T-156-81
Nissho-Iwai Canada Ltd., Nissho-Iwai Corpora
tion et Fuji Electric Co. Ltd. (Demanderesses)
c.
Le ministre du Revenu national pour les douanes
et l'accise, le sous-ministre du Revenu national
pour les douanes et l'accise, le Tribunal antidum-
ping et le procureur général du Canada (Défen-
deurs)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, 2 février; Ottawa, 13 février 1981.
Pratique — Parties — Requête pour qu'une association
commerciale soit constituée partie défenderesse — C'est par
suite de la plainte de l'association qu'une enquête antidumping
a été ouverte; l'association était représentée à l'audience
devant le Tribunal antidumping — Les demanderesses ont
formé appel à la Commission du tarif — La requérante ne fut
pas mise en cause en l'instance bien qu'elle ait acquis le droit,
conformément à l'art. 19(2) de la Loi antidumping de se faire
entendre — La requérante est intéressée par l'issue de la cause
mais n'a à se défendre d'aucune demande — Il échet d'exami-
ner si la politique générale de la Règle 1716, voulant que, dans
un cas de ce genre, la partie ne devrait pas être autorisée à
participer à l'action comme défenderesse, s'applique — Il
échet d'examiner si elle doit céder le pas aux dispositions de la
Loi antidumping — La requête est accordée — Loi antidum-
ping, S.R.C. 1970, c. A-15, art. 19(1),(2), 20(1)c) — Règles
1404(1), 1716(2)6),(4) de la Cour fédérale.
Arrêts appliqués: Adidas (Canada) Ltd. c. Skoro Enter
prises Ltd. [1971] C.F. 382; Mitsui & Co. of Canada Ltd.
c. Le ministre du Revenu national, T-3267-77.
REQUÊTE.
AVOCATS:
J. M. Coyne, c.r. pour la requérante l'Associa-
tion des manufacturiers d'équipement électri-
que et électronique du Canada.
R. S. Gottlieb pour les demanderesses.
J. L. Shields pour le défendeur le Tribunal
antidumping.
R. W. Côté pour les défendeurs le ministre du
Revenu national pour les douanes et l'accise,
le sous-ministre du Revenu national pour les
douanes et l'accise et le procureur général du
Canada.
PROCUREURS:
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour la requérante
l'Association des manufacturiers d'équipe-
ment électrique et électronique du Canada.
Gottlieb, Kaylor, Swift & Stocks, Montréal,
pour les demanderesses.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg
O'Grady, Morin, Ottawa, pour le défendeur le
Tribunal antidumping.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs le ministre du Revenu national
pour les douanes et l'accise, le sous-ministre
du Revenu national pour les douanes et l'ac-
cise et le procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Il s'agit en l'espèce d'une
requête présentée par l'Association des manufactu-
riers d'équipement électrique et électronique du
Canada demandant d'être, sur ordonnance, consti-
tuée partie défenderesse à l'instance en cause.
Cette association commerciale représente entre
autres les fabricants canadiens des transforma-
teurs du type astreint aux droits antidumping en
l'espèce; c'est par suite de la plainte qu'elle a
déposée le 2 janvier 1969 qu'une enquête antidum-
ping a été ouverte et a conduit aux constatations
faites. Elle était représentée à l'audience publique
devant le Tribunal antidumping conformément à
l'article 16 de la Loi antidumping', y a administré
des preuves et a participé au débat, tant lors de la
première audience, qui amena la décision du 8
août 1969, que de la suivante, cause de la décision
du 6 novembre 1970. Il y eut, à compter du 25
janvier 1977, une autre audience publique, en
demande de révision de la décision du 6 novembre
1970; l'avocat de la requérante y participa; elle se
termina par la décision du ler avril 1977: aucune
raison ne justifiait le Tribunal de modifier ses
constatations du 6 novembre 1970.
Lorsque, le 14 mars 1980, les demanderesses,
sur le fondement de l'article 19(1) de la Loi,
formèrent appel à la Commission du tarif de la
décision du sous-ministre du Revenu national pour
les douanes et l'accise du 23 janvier 1980 au sujet
des transformateurs que la demanderesse Nissho=
Iwai Canada Ltd. importait du Japon_ , la requé-
rante acquit le droit, conformément à l'article
19(2) de la Loi antidumping, de comparaître et de
se faire entendre devant le Tribunal. Elle ne fut
pas mise en cause en l'instance qui nous occupe
S.R.C. 1970, c. A-15.
quoiqu'il ait été évident que les intérêts des fabri-
cants de produits électriques au Canada, qu'elle
représentait, pouvaient être touchés par l'issue de
l'instance.
Une difficulté considérable naît du fait que les
Règles de la Cour fédérale ne prévoient pas
expressément l'intervention volontaire. La Règle
1716(2)b) dispose que:
Règle 1716... .
(2) La Cour peut, à tout stade d'une action, aux conditions
qu'elle estime justes, et soit de sa propre initiative, soit sur
demande,
b) ordonner que soit constituée partie une personne qui
aurait dû être constituée partie ou dont la présence devant la
Cour est nécessaire pour assurer qu'on pourra valablement et
complètement juger toutes les questions en litige dans l'ac-
tion et statuer sur elles,
L'alinéa (4) stipule:
Règle 1716... .
(4) Lorsqu'une ordonnance est rendue en vertu de la présente
Règle, elle doit contenir des instructions quant aux plaidoiries
ou autres procédures qui en résulteront; et toute partie intéres-
sée peut demander des instructions supplémentaires.
La requérante, de même que ceux qu'elle repré-
sente, ne prétend exercer aucun recours en l'ins-
tance, ni se défendre d'aucun autre, de sorte qu'il
est difficile de juger qu'elle «aurait dû être consti-
tuée partie» ou que sa «présence devant la Cour est
nécessaire». Les arguments qu'elle ferait valoir
seraient les mêmes que ceux qui seront, nul doute,
fort habilement soutenus par les défendeurs, les
ministre et sous-ministre du Revenu national pour
les douanes et l'accise, le Tribunal antidumping et
le procureur général du Canada; si la requête était
accordée, tout ce qu'elle ferait, ce serait de per-
mettre à l'avocat de la requérante de participer à
l'audience comme les autres avocats.
De prime abord, il semblerait que la Règle 1716
en est une de droit étroit et que les parties qui
n'ont à se défendre d'aucune demande ne devraient
pas en règle générale être autorisées à participer à
une action comme défenderesses simplement parce
qu'elles sont intéressées par l'issue de l'instance.
On peut cependant juger que cette politique géné-
rale doit céder le pas en l'espèce aux dispositions
de la Loi antidumping elle-même, laquelle autorise
toute partie intéressée à participer aux enquêtes et
audiences qui ont lieu conformément à cette Loi,
comme la requérante a déjà fait d'ailleurs. L'arti-
cle 19(2) dispose qu'avis de l'audition d'un appel à
la Commission du tarif d'une décision du Sous-
ministre doit être publiée dans la Gazette du
Canada et «une personne qui, à cette date ou avant
cette date, produit un acte de comparution au
secrétaire de la Commission du tarif, peut être
entendue au sujet de l'appel>. L'article 20 prévoit
que toute partie à un appel en vertu de l'article 19,
ce qui inclut c) «toute personne ayant produit un
acte de comparution en conformité du paragraphe
19(2), si elle a un intérêt important dans l'appel et
si elle a obtenu l'autorisation de la Cour ou d'un
juge de la Cour» peut interjeter appel à la Cour
fédérale du Canada de toute question de droit. En
outre la Règle 1404(1) de cette juridiction dit ce
qui suit:
Règle 1404. (1) Chaque personne qui désire participer au
débat sur une demande en vertu de l'article 28 devrait déposer
un avis de son intention d'y participer; l'avis doit indiquer
notamment son adresse et, si elle a un solicitor ou procureur,
les noms et l'adresse professionnelle de celui-ci.
Il ne semble donc pas opportun de refuser d'au-
toriser l'intervention de la requérante en l'instance
devant notre juridiction, et le jugement déclara-
toire à cet égard, uniquement sur le fondement
d'une interprétation étroite de la Règle 1716. En
outre, la jurisprudence cautionne dans une certaine
mesure l'intervention. Dans l'arrêt de la Cour
d'appel, Adidas (Canada) Limited c. Skoro Enter
prises Limited 2 , quoique sur des faits légèrement
différents, il est dit au sommaire notamment:
Aucune Règle de la Cour fédérale ne traitant de la constitu
tion de parties en matière de requêtes introductives d'instance
par opposition aux actions, si on tient compte de la Règle 5, il
faut suivre la procédure établie en Angleterre et en Ontario et
qui est semblable à celle que prévoient les Règles de cette Cour
pour la constitution de parties (Règle 1716). L'ordonnance de
mandamus a affecté les droits que détenait l'appelante en vertu
du jugement de la Cour de l'Échiquier au point que la justice
exige qu'elle soit constituée partie à la demande de mandamus
pour lui permettre de les porter en appel.
On a aussi invoqué l'affaire Chitty c. Le Conseil de
la radiodiffusion et des télécommunications cana-
diennes' bien que les faits de cette espèce soient
quelque peu différents en ce que les requérants qui
demandaient d'intervenir étaient directement tou-
chés par le litige.
2 [1971] C.F. 382.
3 [1978] 1 C.F. 830.
Dans une autre affaire quelque peu similaire,
l'affaire Mitsui & Co. of Canada Ltd. c. M.R.N.
(dans laquelle l'une des requérantes était l'actuelle
demanderesse, Nissho-Iwai, Canada Ltd., n° du
greffe T-3267-77, un jugement non publié en date
du 29 août 1977), l'Algoma Steel Corporation fut
jointe comme intimée dans un jugement du juge
Cattanach, convenu par les demanderesses. C'est à
cause de la plainte de l'Algoma Steel que l'enquête
antidumping, objet de l'instance, avait été ouverte;
elle était donc des plus intéressées à l'instance. La
seule différence entre cette affaire et l'espèce
actuelle réside dans le fait que c'était le fabricant
canadien lui-même qui avait déposé la demande
plutôt qu'une association. En l'espèce, comme en
celle-là, aucune objection n'est faite par les
demanderesses ni par le ou les défendeurs à ce que
la requérante soit jointe à l'instance comme
défenderesse.
Je conclus donc que la requête devrait être
accordée mais, conformément à l'alinéa (4) de la
Règle 1716 (précité), j'ordonne, bien que toutes les
écritures doivent être signifiées à la requérante,
l'Association des manufacturiers d'équipement
électrique et électronique du Canada, que celle-ci
ne doit déposer aucun acte de procédure distinct en
l'instance puisque aucun recours n'est directement
exercé contre elle mais qu'elle peut participer à
l'audience, tant avant dire droit qu'après, contre-
interroger les témoins, en citer à la barre si elle le
désire et participer pleinement aux débats devant
la Cour.
L'intitulé de cause sera modifié de façon à
adjoindre la requérante comme partie défende-
resse. Les dépens suivront l'issue de la cause.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.