T-1787-81
Wilbert George Minott (Requérant)
c.
Le président du tribunal disciplinaire des détenus
du pénitencier de Stony Mountain et le directeur
du pénitencier de Stony Mountain (Intimés)
Division de première instance, le juge suppléant
Nitikman—Winnipeg, l er , 3 et 27 avril 1981.
Brefs de prérogative — Prohibition — Demande d'ordon-
nance de prohibition pour interdire la poursuite par le tribunal
disciplinaire des détenus, de l'audition d'accusations portées
contre le requérant, en l'absence de l'avocat de ce dernier — La
sanction des infractions reprochées comprend la déchéance des
réductions de peine — Le refus d'accorder la permission d'être
représenté par avocat est fondé sur une directive du commis-
saire — Il échet d'examiner si le président du tribunal a
commis une erreur de droit dans l'appréciation des exigences
et principes légaux régissant l'exercice de son pouvoir discré-
tionnaire — Demande accueillie — Loi sur les pénitenciers,
S.R.C. 1970, c. P-6, modifiée, art. 24.1(1), 29(1) — Règlement
sur le service des pénitenciers, C.R.C. 1978, Vol. XIII, c. 1251,
art. 38(1),(2), 38.1(1), (2), 39.
Le requérant a présenté une demande afin que la Cour rende
une ordonnance de prohibition pour interdire la poursuite par le
tribunal disciplinaire des détenus, de l'audition de certaines
accusations portées contre lui, en l'absence de son avocat. Le
requérant a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité aux
accusations d'infractions graves pour lesquelles il est passible de
la déchéance des réductions de peine qu'il a méritées ou qui
sont inscrites à son crédit. Le président du tribunal lui a refusé
la permission d'être représenté par avocat, en se fondant sur
l'article 12a de la directive 213 du commissaire. Le requérant
soutient que le président du tribunal a interprété faussement ou
n'a pas pris en considération les exigences et principes légaux
qu'il doit respecter dans l'exercice de son pouvoir d'apprécia-
tion, en lui refusant d'être assisté par un avocat.
Arrêt: la demande est accueillie. En refusant au requérant le
droit d'être représenté par avocat, le président du tribunal s'est
appuyé sur la directive du commissaire et lui a accordé une trop
grande importance, sans tenir suffisamment compte des effets
des articles 38(1) et (2)b) et 38.1(1) et (2) du Règlement sur le
service des pénitenciers. Le président du tribunal semble
n'avoir pas su faire la distinction entre le Règlement sur le
service des pénitenciers, qui est de la nature d'une «loi», et la
directive du commissaire, qui ne revêt pas ce caractère de «loi».
De plus, rien ne permet de conclure que le président du tribunal
a pensé un seul instant au principe d'équité.
Arrêts appliqués: Martineau c. Le Comité de discipline de
l'Institution de Matsqui [1980] 1 R.C.S. 602; Martineau
c. Le Comité de discipline des détenus de l'Institution de
Matsqui [1978] 1 R.C.S. 118. Arrêts mentionnés: Fraser
c. Mudge [1975] 3 All E.R. 78; R. c. Visiting Justice at
Her Majesty's Prison, Pentridge; Ex parte Walker [1975]
V.R. 883; Dubeau c. La Commission nationale des libéra-
tions conditionnelles [1981] 2 C.F. 37; In re la Loi sur la
Gendarmerie royale du Canada et in re Husted [1981] 2
C.F. 791.
DEMANDE.
AVOCATS:
Arne Peltz pour le requérant.
C. Henderson pour les intimés.
PROCUREURS:
Arne Peltz, Winnipeg, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT NITIKMAN: Le requérant
a présenté une demande afin que la Cour rende
une ordonnance de prohibition contre les intimés,
le président du tribunal disciplinaire des détenus
du pénitencier de Stony Mountain (ci-après appelé
le président du tribunal) et le directeur du péniten-
cier de Stony Mountain, leur interdisant de pour-
suivre ou de conclure l'audition de certaines accu
sations portées contre le requérant (un détenu du
pénitencier de Stony Mountain) sur le fondement
de l'article 39 du Règlement sur le service des
pénitenciers, C.R.C. 1978, Vol. XIII, c. 1251,
modifié, en l'absence de l'avocat réclamé par le
requérant, ou toute autre ordonnance que la Cour
jugera indiquée.
L'affidavit du requérant expose notamment ce
qui suit:
[TRADUCTION] 2. QUE je suis détenu au pénitencier de Stony
Mountain, où je purge une peine d'emprisonnement de quatre
ans, un mois et trois jours. La réduction de peine inscrite à mon
crédit équivaut à 498 jours se répartissant comme suit: 329
jours de réduction statutaire, 4 jours de réduction de peine
méritée et 165 jours de nouvelle réduction de peine méritée.
Selon les chiffres que m'a fournis l'administrateur des peines de
Stony Mountain, j'obtiendrai ma libération sous surveillance
obligatoire le 4 septembre 1981.
3. QUE le 18 mars 1981, j'ai été impliqué dans certains inci
dents avec les agents de l'unité résidentielle, ou gardiens, du
pénitencier de Stony Mountain. Par suite, des accusations ont
été portées contre moi sur le fondement de l'article 39 du
Règlement sur le service des pénitenciers. J'ai été inculpé sous
deux chefs d'accusation, soit d'avoir proféré des menaces contre
un gardien et d'avoir omis d'obéir à un ordre légitime d'un
fonctionnaire du pénitencier.
4. Qu'immédiatement après lesdits incidents, une décision
administrative ordonnait, en application de l'article 40 du
Règlement sur le service des pénitenciers, que je sois placé en
isolement disciplinaire en attendant l'instruction des accusa
tions portées contre moi.
5. QUE le 20 mars 1981, j'ai comparu devant le président du
tribunal disciplinaire. J'ai enregistré un plaidoyer de non-culpa-
bilité. La cause a été ajournée pendant une semaine afin de
permettre aux agents de l'unité résidentielle concernés de se
présenter pour témoigner contre moi. J'ai de plus signalé au
tribunal disciplinaire que je désirais faire entendre deux
témoins à ma décharge, même si l'un de ceux-ci était un détenu
qui devait être libéré dans très peu de temps.
6. QUE suite à ma comparution devant le tribunal disciplinaire,
j'ai été remis en isolement disciplinaire. J'ai alors présenté une
demande pour rencontrer l'avocat de l'Aide juridique du Mani-
toba affecté au pénitencier.
7. QUE le 24 mars 1981, l'avocat s'est présenté au pénitencier et
m'a interrogé sur les accusations. J'ai signé une demande afin
d'être représenté par un avocat de l'Aide juridique devant le
tribunal disciplinaire.
8. QUE le jeudi 26 mars 1981, j'ai rencontré Arne Peltz qui m'a
fait savoir qu'il avait été nommé le jour précédent par le
directeur régional de l'Aide juridique du Manitoba pour me
représenter relativement aux accusations pesant sur moi. Mon
avocat m'a informé qu'il avait présenté une demande au prési-
dent du tribunal disciplinaire afin d'obtenir la permission d'y
comparaître et d'y défendre mon droit à être assisté d'un avocat
lors de l'audition et du prononcé de la décision sur les accusa
tions dont je faisais l'objet, mais que cette demande avait été
rejetée.
9. QUE dans l'après-midi du 26 mars 1981, j'ai comparu de
nouveau devant le tribunal disciplinaire. J'ai déposé une
demande écrite devant le président du tribunal afin que mon
avocat soit autorisé à comparaître avec moi lors de l'audition.
Une copie conforme du document que j'ai déposé est annexée
comme pièce `A' à mon affidavit. L'original, signé par moi, est
entre les mains du tribunal disciplinaire.
10. QUE j'ai également déposé devant le tribunal une lettre,
dont copie est annexée comme pièce `B' à mon affidavit, ainsi
libellée:
Je plaide non coupable à l'accusation d'avoir proféré des
menaces contre un gardien.
Je suis tenu en isolement depuis le 18 mars 1981. Je demande
à être libéré durant la durée de l'audition sur mon inculpa-
tion pour les motifs que:
(1) Je ne suis dangereux pour personne dans l'institution.
(2) J'ai au moins un témoin à ma décharge que je dois
rencontrer pour préparer ma défense.
(3) J'ai déjà été détenu sous garde pendant 8 jours. La peine
maximale est de 30 jours seulement.
(4) Je désire que mon avocat soit présent. Je sais qu'il faudra
plusieurs jours pour trancher la question du droit à un
avocat.
(5) Même si mon avocat ne peut être présent, je désire
examiner avec lui les actes d'accusation avant la tenue de
l'audition. Lorsque j'ai reçu ces actes, je me suis mis en
colère et les ai jetés. Mon avocat veut en discuter avec moi,
mais je n'ai pas d'exemplaire des actes.
Je vous remercie de prendre ma demande en considération.
Mon avocat est Arne Peltz, Aide juridique du Manitoba,
943-0491.
11. QUE le président du tribunal m'a lu un extrait des directives
du commissaire concernant le droit d'un détenu à être assisté
par un avocat lors d'auditions de ce genre et qu'il a déclaré
qu'étant donné cette directive, ma demande devait être rejetée.
13. QUE l'audience doit reprendre dans l'après-midi du 3 avril
1981 pour audition des témoins. Je désire que mon avocat soit
présent afin de me conseiller, m'assister et me représenter. De
nombreux témoins seront entendus dans cette cause et je m'at-
tends à ce qu'il y ait des contradictions flagrantes entre les
divers témoignages. Il ne m'est jamais arrivé d'avoir à me
représenter moi-même lors de poursuites judiciaires ou autres,
et je demande à être assisté d'un avocat afin de me permettre
de vérifier la preuve existant contre moi et de présenter ma
propre preuve. Je crois de plus qu'il ne me sera pas possible, au
terme de l'audition des témoignages, de faire une plaidoirie
adéquate. Je crois de plus, au cas où je serais reconnu coupable
des accusations pesant sur moi, que j'aurai besoin d'un avocat
pour discuter de la sentence qui devra être imposée.
14. QUE les détails des infractions, tels que me les ont rapportés
les fonctionnaires de l'institution, indiquent que les accusations
portées contre moi ne sont pas seulement mineures ou légères.
Il a été allégué que j'ai tenu des propos indécents et menaçants
à l'égard des fonctionnaires du pénitencier. Il a de plus été
allégué que j'ai menacé d'user de représailles contre un fonc-
tionnaire après ma libération. Il a également été allégué que j'ai
refusé d'obéir à un ordre direct et que l'on a dû m'y contraindre
par la force. Finalement, on a soutenu que je suis «improductif»
dans l'institution, classement qui entraîne la perte d'un certain
nombre de privilèges.
La pièce «A» mentionnée au paragraphe 9 de
l'affidavit du requérant est ainsi rédigée:
[TRADUCTION] M. C. Lorenc
Président
Tribunal disciplinaire des détenus
Pénitencier de Stony Mountain,
Municipalité de Rockwood,
Manitoba
Monsieur,
Par la présente, je requiers la présence de mon avocat lors de
l'audition de l'accusation portée contre moi par l'institution,
afin qu'il puisse me conseiller et m'assister.
FAIT le 26 mars 1981.
W. G. MINOTT
Les moyens invoqués dans l'avis de requête sont
les suivants:
[TRADUCTION] 1. QUE le PRÉSIDENT dudit comité de discipline
des détenus, en refusant ou en négligeant de permettre la
présence de l'avocat du requérant lors de l'audition des accusa
tions pesant contre ce dernier, a excédé sa compétence et a violé
la loi, et que ledit PRÉSIDENT se propose de continuer à excéder
sa compétence et à agir en violation de la loi en reprenant ladite
audition le 3 avril 1981 en l'absence de l'avocat du requérant.
2. QUE le PRÉSIDENT dudit comité de discipline des détenus,
pour refuser au requérant la présence de son avocat, s'est
appuyé sur une politique permanente du commissaire aux
services correctionnels telle qu'exposée dans la directive 213 du
commissaire, et n'a pas pris en compte les faits particuliers de
l'espèce, négligeant ou refusant par là même d'exercer son
pouvoir d'appréciation conformément à la loi et restreignant
l'étendue de ce pouvoir.
3. Qu'étant donné les faits de cette affaire, ledit PRÉSIDENT a
refusé et refusera d'accorder au requérant une audition impar-
tiale des accusations portées contre lui selon les principes de
justice fondamentale prévus à l'article 2e) de la Déclaration
canadienne des droits, S.R.C. 1970, ou subsidiairement que
ledit intimé a refusé et refusera au requérant le droit à ce que
les accusations portées contre lui soient jugées en conformité de
l'obligation d'agir équitablement reconnue par la common law.
L'avis de requête sollicite en outre que:
[TRADUCTION] ... soit rendue une ordonnance de mandamus
ordonnant au DIRECTEUR intimé DU PÉNITENCIER DE STONY
MOUNTAIN de permettre la présence de l'avocat du requérant
lors de ladite audition ...
mais bien qu'il n'y ait pas renoncé, le requérant n'a
pas insisté sur cette partie de l'avis de requête et a
plutôt soutenu que le président du tribunal, lors-
qu'il a refusé au requérant d'être assisté par un
avocat, a interprété faussement ou n'a pas pris en
considération les exigences et principes légaux
qu'il doit respecter dans l'exercice de son pouvoir
d'appréciation.
L'affidavit de Christopher Walter Lorenc,
avocat de Winnipeg au Manitoba, dit notamment
ce qui suit:
[TRADUCTION] 1. J'ai été nommé par le Solliciteur général,
conformément au règlement 2.28, alinéa [38.1](1) du Règle-
ment sur le service des pénitenciers, pour présider le tribunal
disciplinaire des détenus du pénitencier de Stony Mountain, et
comme tel, j'ai une connaissance personnelle des faits ci-après
déclarés par moi.
2. En réponse au paragraphe 8 de l'affidavit du requérant, ce
n'est pas moi qui ai refusé à Arne Peltz la permission de
comparaître en tant qu'avocat du requérant, car je n'ai pas le
pouvoir de laisser qui que ce soit entrer dans le pénitencier de
Stony Mountain.
3. Comme autre réponse au paragraphe 8 mentionné ci-haut,
j'ai convenu avec Arne Peltz que l'affaire serait suspendue
pendant une semaine afin de lui laisser le temps de produire
toutes demandes qu'il trouvait appropriées dans les circons-
tances.
4. En réponse au paragraphe 11 de l'affidavit du requérant, je
me suis fondé pour rendre ma décision sur la Loi sur les
pénitenciers, sur son Règlement d'application, sur la directive
n° 213 du commissaire et sur l'annexe `A' de ladite directive.
L'article 24.1(1) de la Loi sur les pénitenciers,
S.R.C. 1970, c. P-6, modifiée, prévoit la dé-
chéance, en tout ou en partie, des réductions de
peine méritées ou inscrites au crédit d'un détenu
lorsque celui' ci est déclaré coupable par un tribu
nal disciplinaire d'avoir contrevenu à la discipline.
L'article 29(1) de la Loi, qui concerne les règles
et règlements d'application de la Loi sur les péni-
tenciers (Règlement), prévoit notamment que:
29. (1) Le gouverneur en conseil peut édicter des règlements
b) relatifs à la garde, le traitement, la formation, l'emploi et
la discipline des détenus;
(3) Sous réserve de la présente loi et de tous règlements
édictés sous le régime du paragraphe (1), le commissaire peut
établir des règles, connues sous le nom d'Instructions du com-
missaire, concernant l'organisation, l'entraînement, la disci
pline, l'efficacité, l'administration et la direction judicieuse du
Service, ainsi que la garde, le traitement, la formation, l'emploi
et la discipline des détenus et la direction judicieuse des péni-
tenciers. [C'est moi qui souligne.]
L'article 38(1) et (2) du Règlement intitulé
Mesures disciplinaires est rédigé comme suit:
38. (1) Il incombe au chef de chaque institution de maintenir
la discipline parmi les détenus incarcérés dans cette institution.
(2) Un détenu n'est puni que
a) sur l'ordre du chef de l'institution ou d'un fonctionnaire
désigné par le chef de l'institution; ou
b) sur l'ordre d'un tribunal disciplinaire. [C'est moi qui
souligne.]
L'article 38.1(1) et (2) dispose que:
38.1 (1) Le Ministre peut nommer une personne pour prési-
der un tribunal disciplinaire.
(2) La personne nommée selon le paragraphe (1) doit
a) diriger l'audition;
b) consulter, en la présence du détenu accusé, deux fonction-
naires désignés par le chef de l'institution;
c) déterminer l'innocence ou la culpabilité du détenu accusé
qui comparaît devant elle; et
d) à la suite d'un verdict de culpabilité, ordonner l'imposition
de la peine qu'elle juge appropriée, conformément au présent
règlement.
L'article 39 intitulé Infractions commises par
un détenu prévoit ceci:
39. Est coupable d'une infraction à la discipline, un détenu
qui
a) désobéit ou omet d'obéir à un ordre légitime d'un fonc-
tionnaire du pénitencier;
g) se comporte, par ses actions, propos ou écrits, d'une façon
indécente, irrespectueuse ou menaçante envers qui que ce
soit;
J'en viens maintenant à la directive n° 213 du
commissaire, intitulée «Directives relatives à la
discipline des détenus».
L'article 7 de cette directive, qui concerne la
«Détermination de la catégorie d'infractions», tout
en disposant à l'alinéa «a» que:
7....
a. En dépit des critères qui aident à établir si une infraction est
grave/flagrante ou légère, c'est au directeur de l'établisse-
ment, ou au fonctionnaire désigné par lui, qu'il incombe de
déterminer la catégorie d'infractions. Chaque cas sera étudié
selon ses propres mérites et à la lumière des circonstances qui
entourent l'incident.
prévoit à l'alinéa «b» que les infractions graves ou
flagrantes comprennent normalement le cas du
détenu qui (et je n'énumère que les cas pertinents
en l'espèce):
b....
(1) se livre, ou menace de se livrer, à des voies de fait sur
la personne d'un autre;
(9) désobéit ou omet d'obéir à un ordre légitime d'un
fonctionnaire du pénitencier;
(11) se comporte, par ses actions, propos ou écrits, d'une
façon indécente, irrespectueuse ou menaçante envers qui
que ce soit;
L'alinéa «c» dispose que les infractions légères
comprennent habituellement le cas du détenu qui:
c....
(1) laisse son travail sans la permission d'un fonctionnaire
du pénitencier;
(2) ne travaille pas de son mieux;
(3) délibérément désobéit ou omet d'obéir à quelque règle-
ment ou règle régissant la conduite des détenus.
L'article 8, intitulé «Genres de peine», prévoit
que le détenu trouvé coupable d'une infraction
grave ou flagrante se verra infliger une ou plu-
sieurs des peines suivantes (encore une fois, je
n'énumère que les peines pertinentes en l'espèce
présente):
8....
(1) déchéance de sa réduction statutaire de peine;
(2) isolement cellulaire pendant moins de trente jours
pendant lesquels il recevra sa ration alimentaire normale;
(3) perte de privilèges;
(4) déchéance de sa réduction méritée de peine;
L'article 12, intitulé «Divers», de l'annexe «A» de
la directive n° 213 du commissaire, 1979-05-17,
intitulée «Procédures administratives relatives à
l'audition des causes en matière d'infractions
graves ou flagrantes», prévoit ce qui suit:
12....
a. Il est déjà arrivé qu'un prévenu ait demandé, officiellement
ou officieusement, d'être représenté par un avocat. Dans de
tels cas, il faut avertir le prévenu qu'il n'a pas droit d'être
représenté par un avocat à son audience.
Il ressort clairement des pièces versées au dos
sier que les infractions dont est accusé le détenu
entrent dans la catégorie des infractions graves et
flagrantes, et que c'est en raison du caractère
grave et flagrant des infractions alléguées que les
dispositions des articles 38(1) et (2)b) et 38.1(1) et
(2) ont été invoquées et qu'a été ordonnée la tenue
d'une audition devant un tribunal disciplinaire.
L'annexe «A» de la directive n° 213 du commis-
saire expose les procédures administratives à suivre
lors des auditions relatives à des infractions graves
ou flagrantes, prévoyant entre autres l'enregistre-
ment des plaidoyers, la convocation des témoins à
charge et à décharge, et dispose en outre que les
règles de la preuve en matière pénale ne s'appli-
quent pas à ces auditions disciplinaires.
J'ai déjà fait allusion à l'article 12 de la direc
tive n° 213. L'avocat du requérant allègue que
l'article 38(2)b) du Règlement, qui concerne le
prononcé de peines par un tribunal disciplinaire, et
l'article 38.1(1) et (2) dudit Règlement, qui pré-
voit la nomination par le Ministre d'une personne
pour présider un tribunal disciplinaire et la procé-
dure que celle-ci doit suivre, rendent inopérante
cette directive, qui n'est en réalité rien de plus
qu'une décision administrative. Je crois que cet
argument est bien fondé et je l'accepte.
Dans Martineau c. Le Comité de discipline de
l'Institution de Matsqui [1980] 1 R.C.S. 602
(communément appelé Martineau n° 2), après
avoir examiné le rejet de l'appel à la Cour suprême
du Canada dans Martineau c. Le Comité de disci
pline des détenus de l'Institution de Matsqui
[1978] 1 R.C.S. 118 (communément appelé Mar-
tineau n° 1), cette dernière cause était un appel à
la Cour suprême du Canada alors que Martineau
n° 2 concernait le droit au certiorari, le juge
Pigeon déclare aux pages 631 et 632:
Vu le texte de l'art. 28, la confirmation du rejet de la
demande d'examen judiciaire signifie qu'on a décidé que la
sentence disciplinaire en question était «une décision ou ordon-
nance de nature administrative qui n'est pas légalement sou-
mise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire». Il ressort des
motifs de la majorité, à l'exception d'un juge qui s'est dit
d'accord avec les motifs de la Cour d'appel, qu'à son avis, les
«Directives» régissant la procédure à suivre à l'égard d'infrac-
tions à la discipline sont des instructions de nature administra
tive plutôt qu'une «loi», bien que les règlements qui définissent
les infractions à la discipline et précisent les peines qui peuvent
être imposées par les autorités du pénitencier soient de la
nature d'une loi.
et dans Martineau n° 2, le juge Dickson, tout en
examinant le rejet de l'appel à la Cour suprême du
Canada publié dans Martineau n° 1, affirme à la
page 609:
Cette Cour, à la majorité, a rejeté le pourvoi subséquent:
Martineau et Butters c. Le Comité de discipline des détenus de
l'Institution de Matsqui ([1978] 1 R.C.S. 118) (ci-après appelé
Martineau (n° 1)). Elle a statué que l'ordonnance attaquée ne
relevait pas du paragraphe introductif de l'art. 28 de la Loi sur
la Cour fédérale et que la directive du commissaire des péniten-
ciers ne constituait pas une «loi» au sens du mot «légalement»
employé à l'art. 28. [C'est moi qui souligne.]
De même, dans Martineau n° 1, après avoir cité
les dispositions de l'article 13 de la directive n° 213
concernant l'audition des infractions graves ou fla-
grantes, le juge Pigeon ajoute à la page 128:
Il reste à déterminer si, au sens de l'art. 28, la décision du
comité se trouvait «légalement» soumise au processus prescrit
par la directive. A cet égard, il s'avère nécessaire d'étudier la
portée de l'art. 29 de la Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, c.
P-6.
29. (1) Le gouverneur en conseil peut édicter des
règlements
a) relatifs à l'organisation, l'entraînement, la discipline,
l'efficacité, l'administration et la direction judicieuse du
Service;
b) relatifs à la garde, le traitement, la formation, l'emploi
et la discipline des détenus; et
c) relatifs, de façon générale, à la réalisation des objets de
la présente loi et l'application de ses dispositions.
(2) Le gouverneur en conseil peut, dans tous règlements
édictés sous le régime du paragraphe (1) sauf son alinéa b),
prévoir une amende d'au plus cinq cents dollars ou un
emprisonnement d'au plus six mois, ou à la fois l'amende et
l'emprisonnement susdits, à infliger sur déclaration sommaire
de culpabilité pour la violation de tous semblables
règlements.
(3) Sous réserve de la présente loi et de tous règlements
édictés sous le régime du paragraphe (1), le commissaire
peut établir des règles, connues sous le nom d'Instructions du
commissaire, concernant l'organisation, l'entraînement, la
discipline, l'efficacité, l'administration et la direction judi-
cieuse du Service, ainsi que la garde, le traitement, la
formation, l'emploi et la discipline des détenus et la direction
judicieuse des pénitenciers.
Il est évident que l'on est soumis «légalement» à ce qui est
prescrit par les règlements. [C'est moi qui souligne.]
Je ne crois pas que l'on puisse affirmer la même
chose au sujet des directives. Elles sont manifeste-
ment de nature administrative et non pas de nature
législative.
Il ne faut pas oublier non plus les décisions
rendues dans Fraser c. Mudge [1975] 3 All E.R.
78, et dans R. c. Visiting Justice at Her Majesty's
Prison, Pentridge; Ex parte Walker [1975] V.R.
883 (Cour suprême de Victoria), où les juges ont
maintenu, dans les deux cas, le refus à la représen-
tation par avocat.
Et bien que le juge Pigeon approuve, dans Mar-
tineau no 2, la décision rendue dans Mudge, citée
plus haut, il affirme à la page 637:
Cependant, cela ne veut pas dire que la Division de première
instance ne peut sanctionner l'obligation d'agir équitablement
au moyen des recours discrétionnaires mentionnés à l'art. 18 de
la Loi sur la Cour fédérale. [C'est moi qui souligne.]
Il semble que l'une des considérations détermi-
nantes dans l'arrêt Mudge ait été la nécessité de
statuer rapidement. Lord Denning, Maître des
rôles, s'exprime ainsi à la page 79:
[TRADUCTION] Nous savons tous que lorsqu'un homme est
amené devant son chef pour une violation des règles de disci
pline, que ce soit dans les forces armées ou sur un navire en
mer, l'usage n'a jamais été d'accorder la représentation par
avocat. Il est de première importance que ces affaires soient
réglées rapidement. Si l'on permettait la représentation par
avocat, des délais considérables s'ensuivraient. C'est aussi le cas
des infractions aux règles de discipline carcérale. Ceux qui
procèdent à l'instruction doivent, bien sûr, agir équitablement.
Ils doivent informer l'homme de l'accusation et lui donner la
possibilité de faire valoir sa défense. Mais cela peut se faire et
se fait sans que l'affaire soit retardée par la représentation par
avocat. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de modifier l'usage
existant. Il nous faut éviter de créer un précédent dont on
pourrait ensuite s'autoriser pour soutenir qu'il y a un droit à se
faire représenter par un avocat. J'estime que la présente
demande est sans véritable fondement et qu'il y a lieu de la
rejeter. [C'est moi qui souligne.]
Dans la présente affaire, l'article 38.1(1) du
Règlement sur le service des pénitenciers prévoyait
la tenue d'une audition devant une personne
nommée pour présider un tribunal disciplinaire et
pour diriger l'audition de la manière exposée plus
haut.
Bill Merrett, avocat de Winnipeg, au Manitoba,
déclare dans son affidavit qu'il est l'adjoint du
directeur régional de l'Aide juridique du Manitoba
depuis 1977 et que l'une de ses fonctions est, entre
autres, l'administration des services d'avocats de
service de l'Aide juridique du Manitoba.
Il déclare en outre ceci:
[TRADUCTION] 3. QUE j'ai appris que le tribunal disciplinaire
de l'institution de Stony Mountain siège approximativement
une fois par semaine pour entendre les accusations portées
contre les détenus. Je sais de plus que lorsqu'un détenu plaide
non coupable, l'affaire est souvent ajournée afin que les témoins
de la poursuite et de la défense puissent se présenter à l'audi-
tion ou afin de permettre que soient effectués d'autres prépara-
tifs pour la cause.
4. Qu'à mon avis, étant donné les ressources en personnel de
l'Aide juridique du Manitoba et nos procédures relativement au
programme des avocats de service, l'Aide juridique du Mani-
toba peut satisfaire aux demandes de représentation des déte-
nus devant le tribunal disciplinaire sans pour autant perturber
les activités de ce tribunal.
Si j'ai bien compris, M. Arne Peltz, qui a
demandé la permission d'agir comme avocat pour
le requérant, était prêt à présenter sa défense
contre les accusations pesant sur celui-ci et son
intervention à titre de représentant dudit requérant
n'aurait entraîné aucun retard appréciable dans la
tenue de l'audition.
Je me dois de mentionner ici que l'audition a été
ajournée jusqu'au 30 avril prochain afin de per-
mettre que soit rendue l'ordonnance en l'espèce.
A mon avis, et comme l'a déclaré le juge Pigeon
dans Martineau n° 1, l'article 12a de l'annexe «A»
de la directive n° 213 du commissaire ne saurait
être considéré comme une «loi», et puisque le
Règlement sur le service des pénitenciers est une
«loi», l'article 38.1(1) et (2), qui prévoit la manière
dont doit se tenir une audition devant le tribunal
disciplinaire, doit prévaloir sur les dispositions de
l'article 12a de ladite annexe «A». En conséquence,
je suis d'avis que lesdites dispositions de l'article
12a sont ultra vires lorsqu'il s'agit d'une audition
devant un tribunal disciplinaire.
J'aborde maintenant le problème de l'obligation
d'agir équitablement dans l'exercice du pouvoir
qu'a le président du tribunal disciplinaire de déci-
der s'il doit permettre que le requérant soit repré-
senté par avocat.
Dans Martineau n° 2, le juge Dickson a examiné
la question de l'obligation d'agir équitablement et
il s'est assez longuement étendu sur le sujet d'une
manière que je considère comme des plus convain-
cantes et des plus rationnelles. Il s'exprimait ainsi
aux pages 629 et 630:
4. Un comité de discipline des détenus n'est pas une cour.
C'est un tribunal qui doit déterminer des droits après audition
de la preuve. Même s'il n'est pas obligé, dans l'exécution de ce
qui est essentiellement une tâche administrative, de tenir un
procès de nature judiciaire, respectant les règles de procédure et
de preuve d'une cour, le comité est néanmoins soumis à une
obligation d'agir équitablement et une personne lésée par une
violation de cette obligation a le droit de demander un redresse-
ment à la Division de première instance de la Cour fédérale,
par voie de certiorari. [C'est moi qui souligne.]
et il ajoutait aux pages 630 et 631:
7. A mon avis, il est erroné de considérer la justice naturelle
et l'équité comme des normes distinctes et séparées et de
chercher à définir le contenu procédural de chacune. Dans
Nicholson, le juge en chef a parlé d'une «notion d'équité, moins
exigeante que la protection procédurale de la justice naturelle
traditionnelle». L'équité ne comporte le respect que de certains
principes de justice naturelle. Le professeur de Smith (Judicial
Review of Administrative Action, 3° éd. 1973, p. 208) a lucide-
ment exprimé le concept d'une obligation d'agir équitablement:
[TRADUCTION] Cela signifie en général l'obligation de res-
pecter les principes élémentaires de justice naturelle à une fin
limitée, dans l'exercice de fonctions qui, à l'analyse, ne sont
pas judiciaires mais administratives.
Le contenu des principes de justice naturelle et d'équité
applicables aux cas individuels variera selon les circonstances
de chaque cas, comme l'a reconnu le lord juge Tucker dans
Russell v. Duke of Norfolk ([1949] 1 All E.R. 109), à la p.
118.
8. En conclusion, la simple question à laquelle il faut répon-
dre est celle-ci: compte tenu des faits de ce cas particulier, le
tribunal a-t-il agi équitablement à l'égard de la personne qui se
prétend lésée? Il me semble que c'est la question sous-jacente à
laquelle les cours ont tenté de répondre dans toutes les affaires
concernant la justice naturelle et l'équité.
Dans une décision rendue le 5 février 1981, [In
re la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et
in re Husted [1981] 2 C.F. 791] le juge Addy a
exposé les faits et la question en litige comme suit
[à la page 793]:
La requérante Husted, un gendarme spécial, est, en applica
tion de l'alinéa a) de l'article 25 de la Loi sur la Gendarmerie
royale du Canada, S.R.C. 1970, c. R-9, accusée d'une infrac
tion majeure ressortissant au service, savoir d'avoir refusé
d'obéir à l'ordre légitime de remettre une arme à feu. Le
requérant Ridley, qui a grade de caporal, est en outre, en vertu
de l'article 25(o), accusé d'une autre infraction majeure ressor-
tissant au service, savoir de s'être conduit de façon honteuse en
braquant un revolver sur un gendarme.
Ces deux infractions auraient été commises le même jour,
soit le 5 janvier 1980, c'est-à-dire quelque onze mois avant que
des plaintes formelles aient été déposées, le 7 novembre 1980.
Après avoir rappelé les arguments invoqués par
l'avocat et exposé les articles sur lesquels repo-
saient les accusations portées contre chacun des
requérants, il a ajouté [aux pages 793 et 794]:
Les faits ne sont pas contestés. Lors de leur comparution
devant le surintendant J. M. Roy aux fins d'instruction, ils
avaient tous deux retenu les services du même avocat, qui n'est
pas membre de la Gendarmerie. Ce dernier resta néanmoins en
dehors de la salle où devait se dérouler le procès. Tous deux ont
demandé à être jugés ensemble et à se faire représenter par
l'avocat en question. Aucun des deux n'avait de formation
juridique. Le tribunal du service a rejeté leur requête et un
ajournement a été prononcé en leur faveur, au motif qu'ils
n'étaient pas prêts à continuer. Avant la date prévue pour la
reprise des procédures, les présentes demandes ont été
introduites.
La controverse porte sur l'application ou, plus précisément,
sur la validité de l'article 33 du Règlement de la Gendarmerie
royale du Canada, C.R.C. 1978, Vol. XV, c. 1391, pris en
application de l'article 21 de la Loi. L'article 33 du Règlement
est ainsi conçu:
33. Aucun membre dont la conduite fait l'objet d'une
enquête en vertu de l'article 31 de la Loi ou qui est accusé
d'une infraction prévue à l'article 25 ou 26 de la Loi, n'a le
droit de se faire représenter par un avocat à cette enquête ou
à ce procès.
L'article 21(1) de la Loi porte ce qui suit:
21. (1) Le gouverneur en conseil peut édicter des règle-
ments sur l'organisation, l'entraînement, la discipline, l'effi-
cacité, l'administration et le bon gouvernement de la Gen-
darmerie et, en général, sur la réalisation des objets de la
présente loi et la mise à exécution de ses dispositions.
Plus loin dans sa décision [à la page 795], le juge
déclare:
La common law ne reconnaît nullement le droit absolu de se
faire représenter par un avocat à la personne susceptible de
quelque sanction. Les tribunaux ont toujours refusé d'intervenir
dans les affaires de discipline interne où la représentation par
conseil est refusée, lorsque, en raison de son objet ou de la
nature de l'infraction reprochée, l'audition relève de l'adminis-
tration interne et porte sur une question de discipline au sein
d'un corps spécial comme une arme des forces armées ou une
force de police.
Et après avoir fait remarquer que l'audition est
d'ordinaire tenue sans formalités, sans la présence
d'un sténographe judiciaire pour la transcription
des procès-verbaux et sans qu'interviennent des
règles de preuve strictes, il a affirmé dans sa
décision que, dans certains cas, la loi interdit
expressément de recourir à des représentants ou
avocats de l'extérieur. Le service exige une telle
absence de formalités pour éviter que le fonction-
nement quotidien du corps considéré et le maintien
de la discipline ne deviennent si lourds et ne pren-
nent tellement de temps que l'efficacité du service
en soit compromise.
Mais il a ajouté alors:
En revanche, la common law reconnaît que lorsque la liberté
d'une personne ou ses moyens d'existence sont en jeu dans un
procès, celle-ci devrait avoir droit aux services d'un avocat
compétent de son choix, à moins que le recours aux services
d'un avocat donné ne retarde ou n'entrave indûment l'adminis-
tration de la justice. C'est là un corollaire du principe qu'un
accusé a droit à une défense pleine et juste. [C'est moi qui
souligne.]
Et plus loin dans son jugement, il affirme ceci [à
la page 797]:
Il serait parfaitement ridicule d'attendre d'un profane, sans
l'assistance d'un conseiller juridique, qu'il comprenne les règles
de la preuve en matière criminelle telles que celles relatives à
des déclarations et aveux faits à des personnes en autorité, qu'il
s'y conforme, ou, d'une manière plus importante, qu'il s'en
prévale.
Le sommaire de la décision Dubeau c. La Com
mission nationale des libérations conditionnelles
[1980] 6 W.W.R. 271 [[1981] 2 C.F. 37], cause
entendue par le juge suppléant Smith (Cour fédé-
rale du Canada, Division de première instance),
est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] L'accusé a enfreint une condition de sa
libération conditionnelle en présentant une demande de crédit
sans l'autorisation de son agent de libération conditionnelle. Il a
eu un entretien au sujet de la discipline avec son agent de
libération conditionnelle, entretien suite auquel il a signé un
document par lequel il s'engageait à ne pas présenter de
demande de crédit sans autorisation. Le même jour, il était
arrêté et accusé de plusieurs actes criminels pour lesquels il a
plaidé non coupable. Les actes criminels n'étaient aucunement
reliés aux demandes de crédit. Deux semaines plus tard, sa
libération conditionnelle était suspendue. Il a alors demandé la
tenue d'une audition postérieure à la suspension de sa libération
et lors de l'audition, la commission l'a interrogé sur les accusa
tions criminelles en cours portées contre lui et a refusé que son
avocat participe à l'audition. C'est la violation des conditions, et
non pas les accusations en cours, qui a amené la commission à
révoquer sa libération conditionnelle. L'accusé a demandé
l'émission d'un bref de certiorari, prétendant que la commission
avait commis une erreur en tenant compte des accusations
criminelles et qu'elle n'avait pas agi équitablement envers le
requérant en lui refusant la présence de son avocat.
Arrêt—La demande d'émission d'un bref de certiorari est
accueillie; la révocation de la libération conditionnelle
est infirmée.
La cour avait compétence pour réviser l'audition car la
commission avait l'obligation d'agir équitablement.
Même si la commission était investie de larges pouvoirs et
pouvait examiner tous les faits, on peut alléguer qu'elle n'aurait
pas dû interroger l'accusé au sujet des accusations criminelles.
De plus, il n'était pas équitable de refuser à l'accusé que son
avocat soit présent à l'audition.
Ce jugement est assez long et je ne citerai que
deux paragraphes, que l'on retrouve à la page 288
[pages 55 et 56 du Recueil des arrêts de la Cour
fédérale] :
Compte tenu de ce qui précède et en dépit du pouvoir
discrétionnaire qu'a la Commission de révoquer ou de ne pas
révoquer la libération conditionnelle du requérant, on peut à
tout le moins soutenir que ses membres n'auraient pas dû
l'interroger sur les accusations criminelles. En tout état de
cause, j'estime que le refus d'autoriser le requérant à se faire
assister par un avocat au cours de l'audition constitue un
traitement injuste à son égard.
Il ne faut du reste pas oublier que le but premier du bref de
certiorari est de forcer les juridictions secondaires à tenir leurs
auditions d'une façon juste et équitable. Ce but a été reconnu
comme étant plus important que la protection des droits des
particuliers.
J'ai déjà fait allusion à l'affidavit du président
du tribunal intimé. Je me reporte encore une fois
au paragraphe 4 de cet affidavit, où il a déclaré en
réponse au paragraphe 11 de l'affidavit du requé-
rant (dont voici le texte: «Que le président du
tribunal m'a lu un extrait des directives du com-
missaire concernant le droit d'un détenu à être
assisté par un avocat lors d'auditions de ce genre et
qu'il a déclaré qu'étant donné cette directive, ma
demande devait être rejetée.») que «... je me suis
fondé pour rendre ma décision sur la Loi sur les
pénitenciers, sur son Règlement d'application, sur
la directive n° 213 du commissaire et sur l'annexe
`A' de ladite directive.»
J'ai la nette impression, à la lecture du paragra-
phe 4 de l'affidavit du président du tribunal et du
paragraphe 11 de celui du requérant, que le prési-
dent du tribunal s'est appuyé sur l'article 12 de
l'annexe «A» de la directive du commissaire pour
refuser au requérant l'assistance d'un avocat, qu'il
a accordé une importance trop grande à cet article
et qu'il n'a pas tenu suffisamment compte de
l'effet sur ledit article 12 des articles 38(1) et
(2)b) et 38.1(1) et (2) des règles et du Règlement
sur le service des pénitenciers.
Je n'ai pas oublié que le président du tribunal a
affirmé dans son affidavit qu'il avait fondé sa
décision sur la Loi sur les pénitenciers et son
Règlement d'application, mais il me semble qu'il
n'a pas su faire la distinction entre le Règlement
sur le service des pénitenciers, qui est de la nature
d'une «loi», et l'article 12 de la directive du com-
missaire, déjà mentionné, qui ne revêt pas ce
caractère de «loi».
De plus, rien dans le dossier ne permet de
conclure que le président du tribunal a, pour
rendre sa décision, pensé un seul instant au prin-
cipe d'équité, principe sur lequel ont particulière-
ment insisté les juges Pigeon dans Martineau n° 1
et Dickson dans Martineau n° 2, et aussi le juge
Addy dans Ridley et le juge suppléant Smith dans
Dubeau, arrêts tous déjà cités.
Cette décision du président du tribunal relève, à
mon avis, de son pouvoir d'appréciation et je
reconnais qu'il ne faut intervenir dans l'exercice de
ce pouvoir que s'il n'a pas été utilisé de façon
judiciaire. Sauf erreur, je crois que tel est le cas ici
et, en conséquence, je renvoie l'affaire au président
du tribunal afin qu'il réexamine sa décision en
accordant toute l'attention nécessaire aux implica
tions des articles 38(1) et (2)b) et 38.1(1) et (2) et
à leurs effets juridiques sur l'article 12 de l'annexe
«A» de la directive n° 213 du commissaire et, ce
que je crois être d'une importance marquée, à
l'équité vis-à-vis du requérant.
Après examen des faits et des effets de la loi,
tels qu'exposés dans ces motifs, le président du
tribunal pourra, en application de son pouvoir
d'appréciation, statuer dans quelque sens qu'il esti-
mera conforme au droit.
Il n'y aura pas de dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.