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A-269-79
Les propriétaires du navire Ermua, les affréteurs du navire Ermua, Naviera Vizcaina S.A., Inter - cast S.A., Cast Europe, N.V., Cast North America Limited, Cast Transportation Limited, Cast Ship ping Limited et Richmond Shipping Limited (Appelants)
c.
Coutinho, Caro & Co. (Canada) Ltd. (Intimée)
Cour d'appel, les juges Pratte et Ryan et le juge suppléant Hyde—Montréal, 10 février; Ottawa, 23 mars 1981.
Droit maritime Contrats Le connaissement mention- nait le nombre de palanquées et le nombre de cornières d'acier dans chacune d'elles mais portait une clause apposée au moyen d'un tampon indiquant que les marchandises n'avaient pas été vérifiées Appel de la décision du juge de première instance portant que la description des marchandises dans le connaissement constituait une preuve suffisante, à première vue, que chacune des palanquées contenait le nombre de pièces mentionnées dans la description Appel accueilli Loi sur le transport des marchandises par eau, S.R.C. 1970, c. C-15, annexe, article III, par. 3, 4, article IV, par. 5.
Il s'agit d'un appel contre une décision de la Division de première instance ordonnant aux appelants de verser à l'intimée une indemnité pour la perte d'acier. L'intimée a expédié 19 palanquées d'acier à bord du navire des appelants. Dans le connaissement, la description des marchandises mentionnait le nombre de palanquées et le nombre de cornières d'acier dans chacune d'elles. Il contenait également une clause apposée au moyen d'un tampon de caoutchouc indiquant que les marchan- dises n'avaient pas été vérifiées. A l'arrivée, il manquait plu- sieurs pièces d'acier dans les palanquées. L'intimée a réclamé une indemnité en se fondant sur la description des marchandi- ses contenues dans le connaissement pour établir la quantité d'acier expédiée. Il échet de déterminer si le juge de première instance a commis une erreur en décidant que le connaissement établissait, en l'absence de toute preuve contraire, que les palanquées contenaient le nombre de pièces y mentionnées.
Arrêt: l'appel est accueilli. Suivant le paragraphe 4 des Règles de La Haye, le connaissement vaudra présomption, sauf preuve contraire, de la réception des marchandises; toutefois, cette valeur probante ne s'applique qu'à la description faite conformément aux alinéas 3a), b) et c), c'est-à-dire à la décla- ration sans réserve que 19 palanquées avaient été embarquées. Ce paragraphe ne régit pas la valeur probante des mentions autres que celles exigées par le paragraphe 3; ni interdit-il que ces mentions additionnelles soient assorties de réserves par des clauses telle la clause «Poids, quantité et qualité inconnus».
Arrêts mentionnés: Falconbridge Nickel Mines Ltd. c. Chimo Shipping Ltd. [1974] R.C.S. 933; New Chinese Antimony Co., Ltd. c. Ocean Steamship Co., Ltd. [1917] 2 K.B. 664; Craig Line Steamship Co., Ltd. c. The North
British Storage and Transit Co. [1921] S.C. 114; Attor- ney -General of Ceylon c. Scindia Steam Navigation Co., Ltd. [1961] 2 Lloyd's Rep. 173; Pendle & Rivett, Ltd. c. Ellerman Lines, Ltd. 29 Ll. L. Rep. 133; Oricon Waren- Handelsgesellschaft M.B.H. c. Intergraan N.V. [1967] 2 Lloyd's Rep. 82; «Patagonier„ (Owners) c. Spear & Thorpe 47 LI. L. Rep. 59; Spanish American Skin Co. c. M/S Ferngulf, Etc. 1957 A.M.C. 611.
APPEL. AVOCATS:
David Claford et Robert Cypihot pour les
appelants.
Marc de Man pour l'intimée.
PROCUREURS:
Brisset, Bishop, Davidson & Davis, Montréal, pour les appelants.
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit d'un appel contre un jugement de la Division de première instance [[1979] 2 C.F. 528] ordonnant aux appelants de verser à l'intimée, en plus de la somme de $775 déjà consignée à la Cour avant le procès, un montant de $1,940.39, avec intérêts et dépens, à titre d'indemnité pour la perte d'une partie d'une cargaison d'acier.
L'intimée importe et distribue des produits d'acier au Canada. En 1974, elle a acheté à la compagnie-mère, en Allemagne, une quantité de cornières d'acier laminé à chaud. Ces cornières d'acier furent transportées du port d'Anvers à Montréal à bord du navire des appelants, l'Ermua. Elles furent livrées au navire liées séparément en 19 palanquées. Dans le connaissement délivré la description des marchandises embarquées men- tionnait non seulement le nombre de palanquées, mais aussi le nombre de cornières d'acier dans chacune d'elles, leurs dimensions, ainsi que le poids brut de chaque palanquée. On peut lire, au-dessus de la partie contenant la description des marchandises, l'indication suivante ajoutée au con- naissement au moyen d'un tampon de caoutchouc:
[TRADUCTION]
NOMBRE TOTAL DE non vérifiées quant à leur contenu mais PALANQUÉES 19 réputées contenir le nombre de pièces indiqué et avoir les dimensions et le poids indiqués.
L'Ermua arriva à Montréal le 18 ou 19 novem- bre 1974 et la cargaison fut déchargée. A la livraison à l'intimée, on s'aperçut qu'il manquait l'une des 19 palanquées, ainsi que, des autres palanquées, un nombre total de 12 pièces d'acier, les palanquées étant néanmoins encore toutes con- venablement liées. L'intimée a engagé des poursui- tes contre les appelants et réclamé une indemnité pour cette perte. Il est vrai que les appelants n'ont peut-être pas reçu plus d'acier à Anvers que ce qui a été livré à Montréal, mais l'intimée s'est fondée sur la description des marchandises dans le con- naissement pour établir la preuve du contraire.
Les appelants, pensant probablement que le con- naissement les empêchait, parce que constituant contre eux une sorte de fin de non-recevoir, de prétendre qu'ils n'avaient reçu que 18 palanquées, se sont reconnus responsables relativement à la palanquée manquante. Comme il était reconnu que ce transport de marchandises se faisait sous le régime de Règles identiques à celles énoncées dans la Loi sur le transport des marchandises par eau, S.R.C. 1970, c. C-15, les appelants ont invoqué les dispositions de l'article IV(5) de ces Règles relati- vement à la limitation de la responsabilité du transporteur à $500 par colis et, soutenant que chaque palanquée constituait un colis, ils ont con signé à la Cour un montant de $775 représentant le maximum de $500 susmentionné, plus les inté- rêts et les dépens.
Toutefois, les appelants ont nié toute responsabi- lité relativement aux 12 pièces d'acier manquantes dans les autres palanquées. Selon eux, la descrip tion des marchandises dans le connaissement, lue de concert avec l'indication ajoutée au moyen d'un tampon de caoutchouc, n'établit pas le nombre de pièces d'acier dans chacune des palanquées embar- quées à bord de l'Ermua. Ils soutiennent donc que l'intimée n'a pas prouvé que les 12 pièces man- quantes ont bien été livrées au navire, à Anvers.
Le juge Walsh, qui a entendu la cause, a rejeté cette dernière prétention des appelants. Il a décidé que la description des marchandises dans le con-
naissement constituait une preuve suffisante, à première vue, que chacune des palanquées embar- quées à bord de l'Ermua contenait le nombre de pièces mentionnées dans la description. En l'ab- sence de toute preuve directe établissant l'inexacti- tude de la description des marchandises dans le connaissement, il a conclu que l'intimée avait droit à une indemnité de $1,940.39 en compensation de la perte des 12 pièces manquantes. Quant à la palanquée manquante, le juge a décidé qu'elle constituait bien un «colis» et qu'en conséquence, le montant de '$775 consigné à la Cour par les appe- lants était suffisant.
Appel et appel incident ont été interjetés contre ce jugement.
J'examinerai en premier lieu l'appel incident. Le seul élément du jugement qui est attaqué par l'intimée est la conclusion que chacune des palan- quées embarquées à bord de l'Ermua constitue un «colis». Selon elle, une palanquée, n'étant pas emballée, ne constitue pas un «colis». A mon avis, il faut rejeter cet argument. Le «colis ou unité» mentionné à l'article IV, paragraphe 5 des Règles de La Haye est un élément de cargaison individua- lisé accepté par le transporteur'. Que cet élément soit ou non emballé ou mis en boîte n'a aucune importance. En l'espèce, il ressort clairement du connaissement que les éléments de cargaison que le transporteur a acceptés pour les transporter à Montréal étaient les 19 palanquées plutôt que les pièces d'acier que ces dernières étaient réputées contenir. Par ces motifs, je rejetterais l'appel incident.
Le seul point litigieux soulevé dans l'appel con- siste à savoir si le juge de première instance avait raison de conclure qu'en l'absence de toute preuve du contraire, le connaissement établit que les palanquées embarquées à bord de l'Ermua conte- naient le nombre de pièces y mentionnées.
Si, en l'espèce, le contrat de transport n'était pas régi par les Règles de La Haye, je n'aurais aucun doute quant à la réponse à donner à cette question.
' Voir: Falconbridge Nickel Mines Ltd. c. Chimo Shipping Limited [1974] R.C.S. 933.
Il est à présent établie, je crois, que, lorsqu'un transporteur délivre un connaissement spécifiant le poids, la quantité et la qualité des marchandises, mais ajoutant la mention [TRADUCTION] «Poids, quantité et qualité inconnus», ce connaissement ne constitue même pas une présomption quant au poids, à la quantité et à la qualité des marchandi- ses embarquées. Or, en l'espèce, la clause ajoutée au connaissement au moyen d'un tampon de caout- chouc équivaut à la mention susmentionnée. En conséquence, si les Règles de La Haye n'étaient pas applicables, cette clause aurait complètement détruit la valeur probante de la description du contenu des palanquées dans le connaissement.
Faut-il arriver à une autre conclusion parce que les Règles de La Haye sont applicables? Je ne le pense pas. Les paragraphes 3 et 4 de l'article III des Règles se lisent ainsi:
3. Après avoir reçu et pris en charge les marchandises, le transporteur ou le capitaine ou agent du transporteur devra, sur demande du chargeur, délivrer au chargeur un connaissement portant, entre autres choses:
a) les marques principales nécessaires à l'identification des marchandises telles qu'elles sont fournies par écrit par le chargeur avant que le chargement de ces marchandises ne commence pourvu que ces marques soient imprimées ou apposées clairement de toute autre façon sur les marchandi- ses non emballées ou sur les caisses ou emballages dans lesquelles les marchandises sont contenues, de telle sorte qu'elles devraient normalement rester lisibles jusqu'à la fin du voyage;
b) ou le nombre de colis, ou de pièces, ou la quantité ou le poids, suivant les cas, tels qu'ils sont fournis par écrit par le chargeur;
c) l'état et le conditionnement apparents des marchandises.
Cependant aucun transporteur, capitaine ou agent du trans- porteur, ne sera tenu de déclarer ou de mentionner, dans le connaissement des marques, un nombre, une quantité ou un poids, dont il a une raison sérieuse de soupçonner qu'ils ne représentent pas exactement les marchandises actuellement reçues par lui, ou qu'il n'a pas eu des moyens raisonnables de vérifier.
4. Un tel connaissement vaudra présomption, sauf preuve contraire, de la réception par le transporteur des marchandises telles qu'elles y sont décrites conformément au paragraphe 3a), b) et c).
Le connaissement invoqué par l'intimée satisfait aux exigences du paragraphe 3. Suivant l'alinéa b) de ce paragraphe, le transporteur est seulement
2 Voir: New Chinese Antimony Co., Ltd. c. Ocean Steamship Co., Ltd. [1917] 2 K.B. 664; The Craig Line Steamship Co., Ltd. c. The North British Storage and Transit Co. [1921] S.C. 114; Attorney -General of Ceylon c. Scindia Steam Navigation Co., Ltd. [1961] 2 Lloyd's Rep. 173.
tenu de déclarer le nombre de colis ou la quantité ou le poids. En l'espèce, le connaissement déclare le nombre de colis, et, en plus, contient une des cription du contenu de ces derniers, avec une clause ajoutée au moyen d'un tampon de caout- chouc qui assortit cette description d'une réserve et qui la réduit à néant.
Je ne vois rien dans les paragraphes 3 et 4 qui entraînerait la nullité d'un tel connaissement ou qui modifierait ses effets juridiques normaux. Il est vrai que, suivant le paragraphe 4, un tel connaisse- ment vaudra présomption, sauf preuve contraire, de la réception des marchandises; toutefois, cette valeur probante se rapporte seulement à la descrip tion faite conformément aux dispositions du para- graphe 3a),b) et c), c'est-à-dire, en l'espèce, à la déclaration sans réserve que 19 palanquées avaient été embarquées à bord de l'Ermua. Suivant mon interprétation, ce paragraphe ne régit pas la valeur probante des mentions autres que celles exigées par le paragraphe 3; et il n'interdit pas que ces mentions additionnelles soient assorties de réserves par des clauses telles que «Poids, quantité et qua- lité inconnus» 3 .
Pour ces motifs, je ferais droit à l'appel et rejetterais l'appel incident. J'annulerais le juge- ment de la Division de première instance et je déclarerais que la somme de $775 consignée à la Cour suffit pour libérer les appelants de toute responsabilité envers l'intimée; j'ordonnerais à l'in- timée de payer aux appelants leurs dépens devant cette Cour ainsi que leurs dépens faits en Division de première instance après la date la somme de $775 a été consignée à la Cour, l'intimée ayant droit à ses dépens en Division de première instance jusqu'à la date de ce versement.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je souscris aux motifs du jugement prononcés par le juge Pratte.
3 Voir: Attorney -General of Ceylon c. Scindia Steam Navi gation Co., Ltd. [précitée]; Pendle & Rivett, Ltd. c. Ellerman Lines, Ltd. 29 Ll. L. Rep. 133; Oricon Waren-Handelsgesell- schaft M.B.H. c. Intergraan N.V. [1967] 2 Lloyd's Rep. 82.
A mon avis, la jurisprudence sur laquelle il s'est fondé relativement à l'effet de la clause ajoutée au connaissement au moyen d'un tampon de caout- chouc doit être préférée à celle citée par le juge de première instance 4 . J'annulerais donc le jugement dont appel et déclarerais que le montant de $775 consigné à la Cour suffit pour libérer les appelants de toute responsabilité envers l'intimée, les dépens étant alloués conformément au jugement du juge Pratte.
4 «Patagonier» (Owners) c. Spear & Thorpe 47 Ll. L. Rep. 59; Spanish American Skin Company c. M/S Ferngulf, Etc. 1957 A.M.C. 611.
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