T-5136-80
Byron George Whyte (Requérant)
c.
La Commission de l'emploi et de l'immigration du
Canada et J. M. O'Grady (Intimés)
Division de première instance, le juge Walsh—
Toronto, 30 mars; Ottawa, 3 avril 1981.
Brefs de prérogative — Mandamus et ordonnance déclara-
toire — Le requérant avait déposé une demande de parrainage
au profit de sa fille illégitime qui avait quinze ans et qui était
entrée au Canada à titre de visiteur — La demande n'a pas été
instruite par ce motif que la fille n'était pas une personne
appartenant à la catégorie de la famille — Le requérant n'a pu
interjeter appel puisqu'il n'y a pas eu rejet de la demande — Il
échet d'examiner s'il y a lieu à mandamus pour requérir un
agent d'immigration d'instruire la demande et de rendre une
décision formelle à ce sujet — Requête accueillie — Loi sur
l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 3c), 9, 79 —
Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art.
2(1), 46),h).
Il s'agit d'une requête en mandamus pour ordonner aux
intimés de recevoir et d'instruire la demande de parrainage
faite par le requérant pour l'admission de sa fille au Canada à
titre de résidente permanente, de recevoir l'appel à la Commis
sion d'appel de l'immigration contre le rejet de cette demande;
et en ordonnance déclarant que le requérant a le droit de
parrainer la demande de droit d'établissement de sa fille et de
former appel contre le rejet, par les intimés, de cette demande.
Le requérant déposa une demande de parrainage au profit de sa
fille illégitime qui avait quinze ans et qui était entrée au
Canada à titre de visiteur. La demande n'a pas été instruite par
ce motif que la fille du requérant n'était pas une personne
appartenant à la catégorie de la famille. Le requérant n'a pu
faire appel puisqu'il n'y a pas eu rejet de la demande étant
donné que la disposition relative à la catégorie de la famille ne
s'appliquait pas en l'espèce.
Arrêt: la requête est accueillie en partie. Il y a lieu à
mandamus pour requérir un agent d'immigration d'instruire la
demande faite par le requérant pour le compte de sa fille et de
rendre une décision formelle à ce sujet. La Cour ne peut pas
ordonner aux intimés de recevoir l'appel à la Commission
d'appel de l'immigration, attendu que la demande du requérant
n'a fait l'objet d'aucune décision formelle. Il n'y a pas lieu, non
plus, à ordonnance déclarant que le requérant a le droit de
parrainer une demande de droit d'établissement présentée pour
le compte de sa fille. Le requérant devrait s'adresser aux
autorités compétentes, c'est-à-dire au niveau ministériel, pour
solliciter l'octroi d'un décret d'exemption.
Arrêt appliqué: Tsiafakis c. Le ministre de la Main-d'oeu-
vre et de l'Immigration [1976] 2 C.F. 407, confirmé par
[1977] 2 C.F. 216.
REQUÊTE.
AVOCATS:
G. E. Miller pour le requérant.
B. Evernden pour les intimés.
PROCUREURS:
Miller, Miller & Hospodar, Brantford, pour
le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Il s'agit en l'espèce d'une
requête en mandamus pour ordonner aux intimés
de recevoir et d'instruire la demande de parrainage
faite par le requérant au profit de sa fille Joan
Elene Whyte en vue de l'admission de celle-ci au
Canada à titre de résidente permanente, de rece-
voir l'appel à la Commission d'appel de l'immigra-
tion contre le rejet de cette demande, et en ordon-
nance déclarant que le requérant a le droit de
parrainer la demande de droit d'établissement
faite pour le compte de sa fille et de former appel
contre le rejet, par les intimés, de cette demande.
Il y a lieu de noter en premier lieu, comme l'a
fait ressortir l'avocat des intimés, que c'est à tort
que la requête a été introduite contre la Commis
sion de l'emploi et de l'immigration du Canada,
laquelle n'est pas une entité juridique distincte,
mais simplement une émanation de la Couronne
qui ne peut faire l'objet d'un bref de mandamus.
La requête aurait dû être dirigée contre le ministre
de l'Emploi et de l'Immigration, et contre J. M.
O'Grady, si le requérant le désirait. L'affaire a été,
cependant, débattue au fond, étant entendu que
l'exception pourrait être annihilée par la décision
au fond.
Les faits de la cause sont compliqués. Né en
Jamaïque le 26 juillet 1941, le requérant réside
depuis mars 1972 au Canada, dont il est devenu
citoyen en décembre 1979. Depuis 1975, il tra-
vaille chez Massey-Ferguson Industries à Brant-
ford (Ontario), où il habite avec sa concubine
Shirley Whyte et sa fille Sharon Whyte. Le 10
octobre 1980, il fit une demande de parrainage au
profit de sa fille Joan Whyte née le 13 mai 1965 en
Jamaïque d'un concubinage entre une certaine
Mary Daley et le requérant lui-même, concubi-
nage qui avait duré plus de six ans et n'avait pris
fin qu'avec le départ de ce dernier pour le Canada.
Selon le requérant, sa fille Joan Elene arriva le
15 août 1980 au Canada à titre de visiteur et
obtint la permission d'y demeurer jusqu'au 10
septembre 1980. Cette permission a été prorogée
deux fois, respectivement au 13 octobre et au 10
novembre 1980, la seconde prorogation ayant été
accordée le 10 octobre 1980 lorsque le requérant
comparut devant un nommé Fiamelli du bureau
d'immigration à Hamilton (Ontario), pour déposer
la demande susmentionnée. Il était accompagné à
cette entrevue de sa concubine actuelle et de sa
fille Joan Elene. Il a produit un certificat d'emploi
ainsi qu'un certificat de sa banque sur sa situation
financière. Le service d'immigration lui a demandé
d'envoyer la copie de ses déclarations d'impôt sur
le revenu ainsi que la copie des reçus de fonds
transférés en Jamaïque, pour établir qu'il avait
jusque-là pourvu aux besoins de sa fille Joan. Elene
Whyte restée dans l'île. Il a également produit une
lettre par laquelle Mary Daley, mère de l'enfant,
déclarait qu'elle consentait à ce que sa fille Joan
Elene Whyte restât au Canada avec le requérant.
Le 16 octobre 1980, son avocat envoya au service
d'immigration la copie des déclarations d'impôt
sur le revenu du requérant ainsi que d'autres ren-
seignements relatifs aux fonds transférés en Jamaï-
que pour l'entretien de sa fille, mais, le même jour,
sans attendre de recevoir les documents en ques
tion, l'intimé J. M. O'Grady, directeur intérimaire
du Centre d'immigration du Canada à Hamilton,
informa le requérant par lettre que [TRADUCTION]
«la loi ne nous autorise pas à instruire cette
demande», Joan Whyte' n'étant pas une personne
appartenant à la catégorie de la famille. Le 20
octobre 1980, l'avocat du requérant écrivit à M.
O'Grady pour réfuter cette assertion, et pour l'in-
former que le requérant entendait se fonder sur
l'article 79 de la Loi sur l'immigration de 1976,
S.C. 1976-77, c. 52, pour faire appel contre la
décision par ce motif que sur la base d'une ques
tion de droit ou de droit et de fait, il avait le droit
de parrainer une personne appartenant à la catégo-
rie de la famille, et qu'en outre, des considérations
humanitaires et de compassion justifiaient l'octroi
d'une mesure spéciale. La lettre indique qu'elle
tenait lieu d'avis d'appel.
Dans sa réponse au requérant, en date du 24
octobre, M. O'Grady s'est référé à la définition de
«fille» dans le Règlement d'application de la Loi
sur l'immigration de 1976 pour conclure que Joan
Whyte ne relevait pas de cette catégorie. Cette
lettre porte:
[TRADUCTION] L'article 79 de la Loi sur l'immigration de 1976
autorise ceux qui ont parrainé une demande de droit d'établis-
sement présentée par une personne appartenant à la catégorie
de la famille de faire appel contre le rejet de cette demande.
Étant donné cependant qu'il n'y a aucune demande fondée sur
la catégorie de la famille du fait de l'inadmissibilité de M.
White [sic], il n'y a donc pas eu rejet au sens de l'article 79.
[C'est moi qui souligne.]
Voici en partie l'article 79 de la Loi sur l'immi-
gration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52:
79. (1) Un agent d'immigration ou un agent des visas peut
rejeter une demande parrainée de droit d'établissement présen-
tée par une personne appartenant à la catégorie de la famille,
au motif que
b) la personne appartenant à la catégorie de la famille ne
satisfait pas aux exigences de la présente loi ou des
règlements.
Le répondant doit alors être informé des motifs du rejet.
(2) Au cas de rejet, en vertu du paragraphe (1), d'une
demande de droit d'établissement parrainée par un citoyen
canadien, celui-ci peut interjeter appel à la Commission en
invoquant l'un ou les deux motifs suivants:
a) un moyen d'appel comportant une question de droit ou de
fait ou une question mixte de droit et de fait;
b) le fait que des considérations humanitaires ou de compas
sion justifient l'octroi d'une mesure spéciale.
Le requérant soutient que, sa démarche n'ayant
pas été instruite par ce motif «qu'il n'y a aucune
demande fondée sur la catégorie de la famille», il a
été privé du droit d'appel devant la Commission
d'appel de l'immigration, laquelle est habilitée à
décider si des considérations humanitaires ou de
compassion justifient l'octroi d'une mesure spé-
ciale. Peu importe que si la demande avait été
instruite au fond conformément à l'obligation
d'équité (c'est-à-dire après réception de la copie
des déclarations d'impôt et de la preuve de l'entre-
tien de l'enfant restée en Jamaïque, documents qui
avaient été demandés et promptement produits), le
parrainage eût pu être jugé non valide par ce motif
que l'enfant ne relève pas de la catégorie de la
famille. Une telle décision eût pu être portée en
appel et la Commission d'appel de l'immigration
eût pu décider que des considérations humanitaires
ou de compassion justifient l'octroi d'une mesure
spéciale, lors même que la décision de l'agent
d'immigration était fondée en droit. En l'espèce, la
demande n'a jamais été instruite. A plus d'un
égard, la présente espèce rappelle l'affaire Tsiafa-
kis c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration [1976] 2 C.F. 407, confirmée en
appel, [1977] 2 C.F. 216. En prononçant le juge-
ment de première instance, j'ai fait cette conclu
sion à la page 410:
Le litige en l'espèce concerne le refus opposé par le fonction-
naire à l'immigration de fournir à la requérante un formulaire
de demande de parrainage qu'elle devait remplir. Ce refus, qu'il
pensait en apparence justifié soit parce qu'elle n'avait pas droit
de parrainer ses parents soit parce qu'ils ne pouvaient être
parrainés ou pour ces deux raisons, peut fort bien se révéler
correct. L'avocat de la requérante soutient que, de cette façon,
elle a été privée de toute possibilité d'appel ou d'examen de ce
refus.
et à la page 412:
Cette décision semble faire une distinction subtile entre le
refus d'accepter une demande et le refus de l'approuver. La
requérante prétend qu'en refusant simplement de l'accepter—
c'est-à-dire de fournir le formulaire de demande—au lieu de
refuser d'approuver la demande après sa présentation en bonne
et due forme, le fonctionnaire à l'immigration a privé la
requérante de tout recours éventuel devant la Commission
d'appel de l'immigration.
Sans me prononcer sur la recevabilité d'un tel appel, si le
formulaire avait été fourni pour permettre la présentation d'une
demande formelle que le fonctionnaire à l'immigration aurait
sans aucun doute refusé d'approuver, il me semble certain qu'en
ne fournissant pas de formulaire à la demanderesse, il a préjugé
la demande.
Dans l'arrêt d'appel, le juge Le Dain a conclu à
la recevabilité de la requête en mandamus par le
motif suivant, aux pages 223 et 224:
A mon avis, le droit de parrainer n'est pas de par sa nature
une question préalable ni suspensive du droit de remplir une
demande en la forme prescrite. Selon ma compréhension de
l'article 31 dans son ensemble, la question de savoir si une
personne est habilitée à parrainer un individu en vue de l'ad-
mission de celui-ci au Canada est partie intégrante de la
question principale qu'il faut trancher au moins partiellement
en s'appuyant sur la demande faite en la forme prescrite, soit:
l'individu peut-il être admis à titre de personne à charge
parrainée? Il s'ensuit donc qu'une personne désireuse d'en
parrainer une autre en vue de l'admission de cette dernière au
Canada est en droit de remplir une demande à cet effet en la
forme prescrite et de voir ladite demande servir de base à
l'examen de son droit de parrainer. [C'est moi qui souligne.]
En l'espèce, la formule a été fournie au requé-
rant sur ses instances, mais, comme l'indique la
lettre de M. O'Grady, il n'y a pas eu rejet de
parrainage à la suite de la demande du requérant,
le service d'immigration ayant simplement conclu
qu'il n'était pas admissible à remplir la formule de
demande.
Il est vrai que ce point peut paraître dénué de
tout intérêt pratique puisque au cas très probable
de décision défavorable, il se peut que le requérant
n'ait nullement le droit de faire appel devant la
Commission d'appel de l'immigration (voir l'obiter
du juge Le Dain dans l'arrêt Tsiafakis, à la page
224:
... je ferai simplement observer qu'il appert manifestement,
aux termes du Décret sur les appels concernant l'immigration
parrainée, que la personne non habilitée à parrainer certains
individus en vue de leur admission au Canada, n'aurait pas
droit d'interjeter appel en vertu de l'article 17 de la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration*.)
En l'espèce, la Cour ne peut, et ne devrait pas,
se baser sur la requête introduite pour instruire au
fond, et elle ne peut certainement pas ordonner
aux intimés de recevoir l'appel à la Commission
d'appel de l'immigration, attendu que la demande
du requérant n'a fait l'objet d'aucune décision
formelle. Il n'y a pas lieu, non plus, à ordonnance
déclarant que le requérant a le droit de parrainer
une demande de droit d'établissement présentée
pour le compte de sa fille Joan Elene Whyte,
ordonnance qui irait à l'encontre de la loi et du
règlement strictement interprétés. Il appert que le
requérant devrait s'adresser aux autorités compé-
tentes, c'est-à-dire au niveau ministériel, pour sol-
liciter l'octroi d'un décret d'exemption, comme
c'est souvent le cas, au lieu de se pourvoir en
justice en vue de faire interpréter la loi et le
Règlement de manière à reconnaître à Joan Elene
Whyte un droit au statut d'immigrante reçue
qu'elle n'a pas.
Dans ce cas, voici les arguments qu'il pourrait
invoquer. Il avait parrainé une autre fille nommée
Sharon Dorothy Whyte, elle aussi née hors
mariage en Jamaïque du concubinage entre le
requérant et une nommée Jennifer Samual. Cette
autre fille était arrivée au Canada en août 1978 à
titre de touriste et, le parrainage ayant été accepté,
elle avait obtenu le statut de résidente en juillet ou
en août 1980. L'intimée souligne que ce cas est
différent en ce que cette fille a été adoptée par le
* Cet arrêt est basé sur la Loi sur la Commission d'appel de
l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-3, et le Règlement y afférent
alors en vigueur à l'époque, mais le principe énoncé s'applique
encore.
requérant au Canada. Elle avait environ 16 ans
lorsqu'elle obtint le statut d'immigrante reçue. A
la différence de Joan Elene Whyte qui n'a fait
aucune demande pour son propre compte, Sharon
Dorothy Whyte avait un passeport et a demandé
elle-même un visa de visiteur. N'empêche que la
demande de parrainage du requérant a été accueil-
lie sans aucune difficulté. Il est certainement sou-
haitable que la loi soit appliquée de la même
manière pour tout le monde, en particulier, comme
en l'espèce, pour les membres d'une même famille.
Le requérant invoque les objectifs de la politique
canadienne d'immigration, tels qu'ils sont énoncés
à l'article 3 de la Loi sur l'immigration de 1976.
L'article 3c) porte:
3. Il est, par les présentes, déclaré que la politique d'immi-
gration du Canada, ainsi que les règles et règlements établis en
vertu de la présente loi, sont conçus et mis en ceuvre.en vue de
promouvoir ses intérêts sur le plan interne et international, en
reconnaissant la nécessité
c) de faciliter la réunion au Canada des citoyens canadiens
et résidents permanents avec leurs proches parents de
l'étranger;
Le requérant est prêt à adopter l'enfant Joan
Elene Whyte et la mère de celle-ci n'y voit aucune
objection.
L'article 4b) du Règlement sur l'immigration de
1978, DORS/78-172, porte:
4. Tout citoyen canadien ou résident permanent résidant au
Canada et âgé d'au moins dix-huit ans peut parrainer une
demande de droit d'établissement présentée par
b) ses fils ou filles non mariés, âgés de moins de vingt et un
ans;
Cependant, Joan Elene Whyte aurait dû, avant de
se présenter à un point d'entrée, faire la demande
elle-même, en application de l'article 9(1) de la
Loi qui porte:
9. (1) Sous réserve des dispositions réglementaires, tout
immigrant et tout visiteur doivent demander et obtenir un visa
avant de se présenter à un point d'entrée.
En outre, la question du parrainage soulève une
difficulté tenant à la définition de «fille» donnée à
l'article 2(1) du Règlement, qui porte:
2. (1) Dans le présent règlement,
«fille», par rapport à toute personne, désigne un enfant
a) issue du mariage de cette personne et qui posséderait l'état
d'enfant légitime si son père avait été domicilié dans une
province du Canada à sa naissance,
b) née d'une femme qui
(i) est résidente permanente ou citoyenne canadienne rési-
dant au Canada, ou
(ii) peut obtenir le droit d'établissement et accompagne
cette fille au Canada pour devenir résidente permanente,
ou
c) adoptée par cette personne avant l'âge de treize ans;
Joan Elene Whyte n'est pas la fille du mariage
entre le requérant et sa mère, bien que ces deux
derniers eussent vécu ensemble plus de 6 ans. Sa
mère n'est ni résidente permanente ni citoyenne
canadienne. Elle ne demande pas non plus le droit
d'établissement au Canada à titre de résidente
permanente. Enfin, Joan Elene Whyte a mainte-
nant 13 ans révolus et, selon la loi ontarienne,
même si elle était adoptée par le requérant, elle ne
tomberait toujours pas dans la catégorie des per-
sonnes dont il pourrait parrainer la demande.
Il n'est pas non plus question d'invoquer l'alinéa
4h) du Règlement, qui porte:
4. Tout citoyen canadien ou résident permanent résidant au
Canada et âgé d'au moins dix-huit ans peut parrainer une
demande de droit d'établissement présentée par
h) un parent, indépendamment de son âge ou de son lien de
parenté, lorsque ce citoyen canadien ou résident permanent
n'a pas de conjoint, de fils, de fille, de père, de mère, de
grand-père, de grand-mère, de frère, de sœur, d'oncle, de
tante, de neveu ou de nièce
(i) qui soit citoyen canadien,
(ii) qui soit résident permanent, ou
(iii) dont il puisse par ailleurs parrainer la demande de
droit d'établissement.
Sans même avoir à chercher si le concubinage dans
lequel vivent actuellement le requérant et Shirley
Whyte fait de cette dernière un «conjoint» au sens
de l'article 2(1) du Règlement, il y a lieu de noter
que le requérant a adopté sa fille Sharon, qui est
une résidente permanente. Il ne peut donc invo-
quer cet alinéa pour se porter répondant de Joan
Elene Whyte à titre de parent, peu importe l'âge
de cette dernière ou le lien de parenté qui existe
entre les deux.
L'avocat du requérant invoque également, sans
en apporter la preuve, laquelle serait en tout cas
inadmissible en justice, une politique du Ministère
qui prévoirait des exemptions au profit des enfants
de moins de 18 ans qui seraient admissibles à
d'autres égards et qui ne font pas partie de la
catégorie des personnes exclues. Voilà qui justifie-
rait l'exercice des pouvoirs discrétionnaires du
Ministre, et ce recours serait indiqué en l'espèce.
L'avocat des intimés souligne qu'il n'y a eu aucune
demande officielle en vue d'un décret exonérant
Joan Elene Whyte de l'application stricte de la loi
et du Règlement. Comme aucune requête n'a été
faite à M. O'Grady pour saisir le Ministre d'une
doléance de ce genre, on ne peut dire qu'il a rejeté
une telle requête. Et comme Joan Elene Whyte n'a
pas fait à l'étranger une demande de statut d'im-
migrante reçue, l'avocat des intimés soutient qu'il
n'y a pas eu de rejet, donc qu'il n'y a pas lieu à
mandamus pour ordonner l'instruction de la
demande de statut d'immigrante reçue.
Toutefois, c'est la demande faite par le père
pour le compte de sa fille dont la Cour a été saisie
en l'espèce. Les intimés soutiennent que, selon la
jurisprudence, il n'y a pas lieu à mandamus si ce
recours ne sert à rien. Tout en reconnaissant que
cette proposition pourrait être juridiquement cor-
recte, je ne suis pas disposé à conclure qu'en
l'espèce, la délivrance d'un bref de mandamus ne
sert à rien.
En conclusion, tout en estimant que la requé-
rante Joan Elene Whyte aurait tout intérêt à
prendre elle-même d'autres mesures pour solliciter
l'exercice par le Ministre de ses pouvoirs discré-
tionnaires, au lieu de compter sur les procédures
intentées par le requérant, je dois conclure qu'à la
lumière de la décision Tsiafakis (précitée), il y a
lieu à un mandamus pour requérir un agent d'im-
migration d'instruire la demande faite le 10 octo-
bre 1980 par le requérant pour le compte de sa
fille Joan Elene Whyte et de rendre une décision
formelle à ce sujet.
ORDONNANCE
La Cour rend un bref de mandamus pour requé-
rir l'intimé J. M. O'Grady ou tout autre agent
d'immigration dûment désigné d'instruire la
demande de parrainage faite le 10 octobre 1980,
par Byron George Whyte pour le compte de sa fille
Joan Elene Whyte en vue de l'admission de cette
dernière au Canada à titre de résidente perma-
nente, et de rendre une décision à ce sujet. La
Cour rejette sans dépens le recours subsidiaire
invoqué dans l'avis de requête, qui tend à une
ordonnance obligeant les intimés à recevoir l'appel
à la Commission d'appel de l'immigration contre le
rejet de la demande, et à une ordonnance déclarant
que le requérant a le droit de parrainer ladite
demande précitée et d'interjeter appel du rejet de
la demande par les intimés.
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