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T5254-81
Le gouvernement de la République d'Italie (Requérant)
c.
L'honorable juge Jean-Guy Boilard et Francesco Piperno (Intimés)
Division de première instance, le juge Addy— Montréal, 2 novembre; Ottawa, 4 novembre 1981.
Brefs de prérogative Mandamus et certiorari Extradi tion Demande visant l'obtention d'un bref de mandamus avec certiorari auxiliaire, ordonnant à l'intimé le juge Boilard d'accepter comme preuve les dépositions recueillies en Italie Le gouvernement de l'Italie tente d'obtenir l'extradition de l'intimé Piperno La décision du tribunal fut rendue au cours de l'audition, strictement dans le cadre de son devoir de trancher les questions d'admissibilité de preuve conformément aux lois canadiennes La loi canadienne ne permettrait . pas qu'une personne soit citée à procès pour une infraction sembla- ble commise au pays, sur la foi de simples affirmations La loi italienne prévoit l'usage d'affidavits et d'affirmations solennelles Requête rejetée Loi sur l'extradition, S.R.C. 1970, c. E-21, art. 13, 16 Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, c. E-10, art. 14(1), 15.
REQUÊTE. AVOCATS:
Joseph Nuss, c.r., pour le requérant. Michel Denis pour les intimés.
PROCUREURS:
Ahern, Nuss & Drymer, Montréal, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran- çais par
LE JUGE ADDY: Demande faite (en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10) pour obtenir un bref de mandamus avec un bref de certiorari en aide adressés à l'honorable juge Jean-Guy Boilard, lui ordonnant d'accepter comme preuve les déposi- tions recueillies en Italie et contenues dans les documents déposés devant lui le 21 octobre 1981 pour fins d'identification comme pièces VD -1 (VD -la); VD -2 (VD -2a); VD -4 (VD -4a); et VD -5 (VD -5a); et pour demander que soit cassé et annulé le jugement rendu par l'honorable juge
Jean-Guy Boilard le 22 octobre 1981, par lequel il a déclaré inadmissibles lesdites dépositions conte- nues dans lesdites pièces dans l'affaire de:
La demande par le Gouvernement de la République d'Italie pour l'extradition de Francesco Piperno du Canada en Italie. (Dossier District de Montréal, 500-27-14588-810 et 38-054-816.)
MOTIFS
(Résumé des motifs prononcés oralement à la fin de l'audience le lundi 2 novembre 1981 à Montréal. Ordonnance rejetant la requête émise le même jour.)
Cette requête ne peut être accordée pour deux raisons: premièrement: la nature même de la requête eu égard aux circonstances s'y rapportant; deuxièmement: le fond.
1. Nature et circonstances de la requête:
La demande est fondée uniquement sur une question d'admissibilité de preuve; il ne s'agit aucunement d'un excès de juridiction, d'un refus d'exercer une juridiction, d'un vice de fond dans les procédures devant le tribunal inférieur, d'un manque à la justice naturelle ou d'un refus d'en- tendre une des parties en cause. La décision du tribunal fut rendue au cours de l'audition stricte- ment dans le cadre de son devoir de trancher les questions d'admissibilité de preuve conformément aux dispositions des articles 13 et 16 de la Loi sur l'extradition, S.R.C. 1970, c. E-21, et de l'article 15 de la Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, c. E-10. L'enquête devant le tribunal n'est pas terminée et il existe en droit un recours (i.e. l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale) pour remédier à cette décision au cas elle serait erronée et que la décision finale en dépendrait.
2. Le fond:
J'accepte et j'entérine les motifs énoncés par le juge Boilard ainsi que la jurisprudence et les textes cités par celui-ci, sujet cependant aux remarques qui suivent concernant la cause R. c. Governor of Pentonville Prison, ex parte Singh'.
J'ajoute de plus:
(i) Pour la cause Singh, elle n'a aucune applica tion au Canada en autant qu'elle pourrait paraître
' [1981] 3 All E.R. 23.
valider devant les tribunaux canadiens l'admissibi- lité de toute preuve semblable à celle qui fut l'objet de l'ordonnance du juge Boilard présentée dans le cadre d'une procédure criminelle (voir l'article 13 de la Loi sur l'extradition).
(ii) J'accepte comme règle générale que tout traité devrait bénéficier d'une interprétation libé- rale et non rigoureuse de façon à favoriser l'épa- nouissement de l'entente entre les deux pays. Comme exception à ce principe général, cepen- dant, toute disposition dans un traité touchant la liberté de l'individu au Canada ou traitant de droit criminel ou pénal devrait toujours être sujette à une interprétation stricte en faveur de l'individu et de ses droits et non en faveur des pays signataires, puisque toute loi canadienne doit l'être dans de telles circonstances.
(iii) L'article 14 de la Loi sur l'extradition doit être appliqué en tenant compte des dispositions du paragraphe 15(1) de la Loi sur la preuve au Canada qui veut qu'une affirmation solennelle ne puisse servir en preuve dans une procédure crimi- nelle au lieu d'un témoignage assermenté que lors- que le témoin refuse d'être assermenté ou déclare qu'il lui répugne par scrupule d'être assermenté.
(iv) Lors d'une accusation devant un juge de paix, le témoignage doit être assermenté ou rendu en vertu d'une affirmation solennelle selon les dispositions du paragraphe 14(1) de la Loi sur la preuve au Canada. Il serait tout à fait inaccep- table que, dans une cause qui doit être entendue «de la même manière, autant que possible, que si le fugitif était traduit devant un juge de paix sous accusation d'un acte criminel commis au Canada» (voir l'article 13 de la Loi sur l'extradition), le tribunal puisse, par jugement exécutoire fondé sur des affirmations qui ne sont ni assermentées ni faites en vertu d'une déclaration solennelle confor- mément à l'article 16 de la Loi sur l'extradition, priver une personne de sa liberté et autoriser son arrestation ainsi que son transport à l'étranger pour répondre à une accusation criminelle, tandis qu'un juge de paix au Canada ne pourrait, en se fondant sur de simples affirmations, obliger cette même personne à subir son procès au Canada pour une offense semblable commise au pays.
(v) L'article 449 du Code de procédures de l'Italie prévoit l'usage d'affidavits. Il prévoit aussi l'usage d'affirmations solennelles. Des affidavits auraient pu vraisemblablement être obtenus et dûment authentiqués afin de servir en preuve ici au Canada devant le tribunal d'extradition même si ces documents n'eussent pas été obtenus dans le cadre de l'enquête originale devant le magistrat en Italie.
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