A-57-80
Le Syndicat des camionneurs, section locale 938
de la Fraternité internationale d'Amérique des
camionneurs, chauffeurs, préposés d'entrepôts et
aides et Fred Johnston (Requérants)
c.
Gerald M. Massicotte, Humes Transport Limited
et le Conseil canadien des relations du travail
(Intimés)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge
suppléant MacKay—Toronto, 31 octobre 1980;
Ottawa, 15 décembre 1980.
Examen judiciaire — Relations du travail — Demande
d'examen et d'annulation de la décision du Conseil intimé, qui
a conclu que Massicotte était membre de l'unité de négociation
visée par la convention collective, qu'en cette qualité il était
habilité par l'art. 155 du Code canadien du travail à présenter
un grief au sujet de son congédiement et que le syndicat avait
enfreint l'art. 136.1 du Code — Massicotte, un employé à
temps partiel, a présenté un grief contre la société pour
congédiement injuste — Le syndicat a refusé de donner suite
au grief par ce motif que Massicotte, à titre d'employé à temps
partiel, ne bénéficiait pas de la convention collective — Massi-
cotte a déposé une plainte auprès du Conseil intimé — Il échet
d'examiner si la Cour a compétence pour contrôler la décision
du Conseil — Il échet d'examiner si le Conseil avait compé-
tence pour déterminer si Massicotte faisait partie de l'unité de
négociation — II échet d'examiner si le Conseil a outrepassé sa
compétence en proposant une interprétation de la convention
collective — II échet d'examiner si le Conseil avait compétence
pour conclure que Massicotte pouvait présenter un grief au
sujet de son congédiement — Demande rejetée — Code cana-
dien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, modifié, art. 136.1,
155(1), 187(1), 189 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970
(2e Supp.), c. 10, art. 28.
Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation de la
décision du Conseil intimé, qui a conclu que Massicotte était
membre de l'unité de négociation visée par la convention collec
tive en question, qu'il était habilité par l'art. 155 du Code
canadien du travail à présenter un grief au sujet de son
congédiement et que le syndicat avait enfreint l'article 136.1 du
Code. Au moment du congédiement, Massicotte avait travaillé
pour la société à temps partiel pendant deux ans et demi. Il a
présenté un grief contre la société, mais le syndicat a refusé d'y
donner suite par ce motif que, sauf en ce qui concerne le taux
de rémunération et le paiement des cotisations syndicales, la
convention collective ne s'appliquait pas à Massicotte. Ce der-
nier a déposé auprès du Conseil une plainte reprochant aux
requérants d'avoir violé l'article 136.1 du Code. L'article 136.1
dispose que lorsque le syndicat est accrédité à titre d'agent
négociateur, il doit représenter tous les employés de l'unité de
négociation. Le Conseil a ordonné que la question de savoir si le
congédiement de Massicotte était injuste soit soumise à l'arbi-
trage. Il échet d'examiner si la Cour a compétence pour connaî-
tre de la demande, si le Conseil a compétence pour déterminer
si Massicotte fait partie de l'unité de négociation, si le Conseil a
outrepassé sa compétence en proposant une interprétation de la
convention collective et si le Conseil avait compétence pour
conclure que Massicotte pouvait présenter un grief relativement
à son congédiement.
Arrêt: la demande est rejetée. L'intimé Massicotte était en
droit d'adresser une plainte écrite au Conseil conformément au
paragraphe 187(1) du Code canadien du travail. Le Conseil
avait «compétence dans le sens strict du pouvoir de procéder à
une enquête» en vertu du pouvoir que lui confère le paragraphe
187(1). Quant à la deuxième question, le Conseil, loin de
déterminer l'unité habile à négocier, a déterminé si Massicotte
faisait partie de l'unité de négociation. Le Conseil, pour se
prononcer, a pris en considération les dépositions des représen-
tants tant syndicaux que patronaux. De plus, il a examiné
attentivement les dispositions pertinentes de la convention col
lective ainsi que les actes des parties. La façon dont le Conseil a
abordé cette question et la solution qu'il a retenue sont raison-
nables. Pour ce qui est de la troisième question, le Conseil, en
ordonnant le recours à l'arbitrage, a estimé que ce tribunal
pouvait juger du bien-fondé des prétentions respectives de
Massicotte et de l'employeur. Quant à la dernière question, le
paragraphe 155(1) du Code impose une procédure de règlement
des conflits «par voie d'arbitrage ou autrement». Le paragraphe
155(1) ne se restreint pas aux conflits entre les parties. Il
s'étend également aux «employés liés par la convention collec
tive», ce qui comprendrait Massicotte. Le paragraphe (2) n'ap-
porte aucune restriction à la portée du paragraphe (1). Les
vastes pouvoirs correctifs accordés au Conseil à la fin de
l'article 189 du Code sont assez larges pour lui permettre de
prendre les directives dont s'agit.
Arrêt suivi: Le Syndicat canadien de la Fonction publique,
section locale 963 c. La Société des alcools du Nouveau-
Brunswick [1979] 2 R.C.S. 227. Arrêt appliqué: Union
internationale des employés des services, local no. 333 c.
Nipawin District Staff Nurses Association [1975] 1
R.C.S. 382.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
H. Caley et J. Nyman pour les requérants.
B. Iler pour l'intimé G. M. Massicotte.
J. C. Murray pour l'intimée Humes Transport
Limited.
I. Scott, c.r. pour l'intimé le Conseil canadien
des relations du travail.
PROCUREURS:
Caley & Wray, Toronto, pour les requérants.
B. Iler, Toronto, pour l'intimé G. M.
Massicotte.
Hicks Morley Hamilton Stewart Storie,
Toronto, pour l'intimée Humes Transport
Limited.
Cameron, Brewin & Scott, Toronto, pour l'in-
timé le Conseil canadien des relations du
travail.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: La présente demande, fondée
sur l'article 28, tend à l'examen et à l'annulation
de la décision rendue le 25 janvier 1980 par le
Conseil intimé, décision où ce dernier a jugé:
1. Que l'intimé Massicotte faisait partie de
l'unité de négociation régie par la convention
collective intervenue entre l'intimée Humes
Transport Limited (ci-après la société) et le
syndicat requérant;
2. Que l'intimé Massicotte, à titre de membre de
cette unité de négociation, avait le droit, en
vertu de l'article 155 du Code canadien du
travail, S.R.C. 1970, c. L-1, modifié, de présen-
ter un grief relativement à son congédiement; et
3. Que le syndicat requérant avait enfreint l'arti-
cle 136.1 du Code canadien du travail'.
Suite à ces conclusions, le Conseil a émis les
directives suivantes, qui font partie intégrante de
la décision attaquée du 25 janvier 1980 (pages 134
et 135 du dossier conjoint):
A ces fins, nous ordonnons ce qui suit:
1. La question de savoir si le congédiement de Massicotte était
en violation de la convention collective sera soumise à
l'arbitrage.
2. Aussi, pour permettre au conseil d'arbitrage de statuer sur le
bien-fondé de l'affaire, nous exerçons le pouvoir que nous
donnent les articles 121 et 189 en levant tout délai prescrit dans
la convention collective.
3. Le Conseil d'arbitrage se composera de trois personnes: une
sera nommée par Massicotte, une autre, par l'employeur et un
président, par les deux. Si elles n'arrivent pas à s'entendre, c'est
le présent Conseil qui nommera le président.
4. Massicotte pourra bien entendu être représenté par l'avocat
de son choix dans tout recours auquel la présente décision
pourra donner lieu et lors de l'arbitrage. Les honoraires, frais et
dépenses seront payés par le syndicat. Ses propres dépenses,
dans la mesure où elles seront raisonnables, seront aussi payées
par le syndicat. S'il y a conflit, il faudra s'en remettre à la
décision du présent Conseil.
1 Ledit article 136.1 est ainsi rédigé:
136.1 Lorsqu'un syndicat est accrédité à titre d'agent
négociateur d'une unité de négociation, il doit, de même que
ses représentants, représenter tous les employés de l'unité de
négociation de façon juste et sans discrimination.
5. Le syndicat paiera les honoraires, dépenses et frais justifiés
de la personne nommée par Massicotte et la moitié de ceux du
président. S'il y a conflit, il faudra s'en remettre à la décision
du présent Conseil.
6. Si le conseil d'arbitrage estime que Massicotte doit être
indemnisé et réintégré dans ses fonctions ou subir une sanction
moins sévère que le congédiement, le syndicat lui versera le
montant de sa rémunération pour la période s'étendant de la
date de son congédiement à celle de cette décision, s'il y en a, et
l'employeur lui versera sa rémunération à compter de la date de
cette décision, s'il y en a.
7. L'indemnité que le syndicat pourra être tenu de verser pour
la période s'étendant entre la date du congédiement et la date
de cette décision, s'il y en a, sera calculée sans imposer la règle
de la mitigation à Massicotte. (Il était occupé à se pourvoir
devant le Conseil des relations du travail de l'Ontario et le
présent Conseil.)
Le Conseil se réserve le droit, en vertu de l'article 120.1 de
rendre une décision finale après l'arbitrage ou tout accord des
parties. Le Conseil rendra une ordonnance provisoire si néces-
saire et éclaircira à la demande de l'une ou l'autre partie toute
directive qu'il a donnée.
Les faits essentiels de l'espèce ne sont pas contes
tés. Résumons-les. La société intimée a, en 1949,
volontairement reconnu le syndicat requérant
comme l'agent négociateur de certains de ses
employés. Depuis 1949, est intervenue entre ces
parties une série de conventions collectives, dont la
plus récente s'appliquait à la période du ler octobre
1977 au 30 septembre 1979. Le 15 août 1979,. la
société a congédié l'intimé Massicotte qui, depuis
le 24 janvier 1977, travaillait à temps partiel à
l'entrepôt de la société situé à Toronto. Le 16 août
1979, l'intimé Massicotte a présenté un grief
contre la société pour congédiement injuste. Le 17
août 1979, lors d'un entretien avec le requérant
Fred Johnston, agent d'affaires du syndicat re-
quérant, Massicotte a été informé que le syndicat
ne pouvait donner suite à son grief parce qu'étant
un employé à temps partiel, il n'était pas, sauf en
ce qui concerne le taux de rémunération et le
paiement des cotisations syndicales, régi par la
convention collective conclue entre la société et le
syndicat. Au cours de cet entretien, Massicotte a
convenu du fait qu'il n'était employé qu'à temps
partiel et qu'il ne travaillait pas plus de 16 heures
par semaine. Le 20 septembre 1979, l'intimé Mas-
sicotte, en application du paragraphe 187(1) du
Code canadien du travail 2 , a déposé auprès du
Conseil intimé une plainte selon laquelle le syndi-
cat requérant ainsi que le requérant Johnston
avaient violé l'article 136.1 dudit Code.
Le Conseil a tenu une audience sur la plainte et,
le 25 janvier 1980, a rendu la décision attaquée.
Tant l'avocat du Conseil que celui de Massicotte
ont contesté la compétence de la présente Cour
pour connaître de cette affaire. D'après eux, la
Cour n'a compétence à l'égard d'une décision du
Conseil que lorsque celui-ci n'a pas observé un
principe de la justice naturelle ou a, de quelque
autre manière, soit excédé sa compétence, soit
refusé de l'exercera. Selon l'avocat du Conseil,
[TRADUCTION] «... le Conseil peut commettre des
erreurs de fait ainsi que des erreurs de droit sans
que ces erreurs ouvrent droit à contrôle judiciaire.
Le Conseil a le droit d'avoir tort sur des questions
tant de fait que de droit.» (Voir le mémoire des
points à plaider du Conseil—à la page 10.)
L'on invoque, à l'appui de cette prétention, l'ar-
rêt rendu par la Cour suprême du Canada dans
l'affaire Le Syndicat canadien de la Fonction pu-
blique, section locale 963 c. La Société des alcools
du Nouveau-Brunswick [1979] 2 R.C.S. 227.
Dans cette affaire, le litige portait essentiellement
sur l'interprétation de l'alinéa 102(3)a) de la Loi
relative aux relations de travail dans les services
publics, L.R.N.-B. 1973, c. P-25, du Nouveau-
Brunswick, une loi interdisant aux employeurs de
remplacer les employés en grève par d'autres
employés. Le juge Dickson, qui a prononcé le
2 Ledit paragraphe 187(1) est ainsi rédigé:
187. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (5), toute
personne ou organisation peut adresser au Conseil, par écrit,
une plainte
a) portant qu'un employeur, une personne agissant pour le
compte d'un employeur, un syndicat, une personne agis-
sant pour le compte d'un syndicat ou un employé ne s'est
pas conformé au paragraphe 124(4) ou aux articles 136.1,
148, 161.1, 184 ou 185; ou
b) portant qu'une personne ne s'est pas conformée à l'arti-
cle 186.
3 Voir le paragraphe 122(1) du Code canadien du travail et
l'alinéa 28(1)a) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2'
Supp.), c. 10.
jugement de la Cour, a déclaré à ce sujet aux
pages 232 235:
Avant d'aborder l'étude des interprétations contradictoires de
l'al. 102(3)a) dans les jugements de la Cour d'appel, il y a lieu
d'examiner un point crucial, savoir que, dans ses motifs, le juge
Limerick a considéré l'interprétation du par. 102(3) comme
une «question préliminaire ou accessoire»:
[TRADUCTION] La Commission est habilitée à tenir une
enquête sur toute plainte portant que l'employeur n'a pas
observé une interdiction prévue dans la Loi, mais non pour
déterminer ce que la Loi interdit ni pour interpréter cette
dernière à moins que cela ne soit nécessaire pour déterminer
si elle a compétence.
La plainte soulève donc deux questions:
1. La Loi interdit-elle de remplacer les grévistes par des
cadres? et, dans l'affirmative,
2. Des cadres ont-ils remplacé des employés?
C'est cette dernière question qui a donné lieu à la plainte et
qui constitue le principal objet de l'enquête de la Commis
sion. La première question énonce une condition préalable et
accessoire à toute décision relative à la seconde.
Il est vrai que la Commission doit d'abord trancher la
première question pour avoir compétence à l'égard de la
deuxième, mais il est également vrai que la Commission ne
peut, en rendant une décision erronée sur la première ques
tion, s'attribuer une compétence qu'elle n'aurait pas autre-
ment. Voir le jugement du juge Pigeon dans Roland Jacmain
c. Procureur général du Canada et .autres, 30 septembre
1977 (C.S.C.), [[1978] 2 R.C.S. 15]. Voir également Jarvis
v. Associated Medical Services Ltd. et al. (1964), 44 D.L.R.
(2d) 407 et suiv., (C.S.C.) et Parkhill Bedding & Furniture
Ltd. v. International Molders & Foundry Workers Union of
North America, Local 174 and Manitoba Labour Board
(1961) 26 D.L.R. (2d) 589, la p. 593.
Avec égards, je ne pense pas que parler de «question prélimi-
naire ou accessoire» facilite la détermination de la compétence
de la Commission. Je pense que l'on peut subdiviser presque
toutes les affaires soumises à un tribunal administratif en
plusieurs points ou questions et en qualifier un, probablement
sans trop de difficultés, de «question préliminaire ou acces-
soire». Comme le suggère Wade dans son ouvrage Administra
tive Law (4» éd. 1977) la p. 245, les questions de fait sont
naturellement considérées comme [TRADUCTION] «les questions
primordiales et fondamentales à trancher» alors que [TRADUC-
TION] «les conditions légales sont plutôt considérées comme
accessoires». C'est exactement ce qui s'est produit en l'espèce,
où l'interdiction décrite dans la Loi est devenue une «question
accessoire» et les faits pouvant constituer une violation de
l'interdiction, quelle que soit son interprétation, le «principal
objet de l'enquête». Cependant, sous-jacente à ce genre
d'énoncé, se situe une autre approche des problèmes de compé-
tence, qui me paraît préférable, savoir, que la compétence doit
ordinairement être établie au début de l'enquête.
Il est souvent très difficile de déterminer ce qui constitue une
question de compétence. A mon avis, les tribunaux devraient
éviter de qualifier trop rapidement un point de question de
compétence, et ainsi de l'assujettir à un examen judiciaire plus
étendu, lorsqu'il existe un doute à cet égard.
Généralement parlant, c'est l'al. 19(1)a) qui donne compé-
tence à la Commission des relations de travail dans les services
publics en matière de plainte pour violation de la Loi:
19(1) La Commission doit faire un examen et une enquête au
sujet de toute plainte qui lui est soumise et selon laquelle
l'employeur, ou son représentant, ou une association d'em-
ployés, ou son représentant, ou toute autre personne
a) n'a pas observé une interdiction prévue par la présente
loi ou par ses règlements d'application ou n'a pas donné effet
à une disposition de ces textes.
Les parties devant la Commission, un employeur distinct
mentionné dans la Loi et un agent négociateur dûment accré-
dité en vertu de la Loi, sont certainement habilitées, aux termes
du par. 19(1), amorcer une procédure d'enquête et à y
participer. Il ne fait aucun doute que l'objet général du litige
opposant les parties relève des dispositions de la Loi, savoir le
statut d'une grève d'employés qui est licite aux termes mêmes
de cette loi. Les parties ont demandé à la Commission d'établir
si certaines activités du Syndicat et de l'employeur durant cette
grève légale contreviennent à l'interdiction prévue au par.
102(3) de la Loi. Ni le Syndicat ni l'employeur n'ont soulevé
d'exception d'incompétence vis-à-vis de l'interdiction de partici-
per à un piquet de grève prévue à l'al. 102(3)b). En réponse à la
plainte du Syndicat alléguant que l'employeur avait violé l'al.
102(3)a), ce dernier a simplement affirmé que la Société des
alcools n'a [TRADUCTION] «en aucune façon violé» cette dispo
sition. On ne peut donc pas prétendre que la Commission
n'avait pas «compétence dans le sens strict du pouvoir de
procéder à une enquête»: Union internationale des employés
des services c. Nipawin Union Hospital ([1975] 1 R.C.S. 382),
à la p. 389.
Si l'on définit ainsi les points soumis à la Commission, on
comprend difficilement comment l'existence d'une interdiction
peut être considérée comme une question «préliminaire» à la
compétence de la Commission, en ce sens qu'il faudrait déter-
miner l'étendue du pouvoir de cette dernière d'entendre et de
trancher les points en litige qui lui sont soumis. En consé-
quence, la jurisprudence citée par la Cour d'appel à l'appui de
son opinion n'est aucunement pertinente en l'espèce. Dans
l'affaire Jacmain c. Procureur général du Canada ([1978] 2
R.C.S. 15), le fait que l'arbitre ait qualifié l'acte de l'employeur
de renvoi disciplinaire, ou de renvoi pour inaptitude, pouvait
être considéré comme déterminant vis-à-vis de sa compétence à
connaître du grief. Dans l'affaire Parkhill Bedding and Furni
ture, précitée, il s'agissait de déterminer si la Commission
pouvait entendre la requête du Syndicat en vertu des droits du
successeur prévus à The Labour Relations Act du Manitoba et,
en conséquence, juger que l'acheteur des biens de la compagnie
dissoute était lié par la convention en vigueur. Si la Commis
sion n'avait pas conclu que l'acheteur était un employeur
«successeur», le syndicat aurait été obligé de demander une
nouvelle accréditation par la procédure ordinaire. Dans l'affaire
Jarvis, cette Cour a interprété les dispositions de The Labour
Relations Act de l'Ontario relatives aux pratiques déloyales
comme au seul avantage des personnes qui étaient des
«employés» au sens de la Loi. Dans ce contexte, en jugeant que
M»c Jarvis n'était pas une «employée», la Commission perdait
toute compétence pour tenir une enquête visant à déterminer si
elle avait été congédiée en contravention de la Loi ou pour
ordonner sa réintégration. Dans chacun de ces cas, la Commis-
sion ou l'arbitre devait, au début de l'enquête, déterminer si le
litige devant lui pouvait faire l'objet d'une enquête, en vertu de
la loi habilitante.
Selon moi, la situation qui nous intéresse res-
semble sur bien des points à celle sur laquelle s'est
penché le juge Dickson, précité, dans l'affaire La
Société des alcools du Nouveau-Brunswick. En
l'espèce, ce sont les dispositions du paragraphe
187(1) du Code canadien du travail, (précité), qui
confèrent au Conseil canadien des relations du
travail compétence pour connaître de la présente
plainte portée en vertu de l'article 136.1. Le para-
graphe 187(1) est, à mon avis, comparable au
paragraphe 19(1) de la Loi du Nouveau-Bruns-
wick analysé par le juge Dickson dans le passage
précité.
Comme dans cette affaire-là, Massicotte était
sûrement en droit, en vertu du paragraphe 187(1),
d'adresser au Conseil une plainte écrite. De la
même façon, lui autant que le syndicat requérant
et le requérant Johnston sont légitimement parties
à toute enquête menée sur cette plainte. J'estime
également que l'objet général de la plainte, soit la
question d'une juste représentation par un syndicat
de tous les employés compris dans une unité de
négociation, relève du Code canadien du travail et
qu'il est permis au Conseil d'enquêter sur une telle
plainte. J'en conclus donc que le Conseil avait, en
l'espèce, «... compétence dans le sens strict du
pouvoir de procéder à une enquête»" en vertu du
pouvoir à lui conféré par les dispositions du para-
graphe 187(1), précité. Ou, pour employer les
termes du juge Dickson dans l'arrêt La Société des
alcools du Nouveau-Brunswick (précité): s... la
Commission a tranché une question qui lui reve-
nait pleinement et qu'il appartenait à elle seule de
trancher dans les limites de sa compétence» 5 .
Les requérants prétendent cependant que, même
en lui supposant la «compétence dans le sens strict
du pouvoir de procéder à une enquête», un tribunal
statutaire, lorsqu'il se pose la mauvaise question ou
donne à sa loi habilitante une interprétation dérai-
sonnable au point de ne pouvoir rationnellement
s'appuyer sur ladite loi habilitante, excède sa
° Voir: Union internationale des employés des services, local
no. 333 c. Nipawin District Staff Nurses Association [1975] 1
R.C.S. 382 la page 389.
5 Voir: l'affaire La Société des alcools du Nouveau-Bruns-
wick à la page 237.
compétence 6 .
Les prétentions des requérants relatives à la
Commission d'une [TRADUCTION] «erreur mani-
festement déraisonnable» peuvent être résumées
ainsi:
Première prétention: Selon le paragraphe 107(1)
du Code, l'expression «unité de négociation» dési-
gne soit une unité que le Conseil a jugée habile à
négocier collectivement, soit une unité à laquelle
s'applique une convention collective. Ce n'est que
lorsqu'une demande d'accréditation lui est présen-
tée que le Conseil a le devoir de déterminer l'unité
habile à négocier'. Par conséquent, il n'y a nulle
obligation pour le Conseil d'inclure dans une unité
de négociation les employés à temps partiel. Dans
des cas comme celui-ci, où l'unité de négociation se
trouve définie à la convention collective, le Conseil
n'a ni le droit ni le devoir de déterminer l'unité
habile à négocier et, puisque cette question relève
entièrement des parties à la convention, le Conseil
ne peut faire abstraction de ce qu'ont décidé les
parties quant à la composition de l'unité de négo-
ciation. Donc, le Conseil n'avait pas, en l'espèce,
compétence pour déterminer si Massicotte faisait
partie de l'unité de négociation.
Deuxième prétention: Le Conseil n'a compétence
ni pour interpréter les dispositions de la convention
collective ni pour ordonner au conseil d'arbitrage
de donner à la convention collective une interpréta-
tion particulière. Le Code ainsi que la convention
collective confèrent au conseil d'arbitrage nommé
en application de la convention collective, compé-
tence exclusive pour interpréter ladite convention.
(Voir l'article 155 du Code.) Dès lors, même s'il
6 Cette prétention fait référence au critère énoncé par le juge
Dickson dans l'affaire La Société des alcools du Nouveau-
Brunswick, où celui-ci dit à la page 237:
La Commission a-t-elle interprété erronément les dispositions
législatives de façon à entreprendre une enquête ou à répon-
dre à une question dont elle n'était pas saisie? Autrement dit,
l'interprétation de la Commission est-elle déraisonnable au
point de ne pouvoir rationnellement s'appuyer sur la législa-
tion pertinente et d'exiger une intervention judiciaire?
7 Les requérants prétendent appuyer cette affirmation sur le
paragraphe 125(1) du Code, qui est ainsi rédigé:
125. (1) Lorsqu'un syndicat demande, en vertu de l'article
124, son accréditation à titre d'agent négociateur d'une unité
qu'il estime habile à négocier collectivement, le Conseil doit
déterminer quelle est, à son avis, l'unité habile à négocier
collectivement.
pouvait ordonner le renvoi à l'arbitrage du grief de
Massicotte, le Conseil a excédé sa compétence en
imposant une interprétation particulière de la
convention.
Troisième prétention: Subsidiairement à la pre-
mière prétention (précitée), même si l'intimé Mas-
sicotte faisait partie de l'unité de négociation, le
Conseil n'avait pas compétence pour déterminer
que celui-ci pouvait présenter un grief au sujet de
son congédiement. Cela revient à modifier la con
vention collective, ce qui est hors de la compétence
du Conseil.
Pour statuer sur ces prétentions, il me semble
nécessaire d'examiner les motifs de la décision du
Conseil. C'est dans les termes suivants que ce
dernier a posé la question soulevée par les requé-
rants dans leur première prétention (précitée)
(page 126 du dossier conjoint):
La question à laquelle doit répondre le Conseil est de savoir
si Massicotte, comme employé à temps partiel, faisait partie de
l'unité de négociation et était représenté par le syndicat. Si ce
n'était pas le cas, le syndicat n'a pas d'obligation envers lui. Par
contre, si c'était le cas, il est incontestable que Massicotte n'a
pas été représenté de façon juste et sans discrimination puisque
le syndicat a refusé de le représenter quand il a été congédié.
Ensuite, aux pages 129 à 131 du dossier con
joint, le Conseil présente les motifs qui l'ont amené
à conclure que l'intimé Massicotte, en sa qualité
d'employé à temps partiel, faisait partie de l'unité
de négociation et que le syndicat, en application de
l'article 136.1 du Code, était tenu de le représen-
ter. Voici le texte de ces motifs:
Dans leurs témoignages devant le Conseil, les représentants
du syndicat aussi bien que ceux de l'employeur ont dit que les
employés à temps partiel ne sont pas censés être visés par la
convention collective et qu'ils avaient agi comme s'ils ne
l'étaient pas. C'est une preuve solide, mais nous ne la reconnais-
sons pas péremptoire. Il peut s'agir d'une simple dissimulation
de la violation par le syndicat de l'article 136.1 dans le cas de
Massicotte ou d'une discrimination solidaire à plus grande
échelle envers les employés à temps partiel en général.
Voyons ce que dit la convention collective. Tout d'abord, la
clause générale 1.2 qui délimite la portée de l'unité n'en exclut
pas les employés à temps partiel. Mais il ne faut pas se fonder
sur sa formulation pour dire que l'unité inclut ces employés
puisqu'il faudrait alors aussi inclure les préposés à l'entretien,
qui en sont exclus. Il n'est pas question de leurs taux de
rémunération, etc., et une autre convention collective a été
conclue pour eux. La clause 29.1e) fixe un taux de rémunéra-
tion pour les employés à temps partiel et dit qu'ils a... ne sont
pas visés par les autres clauses de la présente convention». Mais
ils le sont. La clause 29.1a) prévoit le prélèvement de cotisa-
tions. Les clauses 29.1b), 29.1f) et g) stipulent quand ils
peuvent être «utilisés». La clause 29.1i) dit qu'ils doivent poin
ter une carte de présence.
Le syndicat et l'employeur ont fixé le prix de leur travail, et
pour Massicotte, ont réduit ce prix radicalement sans lui
demander son avis. Ils ont convenu des circonstances où il
pouvait travailler et de la durée de son travail. Ils ont convenu
aussi qu'il devait pointer à l'horodateur et verser un montant au
syndicat que l'employeur prélèverait sur son salaire.
C'est un droit difficilement acquis et établi au Canada que
celui voulant qu'un employeur ne puisse faire de prélèvements
sur le salaire des employés que dans des circonstances bien
déterminées. La législation sur les normes de travail a évolué et
est arrivée à un stade où des dispositions législatives sur le
versement des salaires, le paiement en nature des travailleurs,
la saisie-arrêt, le logement et les repas, comme celles que
renferme l'article 38 du Code canadien du travail (Partie III),
des restrictions relatives aux prélèvements sur les salaires pour
la vente de parts dans une compagnie, des restrictions relatives
à l'encaissement des chèques de mineurs et autres dans les
tavernes, et d'autres types de dispositions ont été édictées pour
que le salarié soit assuré de recevoir son plein salaire et qu'il
n'ait qu'à fournir un travail et n'ait pas à abandonner ses droits
en échange de ce salaire. La Partie V du Code fait partie de
cette évolution. L'article 162 spécifie quand l'employeur peut
prélever sur le salaire de l'employé les sommes à verser à un
syndicat.
«162. (1) Tout employé représenté par un agent négociateur
peut, à tout moment après la date à laquelle l'agent négocia-
teur acquiert qualité pour le représenter, autoriser son
employeur, par écrit, à retenir sur son salaire la cotisation
syndicale mensuelle qu'il doit normalement verser à l'agent
négociateur et à en verser la somme à celui-ci. L'employeur
doit retenir et verser cette somme en conformité de
l'autorisation.
(2) Un employé peut, par avis écrit donné à son employeur,
révoquer l'autorisation qu'il a donnée en application du
paragraphe (1). Cette révocation prend effet trente jours
après la date à laquelle l'employeur a reçu l'avis.
(3) Les paragraphes (1) et (2) ne s'appliquent pas à un
employé qui est lié par une convention collective conclue
entre un employeur et un agent négociateur, lorsque cette
convention contient une disposition exigeant
a) soit que l'employeur retienne sur le salaire de l'employé
la cotisation syndicale ou les sommes en tenant lieu que ce
dernier doit verser à l'agent négociateur;
b) soit que l'employé verse à l'agent négociateur la cotisa-
tion syndicale ou les sommes en tenant lieu.»
Massicotte n'avait pas donné l'autorisation exigée par le
paragraphe (1) et aucune preuve d'une telle autorisation n'est
d'ailleurs demandée d'un employé à temps partiel. Il n'est pas
question d'une autorisation ou de sa révocation à la clause 29
de la convention collective. Le paragraphe (3) s'applique, même
sans autorisation, mais il ne vise qu'«un employé lié par une
convention collective». Selon l'article 154, une convention col
lective lie «tout employé de l'unité de négociation».
Où cela nous mène-t-il? La clause générale qui délimite la
portée de l'unité de négociation n'est d'aucun secours. La clause
29.1e) ne dit pas que les employés à temps partiel ne sont pas
visés par la convention; il dit seulement qu'ils ne sont «pas visés
par les autres clauses de la convention». Pourtant, d'autres
clauses s'appliquent à eux. Enfin, le syndicat et l'employeur
conviennent de faire des prélèvements sur les salaires et le font
effectivement lorsque c'est permis par la loi et lorsque l'em-
ployé fait partie de l'unité de négociation et est lié par la
convention collective. La seule conclusion possible est que
Massicotte en tant qu'employé à temps partiel fait partie de
l'unité de négociation et que le syndicat doit le représenter
conformément à l'article 136.1. Les répercussions d'une conclu
sion différente seraient beaucoup trop graves pour le syndicat et
l'employeur. Les termes de la convention et les gestes accomplis
par les parties sont plus significatifs et convaincants en droit,
que leur témoignage ou une interprétation erronée de leurs
actes.
Il ressort de ce que nous venons de citer que le
Conseil, loin de déterminer l'unité habile à négo-
cier, comme le prétendent les requérants, a plutôt
déterminé si Massicotte faisait partie de l'unité de
négociation. Le Conseil, pour se prononcer, a pris
en compte les dépositions des représentants tant
syndicaux que patronaux. De plus, il a examiné
attentivement les dispositions pertinentes de la
convention collective ainsi que les actes des parties
(notamment la convention intervenue entre l'em-
ployeur et le syndicat prévoyant la retenue des
cotisations syndicales, situation autorisée en droit
seulement lorsque l'employé fait partie de l'unité
de négociation et qu'il est lié par la convention
collective). J'estime que la façon dont le Conseil a
abordé cette question et que la solution qu'il a
retenue sont raisonnables. En tout état de cause, sa
conclusion n'est certainement pas «manifestement
déraisonnable». La faiblesse capitale de cette pré-
tention du requérant se trouve, il me semble, dans
la présomption ou la prémisse sur laquelle elle
repose, soit l'absence d'ambiguïté quant à la com
position de l'unité de négociation. Comme l'a sou-
ligné le Conseil, les dépositions des parties ne
constituent qu'un seul élément de l'ensemble; il est
également nécessaire d'examiner les termes de la
convention ainsi que le comportement des parties.
C'est effectivement ce qu'a fait le Conseil pour
statuer et, à mon avis, eu égard tant aux faits qu'à
la jurisprudence applicable à l'espèce, sa décision
est raisonnable.
Voyons maintenant la deuxième prétention (pré-
citée) des requérants. Cette prétention semble
fondée sur la partie des motifs du Conseil qui
figure aux pages 133 et 134 du dossier conjoint et
qui est rédigée en ces termes:
Notre intention est de donner à Massicotte les mêmes
moyens que s'il avait été représenté. Mais vu l'attitude du
syndicat et de l'employeur envers les employés à temps partiel,
nous ne croyons pouvoir le faire en imposant simplement un
correctif comme celui que décrit l'alinéa 189a). Il s'agit plutôt
d'un cas où il faut passer outre à la procédure de grief et
recourir directement à l'arbitrage et où la personne qui a été
privée si longtemps de représentation doit être pleinement
maître de ce recours. Nous avons aussi décidé de permettre à
Massicotte de recourir à l'arbitrage pour obtenir réparation. Et
ce forum pourra juger du bien-fondé des arguments de l'em-
ployeur (voir Vincent Maffei, supra). Il est concevable à la
lecture de la convention collective que l'employeur puisse adop-
ter l'attitude selon laquelle un employé à temps partiel ne jouit
d'aucune protection contre un congédiement injuste. Il se peut,
comme nous l'avons déjà signalé, que Massicotte soit devenu un
employé régulier à un moment donné. Nous n'avons pas jugé
nécessaire d'étudier cette question. En supposant que Massi-
cotte est un employé à temps partiel, comme nous l'avons fait, il
est inconcevable qu'un arbitre juge que, comme membre de
l'unité de négociation et avec sa durée de service, il n'ait pas le
droit d'être protégé contre un congédiement injuste qu'il aurait
même s'il n'était- pas «visé par une convention collective». Cette
protection est le but de la politique générale d'attribution de
recours devant un congédiement injuste, adoptée par le Parle-
ment et énoncée à l'article 61.5 du Code canadien du travail
(Partie III). Pour détruire toute équivoque ou tout argument
selon lequel Massicotte n'aurait pas le droit de recours à
l'arbitrage pour congédiement injuste, nous espérons que les
arbitres s'inspireront de la méthode d'approche adoptée par la
Cour suprême du Canada dans Bradburn et al c. Wentworth
Arms Hotel Limited et al. (1978), 79 CLLC 14,189, [[1979] 1
R.C.S. 846] ainsi que de la politique bien nette énoncée à
l'article 61.5.
Je ne puis, à la lecture de cette partie des motifs,
admettre que le Conseil intimé y ordonne au con-
seil d'arbitrage d'interpréter d'une façon particu-
lière les dispositions de la convention collective ou
qu'il préjuge de l'issue de l'arbitrage. Il ressort
clairement de l'extrait cité plus haut que le Conseil
intimé, en ordonnant le recours à l'arbitrage, esti-
mait que ce tribunal pouvait juger du bien-fondé
des prétentions respectives de Massicotte et de
l'employeur. On a fait remarquer que le Conseil,
tout en prévoyant une prise de position contraire
par l'employeur, exprime son opinion sur l'issue
vraisemblable de l'affaire. L'avocat du Conseil
convient que cette partie des motifs, dans la
mesure où elle indique sans équivoque l'issue pro
bable de la cause, constitue peut-être une certaine
imprudence de la part du Conseil. Toutefois, je ne
vois pas en cette expression franche de l'opinion du
Conseil une tentative d'influencer l'issue de l'arbi-
trage. Il s'agit d'une simple opinion qui ne lie en
rien le conseil d'arbitrage. Je ne la qualifierais
sûrement pas d'erreur pouvant justifier cette Cour
de réformer l'ordonnance du Conseil.
Pour ce qui est de la troisième prétention (préci-
tée) des requérants, la base sur laquelle le Conseil,
après avoir établi que Massicotte faisait partie de
l'unité de négociation, s'est estimé compétent pour
décider que ce dernier pouvait présenter un grief
quant à son congédiement se dégage de ses motifs,
aux pages 131 et 132 du dossier conjoint. Ce
passage est ainsi conçu:
Mais ceci ne règle pas la question. Massicotte peut-il faire
partie de l'unité, être représenté par le syndicat et ne pas avoir
droit de recours à un mode de règlement des conflits qui,
d'après la convention concernée, est la procédure de grief et
l'arbitrage? La réponse est non. L'article 155 du Code impose
un mode de règlement des conflits lorsque la convention collec
tive n'en prévoit pas.
D'après cette citation, il est évident que le Conseil
intimé s'est fondé sur l'article 155 du Codes.
8 155. (1) Toute convention collective doit contenir une
clause de règlement définitif, sans arrêt de travail, par voie
d'arbitrage ou autrement, de tous les conflits surgissant, à
propos de l'interprétation, du champ d'application, de l'applica-
tion ou de la présumée violation de la convention collective,
entre les parties à la convention ou les employés liés par elle.
(2) Lorsqu'un conflit surgit entre les parties à une convention
collective et que
a) la convention collective ne contient pas de clause de
règlement définitif du conflit ainsi que l'exige le paragraphe
(1), ou
b) la convention collective contient une clause de règlement
définitif du conflit par un conseil d'arbitrage et que l'une ou
l'autre des parties néglige de nommer un des membres du
conseil en conformité de la convention collective,
le conflit doit, nonobstant toute disposition de la convention
collective, être soumis par les parties, pour règlement définitif,
e) à un arbitre choisi par les parties, ou
d) lorsque les parties ne peuvent s'entendre sur le choix d'un
arbitre et que l'une ou l'autre d'entre elles demande par écrit
au Ministre d'en nommer un, à l'arbitre ainsi nommé après
l'enquête que, le cas échéant, le Ministre juge nécessaire.
(3) Lorsqu'une convention collective prévoit le règlement
définitif et sans arrêt de travail des conflits visés au paragraphe
(1) par un arbitre ou un conseil d'arbitrage et que les parties ne
peuvent s'entendre sur le choix d'un arbitre ou que les membres
du conseil d'arbitrage nommés par les parties ne peuvent
s'entendre sur le choix d'un président, l'une ou l'autre des
parties ou un des membres, selon le cas, peut, nonobstant toute
disposition de la convention collective, demander par écrit au
Ministre de nommer un arbitre ou un président, selon le cas, et
le Ministre doit, après réception de la demande et après l'en-
quête, qu'il juge nécessaire, le cas échéant, nommer l'arbitre ou
le président.
(4) L'arbitre ou le président nommé ou choisi en vertu du
paragraphe (2) ou (3) est réputé, aux fins de la présente Partie,
avoir été nommé en conformité de la convention collective
signée par les parties.
Il me semble que le Conseil veut dire ici que
lorsque, comme en l'espèce, la convention collec
tive ne prévoit pas de procédure de règlement des.
conflits pour certains employés faisant partie de
l'unité de négociation, les dispositions obligatoires
du paragraphe 155(1) (précité) viennent combler
cette lacune. Les requérants contestent cette inter-
prétation. Ils prétendent plutôt que l'article 155 du
Code, et plus particulièrement le paragraphe
155(2), trouve application uniquement en cas de
conflit entre les parties à la convention et que, par
conséquent, cet article ne peut, en l'absence
comme ici de conflit entre les parties à la conven
tion collective, conférer à un employé comme Mas-
sicotte le droit de présenter un grief et de bénéfi-
cier de la procédure d'arbitrage que lui refuse la
convention collective. C'est là une interprétation
des paragraphes 155(1) et 155(2) du Code à
laquelle je ne puis souscrire. Le paragraphe (1)
parle d'une procédure de règlement des conflits
«par voie d'arbitrage ou autrement» [c'est moi qui
souligne]. La procédure de règlement n'est donc
pas limitée par le paragraphe (1) à l'arbitrage. De
plus, le paragraphe (1), loin de se restreindre aux
conflits entre les parties, s'étend aux «employés liés
par [la convention collective]». Ce qui, à mon avis,
comprend l'intimé Massicotte.
Reste à considérer le paragraphe (2) de l'article
155, dont les dispositions semblent se limiter au
règlement de conflits entre les parties. Je n'y vois
toutefois pas de restriction à la portée du paragra-
phe (1). Par conséquent, je ne puis admettre que la
décision rendue sur ce point du litige par le Conseil
soit «manifestement déraisonnable».
Les requérants contestent également les directi
ves du Conseil numérotées 1 à 7 (pages 134 et 135
du dossier conjoint). Ils soutiennent que le Conseil
n'avait pas le pouvoir de prendre les directives
portant les numéros 3, 4 et 7. L'idée que se fait le
Conseil de son pouvoir de redressement en ce qui
concerne les violations de l'article 136.1 est énon-
cée dans le passage suivant de ses motifs (pages
132 et 133 du dossier conjoint):
L'article 189 spécifie le correctif que le Conseil est en droit
d'imposer en cas de violation de l'article 136.1 et fait aussi état
de certains pouvoirs correctifs plus généraux.
a189. Lorsque, en vertu de l'article 188, le Conseil décide
qu'une partie que concerne une plainte a enfreint le paragra-
phe 124(4) ou l'un des articles 136.1, 148, 161.1, 184, 185 ou
186, il peut, par ordonnance, requérir ladite partie de se
conformer à ce paragraphe ou à cet article et il peut,
a) lorsqu'un employé est touché par une infraction à
l'article 136.1, ordonner à un syndicat d'agir au nom dudit
employé ou d'aider ce dernier à prendre les mesures ou à
entamer et à continuer les procédures que, de l'avis du
Conseil, le syndicat aurait dû prendre ou entamer et
continuer au nom de l'employé ou aurait dû aider celui-ci à
prendre ou à entamer et à continuer;
en outre, afin d'assurer la réalisation des objectifs de la
présente Partie, le Conseil peut, à l'égard de toute infraction
à quelque disposition visée par le présent article, exiger d'un
employeur ou d'un syndicat, par ordonnance, de faire ou de
s'abstenir de faire toute chose qu'il est juste de lui enjoindre
de faire ou de s'abstenir de faire afin de remédier ou de parer
à toute conséquence défavorable à la réalisation des objectifs
susmentionnés que pourrait entraîner ladite infraction, et ce
en plus ou à la place de toute ordonnance que le Conseil est
autorisé à rendre en vertu du présent article.»
L'article 121 donne aussi au Conseil qualité pour agir. Il est
évident que le droit du Conseil de corriger les torts ne se limite
pas à celui que confère l'alinéa 189a). C'est manifeste, compte
tenu des termes généraux en conclusion de l'article 189, et du
fait que le devoir imposé par l'article 136.1 se rencontre plus
souvent que ceux dont il est question à l'alinéa a).
J'estime que c'est à raison que le Conseil a jugé
que ses pouvoirs de redressement étaient suffisam-
ment larges pour lui permettre de prendre les
directives en question. Les faits de la présente
cause sont, pour le moins, inhabituels. Il n'existe
pas de désaccord entre la société et le syndicat sur
la signification de la convention collective et sur le
fait que la procédure de griefs et d'arbitrage
prévue à la convention ne s'applique pas à l'intimé
Massicotte. Ordonner au syndicat de procéder à
l'arbitrage pour le compte de Massicotte en dotant
le Conseil d'un représentant syndical pourrait très
bien s'avérer une mesure inutile étant donné la
ferme conviction du syndicat, exprimée tant devant
le Conseil que devant cette Cour, que Massicotte
n'a le droit ni de présenter un grief ni de bénéficier
de la procédure d'arbitrage. A mon avis, le Conseil
a eu raison d'estimer que, dans ces circonstances
plutôt inusitées, l'article 189, lu à la lumière de
l'article 121 9 , l'autorisait à prendre les directives
dont il s'agit.
9 L'article 121 est ainsi rédigé:
121. Le Conseil exerce les pouvoirs et fonctions que lui
attribue la présente Partie ou qui peuvent être nécessaires à
la réalisation des objets de la présente Partie, et notamment,
sans restreindre la portée générale de ce qui précède, il rend
des ordonnances comportant obligation de se conformer aux
dispositions de la présente Partie, de tout règlement pris sous
son régime ou de toute décision rendue dans une affaire dont
il est saisi.
Compris dans les pouvoirs généraux, accordés
au Conseil à la fin de l'article 189, est le droit
d'«... exiger d'un employeur ou d'un syndicat .. .
de faire ou de s'abstenir de faire toute chose qu'il
est juste de lui enjoindre ... afin de remédier ... à
toute conséquence ... que pourrait entraîner ladite
infraction» (aux dispositions du Code mention-
nées). Ces pouvoirs correctifs étaient assez larges,
il me semble, pour permettre au Conseil de pren-
dre les directives considérées.
Par ces motifs, j'estime donc qu'il y a lieu de
rejeter cette demande fondée sur l'article 28.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris.
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