T-1778-81
Henry John Dolack (Demandeur)
c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion dans le gouvernement du Canada (Défendeur)
Division de première instance, le juge suppléant
Nitikman—Saskatoon, 8 avril; Winnipeg, 13 mai
1981.
Immigration — Demande de permis d'entrer au Canada —
Le demandeur réside aux États-Unis — L'épouse du deman-
deur, citoyenne canadienne, a intenté au Canada une action en
séparation contre lui — Refus d'accorder au demandeur un
permis lui permettant d'assister à l'interrogatoire préalable —
Sollicitation par le demandeur d'une ordonnance provisoire
ordonnant au défendeur de délivrer les permis propres à lui
permettre d'entrer au Canada pour conduire sa défense — Il
échet d'examiner si le refus du défendeur va à l'encontre des
art. la),b) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits,
comme l'a prétendu le demandeur — Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 37(1)a),(4) — Déclaration
canadienne des droits, S.C. 1960, c. 44 [S.R.C. 1970, Appen-
dice III], art. 1a),b), 2e) — The Matrimonial Property Act,
S.R.S. 1978, c. M-6.1, art. 4, 43.
En 1975, le demandeur a épousé une citoyenne canadienne.
Par la suite, son épouse et lui allèrent s'installer aux États-Unis,
où ils résidèrent jusqu'à leur retour au Canada en 1980. A la
suite de problèmes conjugaux, l'épouse du demandeur saisit
l'Unified Family Court de la Saskatchewan d'une action en
séparation. En décembre 1980, le demandeur retourna aux
États-Unis, où il vit actuellement. Il chercha à revenir au
Canada pour assister à l'interrogatoire préalable, mais ne réus-
sit pas à obtenir un permis à cette fin. Le demandeur sollicite
maintenant une ordonnance provisoire qui enjoindrait au minis-
tre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration de délivrer les
permis propres à lui permettre d'entrer au Canada pour donner
des instructions à son avocat et pour diriger sa défense dans
l'action intentée devant l'Unified Family Court. D'après le
demandeur, le refus par le Ministre d'accorder un permis va à
l'encontre des articles l a) et b) et 2e) de la Déclaration
canadienne des droits parce que cela le prive ainsi du droit de
jouissance de ses biens et du droit à une audition impartiale.
Arrêt: la demande d'ordonnance de l'avis de requête est
rejetée. Les articles l a) et b) et 2e) de la Déclaration cana-
dienne des droits ne s'appliquent qu'aux personnes vivant au
Canada et non à celles vivant à l'étranger. Le fait qu'un
non-résident du Canada ait des intérêts dans un bien ou des
prétentions sur un bien de quelque nature que ce soit au
Canada, n'affecte nullement le droit du Ministre de refuser un
permis d'entrée si le requérant appartient à une catégorie non
admissible, comme c'est le cas du demandeur. La décision du
Ministre est une décision administrative, qui relève bien de son
pouvoir discrétionnaire. La décision de refuser d'accorder un
permis a été rendue après examen complet du cas. Dans sa
décision, le Ministre a soigneusement et équitablement examiné
tous les faits et exercé son pouvoir discrétionnaire de façon
judiciaire. Finalement, la décision du Ministre ne viole pas la
Convention des Nations-Unies relative au statut des réfugiés.
REQUÊTE.
AVOCATS:
D. Kovatch pour le demandeur.
D. Curliss pour le défendeur.
PROCUREURS:
Mitchell -Ching, Saskatoon, pour le deman-
deur.
Le sous-procureur général du Canada pour le
défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT NITIKMAN: Le demandeur
(Dolack) vit aux États-Unis d'Amérique. Le 6
septembre 1975, il a épousé à Biggar, en Saskatch-
ewan, Diana Elaine Meger, citoyenne canadienne.
Par la suite, Dolack et son épouse allèrent s'ins-
taller aux États-Unis, où ils résidèrent jusqu'en
1980. Aucun enfant n'est né du mariage. En 1980,
le couple retourna à Biggar, en Saskatchewan.
De retour à Biggar, ils s'adonnèrent à l'exploita-
tion agricole. Une terre de 640 acres, des immeu-
bles et d'autres articles ont été enregistrés sous le
nom de l'épouse. Le matériel agricole a été trans-
féré à Dolack età son épouse. La preuve ne révèle
ni l'auteur ni la base dudit transfert.
L'épouse, qui était de citoyenneté canadienne,
pouvait revenir au Canada, mais à Dolack, qui
appartenait à une catégorie non admissible, a été,
selon l'affidavit de l'agent d'immigration supérieur
Danny William Dahl, de la ville de Saskatoon, en
Saskatchewan, délivré, en application de l'article
37(1)a) de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, c. 52, un permis l'autorisant à entrer au
Canada et à y demeurer jusqu'en janvier 1981. Il
appert que ce permis a été délivré par suite de
l'intervention des parents de l'épouse auprès du
ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration
(le Ministre) dans le gouvernement du Canada.
Des problèmes conjugaux s'élevèrent entre
Dolack et son épouse, et vers la fin de décembre de
1980, celle-ci saisit l'Unified Family Court du
centre judiciaire de Saskatoon de la demande de
redressement suivante:
[TRADUCTION] 4. a) En vertu de The Matrimonial Property
Act:
1) Une ordonnance de partage des biens conjugaux;
2) Une ordonnance, en application de l'article 27 de The
Matrimonial Property Act, enjoignant à l'intimé de déposer à
la Cour une déclaration faisant état de tous ses biens conju-
gaux, où qu'ils soient, de toute disposition par lui des biens
conjugaux au cours des deux années précédentes et de toutes
dettes et de tous engagements.
b) Conformément à The Unified Family Court Act:
1) Une ordonnance enjoignant à la requérante et à l'intimé
de déposer une déclaration complète sous serment selon la
formule U.F.C. 3;
2) Une ordonnance prescrivant l'interrogatoire préalable
de chacune des parties en cause;
3) Toute autre ordonnance que l'avocat pourra suggérer et
que la présente Cour jugera à propos de rendre.
c) Que Diana Dolack obtienne la possession exclusive du
terrain agricole, des terres (S 1/2 de 23-37-15, N.-0. 1/4 de
11-37-15, S.-E. 1/4 de 22-37-15 et N.-O. 1/4 de 8-37-14), et
du matériel agricole, et ne puisse disposer de tout acti: ou de
produits agricoles provenant des terres sans que la Cour
l'ordonne.
d) Conformément au Matrimonial Property Act:
1) Une ordonnance interdisant, en application de l'article
29(1) de ladite loi, toute cession, donation, aliénation ou
soustraction des biens conjugaux.
e) Tout autre redressement que l'avocat pourra suggérer et
que la présente Cour jugera à propos d'accorder.
Par l'entremise de son procureur Douglas J.
Kovatch (Kovatch), du cabinet Mitchell -Ching de
Saskatoon, en Saskatchewan, Dolack a déposé une
défense demandant entre autres le rejet des
demandes présentées dans sa requête par l'épouse;
la délivrance, en vertu de The Matrimonial Prop
erty Act, S.R.S. 1978, c. M-6.1, d'une ordonnance
qui déclarerait les intérêts de l'intimé dans les
biens conjugaux (décrits de façon précise) et d'une
autre ordonnance portant partage du matériel
agricole, des comptes de banque et de tout autre
actif conjugal.
Une déclaration d'affaire en instance contre les
biens conjugaux a été également déposée au nom
de Dolack.
Dans un affidavit, Kovatch a affirmé notam-
ment ce qui suit:
[TRADUCTION] 8. QUE lors de la première visite de John
Dolack à notre bureau, il nous a informé que le permis qui lui
avait été délivré par le Ministre ne l'autorisait pas à chercher
du travail au Canada. Il nous a en outre déclaré, et je crois que
cela est conforme à la vérité, qu'en raison de sa séparation
d'avec son épouse, il n'avait aucun moyen de subsistance au
Canada. Par conséquent, il était obligé de retourner aux États-
Unis pour obtenir un emploi.
9. QUE ledit John Dolack m'a appelé à maintes reprises depuis
décembre 1980, et m'a informé qu'il avait déjà un emploi aux
États-Unis. Il a en outre ordonné à notre bureau de prendre des
dispositions pour les interrogatoires préalables, en vue de l'ac-
tion devant l'Unified Family Court. Conformément aux ins
tructions de notre client, j'ai veillé à ce que l'interrogatoire
préalable relatif à l'action devant l'Unified Family Court soit
tenu le 18 février 1981. Après quoi, j'ai pris contact avec le
ministère de l'Immigration à Saskatoon et à Regina pour
demander que ledit John Dolack soit autorisé à entrer au
Canada en vue de cet interrogatoire.
10. LE 13 février 1981 ou vers cette date, j'ai parlé au téléphone
avec W. L. Vanderguard, un agent d'immigration du bureau
régional des Prairies à Regina. Il m'a informé que le ministre
de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration n'était pas disposé, à
cette époque, à accorder à John Dolack un permis d'entrer au
pays. Il m'a en outre déclaré qu'il devait soumettre un rapport
complet au Ministre.
L'affidavit énonce en outre que, le 26 février
1981 ou vers cette date, le cabinet a reçu des
procureurs de l'épouse une lettre disant notam-
ment ceci:
[TRADUCTION] Nous nous rendons compte des problèmes aux-
quels vous avez dü faire face en tentant d'obtenir l'autorisation
pour votre client d'entrer au Canada. Nous devons toutefois
vous informer que si vous n'êtes pas en mesure de faire compa-
raître votre client pour l'interrogatoire, nous demanderons, au
nom de notre cliente, que soit rendu jugement. Notre cliente ne
désire pas voir ces procédures se poursuivre indéfiniment et
souhaite que celles-ci aboutissent dans un proche avenir.
Toujours selon l'affidavit, le 26 février 1981,
Kovatch a écrit, à l'attention de M. Bill Vander-
guard, une lettre à la Commission de l'emploi et de
l'immigration du Canada, une copie de la lettre
reçue des procureurs de l'épouse y étant jointe,
pour faire remarquer ce que lesdits procureurs
avaient l'intention de faire si Dolack ne se présen-
tait pas pour l'interrogatoire, et pour faire savoir
que le défaut de comparution pour fins de l'inter-
rogatoire pourrait entraîner la radiation de la
défense de Dolack et le prononcé d'un jugement en
faveur de son épouse si les procureurs de celle-ci le
demandaient à la Cour. La lettre est assez longue
et je n'en ai résumé qu'une partie. J'estime toute-
fois qu'il y a lieu de citer la dernière partie de cette
lettre, puisqu'on peut y relever certains faits
importants:
[TRADUCTION] Nous vous avisons par la présente qu'avant son
entrée au Canada, nous demanderons à l'Unified Family Court
de rendre une ordonnance qui interdirait à M. Dolack de
pénétrer dans le domaine agricole de Biggar. Les avocats de
Mme Dolack ont déjà fait savoir qu'ils acquiesceraient à cette
ordonnance. Avec leur consentement, et comme nous allons
solliciter cette ordonnance au nom de notre client et à son
encontre, nous nous attendons à l'obtenir facilement. Cette
ordonnance une fois rendue, nous estimons que la G.R.C.
pourrait arrêter M. Dolack s'il pénétrait dans la propriété
agricole.
A ce sujet, nous avons informé M. Dolack des inquiétudes de
votre ministère au sujet de la sécurité de l'épouse et de la
famille de celle-ci s'il venait au pays. Nous lui avons aussi fait
savoir que s'il n'obtenait pas l'autorisation d'entrer au pays,
cela entraînerait des conséquences catastrophiques pour lui
dans l'action en partage des biens conjugaux. Il nous a dit qu'il
n'avait nullement l'intention de compromettre son action en
partage des biens conjugaux en violant la propriété de l'épouse
ou en prenant contact avec la famille.
Compte tenu de tout ce qui précède, nous estimons que nous
avons adéquatement réglé toutes les préoccupations du minis-
tère de l'Immigration au sujet de l'admission de M. Dolack au
pays. Nous croyons avoir également prouvé l'importance pour
M. Dolack d'obtenir du Ministre un permis. Nous vous saurions
gré de réexaminer l'affaire et de nous faire savoir s'il vous est
possible d'accorder à M. Dolack l'autorisation d'entrer au pays.
Camionneur de métier aux États-Unis, M. Dolack se déplace
constamment. Il se peut qu'il doive faire un long voyage pour
arriver à temps à Saskatoon en vue de l'interrogatoire préala-
ble. Aussi devons-nous avoir obtenu une décision en la matière
au plus tard le vendredi 6 mars 1981.
Pour toutes questions et observations de votre part, nous vous
prions de prendre contact avec notre bureau. Nous espérons que
la présente vous donnera satisfaction et que votre réponse nous
parviendra sous peu.
Par lettre datée du 6 mars 1981, Vanderguard,
chef, Direction de l'exécution de la loi, Emploi et
Immigration Canada à Regina, en Saskatchewan,
a répondu à Kovatch dans ces termes:
[TRADUCTION] J'accuse réception de votre lettre datée du 26
février 1981 relativement à votre client Henry John DOLACK.
Les renseignements dont vous m'avez fait part dans votre lettre
ont été soumis à notre administration centrale pour examen,
ainsi que les observations personnelles que vous avez faites au
nom de votre client à la mi-février 1981.
L'administration centrale m'informe qu'après examen complet
de ce cas, il a été décidé qu'il n'y avait pas lieu de délivrer à
votre client un permis l'autorisant à retourner au Canada aux
fins de l'interrogatoire préalable du 16 mars 1981. Je sais que
cette nouvelle sera décevante pour vous et votre client et je
regrette que nous ne puissions vous être utile à ce sujet. [C'est
moi qui souligne.]
Par la suite, une déclaration a été déposée à la
Cour fédérale du Canada, Division de première
instance. Henry John Dolack y figurait comme
demandeur, et le ministre de la Main-d'oeuvre et
de l'Immigration comme défendeur. Il y est
demandé le redressement suivant:
[TRADUCTION] a) Le prononcé d'une ordonnance qui enjoin-
drait au ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration
d'accorder au demandeur les permis propres à lui permettre
d'entrer au Canada pour participer aux procédures judiciai-
res régulièrement intentées devant l'Unified Family Court de
Saskatchewan, et aussi pour donner des instructions à son
avocat dans la conduite de l'action intentée devant ladite
Cour;
b) Des dommages-intérêts pour le refus illégal d'accorder au
demandeur les permis propres à lui permettre d'entrer au
Canada pour qu'il participe au processus judiciaire de la
Saskatchewan, et pour qu'il dirige son action devant l'Uni-
fied Family Court de la Saskatchewan.
La déclaration porte un cachet en date du 12
mars 1981. Le 16 mars 1981, un avis de requête a
été déposé pour le compte de Dolack:
[TRADUCTION] ... tendant à la délivrance d'une ordonnance
provisoire qui enjoindrait au ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration de délivrer au demandeur les permis propres à
lui permettre d'entrer au Canada pour donner des instructions à
son avocat et pour diriger sa défense dans l'action intentée
devant l'Unified Family Court de la Saskatchewan.
Sur la base des motifs suivants:
(1) Que le refus par le ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration d'accorder au demandeur des permis d'entrer au
Canada l'a empêché de comparaître devant une cour provin-
ciale de la Saskatchewan et, par conséquent, l'a privé du droit
de jouissance de ses biens sans application régulière de la loi,
contrairement à l'article 1A) de la Déclaration canadienne des
droits;
(2) Que le refus persistant par le ministre de la Main-d'oeuvre
et de l'Immigration d'accorder au demandeur un permis d'en-
trer au Canada l'a empêché de comparaître devant une cour
provinciale de la Saskatchewan et l'a privé du droit à une
audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice
fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations,
contrairement à l'article 2E) de la Déclaration canadienne des
droits.
Désormais, lorsque cela s'y prêtera, j'utiliserai le
terme demandeur pour désigner Dolack et, indiffé-
remment, les termes défendeur ou Ministre pour
désigner le Ministre.
A l'appui de la requête tendant à la délivrance
d'une ordonnance provisoire qui ordonnerait au
Ministre d'accorder au demandeur les permis pro-
pres à lui permettre d'entrer au Canada pour
donner des instructions à son avocat et conduire sa
défense dans l'action intentée devant l'Unified
Family Court de la Saskatchewan, l'avocat du
demandeur a fait valoir en premier lieu que le
refus par le Ministre d'accorder un permis allait à
l'encontre des articles la) et b) et 2e) de la Décla-
ration canadienne des droits, S.C. 1960, c. 44
[S.R.C. 1970, Appendice III], lesquels sont ainsi
conçus:
1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de
l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont
existé et continueront à exister pour tout individu au Canada
quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa
religion ou son sexe:
a) le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la
personne ainsi qu'à la jouissance de ses biens, et le droit de ne
s'en voir privé que par l'application régulière de la loi;
b) le droit de l'individu à l'égalité devant la loi et à la
protection de la loi;
2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du
Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobs-
tant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et
s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou
enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et
déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la
diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du
Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme
e) privant une personne du droit à une audition impartiale de
sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la
définition de ses droits et obligations;
L'article 37(1)a) et (4) de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976 est ainsi rédigé:
37. (1) Le Ministre peut délivrer un permis écrit autorisant
une personne à entrer au Canada ou à y demeurer. Peuvent se
voir octroyer un tel permis
a) les personnes faisant partie d'une catégorie non admissi
ble, désireuses d'entrer au Canada, ou
(4) Le Ministre peut, par écrit et à tout moment, proroger la
durée de validité d'un permis ou l'annuler.
Il est clair que le demandeur appartenant à une
catégorie non admissible, c'est sous le régime de
l'article 37(1)a) qu'il a obtenu un permis limité
l'autorisant à entrer au Canada et à y demeurer
jusqu'au 18 janvier 1981.
Le demandeur est retourné aux États-Unis en
décembre 1980, selon le paragraphe 6 de sa décla-
ration, lequel est ainsi conçu:
[TRADUCTION] Ne pouvant obtenir légalement d'emploi au
Canada, le demandeur est rentré aux États-Unis en décembre
1980, où il travaille depuis.
Je suis convaincu que les articles l a) et b) et 2e)
ne s'appliquent qu'aux personnes vivant au Canada
et non à celles vivant à l'étranger.
L'avocat du demandeur fait valoir aussi que ce
dernier a acquis certains droits après son admis-
sion au Canada, soit ses intérêts réclamés dans les
biens et le matériel conjugaux en Saskatchewan, et
que cela fait obstacle au pouvoir discrétionnaire du
Ministre de refuser le droit d'entrer au Canada au
demandeur, refus ayant pour conséquence de
priver ce dernier du droit d'avoir accès à l'Unified
Family Court. A l'appui de cet argument, il invo-
que l'article 4 de The Matrimonial Property Act,
qui est ainsi conçu:
[TRADUCTION] 4. Si un conjoint a droit de jouissance sur le
logement ou les meubles conjugaux, ce droit est partagé entre
les deux conjoints dans leurs rapports l'un envers l'autre, sous
réserve:
a) des dispositions de l'article 43;
b) de toute ordonnance rendue sous le régime des articles 5, 6
ou 8 prescrivant que le droit de jouissance sur le logement ou
les meubles conjugaux, selon le cas, appartient à un conjoint
à l'exclusion de l'autre;
c) de toute autre ordonnance rendue sous le régime de la
présente loi, à moins que la cour n'en ordonne autrement;
d) de toute autre ordonnance relative au droit de jouissance
sur le logement ou les meubles conjugaux rendue par un
tribunal compétent avant l'entrée en vigueur de la présente
loi;
e) de tout contrat intervenu entre les époux ou, lorsque le
tribunal le juge à propos, de toute autre convention écrite
entre ces derniers.
L'article 43 dont il a été fait mention dans
l'article 4, est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] 43. Aucune disposition de la présente loi
n'investit un conjoint d'un droit ou d'un intérêt dans un bien
conjugal appartenant à l'autre conjoint, et le conjoint qui est
propriétaire de ce bien peut, sous réserve des dispositions du
paragraphe 18(2) et des articles 28 et 50, de tout contrat
intervenu entre les conjoints, et de toute ordonnance rendue par
un tribunal conformément à la présente loi, vendre, donner en
location, hypothéquer, nantir, réparer, améliorer, démolir, con
sumer ou autrement aliéner ce bien ou en disposer comme si la
présente loi n'existait pas.
Je trouve cet argument sans grand fondement.
Le simple fait qu'un non-résident du Canada ait
des intérêts dans un bien ou des prétentions sur un
bien de quelque nature que ce soit au Canada,
n'affecte nullement le droit du Ministre de refuser
un permis d'entrée si le requérant appartient à une
catégorie non admissible, comme c'est le cas pour
Dolack. Son avocat a cité un certain nombre de
décisions, notamment Le procureur général du
Canada c. Bliss [1978] 1 C.F. 208 et Le ministre
de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Har-
dayal [1978] 1 R.C.S. 470. Or, aucune de ces
décisions ne s'applique en l'espèce.
En plus des motifs déjà donnés pour lesquels les
dispositions de la Déclaration canadienne des
droits ne s'appliquent pas en la cause, je ferai
remarquer que la décision du Ministre est une
décision administrative, qui relève bien de son
pouvoir discrétionnaire et que, par conséquent, les
articles précités de la Déclaration canadienne des
droits ne s'appliquent pas. Voir In re McCaud
(1964) 43 C.R. 252.
Pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire du
Ministre et de la question de savoir s'il a exercé ce
pouvoir de façon judiciaire, j'ai, à l'audience, inter-
rogé l'avocat sur l'absence des motifs écrits de la
décision du Ministre. L'avocat du Ministre a
déclaré qu'il était tout à fait disposé à informer la
Cour desdits motifs et que l'avocat du demandeur
connaissait bien ces derniers. L'avocat du deman-
deur a alors affirmé qu'il ne s'intéressait pas aux
motifs de la décision du Ministre et n'entendait
pas faire porter la contestation sur ce point.
De plus, dans la lettre susmentionnée du 6 mars
1981 adressée à Kovatch, Vanderguard écrivait
notamment que:
[TRADUCTION] L'administration centrale m'informe qu'après
examen complet de ce cas, il a été décidé qu'il n'y avait pas lieu
de délivrer à votre client un permis l'autorisant à retourner au
Canada aux fins de l'interrogatoire préalable du 16 mars 1981.
[C'est moi qui souligne.]
J'en conclus que le Ministre a soigneusement et
équitablement examiné tous les faits et a exercé
son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.
L'avocat du demandeur fait valoir en outre que
la décision du Ministre viole la Convention des
Nations-Unies [relative au statut des réfugiés]. Il
a été statué sur cette question dans l'arrêt Le
ministre de l'Emploi et de l'Immigration c.
Hudnik [1980] 1 C.F. 180. Il s'agissait d'un appel
formé contre l'ordonnance par laquelle la Division
de première instance ([1979] 2 C.F. 82) avait
enjoint à l'appelant (le Ministre) de statuer sur la
demande de statut de réfugié de l'intimé. Le juge
Pratte, qui rendait le jugement de la Cour d'appel
fédérale, dit ceci à la page 181:
Le jugement de la Division de première instance, selon mon
interprétation, est basé sur l'hypothèse qu'il incombait à l'appe-
lant, en vertu de la Convention des Nations-Unies relative au
statut des réfugiés et de la Loi sur l'immigration de 1976,
d'examiner la demande présentée par l'intimé. A mon avis,
cette hypothèse est mal fondée.
La Convention des Nations-Unies ne fait pas partie, en tant
que telle, du droit canadien, et il est évident qu'elle n'impose
aucune obligation à l'appelant.
L'arrêt Le ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration c. Fuentes [1974] 2 C.F. 331, a
également statué sur cette question. Le juge
Pratte, qui, dans cette affaire également, rendait le
jugement de la Cour, s'exprime en ces termes à la
page 337:
«La Convention des Nations Unies relative au statut des
réfugiés» n'est mentionnée qu'une fois dans la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration; c'est dans la définition
du mot «Convention» que donne l'article 2. Cette définition n'a
d'autre but que de préciser le sens de l'expression «réfugié que
protège la Convention» qui est employée à l'article 11(1)c) et à
l'article 15(1 )b).
Il poursuit, à la page 338:
Le fait que la Loi sur la Commission d'appel de l'immigra-
tion fasse mention de la Convention des Nations Unies relative
au statut des réfugiés n'a donc pas pour effet d'incorporer au
droit interne canadien l'interdiction que contient cette Conven
tion de déporter des réfugiés. En conséquence, une ordonnance
d'expulsion n'est pas invalide du seul fait qu'elle a été pronon-
cée contre un réfugié que protège la Convention.
Par ces motifs, la demande d'ordonnance de
l'avis de requête est rejetée.
A la clôture des débats, j'ai informé les avocats
qu'étant donné les faits de l'espèce, je n'adjugerais
pas de dépens, quelle que soit ma décision. Par
conséquent, il n'y aura pas d'adjudication des
dépens.
Je me permets de suggérer incidemment que,
bien qu'il soit susceptible d'en résulter des frais
supplémentaires, l'interrogatoire préalable du
demandeur pourrait peut-être se faire à l'extérieur
du Canada et sa déposition être prise, pas nécessai-
rement en même temps, par commission rogatoire.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.