A-406-80
Le Syndicat canadien des télécommunications,
division n° 1 des Travailleurs unis du télégraphe
(Requérant)
c.
La Fraternité canadienne des cheminots, employés
des transports et autres ouvriers, la Division des
télécommunications canadiennes de la Fraternité
canadienne des cheminots, employés des trans
ports et autres ouvriers, le département des télé-
communications de la Compagnie des chemins de
fer nationaux du Canada, l'Association cana-
dienne des employés des télécommunications et
travailleurs connexes, les Travailleurs unis du
télégraphe, la Fraternité des commis de chemin de
fer, de lignes aériennes et de navigation, manuten-
tionnaires de fret, employés de messageries et de
gares et le Conseil canadien des relations du tra
vail (Intimés)
et
Le sous - procureur général du Canada
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant Lalande—Montréal, 5 et 6 mars;
Ottawa, 22 juin 1981.
Examen judiciaire — Relations du travail — Demande
d'annulation de la décision par laquelle le Conseil canadien
des relations du travail reconnaît que l'Association canadienne
des employés des télécommunications et travailleurs connexes
(ACETTC) succède à la Fraternité canadienne des cheminots,
employés des transports et autres ouvriers (FCCET & AO)
comme l'agent négociateur des employés des Télécommunica-
tions de la Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada (CN) — Le requérant est l'agent négociateur des
employés des Télécommunications du Canadien Pacifique
Limitée (CP) — Le CN et le CP avaient signé un accord
d'association prévoyant l'intégration de leurs services de télé-
communications — Le Conseil a refusé de permettre au requé-
rant d'intervenir dans les procédures relatives à la désaccrédi-
tation de la FCCET & AO, parce que le requérant ne
représentait pas les employés de l'employeur devant le Conseil
— Le requérant fait valoir que si la FCCET & AO était
demèurée l'agent négociateur des employés du CN, elle n'au-
rait pas constitué une menace à l'existence du requérant, étant
donné qu'elle n'aurait vraisemblablement pas demandé à être
reconnue comme l'agent négociateur de tous les employés de
l'association — Il échet d'examiner si le requérant est «direc-
tement affecté» par la décision du Conseil, et s'il est donc en
droit de demander un examen judiciaire conformément à l'art.
28(2) de la Loi sur la Cour fédérale — Demande rejetée —
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, modifié, art.
119, 143, 144 — Règlement du Conseil canadien des relations
du travail (1978), DORS/78-499, art. 2, 17 — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Demande d'annulation de la décision par laquelle le Conseil
canadien des relations du travail a ordonné que l'Association
canadienne des employés des télécommunications et travailleurs
connexes (ACETTC) soit l'agent négociateur des employés des
Télécommunications de la Compagnie des chemins de fer natio-
naux du Canada (CN). La Fraternité canadienne des chemi-
nots, employés des transports et autres ouvriers (FCCET &
AO), le Syndicat représentant les employés des Télécommuni-
cations du CN, s'adressa au Conseil pour demander sa désac-
créditation. L'ACETTC intervint et demanda à être reconnue
comme le successeur de la FCCET & AO. Avant la tenue d'un
scrutin, le requérant à l'instance, qui est l'agent négociateur des
employés des Télécommunications du Canadien Pacifique
Limitée (CP), demanda à intervenir. Le CN et le CP avaient
signé un accord d'association prévoyant l'intégration de leurs
services de télécommunications. Tout syndicat touché par cette
association pouvait s'adresser au Conseil sous le régime du
paragraphe 144(3) du Code canadien du travail pour se faire
reconnaître comme agent négociateur de tous les employés de
cette association. Le requérant et la FCCET & AO avaient ce
droit. Le Conseil débouta le requérant de sa demande d'inter-
vention dans les procédures relatives à la désaccréditation de la
FCCET & AO, parce que le requérant ne représentait pas les
employés de l'employeur devant le Conseil. Après la tenue d'un
scrutin, le Conseil déclara l'ACETTC agent négociateur. Le
requérant fait valoir qu'il est directement affecté par cette
décision, parce que si la FCCET & AO était demeurée l'agent
négociateur accrédité des employés du CN, elle n'aurait pas
constitué une menace à l'existence du requérant, étant donné
qu'elle n'aurait vraisemblablement pas demandé à être recon-
nue comme le successeur, compte tenu du fait qu'elle avait
l'appui de peu d'employés de l'association. Il échet d'examiner
si le requérant est «directement affecté» par la décision du
Conseil au sens du paragraphe 28(2) de la Loi sur la Cour
fédérale.
Arrêt: la demande est rejetée. Aux termes du paragraphe
28(2) de la Loi sur la Cour fédérale, une demande fondée sur
l'article 28 «peut être faite par le procureur général du Canada
ou toute partie directement affectée par la décision ou l'ordon-
nance». Pour réussir, le requérant doit être «directement
affecté» par la décision attaquée. S'il est vrai que la décision
affecte manifestement les droits et obligations de la FCCET &
AO et de l'ACETTC, elle affecte le requérant d'une façon tout
à fait différente: la décision renforce la position de l'ACETTC
aux yeux des employés et donne à ce Syndicat un statut lui
permettant d'engager, sous le régime du paragraphe 144(3) du
Code, des procédures qui sont susceptibles de mener à la
désaccréditation du requérant. Le requérant n'est affecté qu'in-
directement par la décision du Conseil qui ne fait que créer une
situation susceptible d'affecter le requérant. Le requérant n'a
donc pas la qualité requise pour présenter une demande fondée
sur l'article 28.
Et le juge Le Dain: L'intérêt que le requérant fait valoir à
titre de fondement de sa qualité pour agir peut être décrit
comme le maintien d'une relation de concurrence. On a fait
valoir que les cours devraient être moins réticentes à reconnaî-
tre un effet néfaste sur une position de concurrence comme
suffisant pour que soit reconnue la qualité pour agir. Mais les
cours doivent décider si la position ou l'avantage de concur
rence particulier a le droit d'être protégé. La reconnaissance et
le maintien de l'avantage ou de la position de concurrence du
requérant comporteraient le déni du droit des employés de la
Division à la continuité d'une représentation volontaire et effi-
cace en attendant qu'il soit statué sur le droit de représenter les
employés de l'association CN -CP télécommunications. Cela ne
peut être un intérêt dont la protection est envisagée par le Code
et ne devrait pas être considéré comme suffisant pour que soit
reconnue la qualité pour attaquer la décision du Conseil.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Hélène LeBel pour le requérant.
Robert Monette pour l'intimé le département
des télécommunications de la Compagnie des
chemins de fer nationaux du Canada.
R. Koskie, c.r., et M. Zigler pour l'intimée
l'Association canadienne des employés des
télécommunications et travailleurs connexes.
G. J. McConnell et J. MacPherson pour l'in-
timé le Conseil canadien des relations du
travail.
Maurice Wright, c.r., pour l'intimée la Frater-
nité des commis de chemin de fer, de lignes
aériennes et de navigation, manutentionnaires
de fret, employés de messageries et de gares.
PROCUREURS:
Jasmin, Rivest, Castiglio, Castiglio & LeBel,
Montréal, pour le requérant.
Ogilvy, Renault, Montréal, pour l'intimé le
département des télécommunications de la
Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada.
Robins and Partners, Toronto, pour l'intimée
l'Association canadienne des employés des
télécommunications et travailleurs connexes.
Kitz, Matheson, Green & Maclsaac, Halifax,
pour l'intimé le Conseil canadien des relations
du travail.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimée la
Fraternité des commis de chemin de fer, de
lignes aériennes et de navigation, manuten-
tionnaires de fret, employés de messageries et
de gares.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Cette demande fondée sur
l'article 28 attaque une décision du Conseil cana-
dien des relations du travail reconnaissant l'Asso-
ciation canadienne des employés des télécommuni-
cations et travailleurs connexes (ACETTC) à titre
d'agent négociateur d'une unité formée des
employés du département des télécommunications
de la Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada.
L'agent négociateur accrédité pour les employés
compris dans cette unité' a déjà été le Syndicat
canadien des télécommunications, division n° 43,
des Travailleurs unis du télégraphe. Le 21 octobre
1974, ce Syndicat se désaffilia des Travailleurs
unis du télégraphe et se fusionna avec la Fraternité
canadienne des cheminots, employés des transports
et autres ouvriers (FCCET & AO). Par suite de
cette fusion, la FCCET & AO remplaça le Syndi-
cat à titre d'agent négociateur accrédité des
employés des Télécommunications du Canadien
National.
Par suite de sa fusion avec la FCCET & AO, le
Syndicat cessa d'avoir une existence légale; de fait,
toutefois, il continua à exister sous le nom de
Division des télécommunications canadiennes de la
FCCET & AO. Mais les relations entre cette
Division et la FCCET & AO n'étaient pas des
meilleures. Il semble que la Division voulait plus
d'autonomie à l'intérieur de la FCCET & AO que
cette association n'était prête à lui accorder. Fina-
lement, la FCCET & AO conclut qu'elle avait
perdu la confiance de la majorité des employés de
l'unité et qu'elle ne devrait plus les représenter. Le
28 août 1979, elle présenta au Conseil, sous le
régime de l'article 119 du Code canadien du tra
vail, S.R.C. 1970, c. L-1, modifié 2 , une demande
d'ordonnance modifiant les diverses ordonnances
en vertu desquelles elle avait été accréditée et
faisant droit à sa demande [TRADUCTION] «lui
retirant ses droits et responsabilités de représenta-
tion> qui lui avaient été conférés par ces
ordonnances.
' Jusqu'à ce que l'ordonnance attaquée soit rendue, ces
employés étaient divisés en plusieurs unités ayant le même
agent négociateur.
2 Cet article est ainsi rédigé:
119. Le Conseil peut reviser, annuler ou modifier toute
décision ou ordonnance rendue par lui et peut entendre à
nouveau toute demande avant de rendre une ordonnance
relative à cette dernière.
Avis de cette demande fut donné à la Division et
à l'employeur. Les dirigeants de la Division inter-
vinrent et demandèrent que l'examen de la
demande de la FCCET & AO soit reporté pour
leur donner le temps de créer un nouveau syndicat
qui pourrait succéder à la FCCET & AO et
acquérir les droits et les responsabilités que cette
dernière désirait abandonner.
En décembre 1979, l'Association canadienne des
employés des télécommunications et travailleurs
connexes (ACETTC), le Syndicat formé par les
dirigeants de la Division, intervint dans cette ins
tance et demanda à être reconnue comme succes-
seur de la FCCET & AO et comme l'agent négo-
ciateur pour les employés des Télécommunications
du Canadien National. A l'appui de sa demande,
ce nouveau syndicat déposa des éléments de preuve
tendant à démontrer qu'il avait l'appui de la majo-
rité des employés de cette unité.
Le Conseil permit également l'intervention des
Travailleurs unis du télégraphe, l'association à
laquelle la Division était affiliée avant sa fusion
avec la FCCET & AO. Cette association préten-
dait aussi avoir le droit de succéder à la FCCET &
AO à titre d'agent négociateur pour les employés
des Télécommunications du CN.
En janvier 1980, le Conseil décida de tenir un
scrutin au sein de l'unité de négociation pour
déterminer si les employés désiraient être représen-
tés par les Travailleurs unis du télégraphe, la
FCCET & AO ou l'association nouvellement
formée, l'ACETTC. Il ressortit de ce scrutin que
l'ACETTC avait l'appui de la très grande majorité
des employés.
Le dépouillement du scrutin n'avait pas encore
été fait que, le 24 avril 1980, le Syndicat canadien
des télécommunications, division n° 1 des Travail-
leurs unis du télégraphe, demanda à intervenir. Ce
Syndicat est le requérant devant la Cour; il est
l'agent négociateur accrédité des employés du
département des télécommunications du Canadien
Pacifique Limitée et, comme son nom l'indique, il
est affilié aux Travailleurs unis du télégraphe. Il
prétendait avoir un intérêt dans la procédure en
instance devant le Conseil parce que le Canadien
Pacifique Limitée et la Compagnie des chemins de
fer nationaux du Canada avaient, le 13 mars 1980,
signé un accord d'association prévoyant l'intégra-
tion de leurs services de télécommunications; il
affirmait que par suite de cet accord, il représen-
tait des employés ayant le même employeur
(c.-à-d. l'association) que les employés représentés
par la FCCET & AO. Le requérant alléguait en
outre que le scrutin de représentation était entaché
d'irrégularités et aussi, que le Conseil n'avait pas
en l'espèce la compétence voulue pour accréditer
1'ACETTC à titre d'agent négociateur des
employés des Télécommunications du CN parce
qu'il n'y avait eu aucune «fusion de syndicats ou
... transfert de pouvoirs entre des syndicats» qui
aurait permis à 1'ACETTC de se prévaloir de
l'article 143 du Code 3 . Le Conseil rejeta immé-
diatement la demande du requérant pour les rai-
sons qu'il a exprimées comme suit dans un télex
adressé à l'avocate du requérant:
[TRADUCTION] A CE STADE-CI, LE SYNDICAT CANADIEN DES
TÉLÉCOMMUNICATIONS, DIVISION N° 1 DES TRAVAILLEURS
UNIS DU TÉLÉGRAPHE, QUI, SI NOUS COMPRENONS BIEN, NE
REPRÉSENTE PAS LES EMPLOYÉS DE L'EMPLOYEUR EN L'ES-
PÈCE MAIS PLUTÔT LES EMPLOYÉS D'UN AUTRE EMPLOYEUR,
CHERCHE À INTERVENIR EN L'ESPÉCE PARCE QUE LES
EMPLOYÉS QU'IL REPRÉSENTE SONT SUSCEPTIBLES D'ÊTRE
TOUCHÉS PAR D'ÉVENTUELLES PROCÉDURES QUE L'ON PRÉ-
VOIT DEVOIR DÉCOULER D'UNE CERTAINE RESTRUCTURA-
TION QUI SERA FAITE PAR SUITE D'ACCORDS CONCLUS ENTRE
LE CN ET LE CP. VOTRE CLIENT AURA CERTAINEMENT UN
INTÉRÊT LÉGITIME DANS CES PROCÉDURES À VENIR. LE
SYNDICAT QUI REPRÉSENTERA LES EMPLOYÉS DE L'EM-
PLOYEUR DANS LA PRÉSENTE ESPÈCE SERA ÉGALEMENT UNE
PARTIE INTÉRESSÉE. LE CONSEIL DÉTERMINERA EN L'ESPÈCE
QUEL SYNDICAT CE SERA.
Le 28 mai 1980, après qu'on eut pris connais-
sance du résultat du scrutin, le Conseil publia les
3 143. (1) Lorsque, par suite d'une fusion de syndicats ou
d'un transfert de pouvoirs entre des syndicats, un syndicat
succède à un autre syndicat qui est un agent négociateur au
moment de la fusion ou du transfert de pouvoirs, le successeur
est censé être subrogé au prédécesseur dans les droits, privilèges
et obligations de ce dernier, qu'ils soient nés d'une convention
collective ou autrement.
(2) Lorsque, à la suite d'une fusion de syndicats ou d'un
transfert de pouvoirs entre des syndicats, une question se pose
au sujet des droits, privilèges et obligations d'un syndicat sous
le régime de la présente Partie ou d'une convention collective
relativement à une unité de négociation ou à un employé qui en
fait partie, le Conseil doit, à la demande d'un syndicat con
cerné, définir quels sont les droits, privilèges et obligations
subrogés ou maintenus.
(3) Avant de définir, en application du paragraphe (2), quels
sont les droits, privilèges et obligations d'un syndicat qui ont été
subrogés ou sont maintenus, le Conseil peut procéder à l'en-
quête ou ordonner la tenue des scrutins de représentation qu'il
estime nécessaire.
motifs de sa décision dans laquelle il concluait
qu'il y avait eu transfert de pouvoirs entre la
FCCET & AO et l'ACETTC et que, par consé-
quent, l'ACETTC, étant réputée, aux termes du
paragraphe 143(1), avoir acquis les droits et les
obligations de son prédécesseur, y compris ses
droits de négociation, remplaçait la FCCET & AO
à titre de partie à la convention collective.
Le 6 juin 1980, le Conseil rendit une décision
formelle ordonnant que l'ACETTC soit l'agent
négociateur de l'unité de négociation des employés
des Télécommunications du CN précédemment
représentés par la FCCET & AO. C'est cette
décision qu'attaque la présente demande fondée
sur l'article 28.
Le requérant attaque la décision du Conseil en
se fondant sur deux motifs: l'excès de juridiction et
le déni de justice naturelle. Avant de les examiner,
toutefois, il convient de trancher une question
préliminaire.
Aux termes du paragraphe 28 (2) de la Loi sur
la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10,
une demande fondée sur l'article 28 «peut être
faite par le procureur général du Canada ou toute
partie directement affectée par la décision ou l'or-
donnance». Pour réussir, donc, le requérant doit
être «directement affecté» par la décision attaquée.
Est-il effectivement affecté?
La décision du Conseil substituait l'ACETTC à
la FCCET & AO à titre d'agent négociateur pour
l'unité des employés des Télécommunications du
CN. Le requérant est l'agent négociateur accrédité
d'un autre groupe d'employés, les employés des
Télécommunications du CP. Comment peut-il être
directement affecté par cette décision? Le requé-
rant répond en citant l'accord d'association conclu
entre la Compagnie des chemins de fer nationaux
du Canada et le Canadien Pacifique Limitée dont
les effets doivent être appréciés à la lumière de
l'article 144 du Code dont voici une partie:
144. (1) Au présent article,
«entreprise» désigne une entreprise fédérale et s'entend égale-
ment d'une partie d'une telle entreprise;
«vente», relativement à une entreprise, comprend la location, le
transfert et tout autre acte d'aliénation de l'entreprise.
(2) Sous réserve du paragraphe (3), lorsqu'un employeur
vend son entreprise,
a) un syndicat qui est l'agent négociateur des employés
travaillant dans l'entreprise demeure leur agent négociateur;
(3) Lorsqu'un employeur vend son entreprise et que le groupe
de ses employés et celui des employés de l'employeur auquel
l'entreprise a été vendue sont confondus,
a) le Conseil peut, à la demande de tout syndicat concerné,
(i) décider si les employés concernés constituent une ou
plusieurs unités habiles à négocier collectivement,
(ii) déterminer quel syndicat sera l'agent négociateur des
employés de chacune de ces unités, et
(iii) modifier, dans la mesure où il l'estime nécessaire, tout
certificat délivré à un syndicat ou la description d'une
unité de négociation figurant dans une convention
collective;
Lorsque l'association entre la Compagnie des
chemins de fer nationaux du Canada et le Cana-
dien Pacifique Limitée vit le jour, chacune de ces
compagnies cédait à l'autre une partie indivise de
son entreprise de télécommunications et, en consé-
quence, les employés des deux compagnies furent
confondus. Tout syndicat touché par la création de
cette association pouvait donc s'adresser au Con-
seil sous le régime du paragraphe 144(3) pour se
faire reconnaître comme agent négociateur de tous
les employés de cette association. Il est clair que le
requérant de même que la FCCET & AO avaient
ce droit. En concluant que 1'ACETTC avait suc-
cédé à la FCCET & AO, le Conseil se trouvait à
permettre à l'ACETTC de présenter, à la place de
la FCCET & AO, une demande au Conseil sous le
régime du paragraphe 144(3). Il semble que le
requérant ait eu des relations amicales avec la
FCCET & AO. En outre, ce Syndicat avait l'appui
de peu d'employés de l'association. Si la FCCET
& AO était demeurée l'agent négociateur accré-
dité des employés du CN, elle n'aurait pas consti-
tué une menace à l'existence du requérant étant
donné qu'elle n'aurait vraisemblablement jamais
présenté une demande au Conseil sous le régime
du paragraphe 144(3). Maintenant qu'en vertu de
la décision du Conseil, 1'ACETTC a pris la place
de la FCCET & AO, la situation est différente
puisque l'ACETTC a l'appui de plusieurs
employés et désire éliminer le requérant. Telles
sont les raisons, exprimées le plus clairement possi
ble, pour lesquelles le requérant prétend être direc-
tement affecté par la décision attaquée.
S'il est vrai que la décision attaquée affecte
manifestement les droits et obligations de la
FCCET & AO et de l'ACETTC, elle affecte le
requérant d'une façon tout à fait différente. Pour
être plus précis, le requérant est touché de deux
façons: la décision renforce la position de
l'ACETTC aux yeux des employés et donne à ce
Syndicat un statut lui permettant d'engager, sous
le régime du paragraphe 144(3), des procédures
qui sont susceptibles de mener à la désaccrédita-
tion du requérant. Est-ce qu'on peut dire, dans ce
cas, que le requérant est directement affecté? Je
ne crois pas. Selon moi, le requérant n'est affecté
qu'indirectement par cette décision qui ne fait que
créer une situation susceptible d'affecter le
requérant.
Je suis donc d'avis que le requérant n'a pas la
qualité requise pour présenter une demande fondée
sur l'article 28. Pour ce motif, je rejetterais la
demande.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: Je partage
cette opinion.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord que la
demande fondée sur l'article 28 doit être rejetée au
motif que le requérant n'a pas la qualité requise
pour agir.
Pour avoir qualité pour présenter une demande
fondée sur l'article 28, une personne autre que le
procureur général doit, aux termes du paragraphe
28(2) de la Loi sur la Cour fédérale, être une
«partie directement affectée par la décision ou
l'ordonnance» attaquée. Il semblerait y avoir deux
exigences: le requérant doit être une «partie» au
sens de ce paragraphe et être directement affecté
par la décision.
A la lecture de l'ensemble du paragraphe 28(2)
(voir les mots «dans les dix jours qui suivent la
première communication de cette décision ou
ordonnance ... à cette partie par l'office, la com
mission ou autre tribunal»), je conclus que le terme
«partie» est employé dans un sens technique d'une
partie aux procédures devant le tribunal dont la
décision est attaquée. Voir Le Directeur en vertu
de la Loi anti-inflation c. Ontario Secondary
School Teachers' Federation, District 34 [1978] 2
C.F. 202, où la Cour semble avoir été de cet avis
quant à la signification du terme «partie». Mais
j'estime qu'une interprétation large devrait être
donnée au terme «partie» lorsqu'il peut être
démontré que le requérant a été directement
affecté par la décision. Dans un tel cas, il devrait
suffire que le requérant ait cherché à être une
partie ou, encore, qu'il ait été une personne à
laquelle aurait dû être offerte la possibilité d'être
une partie. Aux fins de la présente instance donc,
je présume que le requérant était une partie au
sens du paragraphe 28(2) parce qu'il a cherché à
intervenir pour soulever la question de la compé-
tence qu'il invoque dans sa demande fondée sur
l'article 28, même si le Conseil a refusé de lui
reconnaître le statut d'intervenant au motif qu'il
ne représentait pas les employés de la Compagnie
des chemins de fer nationaux du Canada (CN),
qui était considérée comme l'employeur dans
l'instance pendante devant le Conseil. Ce point de
vue n'est pas contraire aux dispositions du Règle-
ment du Conseil canadien des relations du travail
(1978), DORS/78-499 qui, à l'article 2, définit le
terme «partie» comme «une personne qui a présenté
au Conseil une demande, une réponse ou une
intervention,» et qui, à l'article 17, prévoit: «Le
Conseil doit accepter l'intervention s'il est d'avis
qu'elle servirait les fins du Code ou son
application.»
La difficulté, comme l'indiquent les motifs de
mon collègue le juge Pratte, consiste à déterminer
si, dans les circonstances très spéciales de l'espèce,
le requérant devrait être considéré comme ayant
été directement affecté par la décision du Conseil,
le 6 juin 1980, qui reconnaissait l'Association
canadienne des employés des télécommunications
et travailleurs connexes (ACETTC) comme le suc-
cesseur, en vertu d'un transfert de pouvoirs entre
des syndicats au sens de l'article 143 du Code
canadien du travail, de la Fraternité canadienne
des cheminots, employés des transports et autres
ouvriers (FCCET & AO) à titre d'agent négocia-
teur pour l'unité des employés en télécommunica-
tions régis par la convention collective existante
conclue entre la FCCET & AO et le CN. Ce que
cela comporte, selon moi, est une détermination
quant à savoir si cette décision a directement
affecté un intérêt que la Cour devrait reconnaître
comme suffisant pour que soit reconnue la qualité
pour agir. La reconnaissance de la qualité pour
agir, du moins dans les cas où l'intérêt sur lequel
elle se fonde ne peut être clairement défini en
termes d'obligations ou de droits légaux, est une
question relevant de la discrétion judiciaire: Thor-
son c. Le Procureur Général du Canada [1975] 1
R.C.S. 138; The Nova Scotia Board of Censors c.
McNeil [1976] 2 R.C.S. 265; Thio, Locus Standi
and Judicial Review, 1971, pages 236 à 238;
Davis, Administrative Law Treatise, 1978 Supple
ment, page 169.
Il est clair que la décision n'a pas affecté les
droits légaux du requérant en tant qu'agent négo-
ciateur, que les employés qu'il représentait au
moment de la décision soient considérés comme
des employés du Canadien Pacifique Limitée (CP)
ou comme des employés de l'association CN -CP
télécommunications qui est entrée en vigueur le
l er janvier 1980. Dans la mesure où le statut de ces
employés peut être pertinent pour trancher la
question de la qualité pour agir, je suis d'avis que
les clauses 12 et 13 de l'accord d'association, signé
le 13 mars 1980, doivent être interprétées comme
signifiant que bien que les employés travaillant
dans l'entreprise de l'association seraient, à comp-
ter du ler janvier 1980, sous la direction des diri-
geants de l'association, ils continueraient, jusqu'au
ler janvier 1981, à être considérés comme des
employés du CN ou du CP, selon le cas, qui
demeuraient responsables des questions telles la
paie et les avantages des employés (sous réserve de
remboursement par l'association), et conservaient
[TRADUCTION] «plein contrôle sur les conditions
d'emploi et sur l'embauche et le licenciement de
ces employés.» La clause 13 stipule clairement que
c'est à compter du ler janvier 1981 que les
employés des parties effectuant des travaux de
l'association seront des employés de cette associa
tion. La décision du Conseil n'a ni créé ni affecté
le droit de représenter les employés de l'association
CN -CP télécommunications en tant que telle. Elle
n'a pas reconnu une nouvelle unité de négociation
composée de ces employés. Elle a simplement sub-
stitué l'ACETTC à la FCCET & AO à titre
d'agent négociateur pour l'unité des employés du
département des télécommunications du CN régis
par la convention collective existante entre la
FCCET & AO et le CN.
L'intérêt que le requérant fait valoir en l'espèce
à titre de fondement de sa qualité pour agir peut
être décrit comme le maintien d'une relation de
concurrence à cause de son importance pour les
procédures subséquentes relatives au successeur
sous le régime de l'article 144 du Code, qui déter-
mineront quel syndicat a le droit de représenter les
employés de l'association CN -CP télécommunica-
tions. Cet intérêt a été décrit comme suit dans
l'intervention du requérant, ou plutôt dans sa
demande d'intervention dans la procédure devant
le Conseil:
[TRADUCTION] L'intervenant s'inquiète de ce que les procé-
dures en cours puissent être utilisées comme marchepied pour
invoquer les dispositions du paragraphe 144(3) du Code cana-
dien du travail afin de priver l'intervenant et les employés qu'il
représente de leurs droits et privilèges découlant des conven
tions collectives existantes. Il a donc un intérêt légitime à
s'assurer que l'accréditation n'est pas accordée à une organisa
tion instable qui ne s'est pas conformée aux exigences du Code
et qui ne représente pas véritablement les employés pour les-
quels elle cherche à obtenir le droit de négocier ou que le
scrutin de représentation tenu par le Conseil ne soit pas autre-
ment entaché d'autres irrégularités.
Ce qui était en cause a été énoncé de façon plus
concrète et plus frappante dans le passage suivant
du compte rendu d'une réunion de la Division des
télécommunications canadiennes de la FCCET &
AO («la Division») tenue le 25 septembre 1979:
[TRADUCTION] La F.C.C.E.T. & A.O. a dit clairement que
lorsque les deux compagnies fusionneront, ce qui est actuelle-
ment prévu pour le 1°" janvier 1980, la F.C.C.E.T. & A.O. ne
demandera pas d'être déclarée le «syndicat successeur» et, en
outre, n'interviendra pas si le syndicat du C.P., (Travailleurs
unis du télégraphe), demande d'être subrogé aux droits du
prédécesseur. Notre syndicat courra donc le grave risque d'être
absorbé par le syndicat du C.P. même si nos membres sont
deux fois plus nombreux que ceux de ce syndicat.
Le requérant avait intérêt au maintien de cette
situation et le préjudice causé par la décision du
Conseil vient du fait que cette décision substituait
un syndicat que l'on peut présumer avoir eu l'in-
tention de demander d'être subrogé aux droits du
prédécesseur en vertu de l'article 144 du Code à un
syndicat qui, vraisemblablement, n'avait pas l'in-
tention de ce faire.
On a fait valoir que les cours devraient être
moins réticentes à reconnaître un effet néfaste sur
une position de concurrence comme suffisant pour
que soit reconnue la qualité pour agir, particulière-
ment à la lumière de la décision de la Cour
suprême des États-Unis dans l'arrêt Association of
Data Processing Service Organizations, Inc. c.
Camp 397 U.S. 150: Evans, Janisch, Mullan et
Risk, Administrative Law Cases, Text, and Mate
rials, 1980, page 906. Mais les cours doivent déci-
der si la position ou l'avantage de concurrence
particulier a le droit d'être protégé. La reconnais
sance et le maintien de l'avantage ou de la position
de concurrence du requérant en l'espèce comporte-
raient le déni du droit des employés de la Division
à la continuité d'une représentation volontaire et
efficace en attendant qu'il soit statué sur le droit
de représenter les employés de l'association
CN -CP télécommunications, en tant que telle.
J'estime que cela ne peut être un intérêt dont la
protection est envisagée par le Code et ne devrait
donc pas être considéré comme suffisant pour que
soit reconnue la qualité pour attaquer la décision
du Conseil de reconnaître 1'ACETTC à titre de
successeur de la FCCET & AO selon l'article 143.
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