A-537-80
Shane Gregory Brannson (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Intimé)
Cour d'appel, le juge Heald, les juges suppléants
MacKay et Kelly—Toronto, 9 et 29 octobre 1980.
Examen judiciaire — Immigration — Demande d'examen et
d'annulation de l'ordonnance d'expulsion rendue par l'arbitre
— Ordonnance rendue avant que la Commission d'appel de
l'immigration ne se fût prononcée sur la prétention du requé-
rant au statut de réfugié — Il échet d'examiner si l'arbitre a
commis une erreur sujette à contrôle judiciaire — Loi sur
l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 4(2), 27, 45(1),
46, 47, 70(2), 71(1) — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970
(2e Supp.), c. 10, art. 28.
Demande, fondée sur l'article 28, en examen et en annulation
de l'ordonnance d'expulsion rendue le 31 juillet 1980 par
l'arbitre contre le requérant. L'arbitre qui tient une enquête en
application de l'article 27 de la Loi sur l'immigration de 1976,
doit: (1) instruire la preuve qu'on administrera et les moyens
que feront valoir l'individu concerné et le Ministre; (2) décider
si le rapport circonstancié selon l'article 27 de l'agent d'immi-
gration a été prouvé; et (3) au cas où la décision selon le stade
(2) serait dans l'affirmative et compte tenu des faits de l'espèce,
rendre une ordonnance d'expulsion ou donner un avis d'inter-
diction de séjour. Cependant, lorsque l'individu concerné se
prétend réfugié, le paragraphe 45(1) ordonne à l'arbitre de
poursuivre l'enquête et de prononcer la décision qu'il aurait
rendue n'eût été la revendication du statut de réfugié. Il échet
d'examiner si l'arbitre a commis une erreur en rendant l'ordon-
nance d'expulsion alors qu'il n'a pas encore été statué sur la
prétention au statut de réfugié, faite en juillet 1979.
Arrêt: la demande est rejetée et l'ordonnance d'expulsion
annulée. Le fait qu'il n'a pas encore été statué sur la prétention
au statut de réfugié ne porte pas atteinte à la validité des stades
(1) et (2), lesquels ont été parachevés par l'arbitre. La reconsi-
dération de la question des infractions «équivalentes», antérieu-
rement renvoyée par la Cour à l'arbitre, faisait partie des deux
premiers stades et, en conséquence, entrait dans la compétence
de l'arbitre telle qu'elle est établie au paragraphe 45(1) de la
Loi. L'arbitre a traité d'une manière satisfaisante de cette
question et de toutes les autres dont il devait traiter au cours
des stades (1) et (2). Il lui est cependant interdit de procéder au
stade (3) tant que l'enquête ajournée n'est pas «reprise» confor-
mément au paragraphe 46(1), c'est-à-dire tant que la Commis
sion ne se sera pas prononcée sur la prétention du requérant au
statut de réfugié.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Glen Bell pour le requérant.
B. Evernden pour l'intimé.
PROCUREURS:
Glen Bell, c/o Parkdale Community Legal
Services, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement de la Cour rendus par
LE JUGE HEALD: Nous sommes tous d'avis, en
dépit de la plaidoirie fort savante et fort documen-
tée de l'avocat du requérant, que l'arbitre, P. J.
Delaney, n'a commis aucune erreur que puisse
contrôler la Cour, en rendant l'ordonnance d'ex-
pulsion, datée du 31 juillet 1980, contre le requé-
rant. Toutefois, le 9 octobre 1980 (Dossier
A-161-80) [non publié], la Cour, constituée
comme aujourd'hui, a réformé la décision de la
Commission d'appel de l'immigration rendue selon
le paragraphe 71(1) de la Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, c. 52, voulant que le requérant
ne soit pas un réfugié au sens de la Convention, et
renvoyé la question à la Commission pour qu'elle
statue sur le fondement qu'elle ne peut, aux fins du
paragraphe 71(1) de la Loi sur l'immigration de
1976, prendre en considération des preuves autres
que les documents mentionnés au paragraphe
70(2) de cette Loi.
Lorsque, comme en l'espèce, un arbitre com
mence une enquête selon les dispositions de l'arti-
cle 27 de la Loi sur l'immigration de 1976, il doit,
si les choses suivent leur cours normal, et en
l'absence de revendication du statut de réfugié,
procéder aussi rapidement que possible et:
1. instruire la preuve qu'on administrera et les
moyens que feront valoir l'individu concerné ou
son représentant et le Ministre;
2. décider si le contenu du rapport circonstancié
selon l'article 27 de l'agent d'immigration a été
prouvé;
3. au cas où la décision selon le stade 2 ci-dessus
serait dans l'affirmative et compte tenu des faits
de l'espèce, puisqu'il s'agit d'une question rele
vant des alinéas 27(2)a) et 19(2)a), rendre une
ordonnance d'expulsion ou donner un avis d'in-
terdiction de séjour.
Lorsque dans un cas comme celui-ci toutefois,
l'individu concerné se prétend réfugié au sens de la
Convention (question qu'il appartient au Ministre
et à la Commission d'appel de l'immigration de
résoudre, plutôt qu'à l'arbitre), le paragraphe
45(1) de la Loi' ordonne à l'arbitre de poursuivre
l'enquête et de prononcer la décision qu'il aurait
rendue n'était la revendication du statut de réfugié
par le requérant. Ce faisant, l'arbitre aura com-
plété les stades 1 et 2 énoncés ci-dessus. A notre
avis, il est incontestable que les dispositions de la
Loi l'autorisent à poursuivre jusque-là.
L'arbitre doit alors interrompre la procédure
dont il est saisi et il ne lui est pas permis de la
«reprendre» tant que la question du statut de réfu-
gié n'a pas été tranchée comme le prévoit la Loi.
Une fois la question du statut de réfugié tran-
chée, lorsque la demande est rejetée, sur l'ordre
d'un agent d'immigration supérieur, l'arbitre doit
«reprendre» l'enquête 2 .
La seule restriction à l'autorité de l'arbitre que
cause la revendication du statut de réfugié con-
cerne le stade 3 précité. Tant que l'arbitre procède
au stade 1 puis au stade 2, le paragraphe 45 (1)
ci-dessus l'autorise à «poursuivre» la procédure jus-
qu'au parachèvement du stade 2. Il lui est cepen-
dant interdit de procéder au stade 3 tant que
l'enquête ajournée n'est pas «reprise» conformé-
ment au paragraphe 46(1).
Voici le texte du paragraphe 45(1) de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976:
45. (1) Une enquête, au cours de laquelle la personne en
cause revendique le statut de réfugié au sens de la Conven
tion, doit être poursuivie. S'il est établi qu'à défaut de cette
revendication, l'enquête aurait abouti à une ordonnance de
renvoi ou à un avis d'interdiction de séjour, elle doit être
ajournée et un agent d'immigration supérieur doit procéder à
l'interrogatoire sous serment de la personne au sujet de sa
revendication.
2 Cette procédure est énoncée au paragraphe 46(1) de la Loi
sur l'immigration de 1976 que voici:
46. (1) L'agent d'immigration supérieur, informé confor-
mément au paragraphe 45(5) que la personne en cause n'est
pas un réfugié au sens de la Convention, doit faire reprendre
l'enquête, dès que les circonstances le permettent, par l'arbi-
tre qui en était chargé ou par un autre arbitre, à moins que la
personne en cause ne demande à la Commission, en vertu du
paragraphe 70(1), de réexaminer sa revendication; dans ce
cas, l'enquête est ajournée jusqu'à ce que la Commission
notifie sa décision au Ministre.
En l'espèce, il n'a pas encore été statué sur la
prétention au statut de réfugié, faite en juillet
1979, cause de l'ordonnance de la Cour, consti-
tuée comme aujourd'hui, en date du 9 octobre
1980, dans le dossier n° A-161-80, mais la validité
des stades 1 et 2, lesquels ont été parachevés par
l'arbitre, ne s'en trouve pas atteinte. La reconsidé-
ration de la question des infractions «équivalentes»
renvoyée par la Cour à l'arbitre dans le dossier
n° A-213-80 [[1981] 2 C. F. 141] faisait partie des
deux premiers stades et, en conséquence, entrait
dans la compétence de l'arbitre telle qu'elle est
établie au paragraphe 45 (1) précité. A notre avis
l'arbitre a traité d'une manière satisfaisante de
cette question et de toutes les autres dont il devait
traiter au cours des stades 1 et 2.
La situation donc est qu'à cause de l'ordonnance
du 9 octobre 1980, dossier n° A-161-80 précité, la
Commission n'a pas décidé de la question du statut
de réfugié dont pourrait bénéficier le requérant.
En conséquence, conformément au paragraphe
46(2) 3 , l'arbitre ne peut «reprendre», l'enquête tant
que la Commission n'a pas statué là-dessus et donc
ne peut manifestement pas procéder au stade 3 à
ce moment-ci.
Aussi, nous sommes d'avis que l'ordonnance
d'expulsion prononcée contre le requérant doit être
réformée et l'affaire renvoyée à l'arbitre Delaney
ou à un autre arbitre que désignera l'agent supé-
rieur d'immigration compétent. L'enquête ne
pourra être reprise qu'après que la Commission
aura notifié au Ministre, conformément au para-
graphe 46(1), sa décision relativement à la reven-
dication du requérant.
3 Voici le texte du paragraphe 46(2):
46....
(2) L'arbitre chargé de poursuivre l'enquête en vertu du
paragraphe (1), doit, comme si la revendication du statut de
réfugié n'avait pas été formulée, prononcer le renvoi ou
l'interdiction de séjour de la personne
a) à qui le Ministre n'a pas reconnu le statut de réfugié au
sens de la Convention, si le délai pour demander le réexa-
men de sa revendication prévu au paragraphe 70(1) est
expiré; ou
b) à qui la Commission n'a pas reconnu le statut de réfugié
au sens de la Convention.
Advenant que la Commission dise que le requé-
rant n'est pas un réfugié au sens de la Convention,
l'arbitre devra alors procéder conformément au
paragraphe 46(2). Si au contraire la Commission
dit que le requérant est un réfugié au sens de la
Convention, le paragraphe 47(1) 4 prévoit qu'un
agent d'immigration supérieur doit voir à ce que
soit reprise l'enquête qui déterminera si le requé-
rant est un individu décrit au paragraphe 4(2) de
la Lois.
Étant donné que nous avons déjà exprimé notre
opinion selon laquelle, dans l'instance qui a con
duit à l'ordonnance d'expulsion du 31 juillet 1980,
l'arbitre Delaney n'a commis aucune erreur con-
trôlable, il est clair que si des faits nouveaux
dictent de suivre la procédure selon le paragraphe
46(2), l'arbitre sera, à ce moment-là, requis de
prononcer soit le renvoi soit l'interdiction de séjour
que prévoit cet article. Si toutefois les faits subsé-
quents exigent qu'il procède selon l'article 47, sur
4 Voici le texte de l'article 47 de la Loi:
47. (1) L'agent d'immigration supérieur, informé que le
Ministre ou la Commission a reconnu, à la personne qui le
revendique, le statut de réfugié au sens de la Convention, doit
faire reprendre l'enquête soit par l'arbitre qui en était chargé,
soit par un autre arbitre qui détermine si la personne en
cause remplit les conditions prévues au paragraphe 4(2).
(2) L'arbitre doit prononcer le renvoi ou l'interdiction de
séjour du réfugié au sens de la Convention qui, selon lui, ne
remplit pas les conditions prévues au paragraphe 4(2).
(3) Par dérogation à la présente loi et aux règlements,
l'arbitre doit autoriser le réfugié au sens de la Convention
qui, selon lui, remplit les conditions prévues au paragraphe
4(2), demeurer au Canada.
5 Voici le texte du paragraphe 4(2) de la Loi:
4....
(2) Sous réserve des lois du Parlement, le citoyen cana-
dien, le résident permanent ainsi que le réfugié au sens de la
Convention qui se trouve légalement au Canada, ont le droit
d'y demeurer à l'exception
a) du résident permanent visé au paragraphe 27(1); et
b) du réfugié au sens de la Convention qui tombe sous le
coup des alinéas 19(1)c), d), e), f) ou g) ou 27(1)c) ou d)
ou 27(2)c) ou qui, déclaré coupable d'une infraction
prévue par une loi du Parlement,
(i) a été condamné à plus de six mois de prison, ou
(ii) est passible d'au moins cinq ans de prison.
réception des directives nécessaires de l'agent
supérieur d'immigration, il devra tenir l'enquête
que prévoit l'article 47.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris à
ces motifs.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: J'y souscris aussi.
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