant entendu que l'omission n'infirme pas la demande Il échet d'examiner si la Cour est compé- tente pour accorder le redressement sollicité Il y a à déterminer si l'intimée a le pouvoir de permettre de compléter une demande au-delà du délai prescrit pour le faire Il échet de déterminer si la demande doit être accompagnée d'une déclaration sous serment Demande accueillie Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 70, 71 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 18, 28.
Arrêts appliqués: Le ministre du Revenu national c. Coo pers and Lybrand [1979] 1 R.C.S. 495; In re la Loi antidumping et in re Danmor Shoe Co. Ltd. [1974] 1 C.F. 22; Woldu c. Le ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immigration [1978] 2 C.F. 216.
DEMANDE. AVOCATS:
M. Green, c.r., pour la requérante. B. Evernden pour l'intimée.
PROCUREURS:
Green & Spiegel, Toronto, pour la requérante. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: La présente demande a été entendue en même temps que celle de l'époux de la requérante, Harbhajan Singh Washir, du greffe T-3539-81. Les faits importants sont identiques.
La requérante a été admise au Canada à titre de visiteuse. Elle a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Le Ministre a décidé qu'elle n'était pas une réfugiée. Elle a, en vertu de l'article 70 de la Loi sur l'immigration de 1976', présenté une demande de réexamen de sa revendication. Cet article est ainsi conçu:
70. (1) La personne qui a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention et à qui le Ministre a fait savoir par écrit, conformément au paragraphe 45(5), qu'elle n'avait pas ce statut, peut, dans le délai prescrit, présenter à la Commission une demande de réexamen de sa revendication.
(2) Toute demande présentée à la Commission en vertu du paragraphe (1) doit être accompagnée d'une copie de l'interro- gatoire sous serment visé au paragraphe 45(1) et contenir ou être accompagnée d'une déclaration sous serment du deman- deur contenant
a) le fondement de la demande;
b) un exposé suffisamment détaillé des faits sur lesquels repose la demande;
c) un résumé suffisamment détaillé des renseignements et des preuves que le demandeur se propose de fournir à l'audition; et
d) toutes observations que le demandeur estime pertinentes.
La demande était accompagnée d'une copie de l'interrogatoire, mais elle ne contenait pas la décla- ration sous serment prescrite par le paragraphe 70(2), ni n'était accompagnée de celle-ci. L'inti- mée a décidé:
[TRADUCTION] ... que ladite demande de réexamen est par les présentes rejetée pour vice de forme, la requérante ayant omis de déposer la déclaration conformément au paragraphe (2) de l'article 70 de la Loi sur l'immigration de 1976.
Une demande déposée devant la Cour d'appel fédérale en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale 2 a été retirée sur consentement, sur autorisation et sans qu'il soit porté atteinte au droit de déposer une demande ultérieure relative- ment au même sujet. L'intimée a, par la suite, entendu une requête tendant à permettre à la requérante de compléter sa demande en déposant la déclaration. L'intimée a rejeté la requête, au motif que l'omission n'était pas un simple [TRA- DUCTION] «vice procédural ou administratif, mais constituait un vice qui rendait effectivement nulle la demande».
' S.C. 1976-77, c. 52.
2 S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10.
Deux décisions sont donc attaquées, la première ayant rejeté la demande pour vice de forme, la seconde ayant refusé de permettre que le vice fût couvert. La requérante sollicite un bref de certio- rari qui annulerait la première décision, et un bref de mandamus qui enjoindrait à l'intimée de per- mettre à la requérante de compléter la demande par le dépôt de la déclaration ou, subsidiairement, un bref de mandamus qui ordonnerait à l'intimée d'entendre la demande, étant entendu que l'omis- sion de déposer la déclaration n'infirme pas la demande, c'est-à-dire d'entendre la demande sur la foi des documents qui l'accompagnaient.
L'intimée conteste la compétence de la présente Cour pour accorder le redressement demandé en se fondant sur le paragraphe 28(3) de la Loi sur la Cour fédérale, faisant valoir que les décisions atta- quées sont des décisions visées au paragraphe 28(1). Dans son examen de l'article 28 dans l'af- faire M.R.N. c. Coopers and Lybrand 3 , la Cour suprême du Canada dit ceci:
La compétence conférée par l'art. 28 à l'égard d'une demande d'examen et d'annulation ne vaut que dans le cas:
... d'une décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumis [sic] à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une commission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédures devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral .. .
Le texte compliqué de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale a soulevé de nombreuses difficultés, comme en témoigne la juris prudence, mais il semble clair que la Cour d'appel fédérale est compétente en vertu de cet article si l'on peut répondre affirma- tivement à chacune de ces quatre questions:
(1) Est-ce que l'objet de la contestation est une «décision ou ordonnance» au sens pertinent?
(2) Si c'est le cas, tombe-t-elle à l'extérieur de la catégorie exclue, c'est-à-dire s'agit-il d'une décision ou d'une ordon- nance «autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un pro- cessus judiciaire ou quasi judiciaire»?
(3) La décision ou ordonnance a-t-elle été rendue à l'occasion de «procédures»?
(4) L'organisme, ou la personne, dont la décision ou ordon- nance est contestée est-il un «office, commission ou autre tribunal fédéral» au sens de l'art. 2 de la Loi sur la Cour fédérale?
Pour ce qui est des décisions attaquées en l'es- pèce, la réponse à chacune des questions 2, 3 et 4 est incontestablement affirmative. Quant à la question 1, l'intimée fait valoir que toute décision
3 [1979] 1 R.C.S. 495 aux pp. 499 sqq.
qui tranche définitivement une affaire est une décision au sens pertinent. En l'espèce, les déci- sions étaient, dans ce sens, clairement finales.
Dans In re la Loi antidumping et in re Danmor Shoe Co. Ltd. 4 , la Cour d'appel fédérale a décidé que:
Une décision susceptible d'annulation en vertu de l'article 28(1) doit donc être une décision prise dans l'exercice ou le prétendu exercice d'«une compétence ou des pouvoirs» conférés par une loi du Parlement. Il va de soi qu'une décision du tribunal, prise en vertu d'«une compétence ou des pouvoirs» expressément conférés par la loi, est une «décision» relevant de cette catégo- rie. Une décision prise dans le prétendu exercice d'«une compé- tence ou des pouvoirs» conférés par la loi relève aussi manifeste- ment de l'article 28(1).
Autrement dit, une décision ou ordonnance qui relève de l'article 28 est une décision ou ordon- nance que le tribunal a le pouvoir exprès de rendre dans les procédures particulières et non une déci- sion ou ordonnance qui a, nécessairement mais par coïncidence, pour effet de mettre fin aux procédu- res. La compétence de la présente Cour sous le régime de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale s'étend aux décisions rendues.
Dans l'affaire Woldu c. Le ministre de la Main- d'oeuvre et de l'Immigration 5 , la Cour d'appel fédérale a examiné l'objet de la législation en vigueur à l'époque. Dans un jugement auquel a souscrit le juge suppléant MacKay, le juge Le Dain s'exprime en ces termes aux pages 220 et 221:
Aux termes de l'article 11 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, un avis d'appel fondé sur une demande de statut de réfugié doit contenir une déclaration assermentée énonçant la demande. Conformément à l'article 19 de la Loi, un appelant doit notifier son avis d'appel de la manière et dans les délais prescrits par les Règles de la Com mission. La Règle 4 des Règles de la Commission d'appel de l'immigration prévoit qu'un avis d'appel doit être signifié à l'enquêteur spécial «dans les vingt-quatre heures de la significa tion de l'ordonnance d'expulsion ou, à la discrétion du prési- dent, dans un délai d'au plus cinq jours». Sous le titre «Audition des appels», la Règle 17 prévoit que la Commission peut «permettre que l'on fasse des modifications aux arguments et preuves écrits». L'article 11(3) de la Loi dispose que, sur réception, par la Commission, d'un avis d'appel fondé sur une demande de statut de réfugié, un groupe de membres de la Commission formant quorum doit immédiatement examiner la déclaration. Des dispositions précitées il faut conclure que la Commission n'a pas le pouvoir de permettre de compléter ou d'améliorer un avis d'appel plus de six jours après la significa tion de l'ordonnance d'expulsion et que la loi l'oblige à exami ner immédiatement la déclaration assermentée.
4 [1974] 1 C.F. 22 la p. 28.
5 [1978] 2 C.F. 216.
Avec la promulgation de la Loi sur l'immigration de 1976 et l'abrogation de la législation examinée dans l'affaire Woldu, la législation en cette matière a subi un changement important.
Le paragraphe 11(3) de la Loi sur la Commis sion d'appel de l'immigration 6 est ainsi rédigé: 11....
(3) Nonobstant toute autre disposition de la présente loi, lorsque la Commission reçoit un avis d'appel et que l'appel se fonde sur une prétention visée par les alinéas (1)c) ou d), un groupe de membres de la Commission formant quorum doit immédiatement examiner la déclaration mentionnée au para- graphe (2). Si, se fondant sur cet examen, la Commission estime qu'il existe des motifs raisonnables de croire que le bien-fondé de la prétention pourrait être établi s'il y avait audition de l'appel, elle doit permettre que l'appel suive son cours; sinon, elle doit refuser cette autorisation et ordonner immédiatement, l'exécution aussi prompte que possible de l'or- donnance d'expulsion. [C'est moi qui souligne.]
alors que le paragraphe 71(1) de la loi actuelle porte ce qui suit:
71. (1) La Commission, saisie d'une demande visée au para- graphe 70(2), doit l'examiner sans délai. A la suite de cet examen, la demande suivra son cours au cas la Commission estime que le demandeur pourra vraisemblablement en établir le bien-fondé à l'audition; dans le cas contraire, aucune suite n'y est donnée et la Commission doit décider que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention. [C'est moi qui souligne.]
Sous le régime de l'ancienne loi, la demande ne devait être accompagnée que d'une déclaration sous serment énonçant les mêmes éléments que ceux prescrits par le paragraphe 70(2) de la Loi actuelle. Il n'était pas requis qu'elle soit accompa- gnée d'une copie de l'interrogatoire. Toujours sous l'empire de l'ancienne loi, l'intimée devait, unique- ment sur examen de la déclaration, décider si l'appel devrait suivre son cours. En vertu de la loi en vigueur, une copie de l'interrogatoire est de rigueur et l'intimée doit examiner la demande et non la déclaration.
Rien dans les nouvelles dispositions ne me permet d'arriver à une conclusion différente de celle tirée par la Cour d'appel dans l'affaire Woldu, savoir que l'intimée n'a nullement le pou- voir de permettre de compléter ou d'améliorer un avis d'appel au-delà du délai prescrit pour le faire. Les dispositions législatives pertinentes en vigueur
6 S.R.C. 1970, c. I-3, modifiée par S.C. 1973-74, c. 27, art. 5.
à l'époque ces décisions ont été rendues sont les articles 70 et 71 de la Loi. L'article 40 du Règle- ment sur l'immigration de 1978' et l'article 50 des Règles de la Commission d'appel de l'immigra- tion (1978) 8 expriment, à ce sujet, la même idée que les dispositions mentionnées dans l'affaire Woldu. Sous le régime de la Loi, l'exigence selon laquelle la demande doit être déposée dans le délai imparti est impérative.
Toutefois, sous le même régime, l'exigence selon laquelle la demande doit être accompagnée de la déclaration sous serment est simplement à titre d'indication. Il n'y a aucune raison valable pour qu'un requérant ne soit pas autorisé à soumettre, en même temps que la demande, la partie, grande ou petite, des documents d'appui prescrits qu'il désire, pourvu que le dépôt soit fait à temps. Etant donné la nature de la décision à rendre sous l'em- pire du paragraphe 71(1), toute omission de docu ments ne saurait faire échec à l'esprit de la loi, quelles que soient ses conséquences sur les chances de succès de la requérante.
Bien que rendue pour les mauvais motifs, la seconde décision était la bonne et doit être mainte- nue. La première décision sera infirmée et l'inti- mée devra examiner la demande telle qu'elle a été déposée.
' DORS/78-172. 8 DORS/78-311.
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