A-732-80
Hector Ivan Olguin Herrera (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge
suppléant Kelly—Toronto, 8 avril; Ottawa, 27
avril 1981.
Examen judiciaire — Immigration — Demande d'examen et
d'annulation d'une décision de la Commission d'appel de
l'immigration refusant de permettre de suivre son cours à une
demande de réexamen d'une revendication du statut de réfugié
— Il échet de déterminer si la Commission a eu raison de
prendre en considération une demande de résidence perma-
nente — Il échet de déterminer si la décision de la Commission
était fondée sur la preuve — Il échet de déterminer si la
Commission a montré qu'elle n'avait pas bien compris la
question qu'elle devait trancher — Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 45(1), 70 — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Il s'agit d'une demande, fondée sur l'article 28, tendant à
l'examen et à l'annulation d'une décision de la Commission
d'appel de l'immigration refusant de permettre de suivre son
cours à la demande du requérant que sa revendication du statut
de réfugié au sens de la Convention soit réexaminée. L'avocat
du requérant soutient que puisque la Commission doit, en vertu
de l'article 70 de la Loi, restreindre son examen à ce qui est
mentionné à cet article, la prise en considération d'une
demande de résidence permanente a faussé sa décision. Il
allègue en outre que la conclusion de la Commission qu'il était
invraisemblable «... que le requérant ait pu obtenir un passe-
port dans le bref délai de deux jours, vu la nécessité d'obtenir
au préalable un certificat de bonne vie et moeurs» équivaut à
une conclusion fondée sur aucune preuve. Il soutient aussi qu'en
décidant que la peur du requérant d'être persécuté pour des
motifs politiques n'était pas fondée, la Commission a montré
qu'elle n'avait pas bien compris la question qu'elle devait
trancher.
Arrêt: la demande est rejetée. A la lumière du dialogue entre
l'agent d'immigration qui présidait à l'interrogatoire et l'avocat,
et à la lumière de la correspondance qui suivit, l'agent d'immi-
gration a, à bon droit, considéré que l'avocat désirait produire
la demande aux fins de la procédure d'interrogatoire et que, par
conséquent, elle était obligée de l'envoyer comme faisant partie
du procès-verbal. L'ayant ainsi reçue, la Commission pouvait et
même—devait—l'examiner. Quant au deuxième moyen invo-
qué par l'avocat, la Commission n'a accordé aucune importance
à ces déclarations pour rendre sa décision. Que la Commission
ait ou non ajouté foi aux éléments mentionnés dans ces déclara-
tions, elle s'est fondée sur d'autres parties non contestées de la
preuve qui fondaient le refus de permettre à la demande de
réexamen de suivre son cours. Il ressort de l'ensemble de la
'décision de la Commission qu'elle a bien compris la nature de
la décision qu'elle était appelée à rendre et qu'elle n'a pas
commis les erreurs alléguées pour y arriver.
Et le juge Heald: La connaissance, par la Commission, de la
nécessité, pour celui qui demande un passeport au Chili, d'obte-
nir au préalable un certificat de bonne vie et moeurs, relève des
faits notoires portés à son attention dans l'exercice de ses
fonctions prévues par la loi, ainsi qu'il a été énoncé dans
l'affaire Maslej.
Arrêt appliqué: Maslej c. Le ministre de la Main-d'oeuvre
et de l'Immigration [1977] 1 C.F. 194. Distinction faite
avec l'arrêt: Gonzalez c. Le ministre de l'Emploi et de
l'Immigration [1981] 2 C.F. 781.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
B. Knazan pour le requérant.
M. Thomas pour l'intimé.
PROCUREURS:
Knazan, Jackman & Goodman, Toronto, pour
le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: J'ai lu les motifs prononcés
par mon collègue le juge suppléant Kelly pour son
jugement rendu en l'espèce. Je souscris à ce juge-
ment comme aux motifs qui l'expliquent. Je tiens
seulement à ajouter quelques remarques sur la
conclusion de la Commission, qui trouvait in-
vraisemblable [TRADUCTION] «... que le requé-
rant ait pu obtenir un passeport dans le bref délai
de deux jours, vu la nécessité d'obtenir au préala-
ble un certificat de bonne vie et moeurs.» L'avocat
du requérant soutient qu'en l'espèce, rien ne
permet d'établir qu'un certificat de bonne vie et
moeurs était la condition préalable à l'obtention
d'un passeport chilien, et que la Commission n'in-
diquant nullement dans les motifs de sa décision
qu'elle avait acquis cette information à travers
d'autres espèces, sa conclusion n'est fondée sur
aucune preuve, ce qui vicie sa décision à tel point
qu'il faut l'annuler. A l'appui de son argument,
l'avocat du requérant invoque la décision de cette
Cour Gonzalez c. Le ministre de l'Emploi et de
l'Immigration précitée à la page 781.
Dans cette affaire, la Cour a jugé:
1. Qu'il ne s'agissait pas de renseignements
qu'un tribunal pût constater d'office au cours
d'une procédure, ni d'un fait notoire, bien connu
de la Commission et du public comme dans l'es-
pèce Maslej'; et
2. Que les renseignements en cause avaient servi
de manière défavorable au requérant.
En ce qui concerne la seconde considération
susmentionnée, je conviens avec mon collègue
Kelly qu'il ne ressort pas de la décision de la
Commission qu'elle a fondé ses conclusions sur des
renseignements de ce genre.
En ce qui concerne la première considération,
l'analyse des renseignements en cause dans l'af-
faire Gonzalez (précitée) permet de distinguer cel-
le-ci de la présente espèce. Dans l'affaire Gonza-
lez, les renseignements en cause indiquaient que:
a) les autorités militaires chiliennes ne persécu-
taient pas, de la manière dont souffrait le requé-
rant, ceux qui s'adonnaient aux activités politi-
ques semblables à celles du requérant (ces
activités politiques étant considérées comme de
peu d'importance antérieurement à septembre
1973); et
b) au Chili, les détenus n'avaient droit ni aux
visites de leur famille ni aux absences temporai-
res.
A mon avis, ces renseignements sont tout à fait
différents de ceux en cause en l'espèce. La connais-
sance, par la Commission, de la nécessité, pour
celui qui demande un passeport au Chili, d'obtenir
au préalable un certificat de bonne vie et mœurs,
relève des faits notoires portés à son attention dans
l'exercice de ses fonctions prévues par la loi, ainsi
qu'il a été énoncé dans la décision Maslej
(précitée).
Par ces motifs, qui s'ajoutent à ceux prononcés
par le juge Kelly, je rejetterais la demande faite en
application de l'article 28.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Dans cette
demande fondée sur l'article 28, le requérant cher-
' Maslej c. Le ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immigra-
tion 11977] 1 C.F. 194.
the à faire infirmer une décision rendue par la
Commission d'appel de l'immigration le 15 octobre
1980 relativement à une demande de réexamen de
sa revendication du statut de réfugié au sens de la
Convention, décision qui refusait de permettre à la
demande de suivre son cours.
Je suis d'avis que les erreurs qui, selon l'avocat
du requérant, auraient vicié les procédures portées
devant la Commission d'appel de l'immigration,
séparément ou ensemble, ne constituent pas des
motifs justifiant l'annulation par cette Cour de la
décision de la Commission.
L'avocat du requérant a allégué que la Commis
sion a commis une erreur de droit en examinant
une [TRADUCTION] «demande de résidence perma-
nente» qui n'aurait pas dû lui être soumise. Les
circonstances dans lesquelles cette demande a été
portée à l'attention de la Commission sont impor-
tantes. Mention fut faite de la demande à l'interro-
gatoire sous serment du requérant en vertu de
l'article 45(1) de la Loi sur l'immigration de 1976,
S.C. 1976-77, c. 52, où John Tidball, un étudiant
en droit associé au Programme de services d'aide
communautaire et juridique comparut à titre
d'avocat pour le requérant. Le procès-verbal de
l'interrogatoire tenu le 20 novembre 1979 se lit en
partie comme suit:
[TRADUCTION] L'AGENT D'IMMIGRATION SUPÉRIEUR: L'in-
terrogatoire reprend. Toutes les mêmes personnes sont
présentes.
M. Olguin, votre avocat a mentionné que vous n'aviez pas
votre demande de résidence permanente dûment remplie mais
que vous aviez l'intention de la soumettre à l'avenir.
J'ai une question à vous poser; est-ce que les circonstances de
la mort de votre père ... est-ce qu'elles sont reliées de quelque
façon que ce soit avec ses activités politiques?
M. OLGUIN: Non.
L'AGENT D'IMMIGRATION SUPÉRIEUR: Avez-vous d'autres
documents ou d'autres éléments de preuve à présenter?
L'AVOCAT: Pas pour l'instant. J'ai l'intention de soumettre
une argumentation écrite.
L'AGENT D'IMMIGRATION SUPÉRIEUR: M. Olguin, auriez-
vous quelque chose à ajouter en ce moment?
M. OLGUIN: Non.
L'AGENT D'IMMIGRATION SUPÉRIEUR: Votre avocat a men-
tionné que vous nous feriez parvenir d'autres documents. Notre
bureau vous fera parvenir le procès-verbal des présentes procé-
dures et vous trouverez alors dans la lettre d'accompagnement
la date avant laquelle j'aimerais recevoir ces documents addi-
tionnels. Lorsque je les aurai reçus, j'enverrai le procès-verbal
du présent interrogatoire au comité sur les réfugiés.
Tidball envoya à l'agent d'immigration supé-
rieur qui avait procédé à l'interrogatoire une lettre
datée du 4 février 1980 qui se lit comme suit:
[TRADUCTION] Mademoiselle Harbin,
Objet: Hector Ivan Olguin, revendication du
statut de réfugié
Dossier M.E.I. numéro 3740-7255
Vous trouverez ci-joints la demande de résidence permanente
de M. Olguin dûment complétée, un affidavit de corrections
relatives à l'interrogatoire sous serment et mon argumentation
relative à la revendication de M. Olguin du statut de réfugié au
sens de la Convention. Nous espérons que tout est en règle et
que le procès-verbal ainsi que ces documents additionnels pour-
ront être envoyés au comité consultatif. Merci.
Je vous prie d'agréer, Mademoiselle, l'expression de ma
considération distinguée.
John Tidball
Programme de services d'aide
communautaire et juridique
Devant cette Cour, l'avocat du requérant pré-
tend que puisque la Commission devait limiter son
examen aux documents mentionnés à l'article 70,
son examen de la demande de résidence perma-
nente faussa sa décision.
A la lumière du dialogue entre l'agent d'immi-
gration qui présidait à l'interrogatoire et l'avocat,
et à la lumière de la correspondance qui suivit,
j'estime que l'agent d'immigration considéra à bon
droit que l'avocat désirait produire la demande aux
fins de la procédure d'interrogatoire et que, par
conséquent, elle était obligée de l'envoyer comme
faisant partie du procès-verbal. L'ayant ainsi
reçue, la Commission pouvait et même—devait—
l'examiner.
Les deuxième et troisième moyens invoqués pour
attaquer la décision de la Commission se rappor-
tent aux déclarations suivantes qui se trouvent
dans les motifs écrits de la Commission:
[TRADUCTION] La Commission estime également invraisem-
blable que le requérant ait pu obtenir un passeport dans le bref
délai de deux jours, vu la nécessité d'obtenir au préalable un
certificat de bonne vie et moeurs. La Commission a également
de la difficulté à croire que le requérant ait pu mettre ses
empreintes digitales et signer le passeport avant qu'il ne soit
prêt.
L'une et l'autre de ces déclarations semblent
mettre en doute la crédibilité des pièces auxquelles
elles se rapportent. Ni l'une ni l'autre ne semble
avoir amené la Commission à mettre en doute la
crédibilité du requérant même, pour ce qui a trait
à d'autres questions: que la Commission ait ajouté
foi à l'une ou l'autre ou l'une et l'autre de ces
déclarations ou qu'elle les ait rejetées ne semble
pas avoir été un facteur important dans sa décision
sur la question qui lui était soumise.
On peut sans doute interpréter la première de
ces déclarations comme exprimant une conclusion
à laquelle la Commission est arrivée en se fondant
sur des faits ou des circonstances qui ne ressortent
pas de la preuve qui lui avait été soumise régulière-
ment. Néanmoins, à la lecture de la totalité de la
décision de la. Commission, j'estime que la Com
mission n'a accordé aucune importance à ces dé-
clarations pour rendre sa décision. Que la Com
mission ait ou non ajouté foi aux éléments
mentionnés dans ces déclarations, elle s'est fondée
sur d'autres parties non contestées de la preuve
qui, selon moi, fondaient le refus de permettre à la
demande de réexamen de suivre son cours.
Enfin, l'avocat du requérant prétend que la
Commission, en déclarant dans sa décision que
[TRADUCTION] «La Commission est d'avis que la
peur de M. Olguin d'être persécuté pour des motifs
politiques n'est pas fondée», montrait qu'elle
n'avait pas bien compris la question qu'elle devait
trancher.
Sans doute la question que la Commission était
tenue de trancher était-elle de savoir si [TRADUC-
TION] «le demandeur pourrait vraisemblablement
établir le bien-fondé de sa revendication à l'audi-
tion». Je ne crois pas que l'emploi de cette version
tronquée des exigences essentielles à la preuve de
la revendication du requérant démontre que la
Commission ait commis une erreur relativement
au critère qu'elle appliqua. Le requérant employa
les mêmes mots dans son interrogatoire, pour
décrire le fondement de sa revendication du statut
de réfugié. Il ressort de l'ensemble de la décision
de la Commission qu'elle comprit bien la nature de
la décision qu'elle était appelée à rendre et qu'elle
ne commit pas les erreurs alléguées pour y arriver.
Je rejetterais la demande.
u *
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.