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A-572-80
Aldo Piccinin et Ginette Tremblay (Piclo Enrg.- Piclo Reg'd) (Appelants) (Demandeurs)
c.
La Reine (Intimée) (Défenderesse)
Cour d'appel, les juges Pratte et Heald et le juge suppléant Lalande—Montréal, 25 mars; Ottawa, 16 avril 1981.
Couronne Contrats Appel du rejet de l'action engagée par les distributeurs grossistes des billets de Loto Canada en résiliation prétendument illicite de leur contrat Selon le juge du fond, la résolution de l'actionnaire ordonnant la liquidation donnait à Loto Canada le droit de profiter des dispositions de l'art. 21 du contrat L'article 21 stipulait que si Loto Canada faisait l'objet d'une liquidation en vertu d'une mesure quelconque, quelle qu'elle soit, prise en application de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, la convention serait résiliée Il échet d'examiner si le terme «liquider» de l'art. 21 doit être interprété comme signifiant «liquider et dissoudre„ Appel rejeté Loi sur les sociétés commercia- les canadiennes, S.C. 1974-75-76, c. 33, art. 204.
APPEL. AVOCATS:
D. W. Seal, c.r. et L. Seidman pour les appe-
lants (demandeurs).
B. Bierbrier pour l'intimée (défenderesse).
PROCUREURS:
Seal & Associés, Montréal, pour les appelants (demandeurs).
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Cet appel a été formé d'un jugement de la Division de première instance [[1981] 1 C.F. 496] rejetant l'action des appelants engagée contre l'intimée. Dans cette action, les appelants, distributeurs grossistes des billets de la loterie Loto Canada dans la région de Montréal, réclamaient des dommages-intérêts, au montant de $184,000, qui seraient dus en conséquence de la résiliation illicite par Loto Canada, le 31 décembre 1979, du contrat qu'ils avaient conclu avec elle pour une durée allant du lei avril 1979 au 31 mars 1982. D'après le contrat, les appelants devenaient les distributeurs grossistes exclusifs des billets de
loterie dans le secteur 34, secteur délimité à l'an- nexe «A» du contrat. L'article 2 stipule que le contrat aura effet du l er avril 1979 au 31 mars
1982 moins qu'il ne soit résilié auparavant en vertu d'une autre de ses stipulations. L'article 3 autorise Loto Canada à remplacer, réduire, élargir ou autrement modifier le secteur des appelants sans que ceux-ci aient quelque recours si ce n'est leur droit à ce que Loto Canada les notifie au préalable et les consulte. L'article 4 fait des appe- lants les grossistes exclusifs du secteur mais Loto Canada se réserve le droit absolu de vendre des billets directement aux détaillants ou aux clients dans ce secteur sans indemnité pour les appelants. L'article 6a) stipule que Loto Canada imprimera les billets de loterie à ses dépens et en assurera aussi la distribution. L'article 13 stipule qu'en cas de résiliation ou de non-renouvellement du contrat, les appelants n'auront droit à aucune indemnité ni remboursement ni dommages-intérêts de la part de Loto Canada pour manque à gagner, frais, etc. L'article 17 stipule que ni l'une ni l'autre partie ne seront liées par les déclarations, promesses ou sti pulations non expressément énoncées dans le con- trat. L'article 21 qui, de l'avis du premier juge, était «crucial», stipule que si Loto Canada fait l'objet d'une liquidation en vertu d'une loi fédérale, ou d'un règlement, ou de quelque autre mesure, quelle qu'elle soit, prise en application de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, S.C. 1974-75-76, c. 33, S.C. 1978-79, c. 9, et qui aurait pour effet d'opérer sa liquidation, la convention serait alors résiliée et les appelants ne pourraient faire valoir le contrat contre Loto Canada ou Sa Majesté la Reine. A l'audience, l'intimée a déposé un acte intitulé [TRADUCTION] «Résolution una- nime des actionnaires» (pièce D 1) certifié par le secrétaire social de Loto Canada comme étant une copie conforme d'une résolution adoptée le 21 août 1979 par l'actionnaire unique de Loto Canada Inc., cet actionnaire unique étant le Ministre res- ponsable de Loto Canada Inc., détenteur de son unique action en fiducie pour Sa Majesté la Reine. Voici le texte de la résolution:
[TRADUCTION] L'actionnaire invite le conseil d'administration de Loto Canada Inc. à commencer, méthodiquement, les opéra- tions de liquidation de la société, et ce immédiatement.
A l'audience, l'intimée (la défenderesse), a fait valoir que ladite résolution constituait une mesure en application des dispositions de la Loi sur les
sociétés commerciales canadiennes qui aurait pour résultat d'amener la liquidation de Loto Canada, lui donnant par le fait même le droit de profiter des dispositions de l'article 21 précité. Le distingué premier juge a accepté cet argument et l'a jugé suffisant en lui-même pour rejeter l'action des appelants. Il s'en est exprimé comme suit la page 499]:
L'avocat de la défenderesse prétend à bon droit que ladite résolution constitue bien une «mesure quelconque» prise en application de la Loi précitée et ayant pour effet d'opérer la liquidation de Loto Canada. Selon le paragraphe 204(3) de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, modifié, «la société peut prononcer sa liquidation et sa dissolution par résolution spéciale des actionnaires ...». Il est donc clair qu'une résolution spéciale de l'actionnaire du conseil d'administration de Loto Canada est un acte en application des dispositions de la Loi qui prononce la liquidation de Loto Canada: elle invite le conseil à commencer immédiatement, méthodiquement, la liquidation de ses activités.
Les demandeurs se voient ainsi interdire de réclamer des dommages-intérêts à Loto Canada ou à Sa Majesté la Reine. Il n'est donc pas nécessaire dans les circonstances de traiter des autres moyens de défense qu'a fait valoir la Couronne en l'espèce.
L'avocat des appelants soutient que c'est à tort que le distingué juge en a ainsi décidé. Il soutient qu'étant donné que l'intimée, dans sa défense modifiée, a qualifié la résolution de l'actionnaire du 21 août 1979 comme ayant été adoptée [TRA- DUCTION] «conformément à l'article 204(3) de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes>» et vu que ledit paragraphe 204(3) 1 dit que la société peut prononcer sa liquidation et sa dissolution par résolution spéciale des actionnaires, le terme «li- quider», apparaissant à l'article 21 du contrat, doit être interprété comme signifiant «liquider et dis- soudre» ou, en anglais, «to liquidate and dissolve». Il fait en outre valoir que la résolution, d'après le paragraphe 204(3), doit révéler clairement l'inten- tion de la société de se dissoudre.
Je n'accepte pas ces arguments. A mon avis, on doit lire le paragraphe (3) de l'article 204 dans le contexte des autres dispositions de cet article. Vu dans cette perspective, les termes «liquidation» et «dissolution», du moins c'est mon opinion, qu'em-
' Voici le texte du paragraphe 204(3):
204... .
(3) La société peut prononcer sa liquidation et sa disso lution par résolution spéciale des actionnaires ou, le cas échéant, par résolution spéciale des détenteurs de chaque catégorie d'actions, assorties ou non du droit de vote.
ploie le paragraphe (3) ne sont pas synonymes et ne devraient pas être interprétés comme tels. L'ar- ticle 204 prescrit la procédure applicable à une liquidation et à une dissolution volontaires d'une société. L'article apparaît à la Partie XVII de la Loi intitulée «Liquidation et Dissolution». [C'est moi qui souligne.] Le paragraphe (4) de l'article 204 prévoit l'envoi d'une déclaration d'intention de dissolution au Directeur. Cette démarche n'a pas été faite, à aucun des moments qui nous importe, en l'espèce. Le paragraphe (5) dispose que sur réception de la déclaration d'intention de dissolu tion visée au paragraphe (4), le Directeur délivre un certificat d'intention de dissolution.
Le paragraphe (6) dispose que: «Dès la déli- vrance du certificat, la société doit cesser toute activité commerciale, sauf dans la mesure néces- saire à la liquidation, mais sa personnalité morale ne cesse d'exister qu'à la délivrance du certificat d'intention de dissolution.» Selon moi, ce paragra- phe montre clairement que les deux termes ne sont pas synonymes ni interchangeables et qu'ils ne devraient pas être employés comme tels. Le para- graphe (10) prévoit qu'entre l'émission du certifi- cat d'intention de dissolution et celle du certificat de dissolution, la société peut envoyer au Directeur une déclaration de renonciation à la dissolution adoptée par résolution spéciale des actionnaires. Le paragraphe (12) dispose qu'une fois accomplies les formalités prévues au paragraphe (11), la société peut continuer à exercer ses activités com- merciales. Le paragraphe (16) stipule que la société cesse d'exister à la date figurant sur le certificat de dissolution que délivre le Directeur conformément au paragraphe (15).
Je conclus donc que l'article 204 traite la liqui dation comme une étape préliminaire qui peut, mais ne conduit pas nécessairement, à la dissolu tion de la société. Il s'ensuit qu'un tribunal ne saurait être justifié d'intercaler dans l'article 21 du contrat un terme comme «dissoudre» qui, dans le contexte de la disposition légale applicable, a un sens tout à fait distinct, séparé, et différent du terme «liquider» qu'emploie la clause en cause.
Je pense donc comme l'avocat de l'intimée que la résolution spéciale des actionnaires du 21 août a constitué la première étape ayant conduit ou mené à la liquidation de la société et que partant il s'agit
de: «... une mesure quelconque prise en vertu de la Loi sur les corporations commerciales canadiennes qui aurait pour effet de liquider Loto Canada Inc. ... », termes qu'emploie l'article 21 du contrat.
L'avocat des appelants a aussi cité les articles 1013 à 1021 inclusivement du Code civil du Québec qui énoncent les règles relatives à l'inter- prétation des contrats. Toutefois, je suis d'avis que ces dispositions ne viennent nullement en aide aux appelants puisque j'estime que l'article 21 n'est ni ambigu ni susceptible de deux sens.
J'ai donc en conséquence conclu que ce n'est nullement à tort que le distingué premier juge a décidé que l'article 21 du contrat jouait de manière à interdire la demande des appelants contre Loto Canada ou l'intimée.
Lors de l'instruction de l'appel, l'avocat de l'inti- mée a aussi fait valoir un autre argument à l'appui de sa prétention selon laquelle l'action des appe- lants contre l'intimée ne pouvait réussir. Briève- ment, l'intimée faisait valoir que Loto Canada Inc., en mettant fin à ses opérations de loterie avec le tirage s'étant terminé le 31 décembre 1979, n'enfreignait aucune obligation, expresse ou tacite, du contrat conclu avec les appelants. Je souscris à cet argument et le considère un fondement suffi- sant pour confirmer la décision de première ins tance indépendamment de l'applicabilité de l'arti- cle 21 du contrat, sur laquelle s'est fondé le premier juge. L'argument principal des appelants était que selon le contrat conclu entre les parties, Loto Canada avait l'obligation juridique de vendre et de délivrer aux appelants des billets de Loto Canada pendant les trois années de la durée du contrat et qu'en cessant ses opérations de loterie avec le seizième tirage du 31 décembre 1979, elle manquait au contrat. La position de l'avocat des appelants était que Loto Canada, qu'elle désire ou non continuer ses opérations de loterie, devait néanmoins, le faire, pour une période de trois ans, au profit des appelants ou s'exposer à une• action en dommages-intérêts pour cette inexécution. Je ne puis accepter cet argument. A mon avis, un examen soigneux des modalités du contrat et de ses annexes ne supporte pas cette interprétation. Le contrat n'impose aucune obligation à Loto Canada de continuer ses opérations de loterie pas plus qu'il n'indique le nombre de tirages devant
avoir lieu au cours de sa durée. Il n'attribue même pas aux appelants le droit exclusif de vendre des billets dans le secteur 34 puisque Loto Canada s'est réservé expressément le droit absolu de vendre des billets directement aux détaillants ou aux clients dans le secteur. Ce que le contrat accorde aux appelants ce sont des droits de grossiste exclu- sif sur le secteur 34. En outre, Loto Canada pou- vait, d'après le contrat, remplacer, réduire, élargir ou autrement modifier le secteur des appelants. Aucun des termes du contrat, ni de ses annexes, termes exprès ou tacites, n'a l'effet d'imposer à Loto Canada une obligation juridique de poursui- vre les tirages pendant toute la durée du contrat. Le contrat énonce les modalités de la convention des parties gouvernant leurs rapports si des loteries ont lieu et tant qu'elles ont lieu mais, à mon avis, ces stipulations ne justifient pas d'en déduire que Loto Canada s'est engagée à faire un nombre déterminé de tirages ou à faire des tirages pendant toute la durée du contrat, ni n'en garantit la chose, particulièrement en l'absence de toute stipulation expresse en ce sens. Il s'ensuit donc que Loto Canada n'a enfreint aucun contrat et qu'il ne peut y avoir de recours contre elle ni contre l'intimée pour quelque dommage qu'auraient subi les appelants.
Par les précédents motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.
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LE JUGE PRATTE: Je souscris à ces motifs.
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LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: J'y souscris aussi.
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