T-3640-79
Keystone Camera Corporation of Canada Limited
(Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, 31 mars et 23 avril 1981.
Couronne — Responsabilité délictuelle — Négligence —
Action fondée sur la prétendue négligence de préposés de la
Couronne — La demanderesse a dû acquitter des droits et des
taxes pour des marchandises importées malgré qu'elle les
avait déjà payés à un agent en douane titulaire d'un permis —
L'agent a négligé de remettre les paiements au ministère du
Revenu national — Les garanties fournies au Ministère en
application du Règlement sur l'agrément des agents en douane
et du Règlement sur la mainlevée des marchandises importées
ne couvraient pas toute la dette de l'agent — il échet d'exami-
ner si la défenderesse avait une obligation légale envers la
demanderesse, et le cas échéant, si elle s'y est soustraite —
Action rejetée — Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40,
art. 2(3), 22(3), 116, 118, 125 — Règlement sur l'agrément des
agents en douane, C.R.C. 1978, Vol. V, c. 456, art. 11(1), 17
Règlement sur la mainlevée des marchandises importées,
C.R.C. 1978, Vol. V, c. 475, art. 2b),c), 4, 5.
Il s'agit en l'espèce d'une action en responsabilité délictuelle
pour un préjudice prétendument causé par la négligence de
préposés de la Couronne. Empire Customs Brokers Limited
(ci-après appelée Empire) a agi à titre d'agent en douane pour
la demanderesse. Empire était titulaire d'un permis d'agent en
douane délivré par le ministère du Revenu national. Elle avait
fourni au Ministère un cautionnement de $20,000 pour garantir
ce dernier ou les clients de l'agence de toute perte conformé-
ment à l'article 11(1) du Règlement sur l'agrément des agents
en douane. Pour pouvoir retirer immédiatement les marchandi-
ses importées, elle a aussi déposé une garantie de $50,000,
couvrant tous les droits et toutes les taxes exigibles, en confor-
mité de l'article 2b) du Règlement sur la mainlevée des mar-
chandises importées. Les droits de dédouanement immédiat et
d'émission de chèques non certifiés ont été suspendus sur
instructions données verbalement le 16 novembre 1978, parce
qu'Empire avait tiré plusieurs chèques sans provision. Le 28
décembre 1978, Empire a cesse ses activités, sans avoir remis
au Ministère le montant des droits et taxes qu'elle avait reçu de
la demanderesse. La demanderesse a dû payer au Ministère une
fraction, calculée au prorata, du déficit total d'Empire, déduc-
tion faite du montant provenant de la réalisation des cautionne-
ments. La demanderesse prétend que le ministère du Revenu
national a fait preuve de négligence en permettant à Empire de
dédouaner des marchandises pour lesquelles les droits et taxes
payables dépassaient le montant du cautionnement déposé
auprès du Ministère. Il s'agit de déterminer s'il existe une
obligation légale de la Couronne à l'égard de la demanderesse,
et le cas échéant, si la défenderesse s'est soustraite à cette
obligation.
Arrêt: l'action est rejetée. Le Règlement sur la mainlevée des
marchandises importées et les cautionnements requis sous son
régime ont pour seul but de protéger les recettes du Trésor.
Toutefois, sous le régime du Règlement sur l'agrément des
agents en douane, il est clair que le cautionnement ne vise pas
exclusivement à garantir les recettes de la Couronne, mais aussi
à garantir «les clients de l'agent» contre toute perte. Ainsi,
l'article 11(1) impose expressément au Ministère l'obligation de
contrôler la conduite de tiers. Il n'y a pas eu négligence dans
l'exécution des obligations légales découlant du Règlement sur
l'agrément des agents en douane. En application de l'article
11(1), Empire avait fourni un cautionnement de $20,000.
Aucune disposition ne prévoit que le montant du cautionnement
peut être augmenté pendant la durée du permis. Rien n'indique
qu'à la délivrance ou au renouvellement du permis, le montant
minimum de $20,000 était insuffisant; il n'y a donc pas eu
négligence en ce qui concerne l'obligation que la Couronne
avait envers la demanderesse sous le régime du Règlement en
matière d'agrément.
Arrêts mentionnés: Timm c. La Reine [1965] 1 R.C.É.
174; Home Office c. Dorset Yacht Co. Ltd. [1970] A.C.
1004; Rubie c. Faulkner [1940] 1 All E.R. 285; Culford
Metal Industries Ltd. c. Export Credits Guarantee
Department (Q.B.D.) The Times de Londres, le 25 mars
1981. Arrêt appliqué: O'Rourke c. Schacht [1976] 1
R.C.S. 53.
ACTION.
AVOCATS:
John L. Finlay pour la demanderesse.
B. D. Segal et Carolyn Kobernich pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: La demanderesse fut
constituée sous le régime des lois du Canada sous
la dénomination sociale de Berkey Keystone of
Canada Limited, par laquelle elle a été identifiée à
tort dans la déclaration du 23 juillet 1979, cette
dénomination sociale ayant été changée le 8 jan-
vier 1979, en celle de Keystone Camera Corpora
tion of Canada Limited, environ sept mois avant le
dépôt de la déclaration. Au procès, l'intitulé de la
cause et la déclaration ont été modifiés de façon à
désigner la demanderesse sous sa dénomination
sociale exacte. Les procureurs de la demanderesse
n'étaient pas en faute puisque celle-ci ne les avait
pas informés du changement de nom.
Comme l'indique sa dénomination sociale dans
l'intitulé corrigé de la cause, la demanderesse fait
le commerce du matériel photographique fabriqué
soit par sa compagnie mère, connue sous la déno-
mination sociale de Berkey Photo Inc. (ou sous un
autre nom très proche), soit, conformément aux
spécifications données par celle-ci, au Japon ou à
Hongkong.
Ainsi, la demanderesse importait au Canada du
matériel photographique pour distribution aux
détaillants; les importations, d'une valeur annuelle
de quelque 4 millions de dollars, donnaient lieu à
des droits de douane et des taxes d'accise de
l'ordre de $500,000 par an.
Contrairement aux dépositions de Victor Cher -
nick, président-directeur général de la demande-
resse, rien n'empêche un importateur de dédouaner
ses propres marchandises importées, mais je veux
bien admettre que par ses assertions, M. Chernick
a simplement voulu dire qu'il serait moins coûteux
de retenir les services d'agents en douane à cet
effet.
Au moment où M. Chernick fut engagé par la
compagnie demanderesse, ce service était assuré
par l'agence en douane P.I.E. Canada Limited,
dont un employé, M. Weber, était tout spéciale-
ment affecté aux importations de la demanderesse.
Par la suite, M. Weber a informé M. Chernick
que P.I.E. Canada Limited avait vendu son entre-
prise, que lui-même avait quitté cette société pour
fonder une agence en douane sous la dénomination
sociale d'Empire Customs Brokers Limited (ci-
après appelée Empire), agence dont il était le
patron et couverte par une garantie et titulaire
d'un permis du ministère du Revenu national (voir
S.R.C. 1970, c. N-15).
Comme M. Weber connaissait parfaitement les
marchandises importées par la demanderesse ainsi
que leurs cotes, et comme, en tant qu'employé de
P.I.E. Canada Limited, il avait jusque-là donné
pleine satisfaction, M. Chernick a fait savoir à M.
Weber que la demanderesse recourrait aux servi
ces d'Empire. Si je me rappelle bien les dépositions
faites à l'audience, ce changement d'agent a eu
lieu en 1976 ou en 1977. Quoi qu'il en soit, Empire
a été l'agent en douane de la demanderesse pen
dant toute la période qui nous intéresse en l'espèce.
Dans ses plaidoiries, la défenderesse reconnaît
qu'à l'époque en cause, Empire était titulaire d'un
permis d'agent en douane, délivré conformément
au paragraphe 118(1) de la Loi sur les douanes,
S.R.C. 1970, c. C-40, qui porte:
118. (1) Sous réserve de l'approbation du Ministre, le rece-
veur à un bureau peut, sur demande, émettre à une personne,
qui est sujet britannique résidant au Canada, majeure et de
bonnes moeurs, un permis l'autorisant à exercer des opérations
de courtier en douane au bureau où ce permis est émis, et nulle
personne ne doit exercer les opérations de courtier en douane,
sans avoir au préalable obtenu un permis en conformité de la
présente disposition; mais rien de contenu aux présentes ne doit
être interprété de manière à défendre à quelqu'un d'exercer les
opérations afférentes à ses propres importations, ou à défendre
aux agents régulièrement autorisés d'importateurs d'exercer les
opérations prévues aux articles 116 et 117.
Le Ministre est tenu par le paragraphe 118(5)
de la Loi sur les douanes d'établir les règlements
pour l'application des dispositions de l'article 118,
savoir l'autorisation des agences en douane, ce
qu'il a fait par le Règlement sur l'agrément des
agents en douane, C.R.C. 1978, Vol. V, c. 456,
dont le paragraphe 11(1) porte:
11. (1) Avant l'octroi ou le renouvellement d'un agrément, il
faut fournir au ministère un cautionnement d'une société de
caution agréée par le ministre des Finances, ou une ou plusieurs
obligations négociables du gouvernement du Canada représen-
tant une somme ou un montant global d'au moins $20,000 ce
qui garantira le ministère et les clients de l'agent de toute perte
pendant la période visée par l'agrément ou son renouvellement.
Empire a fourni au Ministère un cautionnement
d'un montant de $20,000 pour la période du l er
avril 1978 au 31 mars 1979.
Aux termes du paragraphe 22(3) de la Loi sur
les douanes, le gouverneur en conseil peut établir
des règlements prescrivant les conditions auxquel-
les des effets peuvent être entrés au Canada sans
que l'importateur soit tenu, lors de l'entrée, de
payer ou de faire ainsi payer tous les droits visant
les effets ainsi déclarés à l'entrée, et les modalités
de tout cautionnement à l'égard des droits y
applicables.
C'est ce qu'il a fait par le Règlement sur la
mainlevée des marchandises importées, C.R.C.
1978, Vol. V, c. 475, dont les alinéas 2b) et c) et
l'article 4 sont applicables en l'espèce. Les alinéas
2b) et c) portent:
2. Sous réserve de l'article 97 de la Loi sur les douanes, les
marchandises importées peuvent être retirées de la douane
avant le paiement des droits et des taxes frappant ces marchan-
dises, si l'importateur ou un agent en douane dépose
b) auprès du receveur une garantie couvrant tous les droits et
toutes les taxes exigibles à l'égard des marchandises qui sont
retirées à un bureau par l'importateur ou l'agent en douane,
selon le cas, pendant la durée de la garantie, et le montant de
cette garantie doit être fixé par le receveur et être d'au moins
$25 lorsque la garantie est déposée par un importateur et
d'au moins $5,000 lorsqu'elle est déposée par un agent en
douane; ou
c) auprès du sous-ministre une garantie couvrant tous les
droits et toutes les taxes exigibles sur les marchandises qui
sont retirées à plus d'un bureau par l'importateur ou l'agent
en douane, selon le cas, pendant la durée de la garantie, et le
montant de cette garantie doit être fixé par le receveur et
être d'au moins $5,000 lorsque la garantie est déposée par un
importateur et d'au moins $25,000 lorsqu'elle est déposée par
un agent en douane.
En application de ce Règlement, Empire a
déposé une garantie de $50,000 lui permettant de
retirer immédiatement les marchandises importées
à n'importe quel bureau du ministère du Revenu
national au port de Toronto. Cette garantie a été
approuvée le 3 février 1980 au port de Toronto.
L'article 4 porte:
4. La garantie déposée en vertu de l'article 2 doit assurer le
paiement de tous les droits et de toutes les taxes frappant les
marchandises retirées par l'importateur ou par l'agent en
douane qui dépose la garantie,
a) dans les 5 jours qui suivent la mainlevée, s'il s'agit de
marchandises périssables ou de marchandises qui sont enre-
gistrées et contrôlées au moyen d'un système de traitement
électronique des données qui est acceptable au sous-ministre;
ou
b) dans les 3 jours de la mainlevée, s'il s'agit de marchandises
autres que celles qui sont mentionnées à l'alinéa a).
L'alinéa 4b) est applicable en l'espèce. Les
droits et les taxes frappant les marchandises
dédouanées par l'importateur ou par l'agent en
douane pour le compte de ce dernier, doivent être
payés dans les trois jours du dédouanement.
M. Chernick a décrit la méthode suivie par sa
compagnie dans ses rapports avec Empire. Sur
réception de la facture du fabricant relative aux
marchandises commandées et expédiées (un dupli-
cata de cette facture étant joint aux marchandi-
ses), il envoyait à Empire le connaissement et
l'attestation, faite par l'expéditeur, de la juste
valeur marchande de ces marchandises en monnaie
du pays d'origine, ainsi que d'autres titres de
propriété et une formule signée de dédouanement
sur droits garantis. Les marchandises étaient alors
dédouanées entre les mains de la demanderesse qui
en prenait livraison à l'entrepôt.
Empire adressait ensuite à la demanderesse la
facture des débours et frais de service, les débours
consistant la plupart du temps dans les droits et
taxes acquittés (ou, peut-être, à acquitter).
Sur réception de la facture d'Empire, la deman-
deresse la payait par chèque à l'ordre d'Empire.
Voilà ce qui ressortait des dépositions de M.
Chernick.
La défenderesse a cité comme témoin un autre
agent en douane de Toronto, président de la sec
tion torontoise de l'Association canadienne des
courtiers en douane. Cette dernière n'est qu'une
amicale, organisée en vue de défendre les intérêts
communs des agents en douane. Elle n'est nulle-
ment un conseil de direction qui établit les condi
tions d'exercice de la profession (ce pouvoir rele
vant du ministère du Revenu national) ou qui
recommande un barème des honoraires, etc.
Ce témoin a décrit la méthode suivie par la
compagnie dont il était un dirigeant et actionnaire,
ainsi que ce qu'il savait des méthodes de travail
d'autres agents en douane.
D'après ce témoin, le dépôt d'un cautionnement
assurait aux agents en douane [TRADUCTION] ale
droit de dédouanement immédiat».
Voilà, à mon avis, une condition essentielle que
doivent remplir les agents en douane s'ils veulent
fonctionner efficacement et attirer les clients dans
un commerce concurrentiel. C'est dans cet ordre
d'idées et aussi pour s'assurer le paiement des
droits de douane et des taxes que le Ministre a
adopté les dispositions susmentionnées du Règle-
ment sur la mainlevée des marchandises impor-
tées. Ce principe s'incarne dans l'article 4, et, selon
l'alinéa 4b), les droits et taxes doivent être payés
dans les trois jours du dédouanement. L'importa-
teur est tenu de payer ces droits et taxes, mais
l'agent peut les acquitter en son nom dans le délai
imparti. Le Ministère s'adresse tout d'abord à
l'agent, qui a déposé un cautionnement, ce qui,
selon la loi, ne dégage pas l'importateur de sa
responsabilité à cet égard. Les avocats des deux
parties n'ont pas pu remettre en question ce prin-
cipe, et ils ne l'ont pas fait.
Les dépositions du témoin cité par la défende-
resse portaient sur les usages de la profession qui
se passent d'explications, usages tels que lui-même
et d'autres agents en douane de sa connaissance les
pratiquent.
Normalement, c'est l'agent en douane qui
acquitte les droits et taxes frappant les marchandi-
ses dédouanées.
Dans d'autres cas, notamment lorsque le mon-
tant des droits est élevé, l'agent en douane n'ac-
quitte pas les droits et taxes pour le compte de
l'importateur, à moins que ce dernier ne lui ait
remis des fonds soit pour régler les droits frappant
une cargaison déterminée, soit à titre de compte de
dépôt chez l'agent. Dans ce dernier cas, l'importa-
teur a intérêt à demander à l'agent de lui fournir
une garantie ou une lettre de crédit de sa banque.
Rien n'empêche d'ailleurs l'importateur de
payer directement au Ministère les droits et taxes
exigibles.
Il n'y a aucune différence notable entre la
méthode suivie par le témoin et celle qu'observe la
demanderesse dans ses rapports avec Empire.
La seule conclusion qu'on puisse tirer de tous ces
témoignages, c'est que les droits et les taxes paya-
bles, dont le total annuel était considérable, ne
représentaient pas, pour chaque arrivage, un mon-
tant si élevé qu'Empire ne pouvait les acquitter.
Cette compagnie n'a jamais demandé à la deman-
deresse une avance pour le paiement de ces droits
et taxes, et la demanderesse n'a jamais eu un
compte de dépôt chez Empire.
Ainsi qu'il ressort des faits subséquents, c'est
peut-être bien ce qu'Empire a fait. Elle a pu
utiliser les sommes versées par la demanderesse en
paiement de ses factures, pour régler les droits et
taxes frappant les marchandises dédouanées, mais
la demanderesse ne pouvait le savoir, et Empire ne
lui a jamais demandé une avance spécifique pour
les droits et taxes.
La différence qui sépare les méthodes d'Empire
et celles qu'observent les autres agents en douane
tient à ce que ces derniers, au dire du témoin cité
par la défenderesse, joignent toujours à leur fac-
ture des débours et frais de service la formule de
déclaration d'importation, frappée du cachet du
Ministère portant la mention «Droits acquittés».
Aux termes de l'article 17 du Règlement sur
l'agrément des agents en douane, tout agent doit
fournir à ses clients, à l'égard de chaque déclara-
tion d'importation qu'il fait en leur nom, une copie
de cette déclaration sur laquelle aura été apposé le
timbre portant la mention «Droits acquittés». Cet
article prévoit donc que l'agent en douane doit
remettre à son client une copie de la déclaration
frappée du cachet des droits acquittés, mais sans
préciser que cette copie doit être jointe à la facture
adressée au client.
Empire n'a jamais joint aux factures adressées à
la demanderesse ce genre d'attestation de paie-
ment délivrée par le Ministère, et la demanderesse
les a toujours acquittées avec diligence. Selon M.
Chernick, Empire a pu envoyer par la suite ces
déclarations en douane frappées du cachet du
Ministère, mais elles n'étaient pas jointes aux fac-
tures. Présumant que les droits et les taxes avaient
été acquittés puisqu'il avait les marchandises en sa
possession, il ne se faisait pas trop de souci à ce
sujet.
Dès le 14 novembre 1978, la banque a com-
mencé à rejeter pour défaut de provision les chè-
ques émis par Empire pour acquitter les droits et
taxes frappant des marchandises dédouanées sur
droits garantis.
Le 7 novembre 1978, le Ministère déposa un
chèque de $22,244.96 remis par Empire en paie-
ment des droits et taxes frappant des marchandises
dédouanées sur droits garantis de l'entrepôt Inter-
post Sufferance Warehouse, mais le chèque fut
renvoyé au Ministère le 14 novembre 1978 pour
insuffisance de fonds. Le Ministère s'est immédia-
tement mis en rapport avec Empire, qui lui a remis
un chèque de rechange le même jour. Celui-ci
étant un chèque certifié, Empire devait avoir dans
son compte une provision suffisante. Rien n'a été
dit au sujet de l'origine de cette provision.
A la même date du 7 novembre 1978, le Minis-
tère déposa un chèque d'un montant de $34,041.94
présenté par Empire en paiement des droits et
taxes frappant des marchandises dédouanées sur
droits garantis du même entrepôt Interpost Suffer
ance Warehouse, et, le 14 novembre 1978, le
chèque fut aussi retourné pour insuffisance de
fonds. Le même jour, sur les instances du Minis-
tère, Empire l'a remplacé par un chèque certifié.
Un chèque d'un montant de $8,539.66 présenté
le 15 novembre 1978 par Empire, en paiement des
droits et taxes frappant des marchandises dédoua-
nées sur droits garantis à l'aéroport international
de Toronto, fur rejeté le même jour par la banque
et remplacé le lendemain par Empire.
Un autre chèque de $1,562.62 fut rejeté le 17
novembre 1978 pour insuffisance de fonds. Infor-
mée le même jour, Empire l'a remplacé le 23
novembre 1978 par un autre chèque, avec provi
sion celui-là.
Un chèque d'un montant de $5,607.86, émis le
17 novembre 1978 par Empire en paiement des
droits de douane et des taxes d'accise frappant des
marchandises dédouanées sur droits garantis, du
terminus Mid-Continent Trust Terminal, fut rejeté
le 22 novembre 1978 pour insuffisance de fonds.
Informée le même jour, Empire a remis le chèque
de rechange le 23 novembre 1978.
Aucun de ces chèques n'a été tiré par Empire en
paiement des droits frappant les marchandises
dédouanées sur droits garantis pour le compte de
la demanderesse.
Le 16 novembre 1978, M. Mills, responsable des
salles des comptoirs de la région de Toronto, a
téléphoné aux directeurs et responsables des sept
bureaux du port de Toronto pour les informer
qu'Empire n'avait plus le droit de dédouanement
immédiat ni d'émission de chèques non certifiés, et
que cette agence ne pourrait désormais dédouaner
des marchandises qu'après paiement, chaque fois,
par chèque certifié. Donc, plus de dédouanement
sans paiement des droits: point de paiement comp-
tant, point de dédouanement!
Le 17 novembre 1978, toutefois, Empire a pu
dédouaner des marchandises du terminus Mid-
Continent Trust Terminal, sur présentation d'un
chèque non certifié de $5,607.86. Selon les explica
tions données par la suite, il s'agit d'un grand
entrepôt très actif, avec plus de 100 douaniers au
travail, et le responsable n'avait pas communiqué
les instructions de M. Mills au douanier qui, le 17
novembre 1978, a permis à Empire de dédouaner
cet envoi sur présentation d'un chèque non certifié.
Après le 17 novembre 1978, il n'y a plus eu de
dédouanement sur droits garantis de la part
d'Empire.
Le 20 novembre 1978, M. Mills a confirmé à
chacun des sept bureaux de Toronto ses instruc
tions données verbalement le 16 novembre 1978.
La décision de M. Mills était motivée par l'ava-
lanche de chèques sans provision tirés par Empire.
Vers la mi-novembre, M. Mills a eu un entretien
à ce sujet avec M. Weber, le patron d'Empire,
dans la salle des comptoirs de la douane au bureau
principal du Ministère à Toronto. M. Weber, indi-
quant qu'il faisait des efforts pour éviter la faillite
de l'entreprise et rendre celle-ci suffisamment sol
vable afin de payer les dettes, a sollicité la patience
du Ministère pour quelque temps. Le Ministère n'a
donc pris aucune mesure immédiate pour fermer
l'entreprise, mais lui a donné le temps nécessaire
pour se procurer dé l'argent et acquitter tous les
droits et les taxes qu'il devait encore. Le délai ainsi
accordé était d'environ un mois, puisque, le 28
décembre 1978, M. Mills a informé M. Neville,
par note de service, que M. Weber l'avait appelé
pour le mettre au courant de la fermeture d'Em-
pire. En réponse à la question de savoir s'il allait
remettre son permis d'agent, l'intéressé a déclaré
qu'il n'entendait pas le faire pour le moment, mais
qu'il attendrait de savoir ce qu'il adviendrait de
l'argent dû au Ministère.
Auparavant, Empire avait cependant adressé à
la demanderesse des factures de $372.55 et
$179.43 le 26 octobre 1978, et $2,222.76 le 15
novembre 1978, soit au total $2,774.74. Le 20
novembre 1978, la demanderesse reçut une autre
facture d'Empire pour $23,658.62.
Les deux premières factures en date du 26 octo-
bre 1978, de $372.55 et de $179.43 respective-
ment, soit au total $551.98, ont été payées par la
demanderesse, ainsi qu'il est indiqué sur ces factu-
res mêmes, par chèque n° 10655 en date du 8
décembre 1978, au montant de $3,674.76.
Il ressort des inscriptions faites par la demande-
resse sur la facture de $2,222.76 du 15 novembre
1978, que celle-ci a été payée par chèque n° 10675
daté ch, 27 novembre 1978, au montant de
$2,981.04, et des inscriptions faites sur la facture
de $23,658.62 du 20 novembre, que celle-ci a été
payée par chèque n° 10675 de la demanderesse, au
montant de $2,981.04, et par chèque n° 10670 du
20 novembre 1978 au montant de $23,000, ainsi
que par chèque n° 10675 du 27 novembre 1978.
Selon mes calculs, Empire a adressé à la deman-
deresse pour la période du 26 octobre au 20
novembre 1978, une facture totale de $25,881.37,
et cette dernière lui a payé au total $29,615.80 par
chèques n°' 10655, 10670 et 10675. L'endossement
de ces chèques indique qu'ils ont été déposés au
crédit d'Empire.
Le Ministère établit à $25,789.50 le montant dû
des droits de douane et taxes d'accise frappant les
marchandises importées par la demanderesse.
Comme la demanderesse ne conteste pas l'exac-
titude du montant des droits et taxes d'accise
impayés, il n'est pas nécessaire de rapprocher ces
chiffres divergents. Ce qu'il y a de certain, c'est
qu'Empire n'a pas payé au Ministère la somme de
$25,789.50 et que la demanderesse a réglé toutes
les factures d'Empire, soit plus de $25,789.50. Il
s'ensuit qu'Empire n'a pas versé au Ministère, en
paiement des droits de douane et taxes d'accise, la
somme de $25,789.50 reçue à cet effet de la
demanderesse, qui croyait ainsi rembourser
Empire des droits que cette dernière devait acquit-
ter, mais qu'elle n'a pas acquittés.
La demanderesse n'était pas la seule cliente
d'Empire à subir une telle perte. Il y en avait
quatre autres.
La demanderesse et ces quatre autres clients
doivent au Ministère $108,161.81 au total. Déduc-
tion faite de $70,000 provenant de la réalisation du
cautionnement (moins $154 dus par Empire au
Ministère et n'ayant aucun rapport avec des
importateurs), il manquait donc $38,315.81.
Le Ministère a recouvré cette somme de
$38,315.81 auprès des importateurs (lesquels sont
tenus responsables par la Loi sur les douanes, des
droits et taxes à payer) au prorata des sommes
dues. La demanderesse a payé, sous réserve, sa
part de $9,134.49.
Lorsque, par suite de la situation financière
visiblement instable d'Empire, M. Mills a mis fin à
son droit de dédouanement sur droits garantis et
de paiement par chèques non certifiés, il n'en a pas
informé immédiatement les importateurs, dont la
demanderesse.
Le 29 novembre 1978, il téléphona au bureau de
la demanderesse. Selon le commis qui a pris la
communication, il voulait savoir si la demande-
resse avait remis des fonds à son agent en douane
pour acquitter les droits de douane et les taxes
d'accise. Il se peut qu'il ait exigé un paiement de la
part de la demanderesse, ce à quoi le commis a
répondu que l'argent avait déjà été payé à Empire.
Mis au courant, M. Chernick a vérifié les dates
des importations et s'est assuré que les chèques
aux montants respectifs de $2,981.04 et de
$23,000 avaient été envoyés à Empire pour acquit-
ter les droits et taxes.
Le 6 décembre 1978, M. Mills a informé M.
Chernick qu'Empire n'avait pas payé les droits et
taxes exigibles. Il lui a demandé de produire les
factures et les chèques de paiement, ce qu'a fait
M. Chernick.
Aussitôt qu'il apprit de M. Mills, le 6 décembre
1978, qu'Empire n'avait pas payé les droits et
taxes dont s'agit, M. Chernick se mit immédiate-
ment en rapport avec M. Weber. Sans lui donner
d'explications satisfaisantes sur ses difficultés, M.
Weber lui a assuré que s'il y avait un déficit, il ne
fallait pas s'en inquiéter puisque le cautionnement
de garantie d'Empire suffirait pour indemniser la
demanderesse de toute perte.
M. Weber a transféré le compte de la demande-
resse à une autre agence en douane, X M Customs
Brokers Limited, à laquelle la demanderesse a
donné procuration.
Le Ministère a suspendu le droit d'Empire d'ef-
fectuer les dédouanements sur droits garantis, par
instructions données verbalement le 16 novembre
1978 à tous les bureaux de douane de Toronto et
confirmées par écrit le 20 novembre 1978.
A la mi-novembre, M. Mills a demandé à M.
Weber de l'agence Empire ce qu'il comptait faire
au sujet des sommes dues. Il n'a pas révoqué le
permis d'Empire, mais lui a permis de continuer à
fonctionner par paiements au comptant, pour
donner à M. Weber le temps de se rattraper et de
payer ses dettes. Cet état de choses n'a pris fin que
le 28 décembre 1978.
Le 6 décembre 1978, lorsque M. Mills parla de
l'affaire avec M. Chernick qui lui produisit à cette
occasion les factures et les chèques de paiement
encaissés par Empire, il n'était nullement question
d'une insuffisance éventuelle du cautionnement,
laquelle engagerait la responsabilité de la deman-
deresse.
Dès le 14 novembre 1978, M. Mills savait
qu'Empire avait tiré des chèques sans provision, et
il a décidé de suspendre ses privilèges le 16 novem-
bre 1978.
Le 20 novembre 1978, la demanderesse envoya à
Empire un chèque de $23,000 et, le 27 novembre
1978, un autre chèque de $2,981.04. Ces paie-
ments eurent lieu après qu'Empire fut suspendue
le 16 novembre 1978, et avant que la demande-
resse ne fût informée de la déchéance d'Empire en
matière de dédouanement sur droits garantis et de
paiement par chèques non certifiés.
Aux termes de l'article 5 du Règlement sur la
mainlevée des marchandises importées, lorsque le
montant du cautionnement de garantie requis de
l'agent en douane, conformément aux alinéas 2b)
et c), a été déposé et que le receveur ou le sous-
ministre, selon le cas, est d'avis que le montant
maximal des droits et des taxes qui pourrait être
impayé au cours de la durée de la garantie est
supérieur au montant de la garantie déposée, alors
l'agent en douane peut être tenu de déposer un
nouveau cautionnement équivalant à ce montant
supérieur. Il en est de même de l'inverse.
Pour s'assurer que le cautionnement est suffi-
sant pour couvrir les droits à payer, chaque bureau
relevant d'un port doit rendre compte périodique-
ment de la valeur des opérations effectuées chaque
jour par chaque agent en douane.
Ainsi, tous les bureaux envoient au responsable
des comptes un résumé hebdomadaire des opéra-
tions effectuées par chaque agent en douane.
Vu le nombre d'agents en douane en exercice, il
n'est pas possible de dépouiller ces rapports chaque
semaine.
L'usage s'est donc établi de contrôler tous les
deux mois les comptes de chaque agent en douane.
Ces comptes sont vérifiés, et si le calendrier n'est
pas observé de manière rigoureuse, l'échéancier de
deux mois est à peu près respecté.
C'est ce qui ressort du contrôle des comptes
d'Empire.
Pour la semaine du 9 janvier 1978, le total le
plus élevé des droits et taxes, pour trois jours, était
de quelque $23,400.
Pour la semaine du 20 février 1978, le total le
plus élevé des droits et taxes, pour trois jours, était
de quelque $7,345.
Pour la semaine du 24 avril 1978, le total le plus
élevé des droits et taxes, pour trois jours, était de
quelque $33,000.
Pour la semaine du 12 juin 1978, le total le plus
élevé des droits et taxes, pour trois jours, était de
quelque $35,735.
Pour la semaine du 11 septembre 1978, le total
le plus élevé des droits et taxes, pour trois jours,
était de quelque $20,638.
Ces contrôles ont eu lieu à peu près à deux mois
d'intervalle.
Dans chaque cas, le cautionnement de $50,000
dépassait le total le plus élevé de trois jours de
droits et taxes par semaine, de sorte qu'il n'était
pas nécessaire d'augmenter le montant du caution-
nement.
Le contrôle à effectuer deux mois après la
semaine finissant le 15 septembre 1978 devait
avoir lieu à la mi-novembre 1978.
Aucun contrôle du cautionnement d'Empire n'a
été prévu pour novembre 1978, et pour cause.
La situation financière d'Empire doit être
tombée au plus bas vers le 14 novembre 1978,
lorsque ses chèques ont commencé à être rejetés
pour insuffisance de provision.
Elle fut déchue le 16 novembre 1978 de son
droit de dédouaner sur droits garantis et de payer
par chèques non certifiés.
Le cautionnement ayant pour objet de garantir
les chèques non certifiés présentés en paiement des
droits et taxes frappant les marchandises dédoua-
nées sur droits garantis, il s'ensuit que, par suite de
la révocation du privilège, le cautionnement ne
servirait pas les fins pour lesquelles il a été
constitué.
Vers la fin de janvier 1979, M. Chernick a eu un
entretien avec un fonctionnaire du ministère du
Revenu national, Division des douanes et de l'ac-
cise, qui lui a expliqué qu'un contrôle des opéra-
tions d'Empire aurait fait certainement ressortir
un déficit d'un montant non déterminé, à l'époque,
mais que la demanderesse serait tenue responsable.
M. Chernick a répondu que c'était injuste puisqu'il
avait déjà payé à Empire tous les droits et taxes
frappant ses importations.
Par lettre recommandée en date du ler février
1979, R. J. Neville, receveur régional du ministère
du Revenu national, a informé la demanderesse
qu'Empire avait manqué à ses obligations décou-
lant de son privilège de retrait immédiat, et que
des droits et taxes s'élevant à $25,789.50 étaient
dus pour deux arrivages dont Empire avait pris
livraison pour le compte de la demanderesse, ces
droits étant de $23,598.62 pour l'un, et de
$2,190.88 pour l'autre.
La lettre rappelle que, sous le régime de la Loi
sur les douanes, la demanderesse était tenue à
l'obligation de payer les droits et taxes, lors même
qu'elle en a versé le montant à Empire, et qu'elle y
était légalement tenue tant qu'Empire n'aurait pas
versé ce montant à la Couronne.
La demanderesse ne conteste pas cette énoncia-
tion exacte de la responsabilité des importateurs,
telle que la prévoit la Loi sur les douanes.
La lettre ajoute que le Ministère réaliserait le
cautionnement d'Empire, et que la responsabilité
de la demanderesse en serait réduite d'autant.
Par une autre lettre recommandée en date du 19
février 1979, le Ministère a informé la demande-
resse que, compte tenu de la somme recouvrée par
réalisation du cautionnement, la demanderesse
était encore tenue à des droits et taxes s'élevant à
$9,134.49, qui devaient être payés dans les 30
jours de la date de la lettre, faute de quoi le
recouvrement serait fait par voie judiciaire.
Le 2 avril 1979, la demanderesse a payé, sous
réserve, la somme requise.
C'est dans ce contexte que la demanderesse a
intenté cette action sur la base, non d'un contrat,
puisqu'il n'y a aucune relation contractuelle entre
elle et le Ministère, mais d'un délit civil, pour
réclamer $9,134.49 à titre de réparation, la
demanderesse ayant dû payer cette somme par
suite de la négligence qu'elle reproche aux prépo-
sés de la Couronne dans l'exercice de leurs
fonctions.
L'allégation principale de négligence, reprochée
par la demanderesse aux préposés de la Couronne,
figure aux paragraphes 11 et 12 de la déclaration.
Selon le paragraphe 11, les fonctionnaires res-
ponsables du ministère du Revenu national ont fait
preuve de négligence en permettant à Empire de
dédouaner des marchandises pour lesquelles les
droits et taxes payables dépassaient le montant du
cautionnement déposé auprès du Ministère.
Selon le paragraphe 12, le Ministère a commis
la négligence de ne rien faire pendant deux mois
pour recouvrer les droits et taxes qu'Empire aurait
dû acquitter.
En ce qui concerne les allégations faites au
paragraphe 11 de la déclaration, les deux caution-
nements fournis par Empire, l'un de $20,000 en
application du Règlement sur l'agrément des
agents en douane, établi par le Ministre en vertu
des pouvoirs qu'il tient du paragraphe 118(5) de la
Loi sur les douanes, et l'autre de $50,000 en
application du Règlement sur la mainlevée des
marchandises importées, établi par le gouverneur
en conseil en vertu des pouvoirs qu'il tient du
paragraphe 22(3) de la Loi sur les douanes, soit
au total $70,000, étaient de $38,315.81 inférieurs
au montant de $108,161.81 que devait Empire à
titre de droits et taxes frappant les marchandises
dédouanées sur droits garantis pour le compte de
ses clients, à part la somme de $154 due par
Empire au Ministère et n'ayant aucun rapport
avec les droits et taxes frappant les importations de
ses clients. Au 16 novembre 1978, date de la
suspension de son privilège de dédouanement sur
droits garantis, Empire devait au Ministère la
somme totale de $10,831.81.
En application de l'article 5 du Règlement sur
la mainlevée des marchandises importées, le rece-
veur ou le sous-ministre peut relever ou abaisser le
cautionnement de $50,000 déposé par Empire.
Selon les témoignages rappelés en détail plus
haut, le Ministère contrôle à peu près une fois tous
les deux mois les opérations effectuées au port par
chaque agent en douane, pour voir s'il y a lieu de
modifier le montant du cautionnement fourni par
cet agent.
Le dernier contrôle du cautionnement de
$50,000 fourni par Empire en garantie des droits à
payer portait sur la semaine qui prit fin le 15
septembre 1978.
Le paragraphe 12 allègue donc, essentiellement,
que le Ministère a manqué à ses responsabilités
pour ne pas avoir contrôlé le compte d'Empire
pour la période du 15 septembre au 16 novembre
1978.
En somme, la négligence reprochée aux fonc-
tionnaires du Ministère par le paragraphe 12 de la
déclaration consisterait à laisser passer, sans paie-
ment par Empire et sans aucun effort de leur part
pour la faire payer, le délai de trois jours fixé aux
agents en douane jouissant du privilège de dé-
douanement sur droits garantis, pour payer les
droits et taxes conformément à l'alinéa 4b) du
Règlement sur la mainlevée des marchandises
importées.
Comme corollaire de l'allégation de négligence
faite dans la déclaration, l'avocat de la demande-
resse soutient à l'audience que le Ministère a fait
preuve de négligence en omettant d'informer
immédiatement la demanderesse, laquelle en sa
qualité d'importatrice, était ultimement tenue à
l'obligation de payer, qu'à l'expiration du délai de
trois jours imparti pour le paiement des droits et
taxes frappant les marchandises dédouanées sur
droits garantis, Empire ne les avait pas acquittés.
Comme corollaire de la même allégation, l'avo-
cat de la demanderesse soutient encore que les
fonctionnaires du Ministère ont manqué à leur
devoir d'informer immédiatement la demanderesse
qu'Empire était insolvable lorsqu'ils apprirent, les
14, 15 et 16 novembre, que les chèques présentés
par cette dernière en paiement des droits et taxes
pour le compte de ses clients autres que la deman-
deresse, avaient été impayés; qu'ils ne l'en ont
informée que le 6 décembre 1978 ou le 29 novem-
bre 1978; que les deux fois, ils ont omis d'avertir la
demanderesse qu'elle serait tenue à tout déficit
non couvert par le cautionnement; mais qu'ils ont
attendu, pour le faire, jusqu'au ler février 1979,
date à laquelle l'importance du déficit n'a pas été
calculée.
Voici les autres allégations de négligence faites
contre la défenderesse: un dédouanement a été
autorisé le 17 novembre 1978 alors que le droit de
dédouanement immédiat d'Empire avait été sus-
pendu le 16 novembre 1978; après cette suspension
(dont la demanderesse ne fut pas informée),
Empire a été autorisée à poursuivre ses activités
jusqu'à ce que M. Weber, de sa propre initiative,
mît fin à l'entreprise le 28 décembre 1978; et
même alors, le permis d'Empire n'a pas été révo-
qué et le Ministère n'a informé la demanderesse de
rien.
La Couronne ne peut être tenue responsable
d'un préjudice subi par la demanderesse, que si elle
est tenue à une obligation à son égard et qu'elle a
violé cette obligation.
La demanderesse ne peut prétendre à une répa-
ration que si elle établit l'existence d'une obliga
tion de la Couronne à son égard, faute de quoi,
l'affaire en reste là. Si elle arrive à établir l'exis-
tence d'une obligation, il lui faut encore, pour
avoir gain de cause, démontrer que cette obligation
a été violée.
Évidemment, la demanderesse conclut à la fois à
l'existence d'une obligation et à la violation de
cette obligation, et de son côté, la défenderesse
soutient qu'il n'y a aucune obligation et que, quand
bien même il y en aurait une, il n'y a pas eu
violation.
Je conviens avec la défenderesse que la Loi sur
les douanes a pour but d'imposer des droits de
douane et des taxes d'accise afin d'assurer et de
garantir des recettes pour la Couronne.
Une loi du Parlement doit être interprétée de
manière à atteindre le but visé, tel qu'il ressort du
libellé de cette loi.
Toute loi fiscale doit être interprétée de manière
stricte. La taxe doit être expressément prévue, et,
pour la percevoir, la Couronne doit s'en tenir à la
lettre de la disposition applicable, faute de quoi le
contribuable n'est tenu à aucun paiement, même si
son cas est manifestement visé selon l'esprit de la
loi.
Cette règle fondamentale d'interprétation des
lois fiscales est toutefois tempérée par le paragra-
phe 2(3) de la Loi sur les douanes, aux termes
duquel toutes les expressions et dispositions de la
présente loi ou de toute loi relative aux douanes
doivent recevoir, suivant leurs véritables sens,
intention et esprit, l'interprétation équitable et
libérale la plus propre à assurer la protection du
revenu et la réalisation des objets pour lesquels la
présente loi ou cette loi a été édictée.
Selon l'article 118 de la Loi, le receveur à un
bureau peut émettre à une personne un permis
l'autorisant à exercer des opérations de courtier en
douane. C'était le cas d'Empire.
Selon l'article 116 de la Loi, toute chose accom-
plie par un agent dûment autorisé, telle Empire
qui, en qualité d'agent en douane, était mandataire
de la demanderesse, lie le mandant, et celui-ci doit
donner à l'agent une autorisation écrite. Il s'agit là
d'un rappel des règles gouvernant le mandat, la loi
posant comme règle que l'agent en douane pré-
sente au Ministère une procuration écrite du
mandant.
Aux termes de l'article 125 de la Loi sur les
douanes, tous les cautionnements et toutes les
garanties qu'il est permis de prendre et de recevoir
en vertu de toute loi relative aux douanes, sont
reçus au bénéfice et à l'usage de Sa Majesté.
Il ressort de ces dispositions invoquées par la
défenderesse, que la Loi a pour objet d'assurer des
recettes à la Couronne, lequel objet se dégage,
comme je l'ai admis, de ses dispositions comme de
l'esprit général de la Loi.
Toutefois, je n'interprète pas cette Loi dans son
ensemble comme imposant au gouvernement l'obli-
gation légale de fournir des services au public, et, à
mon avis, on ne peut interpréter cette loi comme
créant un droit privé d'action au cas de manque-
ment à cette obligation.
Il n'en est pas de même, à mon avis, du Règle-
ment sur l'agrément des agents en douane. Ce
Règlement a été établi par le Ministre en applica
tion du paragraphe 118(5) de la Loi sur les doua-
nes, afin de donner effet à cette disposition 118, en
prévoyant les conditions de délivrance des permis
aux agents en douane.
Ce Règlement a été donc établi conformément
aux pouvoirs du Ministre, et il ne va pas à l'encon-
tre du Règlement sur la mainlevée des marchan-
dises importées établi par le gouverneur en conseil
en application du paragraphe 22(3) de la Loi sur
les douanes pour prévoir les conditions dans les-
quelles des marchandises peuvent être dédouanées
sans paiement immédiat de tous les droits et pour
prévoir les modalités des cautionnements déposés à
cet effet.
Je suis convaincu que le Règlement sur la main-
levée des marchandises importées et les cautionne-
ments requis sous son régime avaient pour seul but
de protéger les recettes du Trésor.
Le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'agré-
ment des agents en douane porte:
11. (1) Avant l'octroi ou le renouvellement d'un agrément, il
faut fournir au ministère un cautionnement d'une société de
caution agréée par le ministre des Finances, ou une ou plusieurs
obligations négociables du gouvernement du Canada représen-
tant une somme ou un montant global d'au moins $20,000 ce
qui garantira le ministère et les clients de l'agent de toute perte
pendant la période visée par l'agrément ou son renouvellement.
[Les italiques sont de moi.]
Ce paragraphe, validement édicté par le Minis-
tre en vertu des pouvoirs qu'il tient de la loi, est
partie intégrante de la loi et doit être interprété en
conséquence.
Il ressort du libellé de ce paragraphe que le
cautionnement ne vise pas exclusivement à garan-
tir les recettes de la Couronne, mais aussi à garan-
tir les «clients de l'agent» contre toute perte.
Le cautionnement fourni par Empire était le
minimum de $20,000. Je n'ai pu trouver aucune
disposition du Règlement prévoyant que ce mon-
tant pourrait être accru pendant la durée du
permis. L'augmentation ne pourrait donc se faire
qu'au renouvellement du permis.
Ainsi, le paragraphe 11(1) impose expressément
au Ministère l'obligation de contrôler la conduite
de tiers. Normalement, la loi ne requiert pas d'une
personne qu'elle intervienne dans les activités
d'une autre afin de protéger un tiers. Mais il peut
y avoir un rapport entre une personne et une autre
dont les droits ont été lésés et qui a droit à la
protection de la première, ou entre cette personne
et un tiers soumis à son autorité.
A titre d'exemple du droit à la protection, on
peut citer le cas bien connu des rapports conven-
tionnels entre employeur et employé, entre auber-
giste et hôte, etc.
Dans Timm c. La Reine ([1965] 1 R.C.É. 174),
il a été jugé que les autorités pénitentiaires ont
envers un détenu l'obligation de prendre des mesu-
res raisonnables pour assurer sa sécurité en tant
que personne placée sous leur garde, et que c'est
seulement dans le cas où les employés du péniten-
cier manquent à cette obligation que la Couronne
peut être tenue responsable. De même, les exploi-
tants d'un théâtre, d'un stade, d'un hôtel ou d'une
taverne ont l'obligation de protéger leurs clients
contre les tracasseries causées par d'autres et dans
certains cas, par eux-mêmes, et les parents et les
enseignants ont l'obligation de protéger les enfants
sous leur garde contre les dangers prévisibles.
Par ailleurs, dans des cas plus rares, la loi peut
voir dans les rapports spéciaux entre deux person-
nes, une obligation de contrôle de l'une envers
l'autre. En l'absence de tout droit de contrôle, il ne
saurait y avoir une obligation correspondante de
contrôle pour la protection d'autrui.
A mon avis, pareille obligation découle du para-
graphe 11(1) du Règlement sur l'agrément des
agents en douane, ce qui justifie l'application des
principes énoncés dans les arrêts Home Office c.
Dorset Yacht Co. Ltd. [1970] A.C. 1004, Rubie c.
Faulkner [1940] 1 All E.R. 285, O'Rourke c.
Schacht [1976] 1 R.C.S. 53 et Culford Metal
Industries Ltd. c. Export Credits Guarantee
Department, ce dernier étant une décision rendue
par le juge Neill, de la Division du Banc de la
Reine, et publiée dans The Times de Londres, le
25 mars 1981.
Les affaires Dorset Yacht et Culford Metal
portaient sur la négligence commise dans l'accom-
plissement des obligations prévues par la loi et non
sur la violation même de ces obligations (voir lord
Pearson à la page 1055).
Dans l'affaire Dorset Yacht, sept jeunes délin-
quants de l'établissement de Borstal, placés sous la
surveillance de trois agents, se sont évadés, ont
vogué à l'aventure et ont endommagé le bateau de
plaisance des demanderesses. Celles-ci ont pour-
suivi le ministère de l'Intérieur en invoquant la
négligence du fonctionnaire responsable qui con-
naissait les penchants des délinquants mais ne les a
pas surveillés proprement. Le ministre de l'Inté-
rieur soutenait qu'il n'était tenu à aucune obliga
tion envers les intéressés, peu importe la négli-
gence dont les agents eussent pu faire preuve,
puisqu'il n'était tenu à une obligation qu'envers la
Couronne.
Le même argument est avancé en l'espèce par la
défenderesse. Les employés du Ministère ont pour
seule obligation d'assurer les recettes à la
Couronne.
Cet argument a été rejeté dans l'affaire Dorset
Yacht, où il a été jugé que les agents de l'établisse-
ment de Borstal avaient envers les demanderesses
l'obligation de prendre des mesures raisonnables
pour empêcher les délinquants sous leur surveil
lance d'endommager les biens des demanderesses,
si le risque de dommage tenant à leur négligence
était manifeste; il a été aussi jugé que l'ordre
public ne requérait pas dans ce cas l'immunité
contre les poursuites, telle l'action des demande-
resses.
Lord Pearson s'est prononcé en ces termes à la
page 1055:
[TRADUCTION] Obligation légale: les agents des défendeurs
étaient soumis à des obligations légales, non seulement en ce
qui concerne la détention de ces jeunes délinquants de Borstal,
mais aussi en ce qui concerne leur discipline, leur surveillance
et leur contrôle. Ces obligations légales devaient être observées
envers la Couronne et non envers des particuliers telles les
demanderesses. Cependant, les demanderesses n'invoquent pas
la violation d'une obligation légale. L'existence d'obligations
légales n'exclut pas la responsabilité en common law pour
négligence dans leur accomplissement.
En analysant les critères esquissés par lord
Atkin dans Donoghue c. Stevenson ([1932] A.C.
562 la page 580), lord Reid a conclu, à la page
1027, que le préjudice causé par négligence était
susceptible de poursuite judiciaire [TRADUCTION]
«à moins que son exclusion ne soit justifiée ou
valablement expliquée».
Dans l'affaire Culford Metal, le Ministère était
tenu à l'obligation légale d'informer l'exportateur
s'il était, dans certains cas, assuré contre le risque
de non-paiement. Par suite de renseignements
inexacts donnés par le Ministère à la demande-
resse, celle-ci s'est crue assurée alors qu'en fait elle
ne l'était pas, ce qui lui a fait subir des pertes. Il y
avait négligence dans l'exécution d'obligations
légales, ce qui a engagé la responsabilité du
Ministère.
Dans Rubie c. Faulkner (précitée), le proprié-
taire d'un véhicule s'est vu accorder un permis
provisoire en application de la Road Traffic Act,
1930, 20 & 21 Geo. V, c. 43. Selon le Règlement
d'application, le détenteur d'un permis provisoire
ne pouvait conduire son véhicule que sous la sur
veillance d'un [TRADUCTION] «moniteur», c'est-à-
dire d'un conducteur qualifié qui a accepté de faire
fonction de moniteur à la demande du propriétaire.
Le propriétaire, qui déboîta pour dépasser une
voiture à cheval, n'a pas vu le véhicule venant en
sens inverse, mais le moniteur l'a vu. Le proprié-
taire a été condamné pour conduite négligente et le
moniteur pour complicité.
En appel, il a été jugé que le Règlement impo-
sait expressément au moniteur l'obligation de sur
veillance et qu'il appartenait aux juges du fond de
constater s'il avait exécuté cette obligation.
Dans O'Rourke c. Schacht (précitée), qui sta-
tuait dans le même sens, la majorité a conclu dans
ses motifs à la violation d'une obligation légale. Il
a été jugé que les agents de la police provinciale
étaient tenus par The Police Act, S.R.O. 1970, c.
351, à l'obligation, entre autres, de patrouiller les
voies publiques, de procéder aux enquêtes en cas
d'accident et d'assurer la sécurité des usagers de la
route. En cas de non-exécution ou de négligence
dans l'exécution de ces obligations, la partie lésée a
une cause d'action.
Ces décisions portaient sur l'obligation de dili
gence envers les particuliers.
Comme indiqué plus haut, j'estime que les prin-
cipes établis par ces décisions sont applicables en
tant qu'ils consacrent l'obligation légale envers les
clients des agents en douane agréés, que prévoit
expressément le paragraphe 11(1) du Règlement
sur l'agrément des agents en douane; la violation
de cette obligation, qu'elle tienne à l'omission ou à
la négligence des fonctionnaires du Ministère,
entraîne la responsabilité envers le client de
l'agent, en l'occurrence la demanderesse.
Pour ce qui est du Règlement sur la mainlevée
des marchandises importées, je suis parvenu à la
conclusion opposée. Comme ce Règlement vise à
assurer les recettes prévues par la Loi sur les
douanes à l'intention de la Couronne, l'obligation,
que le Règlement vise à rendre plus impérative, ne
profite qu'à la Couronne.
Il échet d'examiner en conséquence s'il y a eu
négligence dans l'exécution des obligations légales
découlant du Règlement sur l'agrément des agents
en douane.
Je ne le pense pas.
Empire était détentrice d'un permis valide et en
vigueur, qu'elle avait reçu en application de l'arti-
cle 118 de la Loi sur les douanes.
Empire remplissait toutes les conditions préala-
bles prévues par cet article et par le Règlement
d'application, à la délivrance et au renouvellement
du permis.
En application du paragraphe 11(1), Empire
avait fourni un cautionnement de $20,000. Comme
indiqué plus haut, la Loi ne prévoit nulle part que
le cautionnement peut être augmenté pendant la
durée du permis. Rien n'indique qu'à la délivrance
ou au renouvellement du permis, le montant mini
mum de $20,000 était insuffisant. J'en conclus
qu'il n'y a pas eu négligence de la part des prépo-
sés de la Couronne en ce qui concerne l'obligation
qu'ils avaient envers la demanderesse sous le
régime du Règlement en matière d'agrément.
Vu cette conclusion, il n'est pas nécessaire
d'examiner si la demanderesse a été imprudente
elle-même, contribuant ainsi au préjudice.
A supposer qu'il y ait une obligation envers la
demanderesse, par application du Règlement sur
la mainlevée des marchandises importées—et j'ai
conclu que ce n'est pas le cas en l'espèce je suis
d'avis qu'il n'y a pas eu négligence dans l'exécution
de cette obligation légale.
A l'appui de l'allégation de négligence, la
demanderesse reproche aux fonctionnaires du
Ministère de ne pas avoir contrôlé les opérations
d'Empire pour s'assurer que le cautionnement de
$50,000 était suffisant en cas de défaut de
paiement.
Le dernier contrôle, prévu pour la semaine qui
prit fin le 18 septembre 1978, a montré que le
montant du cautionnement était suffisant à cet
effet. Ce contrôle s'inscrivait dans le cadre des
contrôles bimestriels, l'expérience acquise par le
Ministère ayant montré que la fréquence observée
était suffisante dans les circonstances normales. Le
contrôle qui devait suivre aurait eu lieu à la mi-
novembre 1978. Les 15 et 16 novembre 1978, un
fait extraordinaire s'est produit. Le receveur régio-
nal s'aperçut que les chèques émis par Empire
furent rejetés par la banque pour insuffisance de
fonds.
Le 16 novembre 1978, tous les bureaux du port
de Toronto furent verbalement informés de la sus
pension du droit d'Empire au dédouanement sur
droits garantis et au paiement par chèques non
certifiés. Il n'était donc plus nécessaire de procé-
der, à la mi-novembre, à un contrôle des opéra-
tions d'Empire pour s'assurer que le cautionne-
ment déposé était suffisant pour couvrir les droits
et les taxes d'accise frappant les marchandises
dédouanées, puisque le retrait du privilège d'Em-
pire rendait tout cautionnement inutile. Il n'y avait
donc aucune négligence de la part des fonctionnai-
res du Ministère à cet égard.
Avant la suspension de ce privilège, Empire était
tenue par l'article 4 du Règlement sur la mainle-
vée des marchandises importées de payer tous les
droits et taxes dans les trois jours du dédouane-
ment.
Empire n'a pas acquitté les droits et les taxes
d'un montant total de $25,789.50, frappant deux
cargaisons . importées par la demanderesse, pour
lesquelles, entre le 26 octobre et le 15 novembre
1978, Empire a envoyé à la demanderesse des
factures que celle-ci a réglées par chèques datés
respectivement du 20 et du 27 novembre 1978.
Empire n'a présenté au Ministère aucun chèque,
certifié ou non, en paiement de ces droits et taxes
dus par la demanderesse.
Je présume que les factures envoyées par
Empire à la demanderesse les 8 et 20 novembre
1978 devaient porter sur les cargaisons importées
trois jours auparavant. Ce qui est certain, c'est
qu'Empire n'a acquitté, dans les trois jours du
dédouanement des marchandises (livrées à la
demanderesse), ni l'une ni l'autre des deux factu-
res portant les n°' 3383 et 2553 (je présume qu'il
s'agit là des numéros des factures adressées par le
Ministère à Empire) au montant de $23,598.62 et
de $2,190.88 respectivement. Ces factures n'ont
jamais été honorées autrement qu'en partie, grâce
aux fonds provenant de la réalisation du caution-
nement fourni par Empire. Je n'arrive pas à déter-
miner la date à laquelle les marchandises dont
s'agit ont été dédouanées avant paiement des
droits. Je n'ai pu trouver de preuve à ce sujet.
Lorsque le cautionnement est susceptible de con
fiscation du fait que le déposant n'a pas payé les
droits et taxes dans le délai prévu à l'article 4 du
Règlement sur la mainlevée des marchandises
importées, le Ministre peut, conformément à ses
pouvoirs discrétionnaires, décider de ne pas pro-
noncer la confiscation s'il est convaincu que le
retard est justifié.
L'alinéa 2(i) des Directives générales annexées
au Règlement sur la mainlevée des marchandises
importées, prévoit que si l'importateur représenté
par un agent ne paie pas dans les trois jours, ce
dernier est informé de la suspension du privilège de
retrait immédiat pour le compte de cet importa-
teur. Donc, s'il y avait obligation de notifier à
l'importateur le défaut de paiement de l'agent,
cette obligation a été accomplie par la notification
à l'agent de la suspension du privilège de retrait
immédiat.
En outre, l'affaire doit être portée à la connais-
sance du directeur régional, Division des opéra-
tions douanières. Celui-ci était soit M. Neville
lui-même soit représenté par ce dernier.
A la mi-novembre, M. Weber, le patron d'Em-
pire, convoqué au bureau de M. Neville, assura à
ce dernier qu'il espérait pouvoir payer toutes ses
dettes. M. Neville lui a accordé le répit nécessaire.
Empire ne pouvait plus contracter de nouvelles
dettes pour les droits et taxes frappant les importa
tions puisque dès le 16 novembre 1978 (sauf le
dédouanement autorisé le 17 novembre 1978, un
bureau de douane extrêmement occupé, par un
agent qui n'était pas au courant de la suspension
prononcée le 16 novembre 1978 du privilège de
retrait immédiat dont jouissait Empire), elle devait
effectuer tous ses dédouanements par paiement au
comptant.
Il a fallu un certain temps pour collationner les
dettes contractées par Empire au 19 février 1979.
Antérieurement à cette date, le ler février 1979, la
demanderesse a été informée qu'elle était tenue de
payer la somme de $25,789.50 au titre des droits et
taxes non payés par Empire (malgré l'avance faite
par la demanderesse à cette dernière à cette fin),
et qu'une bonne partie de cette somme pourrait
être couverte par la réalisation du cautionnement,
mais que tout déficit serait recouvré auprès de la
demanderesse.
Les cinq chèques sans provision d'Empire ont
été remplacés par des chèques certifiés (dont la
provision était peut-être constituée après paiement
des factures par la demanderesse). Empire, ayant
cessé de présenter des chèques sans provision, ne
payait plus du tout.
Les faits rappelés ci-dessus illustrent l'effort
incessant qui a été fait pour recouvrer les sommes
dues par Empire à l'expiration du délai de trois
jours, sommes qui ont été, en fin de compte,
recouvrées en partie grâce à la réalisation du
cautionnement.
La demanderesse a été informée le 29 novembre
1978 qu'Empire n'avait pas payé les droits et taxes
frappant ses importations. M. Chernick n'a pas
saisi toute l'importance de ce message, ce dernier
lui ayant été transmis par un commis. Le 6 décem-
bre 1978, ayant été personnellement mis au cou-
rant par le Ministère, il a reproché à M. Weber ses
découverts, mais s'est laissé rassurer par ce dernier
qui lui a affirmé que le cautionnement suffisait à
garantir la demanderesse.
La demanderesse a engagé des poursuites judi-
ciaires contre Empire pour recouvrer les montants
qu'elle lui avait versés. Ces recours n'ont donné
aucun résultat puisque Empire était insolvable et
cessa ses activités le 28 décembre 1978. Le Minis-
tère a également échoué dans ses efforts pour se
faire payer par Empire (sauf à concurrence du
cautionnement).
Vu ces circonstances, nulle négligence ne peut
être reprochée aux préposés de la Couronne dans
l'exécution de leurs obligations légales.
De même, nulle imprudence ne peut être repro-
chée au président-directeur général de la demande-
resse. Eût-il insisté pour que les factures d'Empire
fussent accompagnées des formules de déclaration
sur lesquelles était apposé le cachet du Ministère
portant la mention «Droits acquittés», il aurait pu
éviter bien des difficultés du fait de cette agence.
Tout agent en douane est tenu de fournir à ses
clients ces formules de déclaration mais il n'est pas
dit à quel moment il doit le faire. Pendant deux
ans, Empire a envoyé à la demanderesse des factu-
res sans les formules de déclaration portant la
mention «Droits acquittés», sans qu'il en résultât
de conséquence fâcheuse, ce qui explique la con-
fiance que la demanderesse nourrissait à l'égard de
l'intégrité financière de son agence en douane,
confiance qui s'est révélée mal placée par la suite.
Par ces motifs, l'action de la demanderesse est
rejetée, et, dans les circonstances, la défenderesse a
droit aux dépens si elle les réclame.
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