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T-744-81
Magnolia Ocean Shipping Corporation (Deman- deresse)
c.
Le navire Soledad Maria et al. (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Dubé— Montréal, 13 avril; Ottawa, 16 avril 1981.
Droit maritime Pratique Saisie de navire Affidavit portant demande de mandat fait par l'avocat de la demande- resse Motion introduite par le syndic de faillite des pro- priétaires du navire défendeur, tendant à l'annulation du mandat de saisie délivré contre ce dernier Il échet d'exami- ner si l'affidavit est nul par ces motifs (I) qu'il était fondé sur des informations de seconde main et des croyances et non sur les informations de première main; (2) que la demanderesse n'y a pas joint une copie de l'accord; et (3) que l'auteur de l'affidavit ne s'est pas informé ou a refusé de s'informer Requête rejetée Affidavit conforme aux Règles 332(1) et 1003 Règles 332(1), 1003 de la Cour fédérale.
REQUÊTE. AVOCATS:
T. H. Bishop pour la demanderesse.
S. Harrington pour le défendeur Juan M. Ayo
Revilla.
PROCUREURS:
Brisset, Bishop, Davidson & Davis, Montréal, pour la demanderesse.
McMaster Meighen, Montréal, pour le défen- deur Juan M. Ayo Revilla.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les défendeurs.
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal, pour l'intervenante Cargill Grain Company Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DuBÉ: La Cour est saisie d'une requête en mainlevée de saisie du navire défendeur, basée sur trois moyens distincts, à savoir, en premier lieu, que l'affidavit portant demande de mandat était fondé sur des informations de seconde main et des croyances alors qu'il y avait suffisamment de temps pour établir un affidavit portant sur les informations de première main; en deuxième lieu, que la demanderesse n'a pas joint à l'affidavit, comme pièce, une copie de l'accord; et, en troi-
sième lieu, que l'auteur de l'affidavit ne s'est pas informé ou a refusé de s'informer afin de pouvoir répondre aux questions pertinentes posées au cours du contre-interrogatoire relatif à cet affidavit por- tant demande de mandat.
Dans son affidavit portant demande de mandat, Trevor H. Bishop, avocat de la demanderesse, déclare avoir été dûment informé des faits dont s'agit par Dimitri Stylanou, administrateur de la demanderesse, qui demeurait à Nicosie (Chypre), et être convaincu de la véracité de ces faits que, pour plus de commodité, je résume comme suit:
Le Soledad Maria est la propriété de la Naviera Letasa S.A. (ci-après appelée «Naviera») de Bilbao (Espagne). La demanderesse ((Magnolia») est une société libérienne. Le 27 mars 1980, par un accord signé à Londres (Angleterre), Naviera vendit le navire à Magnolia, mais sans le lui livrer. Le Soledad Maria, un navire espagnol enregistré à Bilbao (Espagne), est à présent mouillé à Baie - Comeau (Québec).
Examinons en premier lieu l'allégation selon laquelle un affidavit doit porter sur les informa- tions de première main. Aux termes de la Règle 332(1), les affidavits doivent se restreindre aux faits que le témoin est en mesure de prouver par la connaissance qu'il en a, sauf en ce qui concerne les requêtes interlocutoires pour lesquelles peuvent être admises des déclarations fondées sur ce qu'il croit et indiquant pourquoi il le croit. Selon la Règle 1003, une demande de mandat est une requête interlocutoire, qu'on peut introduire par voie d'affidavit comme suit:
Règle 1003... .
(2) Une demande de mandat prévu par l'alinéa (1) peut être faite par dépôt d'un affidavit, intitulé «Affidavit portant demande de mandat», qui doit contenir une déclaration indiquant:
a) le nom, l'adresse et la profession ou occupation du requé- rant du mandat;
b) la nature de la réclamation;
c) qu'on n'a pas fait droit à la réclamation;
d) la nature des biens à saisir, et, s'il s'agit d'un navire, le nom et la nationalité du navire ainsi que son port d'attache; et
e) si l'action vise à la possession d'un navire étranger, ou en est une pour gages contre un navire étranger, lorsqu'il a son port d'attache dans un État ayant un consulat dans la province se trouve le navire, que l'avis exigé par l'alinéa
(3) a été envoyé. (Une copie de cet avis est, dans ce cas joint à l'affidavit comme pièce).
En l'espèce, l'affidavit portant demande de mandat renferme tous les renseignements requis. De par sa nature même, une requête en saisie de ce genre requiert une procédure rapide. L'avocat qui représente au Canada un demandeur demeurant à l'étranger doit agir en toute diligence et préparer l'affidavit nécessaire à partir des renseignements obtenus par téléphone ou par télégramme, comme c'est le cas en l'espèce. Dans son affidavit, le déclarant a révélé la source de ses renseignements, comme il y est tenu par la Règle 332(1) 1 .
En ce qui concerne l'allégation du requérant selon laquelle la demanderesse avait tout le temps nécessaire pour préparer un affidavit portant sur les informations de première main, l'avocat de la demanderesse y a répliqué par un affidavit versé au dossier, au cours de l'audition. M. Bishop y déclare n'avoir pas eu le temps nécessaire pour obtenir un affidavit signé personnellement de Dimitri Stylanou. Le 30 mars 1981 10 h 40, cet avocat a reçu une communication des avocats de la demanderesse à Londres, l'informant que le Sole - dad Maria était en train de charger du blé à Baie -Comeau. M. Bishop appela immédiatement Baie -Comeau et apprit que le navire devait appa- reiller mercredi. Il fallait que le mandat de saisie parvînt immédiatement à un agent chargé de la saisie. Par l'intermédiaire des avocats de Londres, l'avocat a demandé à Stylanou de lui envoyer un télex contenant les renseignements nécessaires, lequel télex arriva le 31 mars 1981. Le mandat fut obtenu le même jour. On ne peut donc reprocher à l'avocat de la demanderesse d'avoir agi comme il l'a fait.
Le deuxième moyen, tiré du fait qu'une copie de l'accord n'a pas été jointe à l'affidavit, n'a pas été soutenu par l'avocat du requérant à l'audition. En tout cas, je ne vois pas en quoi l'absence de la pièce
' Dans Ste. Nouvelle d'Affrètement et de Courtage S.A.R.L. c. N.M. «Browind» [19661 R.C.É. 708, le défendeur a conclu à l'annulation du mandat au motif que l'affidavit portant demande de mandat, établi par l'avocat de la demanderesse, était défectueux en ce que l'auteur y déclarait simplement avoir été [TRADUCTION] «informé» des faits, sans révéler la source des renseignements. Le juge Anglin, juge de district en Ami- rauté, a décidé que l'objection n'était pas fondée et a rejeté la requête.
jointe pourrait vicier l'affidavit portant demande de mandat.
En ce qui concerne enfin l'allégation que l'au- teur de l'affidavit ne pouvait ou ne voulait s'infor- mer afin de pouvoir répondre aux questions posées au contre-interrogatoire, il n'eu aucun mal à four- nir les renseignements requis par la Règle 1003(2), à savoir le nom et l'adresse du requérant, la nature de sa réclamation, etc., mais il ne répondait pas aux questions relatives à la faillite du défendeur.
En l'espèce, le requérant n'est pas l'un des défendeurs nommés, mais [TRADUCTION] «le défendeur Juan M. Ayo Revilla, en sa qualité de syndic officiel de faillite de la Naviera Letasa S.A., propriétaire du navire». Il va de soi que l'avocat du syndic officiel tient à protéger le navire dans l'intérêt des créanciers et qu'il s'oppose à la saisie. Mais, comme la saisie d'un navire n'est qu'une affaire de procédure, elle n'assure qu'une voie de recours, et ne crée, en faveur de la partie saisissante, aucun droit acquis spécial qui n'existât déjà avant la saisie.
A mon avis, on ne saurait parvenir à cette fin en contestant l'affidavit portant demande de mandat. Comme celui-ci satisfait aux conditions de la Règle 1003, il n'est pas requis d'indiquer autre chose.
A titre subsidiaire le requérant conclut à une ordonnance requérant l'auteur de l'affidavit de répondre aux questions auxquelles il a refusé de répondre lors du contre-interrogatoire relatif à son affidavit portant demande de mandat, ou, s'il ne peut le faire, de produire, aux frais de sa cliente, la source de ses renseignements, savoir Dimitri Styla- nou. Le requérant demande aussi que l'interroga- toire reprenne devant la Cour, à cet effet, après l'audition de la présente requête.
Je reprends, dans les présents motifs, les conclu sions que j'ai prononcées à l'audience, à savoir que l'auteur de l'affidavit a répondu de manière satis- faisante aux questions se rapportant aux renseigne- ments essentiels qui devaient figurer dans l'affida- vit portant demande de mandat. Les questions relatives à l'insolvabilité des propriétaires du navire ne sont pas pertinentes en cet état de la cause.
En tout cas, le requérant, qui, après tout, est syndic officiel de faillite, doit, en cet état de la cause, être mieux informé à ce sujet que l'auteur de l'affidavit. S'il estimait que l'audition devait avoir lieu à la lumière des renseignements relatifs à la faillite, il aurait pu faire verser au dossier un affidavit contenant tous les renseignements qui, à son avis, auraient figurer sur l'affidavit portant demande de mandat.
En conséquence, la requête est rejetée avec dépens.
ORDONNANCE La requête est rejetée avec dépens.
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