T-4364-79
La Reine (Demanderesse)
c.
Canabec Trailers Inc. (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Marceau—
Québec, 22 juin; Ottawa, 9 juillet 1981.
Douanes et accise — La défenderesse a importé des États-
Unis pour les revendre au Canada des remorques munies de
système de réfrigération — La défenderesse a déclaré des
coûts d'acquisition qui ne tenaient pas compte de la valeur des
systèmes de réfrigération parce que le Tarif des douanes, au
numéro tarifaire 42700-1, exemptait ces systèmes du paiement
des droits — La demanderesse réclame le paiement des droits
qui n'ont pas été acquittés et l'imposition d'une pénalité pour
cause de fraude — Il échet d'examiner si les systèmes de
réfrigération ont fait l'objet d'une importation distincte — Il
échet d'examiner si la demande d'imposition d'une pénalité est
bien fondée — Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40, art.
163(1), 192(1) — Tarif des douanes, S.R.C. 1970, c. C-41,
liste A, numéros tarifaires 42700-1, 43910-1.
ACTION.
AVOCATS:
Françoise 011ivier et Claude Joyal pour la
demanderesse.
Robert Cayer pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Savard, Cayer, Gourde & Dutil, Lévis, pour
la défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE MARCEAU: La défenderesse est une
corporation québécoise formée en 1976 pour faire
commerce comme vendeur de remorques neuves ou
usagées. Entre 1976 et 1978, elle s'est procuré aux
États-Unis pour fin de revente au Canada un
certain nombre de remorques pour l'importation
desquelles des droits de douane étaient payables.
Elle fit donc à leur sujet les déclarations exigées
par la Loi, produisant avec chacune les documents
d'attestation requis, et elle acquitta les droits qui
lui furent alors réclamés selon les taux prévus dans
le Tarif des douanes en vigueur.
La demanderesse soutient qu'à huit reprises,
pour l'importation de neuf remorques usagées, la
défenderesse a fait des déclarations fausses,
appuyées de factures inexactes, laissant croire à un
prix d'acquisition moindre que celui effectivement
payé. Elle réclame, par son action, d'abord le
paiement des droits qui n'ont pas été acquittés, et
en surplus une pénalité pour cause de fraude qui
fut imposée sous l'autorité de l'article 192(1) de la
Loi sur les douanes (S.R.C. 1970, c. C-40) et par
la suite tempérée par décision du Ministre rendue
en vertu de l'article 163 de ladite Loi 2 .
Les procureurs se sont mis d'accord sur la plu-
part des faits invoqués et sur toutes les questions
de valeur et de calcul qui étaient impliquées.
Aussi, ne subsiste-t-il aujourd'hui qu'un litige fort
simplifié que quelques données de fait suffiront à
mettre en lumière.
J'ai dit que neuf remorques étaient impliquées
mais les fausses déclarations invoquées ne concer-
naient en fait que huit d'entre elles, la neuvième ne
donnant lieu qu'à une réclamation de droits à
laquelle la défenderesse a acquiescé au début de
l'audition. Ces huit remorques usagées, au sujet
desquelles des fausses déclarations auraient été
faites, étaient au moment de l'importation munies
d'un système de réfrigération; c'étaient en effet des
remorques destinées au transport de marchandises
devant être conservées à basse température. Pour
fin de dédouanement de ces huit remorques, la
défenderesse déclara des coûts d'acquisition qui ne
tenaient pas compte de la valeur des unités de
réfrigération qui y avaient été installées. Elle agit
192. (1) Si quelqu'un
a) passe en contrebande ou introduit clandestinement au
Canada des marchandises, sujettes à des droits, d'une valeur
imposable inférieure à deux cents dollars;
b) dresse, ou passe ou tente de passer par la douane, une
facture fausse, forgée ou frauduleuse de marchandises de
quelque valeur que ce soit; ou
c) tente, de quelque manière de frauder le revenu en évitant
de payer les droits ou quelque partie des droits sur des
marchandises de quelque valeur que ce soit;
' ces marchandises, si elles sont trouvées, sont saisies et confis-
quées, ou, si elles ne sont pas trouvées, mais que la valeur en ait
été constatée, la personne ainsi coupable doit remettre la valeur
établie de ces marchandises, cette remise devant être faite sans
faculté de recouvrement dans le cas de contraventions prévues à
l'alinéa a).
2 163. (1) Dès lors, le Ministre peut rendre sa décision dans
l'affaire concernant la saisie, la détention, l'amende ou la
confiscation, et, s'il y a lieu, prescrire les conditions auxquelles
la chose saisie ou détenue peut être restituée, ou l'amende ou la
chose confisquée remise, ou il peut déférer la question à la
décision de la cour.
ainsi après avoir été informée du fait que le Tarif
des douanes en son numéro tarifaire 42700-1
exemptait de droits d'importation les unités de
réfrigération du type de celles ainsi installées sur
les remorques (modèle Thermo -King Super), parce
qu'il s'agissait de «machines» ou marchandises non
spécifiquement visées et non fabriquées au
Canada. Lorsque les officiers de la demanderesse
se rendirent compte, au cours d'une inspection, que
les déclarations avaient été produites de cette
façon, ils réagirent aussitôt; étant, pour eux, acquis
que la valeur imposable des remorques devait se
calculer sur le prix d'acquisition global', ils récla-
mèrent la différence de droits payables et suggérè-
rent l'imposition d'une pénalité. La défenderesse
contesta et l'action fut peu après intentée. Voilà les
faits à la base de ce litige dont la disposition
m'apparaît peu compliquée.
Je crois que la réclamation pour excédent de
droits exigibles est bien fondée. Comme le considè-
rent les directives internes du Ministre responsa-
ble, elles-mêmes basées sur une décision de la
Commission du tarif (No 676 de 1963), l'exemp-
tion du numéro tarifaire 42700-1 du Tarif ne
s'applique que dans l'hypothèse d'une importation
de la marchandise visée en tant que telle 4 . Le
motif évident de l'exemption aussi bien que les
termes utilisés pour l'établir en attestent claire-
ment. Une fois attachée ou incorporée à une
remorque, une unité de réfrigération perd son indi-
vidualité; elle ne fait plus l'objet d'une importation
autonome, identifiable en elle-même indépendam-
ment du véhicule auquel elle est incorporée. Ce qui
' Sous le numéro tarifaire 43910-1 du Tarif qui couvre
«Voitures, remorques, y compris les roulottes remorques et les
maisons roulantes, n.d., brouettes, chariots, racleurs pour routes
ou chemins de fer et voitures à bras» et fixe le taux des droits à
17h%.
4 Le numéro tarifaire 42700-1 est rédigé comme suit:
Machines, n.d., et accessoires, dispositifs, appareillages de
commande et outils devant servir avec ces machines; pièces
de ce qui précède....
Toutefois, lorsqu'il s'agit de l'importation au Canada des
marchandises énumérées dans ce numéro, le gouverneur en
conseil, sur l'avis du ministre de l'Industrie et du Commerce,
peut, s'il juge qu'il y va de l'intérêt public et qu'il n'est pas
possible de se procurer ces marchandises en s'adressant à
l'industrie canadienne, remettre les droits spécifiés dans ce
numéro à l'égard desdites marchandises, et les paragraphes
17(2),(3),(4),(5) et (8) de la Loi sur l'administration finan-
cière s'appliquent dans le cas d'une remise accordée en vertu
de cette clause.
La remise fut effectivement décrétée par le gouverneur en
conseil.
est importé, c'est la remorque, telle que montée,
avec toutes les parties qui en font ce qu'elle est et
qui, mises ensemble, en font une unité bien définie
et distincte de ses parties.
En revanche, la réclamation pour pénalité m'ap-
paraît sans fondement. La défenderesse, par le
témoignage de son gérant d'alors, a prouvé à ma
satisfaction que ses déclarations n'avaient pas été
faites dans le but de tromper ou d'éviter le paie-
ment de droits. La défenderesse, au contraire, a, à
mon avis, agi de bonne foi, son erreur d'interpréta-
tion sur la portée de l'exemption étant fort com-
préhensible comme en témoigne le fait qu'elle a été
commise par certains officiers des douanes eux-
mêmes. Le procureur de la demanderesse n'a d'ail-
leurs pas insisté sur cette partie de la réclamation.
Jugement sera donc rendu maintenant l'action
pour le montant des droits impayés, soit pour la
somme de $11,950.13.
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