T-3972-78
Pacific Western Airlines Ltd. et Canadian
Acceptance Corporation Limited (Demanderesses)
C.
La Reine du chef du Canada (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh—
Toronto, 26 mai; Ottawa, 3 juin 1980.
Pratique — Interrogatoire préalable — Requêtes présentées
par la défenderesse demandant qu'un dirigeant et un employé
de Pacific Western Airlines soient tenus de comparaître de
nouveau — Interrogatoire supplémentaire relatif aux rensei-
gnements contenus dans un rapport d'accident d'aviation et
obtenus lors d'enquêtes menées par P.W.A. — Requête présen-
tée par les demanderesses pour obtenir de la défenderesse un
affidavit supplémentaire plus complet — Les demanderesses
prétendent que les détails de ses enquêtes poussées sont privi-
légiés du fait que les documents ont été rédigés au cours de
l'enquête faite par la compagnie en prévision d'éventuelles
poursuites — Règles 319(2),(4), 320, 451, 461, 465(15),(17),
(18),(19) de la Cour fédérale — Règlement de l'Air, DORS/
61-10, et ses modifications, art. 829(1) — Loi sur l'aéronauti-
que, S.R.C. 1970, c. A-3.
Dans sa première requête, la défenderesse demande qu'il soit
enjoint au commandant Fransbergen, dirigeant de la demande-
resse Pacific Western Airlines Ltd. (P.W.A.) de comparaître de
nouveau pour répondre à des questions sur a) des faits se
rapportant au contenu de certains alinéas du rapport d'accident
d'aviation fait à la suite d'un écrasement d'avion survenu à
Cranbrook (C.-B.); b) les noms des personnes interrogées et la
date et le lieu de ces entrevues; c) la possibilité que des
employés de la P.W.A. ou d'autres personnes autorisées par
celle-ci, autres qu'un avocat, aient eu accès à certaines pièces
ou pris connaissance de leur contenu; et d) les faits dont des
dirigeants de la P.W.A. ont pris connaissance à la suite de
l'accident alors qu'ils agissaient en tant que membres de
l'équipe d'enquête sur l'accident. La défenderesse demande
également qu'il soit enjoint au commandant Husband, pilote et
employé de la P.W.A., de comparaître de nouveau pour répon-
dre à des questions sur les conversations qu'il a eues avec le
commandant de l'avion écrasé ou qu'il a entendu ce dernier
tenir avec d'autres. Les demanderesses, qui demandent que la
défenderesse dépose un affidavit supplémentaire plus complet,
prétendent que les détails de ses enquêtes poussées sont privilé-
giés du fait que les documents ont été rédigés au cours de
l'enquête faite par la compagnie en prévision d'éventuelles
poursuites.
Arrêt: les requêtes sont accueillies. a) Le principe de l'intérêt
public de la sécurité aérienne exige la divulgation des faits dont
les employés de la P.W.A. ont connaissance. Cet intérêt public
l'emporte sur tout avantage tactique qui pourrait être obtenu en
ne divulguant pas les renseignements obtenus au cours de leur
enquête et en ne les communiquant qu'à l'avocat-conseil de la
compagnie. b) Les renseignements obtenus au cours de ces
entrevues ne sont recevables en preuve que dans la mesure où
ils se rapportent à des faits mentionnés dans les plaidoiries,
dans les listes de documents ou à des faits divulgués au cours de
l'enquête de la Commission. Aller plus loin constituerait une
simple «recherche à l'aveuglette» et ne saurait être permis. c) Il
y a lieu de répondre à cette question. Il semble que d'une façon
ou d'une autre, certains des faits qui sont mentionnés dans ces
pièces seront tôt ou tard apportés en preuve. d) L'objet princi
pal d'une enquête faite par les dirigeants de la P.W.A. aurait
dû être d'établir la cause de l'accident; on ne peut en aucune
façon conclure que le seul ou même le principal objet de
l'enquête était de recueillir des renseignements en prévision et
en vue d'un litige. La deuxième requête est accueillie, s'agissant
d'un cas «exceptionnellement» au sens de la Règle 465(19). Il
est possible que l'on puisse obtenir du commandant Fransber-
gen les renseignements nécessaires, mais dans les circonstances
spéciales de l'espèce, il conviendrait d'interroger Husband à cet
égard étant donné que toute information que pourrait donner
Fransbergen, après s'être renseigné, serait du ouï-dire sur une
question très importante. Pour ce qui concerne la requête des
demanderesses, comme il n'est pas souhaitable d'encombrer le
dossier de la Cour en énumérant des documents qui ne seront
jamais utilisés par les parties, l'avocat de la défenderesse a
consenti à déposer une liste supplémentaire et plus complète de
documents, attestée par affidavit.
Arrêts suivis: Waugh c. British Railways Board [1979] 2
All E.R. 1169; Imperial Marine Industries Ltd. c. Fire-
man's Fund Insurance Co. [1977] 1 C.F. 747. Arrêt
appliqué: Churchill Falls (Labrador) Corp. Ltd. c. La
Reine non publié, T-1414-71. Arrêts mentionnés: Cham
pion Packaging Corp. c. Triumph Packaging Corp. [ 1977]
1 C.F. 191; Ross (Executrix of Ross Estate) c. Scarlett
[1946] 3 W.W.R. 533.
REQUÊTES.
AVOCATS:
E. M. Lane et R. J. Allen pour les
demanderesses.
W. J. A. Hobson, c.r. pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Lane, Breck, Toronto, pour les demanderes-
ses.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Deux avis de requête présen-
tés au nom de la défenderesse ont été entendus à
Toronto le 26 mai 1980. La première requête,
déposée le 8 mai 1980, demandait que soit rendue
une ordonnance en vertu de la Règle 465(18)
enjoignant au commandant Kaees Fransbergen,
dirigeant de la société demanderesse Pacific West
ern Airlines Ltd. [ci-après appelée, à certains
moments, la «P.W.A.»], de comparaître de nou-
veau devant l'examinateur qui a présidé à son
interrogatoire préalable, à une date qui sera fixée
ultérieurement, et de répondre aux questions sui-
vantes ainsi qu'à toutes celles qui pourront se poser
à la suite des réponses qui seront données, pourvu
qu'elles se rapportent aux points soulevés:
a) De quels faits étaient au courant les employés,
dirigeants et préposés de la Pacific Western Air
lines Ltd. relativement au contenu de certains
alinéas des pages 32 et 40 du rapport d'accident
d'aviation n° H80001 de la Division des enquêtes
sur la sécurité aérienne du ministère des Trans
ports, document coté n° 53 dans la Partie I de
l'annexe I de la liste complémentaire de documents
déposée par les demanderesses conformément à la
Règle 447? Les alinéas en question, aux pages 32
et 40, sont ainsi rédigés:
A la page 32:
Ces renseignements proviennent de témoins oculaires, de
survivants, du personnel technique ou cadre des divers organis-
mes, d'équipages ainsi que de pilotes.
Outre ces témoignages, on a interviewé des équipages qui
volaient dans la région lorsque l'accident s'est produit. Les
pilotes de deux avions différents ont signalé qu'ils avaient
entendu le commandant du vol 314 parler à un autre pilote sur
la fréquence de la compagnie. On a pu établir que cette
conversation avait eu lieu vers 19h482, donc au moment où la
station radioaéronautique de Cranbrook aurait transmis des
renseignements sur l'état de la piste.
A la page 40:
L'omission du compte rendu en approche finale et le verbiage
superflu sur la fréquence de la compagnie constituent une
pratique inacceptable dans le poste de pilotage ainsi qu'une
dérogation grave à la discipline de l'air.
b) Quels sont les noms des personnes interviewées,
quand et où ces interviews ont-elles eu lieu, au
cours de la période pendant laquelle des dirigeants
de la Pacific Western Airlines Ltd. agissaient en
tant que membres de l'équipe d'enquête sur l'acci-
dent mentionné dans l'affidavit de John Robert
Haig?
c) Des employés de la Pacific Western Airlines
Ltd. ou toute autre personne autorisée par celle-ci,
autre qu'un avocat, ont-ils vu ou eu accès aux
pièces C et D ou pris connaissance du contenu de
ces pièces?
d) Préciser le rôle joué par les dirigeants de la
Pacific Western Airlines Ltd. qui ont pu être
membres de ladite équipe d'enquête sur l'accident
et les faits, le cas échéant, dont ils ont pu prendre
connaissance à la suite de l'accident alors qu'ils
agissaient en tant que membres de ladite équipe?
La deuxième requête, déposée le 14 mai 1980,
demande que soit rendue une ordonnance enjoi-
gnant au commandant Bud Husband, pilote et
employé de la Pacific Western Airlines Ltd., de
comparaître en qualité de membre de ladite com-
pagnie demanderesse pour subir un interrogatoire
supplémentaire à une date qui sera fixée ulté-
rieurement et de répondre à toute question concer-
nant les conversations qu'il a eues avec le comman
dant Christopher Miles sur la fréquence de la
compagnie le 11 février 1978 ou qu'il a entendu ce
dernier tenir avec d'autres et de répondre à toute
autre question qui pourra se poser par suite des
réponses qui seront données, pourvu qu'elle se
rapporte aux points soulevés par les plaidoiries.
Les deux requêtes, qui ont été entendues ensemble,
sont appuyées par un affidavit de John Robert
Haig daté du 8 mai 1980 et, pour ce qui concerne
la seconde requête, elle serait également appuyée
par les pages 21 62 de la transcription de l'inter-
rogatoire préalable subi par le commandant Kaees
Fransbergen datée des 7 et 8 mai 1980.
Immédiatement après les débats relatifs à ces
deux requêtes, il fut procédé à l'audition d'une
requête déposée par les demanderesses le 20 mai
1980 et tendant à ce qu'il soit ordonné à la défen-
deresse en vertu de la Règle 461 de déposer un
affidavit supplémentaire plus complet et à ce qu'il
soit ordonné à la défenderesse, en vertu de la Règle
451, de fournir un affidavit précisant si les docu
ments mentionnés dans la pièce B de l'affidavit de
Donald Bruce Garrow, déposé à l'appui de ladite
demande, sont ou ont été en la possession ou sous
le contrôle de la défenderesse et, dans la négative,
quand la défenderesse s'en est dessaisie et ce qu'ils
sont devenus. Cette requête est appuyée par l'affi-
davit de Donald Bruce Garrow.
Pour faire opposition aux deux requêtes de la
défenderesse, on a voulu déposer, à l'ouverture de
l'audition, le 26 mai, un affidavit de Robert Allen,
employé du cabinet d'avocats représentant les
demanderesses, en date du 23 mai 1980. Le dépo-
sant y déclare que le commandant Fransbergen lui
a appris que Eric M. Lane, l'avocat des demande-
resses, avait rencontré Fransbergen et d'autres
employés de la Pacific Western Airlines Ltd. à
Cranbrook (Colombie-Britannique) le 12 février
1978, le lendemain de l'accident qui fait l'objet du
présent litige et qu'au cours de cette réunion, les
employés de la demanderesse, Pacific Western
Airlines Ltd., avaient reçu la directive de collabo-
rer avec les fonctionnaires de la Section des enquê-
tes en matière d'aviation du ministère des Trans
ports mais, en même temps, on avait demandé aux
employés de cette demanderesse d'agir en qualité
d'agents aux fins de recueillir des renseignements
en prévision et en préparation de procédures judi-
ciaires envisagées. Le déposant déclare en outre
que le commandant Fransbergen lui a également
appris qu'il avait été permis au commandant
Victor Bentley, pilote de la Pacific Western Air
lines Ltd., d'observer certaines parties de l'enquête
officielle sur l'accident à titre de représentant de
l'Association canadienne des pilotes de lignes
aériennes. Cet affidavit a évidemment été soumis à
l'appui de la demande d'exemption de communica
tion faite par les demanderesses relativement aux
renseignements complémentaires que la défende-
resse cherche à obtenir des commandants Frans-
bergen et Bud Husband. L'avocat de la défende-
resse a tenté d'empêcher que cet affidavit soit reçu,
au motif qu'il serait tardif, et a demandé, au cas
où il serait reçu, la permission de contredire les
allégations qui y sont faites en faisant référence à
certains passages de l'enquête sur la sécurité
aérienne ou aux parties qui se rapportent à l'en-
quête sur l'accident de Cranbrook. Les demande-
resses s'y sont opposées, invoquant qu'elles
n'étaient pas représentées et n'avaient pas com-
paru à ladite enquête et elles ont en outre demandé
une remise de l'audition des requêtes jusqu'à ce
que soit disponible la transcription de l'interroga-
toire préalable complet subi par le commandant
Kaees Fransbergen pendant quatre jours à comp-
ter du 5 mai. La défenderesse s'est opposée à toute
remise et je crois qu'elle avait raison de le faire. La
Règle 319 prévoit qu'une requête doit être appuyée
par un affidavit certifiant tous les faits sur lesquels
elle se fonde sauf ceux qui ressortent du dossier.
L'alinéa (2) prévoit qu'une partie adverse peut
déposer un affidavit en réponse. Toutefois, la
Règle 320 prévoit qu'un avis de requête, autre
qu'une demande ex parte, doit être déposé avec
affidavits à l'appui, au moins 2 jours avant le
moment fixé pour la présentation, sauf ordre con-
traire de la Cour. La date de l'audition des requê-
tes de la défenderesse ayant été fixée longtemps
d'avance et un juge ayant été spécialement désigné
pour les entendre à Toronto, il ne serait manifeste-
ment pas raisonnable de permettre aux demande-
resses de retarder l'audition par le dépôt à la toute
dernière minute de ce qui est essentiellement un
affidavit très ordinaire simplement déposé à l'ap-
pui d'une demande d'exemption de communica
tion. Même si les demanderesses ont offert de
permettre que Allen, qui était présent, soit immé-
diatement contre-interrogé relativement à son affi
davit, cette question relève également du pouvoir
discrétionnaire de la Cour et, selon la Règle
319(4), il faudrait y avoir une raison spéciale pour
permettre ce contre-interrogatoire dans le cadre
d'une requête; aucun sténographe n'était présent et
un tel interrogatoire aurait simplement eu pour
effet de retarder l'audition des requêtes. D'autre
part, la défenderesse ne devrait pas subir de préju-
dice du fait du dépôt très tardif d'un affidavit sans
possibilité d'en réfuter les déclarations soit par
contre-interrogatoire ou par d'autres éléments de
preuve. Par conséquent, la Cour a dit à l'avocat
des demanderesses qu'elle permettrait le dépôt de
cet affidavit uniquement s'il était donné à la défen-
deresse la possibilité de consigner au dossier, à
cette fin seulement, les passages de ladite enquête
sur la sécurité aérienne qui permettraient de réfu-
ter les allégations faites dans l'affidavit. Les passa
ges lus et mentionnés aux fins du débat seraient
ensuite immédiatement transcrits et déposés avec
un affidavit à l'appui souscrit par l'avocat de la
défenderesse, pour faire partie du dossier unique-
ment aux fins de l'examen des présentes requêtes.
Même si l'avocat des demanderesses n'a pas for-
mellement donné son accord à cette procédure,
c'est à ces conditions seulement que la Cour a
permis la production de l'affidavit d'Allen.
L'ordonnance rendue à cet égard est ainsi
conçue:
[TRADUCTION] Au lieu du contre-interrogatoire relatif à
l'affidavit de Robert Allen qui est tardif et dont la pertinence
n'est pas établie, la défenderesse peut produire des parties du
texte de l'enquête sur la sécurité aérienne, lesdites parties ne
devant comprendre que des questions et réponses et ne devant
inclure aucun argument ou commentaire du commissaire ou de
l'avocat de la Commission. Ces questions et ces réponses se
limiteront aux questions soulevées par les avis de requête de la
défenderesse. L'authenticité de ces éléments de preuve présen-
tés verbalement à l'audience aujourd'hui sera attestée subsé-
quemment par un affidavit de l'avocat de la défenderesse
faisant référence auxdits extraits du texte de l'enquête qui
seront considérés comme conformes sans autre attestation; ceci,
nonobstant le fait que les demanderesses n'étaient pas parties à
l'enquête et n'y étaient pas représentées, à seule fin d'éviter de
devoir ajourner lesdites requêtes pour permettre un contre-
interrogatoire relativement à l'affidavit d'Allen, ou encore de
devoir refuser de permettre le dépôt de cet affidavit au motif
qu'il n'aurait pas été produit dans un délai convenable avant la
date fixée pour l'audition des requêtes.
Il fut ensuite procédé à l'audition des requêtes
de la défenderesse. Pour bien comprendre la situa
tion, il est nécessaire d'examiner assez attentive-
ment le contexte dans lequel se situe le litige et il
sera également nécessaire d'examiner de façon
générale les motifs pour lesquels l'avocat des
demanderesses s'oppose à la communication des
renseignements demandés, de même que les argu
ments de l'avocat de la défenderesse qui les
demande, avant d'appliquer les conclusions aux-
quelles je serai arrivé aux renseignements que l'on
tente d'obtenir dans ces requêtes. A l'origine du
litige: un écrasement d'avion survenu à Cranbrook
(Colombie-Britannique) le 11 février 1978, cau-
sant la mort de 43 personnes. Il s'agissait du vol
314 de la Pacific Western Airlines Ltd. On a
allégué dans de très longues plaidoiries, qu'après
que l'avion se fut posé, le pilote a été forcé d'amor-
cer d'urgence une manoeuvre pour dépasser la piste
d'atterrissage lorsqu'il s'est aperçu qu'un véhicule
de déneigement se trouvait sur la piste, que l'avion
est alors devenu impossible à maîtriser et qu'il s'est
écrasé. Le pilote et le copilote sont au nombre des
morts. Il a été statué sur le nombre important de
requêtes préliminaires qui ont été déposées en
l'espèce. Il est allégué dans la défense que l'acci-
dent est attribuable à la faute du pilote Van Oort
et du copilote Miles de même qu'à celle de la
demanderesse, Pacific Western Airlines Ltd., qui
aurait négligé de donner à l'équipage les instruc
tions et l'entraînement appropriés pour le respect
de tous les règlements; mais la présente question se
pose plus particulièrement parce qu'il a été décou-
vert que Miles aurait, immédiatement avant l'at-
terrissage qui dut être interrompu, communiqué,
sur la fréquence radio de la compagnie, avec le
commandant Bud Husband, un autre pilote de la
compagnie aux commandes du vol 305, relative-
ment à des questions ne se rapportant pas au vol.
Cette conversation aurait été entendue par deux
autres pilotes dont les noms ne sont pas connus de
la défenderesse mais que les demanderesses
connaîtraient.
La portée de l'interrogatoire préalable qu'on
permet dans cette Cour est prévue à la Règle
465(15):
Règle 465... .
(15) A un interrogatoire préalable autre qu'un interrogatoire
en vertu de l'alinéa (5), l'individu qui est interrogé doit répon-
dre à toute question sur tout fait que la partie interrogée au
préalable connaît ou a les moyens de connaître et qui peut soit
démontrer ou tendre à démontrer ou réfuter ou tendre à réfuter
une allégation de fait non admis dans une plaidoirie à la cause
de la partie qui est interrogée au préalable ou de la partie qui
procède à l'interrogatoire.
Il convient donc de poser des questions se rappor-
tant non seulement à la déclaration des demande-
resses mais également à la défense de la défende-
resse. Pour ce qui concerne le commandant
Fransbergen, il était le témoin principal désigné
aux fins de l'interrogatoire préalable pour les
demanderesses et dans la mesure où il n'aurait pas
personnellement connaissance d'une partie impor-
tante des faits ayant précédé l'accident, il serait
tenu de se renseigner et de répondre à de telles
questions, pourvu qu'elles soient admissibles, à la
reprise de l'interrogatoire. L'alinéa (17) de la
Règle 465 est ainsi rédigé:
Règle 465... .
(17) Afin de se conformer à l'alinéa (15), l'individu interrogé
peut être requis de se renseigner et, à cet égard, l'interrogatoire
peut être ajourné si nécessaire.
Par suite de ce très sérieux accident, il y eut non
seulement une enquête approfondie sur l'écrase-
ment même mais également une enquête sur la
sécurité aérienne en général à laquelle, comme on
pouvait s'y attendre, un certain nombre de repré-
sentants des demanderesses ont assisté de même
que divers représentants du ministère des Trans
ports. Et il va sans dire que la Pacific Western
Airlines Ltd. a mené des enquêtes internes très
poussées et prévoyait sans doute qu'elle aurait tôt
ou tard à faire face à des litiges relatifs à l'acci-
dent. Il est allégué que certains documents qui
pourraient être pertinents ont, sans justification,
été détruits ou déchiquetés par un certain docteur
Dubé, un représentant du ministère des Trans
ports, soit de son propre chef, soit conformément à
des directives, et bien qu'il ne soit pas question en
l'espèce de poursuites à cet égard, il en résulte que
la défenderesse ne peut maintenant, par suite d'ac-
tes d'un ou de plusieurs de ses propres représen-
tants, soumettre certains éléments de preuve. On
allègue toutefois que des copies ou les originaux,
selon le cas, des documents détruits sont en la
possession des demanderesses et que celles-ci ont
connaissance de leur contenu. Cette espèce pré-
sente donc une situation extraordinaire et peut-être
inédite où la défenderesse est obligée de tenter
d'obtenir des demanderesses une preuve que la
défenderesse elle-même devrait faire au moyen de
ses propres témoins et documents.
Il est admis que l'enquête effectuée par la Com
mission n'était pas une enquête faite par un enquê-
teur sur les accidents d'aviation nommé en vertu
de l'article 829(1) du Règlement de l'Air du minis-
tère des Transports [DORS/61-10, modifié] mais
que les témoins ont déposé volontairement devant
celle-ci. Parmi ceux qui participaient à l'enquête il
y avait un certain nombre de représentants de la
demanderesse Pacific Western Airlines Ltd.,
notamment le commandant Kaees Fransbergen,
Russ Revel, chef pilote de la région de l'Ouest, A.
Hunger, (entretien P.W.A.) et d'autres, y compris
le commandant Victor Bentley, qui, d'après les
demanderesses, a participé à l'enquête mais en sa
qualité de représentant de l'Association cana-
dienne des pilotes de lignes aériennes. La question
de savoir si une partie de la preuve faite devant la
Commission peut être produite à l'instruction n'a
pas été soulevée devant la Cour aux fins, des
présentes requêtes mais il est fait mention de
passages de ces témoignages, tel qu'indiqué précé-
demment, à titre d'indication que les comman
dants Fransbergen et Husband seraient en mesure
de prendre connaissance des renseignements
recherchés, à moins que les demanderesses ne réus-
sissent à prouver qu'ils doivent faire l'objet de
l'exemption de communication du fait que les
documents ont été rédigés au cours de l'enquête
faite par la compagnie en prévision d'éventuelles
poursuites.
La défenderesse s'appuie également sur une
lettre datée du 3 mars 1978, de Russ Revel, chef
pilote de la région de l'Ouest de la P.W.A. à W.
M. Howes, chef intérimaire du Bureau des enquê-
tes sur la sécurité aérienne, dans laquelle il consent
à des entrevues avec Husband, Leschiutta, Bisail-
Ion et Rodgers, employés de la compagnie. Il a
également été fait mention d'un document intitulé
[TRADUCTION] «Historique du vol» joint à l'affida-
vit de Haig, dont l'avocat des demanderesses a
vigoureusement contesté l'admissibilité parce qu'il
serait fondé sur du ouï-dire et serait peu fiable et
un document qui n'a pas été utilisé dans le rapport,
qui mentionne une conversation entre Bud Hus
band au moment du décollage à Calgary à bord du
vol 305 et Christopher Miles, les deux discutant de
tuyaux relatifs à la bourse, conversation assez
longue qui avait lieu au moment même où Van
Oort recevait des instructions de l'opérateur de la
station radioaéronautique au sujet des conditions
météorologiques et au sujet d'une souffleuse se
trouvant sur la piste d'atterrissage, instructions
dont on prétend qu'il aurait accusé réception. Ce
n'est pas clair si c'était Miles ou Van Oort qui
était aux commandes mais ce rapport (entièrement
officieux) suggère que c'était Miles et que peut-
être Van Oort n'a jamais signalé à Miles la pré-
sence de la souffleuse. Il faut souligner que même
si ce document n'est pas admissible en preuve à
l'instruction, il fournit des indices que des conver
sations inutiles ont pu avoir lieu entre un officier-
pilote de l'équipage du vol 314 et le commandant
Bud Husband juste avant l'accident.
Il est en outre fait référence au rapport d'acci-
dent d'aviation de la Division des enquêtes sur la
sécurité aérienne du ministère des Transports figu-
rant sur la liste supplémentaire de documents des
demanderesses et plus particulièrement à certains
alinéas des pages 32 et 40 de ce rapport qui sont
ainsi rédigés:
Ces renseignements proviennent de témoins oculaires, de
survivants, du personnel technique ou cadre des divers organis-
mes, d'équipages ainsi que de pilotes.
Outre ces témoignages, on a interviewé des équipages qui
volaient dans la région lorsque l'accident s'est produit. Les
pilotes de deux avions différents ont signalé qu'ils avaient
entendu le commandant du Vol 314 parler à un autre pilote sur
la fréquence de la compagnie. On a pu établir que cette
conversation avait eu lieu vers 19h482, donc au moment où la
station radioaéronautique de Cranbrook aurait transmis des
renseignements sur l'état de la piste. (C'est moi qui souligne.)
[Page 32.]
L'omission du compte rendu en approche finale et le verbiage
superflu sur la fréquence de la compagnie constituent une
pratique inacceptable dans le poste de pilotage ainsi qu'une
dérogation grave à la discipline de l'air. [Page 40.]
Il est évident qu'il s'agit de renseignements très
pertinents et que la défenderesse est justifiée de
chercher des renseignements relativement aux
noms des pilotes de deux avions différents qui
auraient entendu ladite conversation. En temps
utile on demanda à la G.R.C. de faire une enquête
pour trouver certains documents et déterminer si
certains d'entre eux avaient été déchiquetés. Des
mandats de perquisition furent obtenus. La défen-
deresse fait valoir que l'avocat des demanderesses
a été autorisé à examiner tous les documents ainsi
obtenus.
Des extraits de la transcription de la déposition
de Champion devant la Commission contiennent
les noms de personnes interrogées au cours de
l'enquête de la compagnie mais Husband n'y est
pas mentionné. Il ressort de certains passages de la
transcription de la déposition faite devant la Com
mission d'enquête par W. M. Howes, l'enquêteur
responsable, que R. Poole, président des Opéra-
tions du ministère des Transports, lui avait appris
qu'une entrevue avec Husband avait été enregis-
trée et qu'une transcription en avait été faite, à la
demande de Poole, afin de mettre le chef pilote de
la compagnie aérienne en présence de celle-ci. Une
autre réponse indique qu'il était conscient du fait
que la cause réelle de l'accident était enfouie dans
le rapport (comme le prétend maintenant la défen-
deresse) mais il nie que cela fût intentionnel. Il
admet qu'on a exercé sur lui des pressions au cours
de l'enquête relativement au rapport fait par la
compagnie. Il a confirmé qu'il existait des rensei-
gnements selon lesquels quelqu'un avait entendu
deux pilotes parlant sur la fréquence de la compa-
gnie de sujets n'ayant aucun rapport avec le vol, un
des interlocuteurs étant le commandant Husband.
Poole a déclaré devant la Commission qu'il avait
eu deux entrevues avec le commandant Husband,
la première enregistrée, mais que par la suite, la
compagnie avait prétendu que Husband n'avait
pas vraiment dit ce qu'on prétendait qu'il avait dit;
une seconde entrevue fut donc organisée mais elle
ne fut pas fructueuse. Il ressort de la transcription
du témoignage, devant la Commission, de Johnson,
un fonctionnaire du ministère des Transports, que
les commandants de bord des vols 305 (Husband)
et 314 avaient discuté sur la fréquence de la
compagnie des connaissances de Miles relative-
ment au marché boursier.
Poole a également déclaré qu'une réunion avait
eu lieu à Vancouver entre le docteur Dubé et le
commandant Revel et, lors d'un voyage subsé-
quent, avec un dénommé Mackie, un autre
employé des demanderesses. Puisque Dubé admet
avoir déchiqueté des documents constituant des
éléments de preuve, l'avocat de la défenderesse
déclare que cela permet de conclure que cet élé-
ment de preuve avait été mis à la disposition de la
P.W.A. I1 n'est personne chez les gens du gouver-
nement qui puisse donner le nom des autres pilotes
qui auraient entendu la conversation et il existe
également des indices que Husband aurait subsé-
quemment essayé de nier ou de modifier les décla-
rations qu'il avait faites à l'entrevue, entrevue à
laquelle la compagnie avait consenti. Il est certain
que la P.W.A. avait été mise en présence de son
témoignage.
Comme il a déjà été dit, cette transcription peut
très bien ne pas être admissible en preuve au
procès mais, dans le cadre de l'examen des requê-
tes de la défenderesse, il est important de noter que
la demanderesse Pacific Western Airlines Ltd.
possède une bonne partie des renseignements que
la défenderesse tente d'obtenir et auxquels elle ne
peut avoir accès (même s'il semble que cela soit
attribuable, en partie au moins, à des actes repré-
hensibles—destruction d'éléments de preuve—de
certains de ses propres fonctionnaires) et qu'ils
peuvent être fournis par le commandant Fransber-
gen à moins que la demande d'exemption de com
munication des demanderesses ne soit valide.
Venons-en à la jurisprudence relative à cette
question.
Je crois que l'arrêt de la Chambre des Lords
Waugh c. British Railways Board' s'applique très
bien à la présente affaire. Le sommaire est ainsi
rédigé:
[TRADUCTION] La cour est en présence de deux principes
opposés: d'une part, que tous les éléments de preuve pertinents
devraient être mis à la disposition de la cour et, d'autre part,
que les communications entre un avocat et son client devraient
pouvoir demeurer confidentielles et privilégiées. Dans la conci
liation de ces deux principes, l'intérêt public est somme toute
mieux servi en contenant rigoureusement dans des limites
étroites le privilège de refuser légalement de communiquer des
documents ou des éléments de preuve relatifs à un litige. Par
conséquent, un document ne sera donc exempt de production
pour motif de secret professionnel que si le but principal pour
lequel il a été rédigé était de le soumettre à un avocat pour
obtenir un avis juridique et pour l'utiliser dans des procédures
judiciaires. Puisqu'en l'espèce, l'obtention d'un avis juridique
pour l'utiliser dans les procédures judiciaires ne constituait
qu'un des buts pour lesquels le rapport sur l'enquête interne
avait été rédigé et non le but principal, la demande d'exemption
de production présentée par la commission est rejetée et le
rapport devra être produit.
' [1979] 2 All E.R. 1169.
Le lord Wilberforce déclare à la page 1172:
[TRADUCTION] ... il ressort clairement de l'affidavit que le
rapport a été préparé dans un double but: pour ce qui peut être
appelé l'exploitation et la sécurité du chemin de fer d'une part
et pour obtenir un avis juridique en prévision d'un litige d'autre
part, le premier motif étant d'un intérêt plus immédiat que le
second mais les deux étant décrits comme étant de rang et
d'importance égale. La question se pose donc de savoir si cela
suffit à fonder une demande d'exemption de production ou si,
pour ce faire, le second but doit être l'unique ou le principal but
ou le plus important. Si l'une ou l'autre de ces deux dernières
propositions est correcte, la demande d'exemption de produc
tion en l'espèce doit être rejetée.
et plus loin, à la page 1173:
[TRADUCTION] Il est clair que la bonne administration de la
justice exige fortement la divulgation et la production de ce
rapport: il était contemporain; il contenait la déclaration de
témoins présents sur les lieux; il constituerait non seulement
une preuve pertinente mais presque certainement la meilleure
preuve quant à la cause de l'accident. Si l'on accepte la
proposition selon laquelle il faut passer outre à cette question
d'intérêt public importante afin que le défendeur puisse conve-
nablement préparer sa cause, quelle est l'étroitesse du lien qui
doit exister entre la préparation du document et la prévision
d'un litige? En principe, je serais porté à croire que la prépara-
tion en vue d'un litige devrait être l'unique ou, au moins, le
principal but; étendre cette protection à des cas où le but serait
secondaire ou d'importance égale à celle d'un autre but me
semblerait excessif et non nécessaire si l'on veut encourager la
divulgation fidèle des faits. Pour le moins, l'opportunité d'assu-
rer une protection dans de tels cas n'est pas assez forte pour
l'emporter sur la nécessité que tous les documents pertinents
soient disponibles.
En l'espèce, les employés de la P.W.A. avaient une
double allégeance. Ils avaient l'obligation, en vertu
de la Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, c. A-3,
et du Règlement d'application, de faire enquête
sur l'accident et de témoigner relativement aux
résultats de leur enquête. Bien que les enquêteurs
n'aient peut-être pas été désignés expressément
pour remplir ces fonctions prévues par la loi, leur
enquête a été faite volontairement. Comme le
signale l'affidavit d'Allen, les employés reçurent la
directive de collaborer avec les fonctionnaires de la
Section des enquêtes en matière d'aviation du
ministère des Transports. Il ajoute au paragraphe
3 [TRADUCTION] «En même temps, on demandait
aux employés de la demanderesse d'agir en qualité
d'agents aux fins de recueillir des renseignements
en prévision et en préparation de procédures judi-
ciaires envisagées». Ils exécutaient manifestement
leur travail en une double qualité mais l'intérêt
public de la sécurité aérienne doit l'emporter sur
tout avantage tactique qui pourrait être obtenu en
ne divulguant pas les renseignements obtenus au
cours de leur enquête qui pourraient constituer un
embarras pour la P.W.A., leur employeur, et en ne
les communiquant qu'à l'avocat-conseil de la com-
pagnie. Dans l'affaire (non publiée) Churchill
Falls (Labrador) Corporation Limited c. La
Reine, n° du greffe T-1414-71 (jugement rendu
par le juge Gibson), il n'est pas question du privi-
lège relatif aux communications entre un avocat et
son client mais plutôt du privilège revendiqué en
vertu de l'article 41 de la Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10. Il s'agit également
dans cette affaire d'une enquête sur un accident
d'aviation. Le jugement conclut en ces termes:
Après avoir attentivement étudié la présente affaire, en ce
qui concerne le droit de la Couronne de bénéficier du privilège
conformément à l'article 41 de la Loi sur la Cour fédérale, je
suis d'avis que, compte tenu des circonstances de l'espèce,
l'intérêt public concernant la bonne administration de la justice
l'emporte sur l'intérêt public spécifié dans l'affidavit et qu'il n'y
a pas lieu d'imposer de restrictions à la production et à la
communication des documents.
En ce qui concerne le droit de bénéficier du privilège fondé
sur le caractère confidentiel des pièces, que tout plaideur est
présumé posséder, je suis d'avis qu'il n'existe pas en l'espèce.
Je crois que le même principe devrait s'appliquer
en l'espèce.
L'avocat des demanderesses établit une distinc
tion entre un privilège relatif aux circonstances de
l'accident et un privilège relatif à l'enquête effec-
tuée pour déterminer ces circonstances. Bien qu'il
admette que les demanderesses doivent divulguer
tout fait dont elles ont connaissance et qui est
pertinent à l'accident, il fait valoir que les détails
des enquêtes poussées faites par les demanderesses
en prévision d'un litige sont privilégiés. 11 déclare
qu'au quatrième jour de l'interrogatoire préalable
du commandant Fransbergen, on avait déjà
répondu à toutes les questions portant sur les faits
relatifs à l'accident et dont avaient connaissance
les témoins ou autres personnes connues de Frans-
bergen et qu'il ne convient pas de l'interroger
relativement à des affirmations faites dans un
rapport d'accident. Il admet que s'il y avait en la
possession des demanderesses des documents que
la défenderesse tente d'obtenir, ils devraient être
inscrits dans sa liste de documents et une demande
d'exemption devrait être faite à leur égard mais il
ajoute qu'il n'existe pas de tels documents. Il
prétend que dans l'affaire Churchill Falls, préci-
tée, la question était de savoir si les déclarations
obtenues de membres du public et autres personnes
étaient ou non privilégiées. Il ne prétend pas qu'il
s'attache quelque privilège que ce soit à ce que le
commandant Bentley a appris alors qu'il assistait à
l'enquête de la Commission en sa qualité de diri-
geant de l'Association canadienne des pilotes de
lignes aériennes même s'il est également employé
de la P.W.A. mais que d'autres personnes y assis-
taient en leur qualité d'employés et non à titre de
membres de l'équipe d'enquête comme le prétend
la défenderesse. Il cite la décision de la Cour
d'appel fédérale Champion Packaging Corp. c.
Triumph Packaging Corporation 2 concernant une
requête en radiation, dans laquelle le juge Heald
déclare aux pages 192 et 193:
... il faut statuer sur la régularité de toute question concernant
l'interrogatoire en fonction de son rapport avec les faits plaidés
dans la déclaration dans la mesure où ils sont à l'origine de la
cause d'action plutôt qu'en fonction de son rapport avec les
faits que la demanderesse a l'intention de prouver pour démon-
trer les faits à l'origine de sa cause d'action.
Il cite également la publication récente de C. E.
Choate intitulée Discovery in Canada où il est dit
à la page 91, alinéa A328, qu'il n'est pas permis de
demander les noms des témoins ni comment on se
propose de faire la preuve d'un fait. On a égale-
ment mentionné l'affaire Ross (Executrix of Ross
Estate) c. Scarlett 3 , une décision de l'Alberta dont
le sommaire est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] Nonobstant la vaste gamme de questions qui
peuvent être posées lors de l'interrogatoire préalable, qui est
un genre de contre-interrogatoire et qui semble n'avoir pour
limite, sous réserve de certaines exceptions, que les points en
litige, les questions ne peuvent porter sur la preuve qu'entend
faire une partie, dont les noms des témoins, à moins que ces
noms ne soient nécessaires parce que faisant partie de la
preuve relative à la question. La partie qui interroge n'a pas
le droit de s'enquérir de la façon dont la partie adverse
entend faire la preuve de ses allégations, il a seulement le
droit de savoir quelles sont ces allégations.
Toutefois, le problème inhabituel auquel nous
devons faire face en l'espèce se présente comme
suit: la défenderesse ne tente pas d'obtenir des
renseignements quant à la façon dont la partie
adverse entend faire la preuve de ses prétentions,
mais plutôt des renseignements qui sont en la
possession des demanderesses et que la défende-
resse croit de nature à l'aider à prouver ses propres
prétentions. Après avoir lu la transcription d'ex-
traits du témoignage du commandant Fransbergen
2 [1977] 1 C.F. 191.
3 [1946] 3 W.W.R. 533.
aux fins des présentes requêtes, laquelle précise
avec force détails les raisons pour lesquelles les
demanderesses s'opposent à ce qu'il réponde à
d'autres questions et pris en considération les
autres arguments des parties ainsi que la jurispru
dence soumise, je peux maintenant me prononcer
plus précisément sur ce qui est demandé dans les
requêtes. Pour ce qui concerne la requête tendant à
ce que le commandant Fransbergen comparaisse
de nouveau pour répondre à d'autres questions, je
conclus comme suit:
Pour ce qui concerne l'alinéa a) des demande-
resses, il peut lui être posé des questions portant
sur les faits dont ont connaissance les employés, les
dirigeants et les préposés de la P.W.A. relative-
ment au contenu des alinéas se trouvant aux pages
32 et 40, du rapport d'accident de la Division des
enquêtes sur la sécurité aérienne du ministère des
Transports, tels qu'ils sont reproduits dans la
requête, étant donné que j'estime que le principe
prépondérant de l'intérêt public exige cette divul-
gation, conformément aux conclusions de l'arrêt
Waugh précité.
A l'alinéa b), on tente d'obtenir les noms des
personnes interrogées ainsi que le moment et l'en-
droit où ces entrevues ont eu lieu au cours de la
période où les dirigeants de la P.W.A. faisaient
enquête sur la cause de l'accident (qu'ils puissent
ou non être considérés comme membres de l'équipe
d'enquête sur l'accident comme l'indique l'affida-
vit de Haig, ce que l'avocat des demanderesses
conteste, soutenant qu'ils faisaient enquête en leur
qualité d'employés et non en tant que membres de
l'équipe d'enquête). Les renseignements obtenus
au cours de ces entrevues ne sont recevables en
preuve que dans la mesure où ils se rapportent aux
faits mentionnés dans les plaidoiries, dans les listes
de documents ou, comme je l'ai permis, à des faits
divulgués au cours de l'enquête de la Commission.
Aller plus loin constituerait une simple [TRADUC-
TION] «recherche à l'aveuglette» et ne saurait être
permis. Sous réserve de la présente décision, les
noms des personnes interrogées et l'endroit où les
entrevues ont eu lieu devraient être divulgués.
Pour ce qui concerne l'alinéa c), la question de
savoir si un employé de la Pacific Western Airlines
Ltd. ou quelque autre personne autorisée par cel-
le-ci, à l'exclusion de son avocat, a vu ou a eu accès
aux pièces C et D à l'appui de l'affidavit de Haig
est une question simple et il y a lieu d'y répondre.
Si la question est affirmative, cela pourra éventuel-
lement mener à la production de ces pièces. Pour
ce qui est de leur valeur probante, et plus particu-
lièrement celle de la pièce D, le document officieux
intitulé «Historique du vol», c'est évidemment une
toute autre affaire; quoi qu'il en soit, il semble que
d'une façon ou d'une autre, certains des faits qui y
sont mentionnés seront tôt ou tard apportés en
preuve.
Pour ce qui concerne l'alinéa d), il est, encore
ici, fait mention, mention à laquelle l'avocat des
demanderesses s'oppose, de l'affirmation que les
dirigeants de la Pacific Western Airlines Ltd.
étaient membres de l'«équipe d'enquête sur l'acci-
dent». Si l'on fait abstraction des questions de
sémantique, il est évident que l'objet principal
d'une enquête faite par eux aurait dû être d'établir
la cause de l'accident et qu'on ne peut en aucune
façon conclure que le seul objet de l'enquête ou
même que l'objet principal était de recueillir des
renseignements en prévision et en vue d'un litige.
Les questions portant, le cas échéant, sur les faits
relatifs à l'accident, à l'égard desquels des rensei-
gnements ont effectivement été obtenus, devraient
être précises, parce qu'autrement, il ne s'agirait
que d'une «recherche à l'aveuglette», ce qui n'est
pas permis, comme je l'ai indiqué dans ma décision
relative à l'alinéa b) ci-dessus.
Bien que ces décisions puissent entraîner la
divulgation à la défenderesse de certains noms de
témoins ou de renseignements relatifs à des faits
que les demanderesses peuvent ne pas vouloir invo-
quer, ce qui constitue normalement une pratique
irrégulière, c'est néanmoins justifiable d'après moi
pour assurer que le juge de première instance
dispose de tous les renseignements pertinents lui
permettant de déterminer à qui est imputable sur
le plan juridique la responsabilité de l'accident.
Pour ce qui concerne la requête demandant qu'il
soit enjoint au commandant Bud Husband de com-
paraître de nouveau, c'est essentiellement le même
argument qui est applicable, auquel vient toutefois
s'ajouter celui voulant qu'il ait été le second
témoin à subir un interrogatoire préalable. On a
cité l'affaire Imperial Marine Industries Ltd. c.
Fireman's Fund Insurance Company [[1977] 1
C.F. 747] dans laquelle le juge Mahoney, saisi
d'une demande présentée en vertu de la Règle
465(19), après avoir cité ladite Règle (qui est ainsi
rédigée):
Règle 465... .
(19) La Cour pourra, pour des raisons spéciales, mais excep-
tionnellement, et dans sa discrétion, ordonner un autre examen
préalable après qu'une partie ou cessionnaire aura été examiné
au préalable en vertu de la présente Règle.
dit aux pages 748 et 749:
C'est là un langage énergique. La personne qui désire procéder
à un nouvel interrogatoire au préalable, doit établir qu'elle le
fait pour «des raisons spéciales, mais exceptionnellement» avant
que la Cour puisse exercer son pouvoir discrétionnaire. Il me
semble que l'un des éléments d'une «raison spéciale» doit être
que l'information demandée ait un rapport direct avec le litige
dont la Cour est saisie. Si je comprend bien, le critère «excep-
tionnellement» s'appliquerait au cas où la Cour est convaincue
que la procédure habituelle, selon laquelle la personne interro-
gée s'informe de points dont elle n'a pas une connaissance
personnelle, ne satisferait pas vraiment les fins de la justice. Je
ne suis pas convaincu qu'il s'agisse en l'espèce d'un cas vrai-
ment exceptionnel ni, si c'était le cas, que l'on ait établi
l'existence de «raisons spéciales».
L'avocat des demanderesses prétend que Fransber-
gen pourrait très bien être interrogé pour détermi-
ner s'il a connaissance de la prétendue conversa
tion entre Husband et Miles sur la fréquence radio
de la compagnie et être requis de se renseigner à
cet égard; s'il n'en a pas connaissance, l'avocat
admet que Husband pourrait être cité à comparaî-
tre à cette fin. Il est possible que l'on puisse
obtenir du commandant Fransbergen la reconnais
sance nécessaire, mais il me semble que dans les
circonstances spéciales de l'espèce il conviendrait
d'interroger Husband à cet égard étant donné que
toute information que pourrait donner Fransber-
gen, après s'être renseigné, serait du ouï-dire sur
une question très importante. Je suis donc d'avis
qu'il s'agit d'un cas «exceptionnellement» prévu à
la Règle 465(19) et qu'il est souhaitable que le
commandant Husband soit sommé de comparaître
pour un nouvel interrogatoire afin qu'il réponde à
toute question relative à la conversation entre lui-
même et le commandant Miles ou qu'il aurait
entendu ce dernier tenir avec un tiers sur la fré-
quence radio de la compagnie le 11 février 1978,
ou à toute autre question, qui pourrait se poser par
suite des réponses données et qui se rapporterait
aux questions soulevées dans les plaidoiries.
Pour ce qui concerne la requête des demanderes-
ses demandant que la défenderesse soit tenue de
produire une autre liste de documents attestée par
affidavit, il est admis que (par suite des perquisi-
tions effectuées par la G.R.C.) un certain nombre
de documents ont été trouvés après le dépôt de la
liste de documents originale attestée par affidavit.
Comme il a déjà été dit, l'avocat des demanderes-
ses a eu accès à ces documents et, si je comprends
bien, un bon nombre de ceux-ci ne seraient pas
pertinents et il n'est certainement pas souhaitable
d'encombrer le dossier de la Cour en énumérant
des documents qui ne seront jamais utilisés par les
parties. L'avocat de la défenderesse a consenti à
déposer une liste supplémentaire de documents
plus complète, attestée par affidavit, en conformité
avec la Règle 461, de même qu'un affidavit préci-
sant si les documents mentionnés dans la pièce B
de l'affidavit de Donald Bruce Garrow sont ou ont
été en la possession de la défenderesse, sinon,
quand la défenderesse a cessé de les avoir en sa
possession, et ce qu'ils sont devenus, dans la
mesure où cela est possible. Il fut convenu que
cette liste serait déposée avant le 11 juillet 1980,
sous réserve du droit pour la défenderesse d'y
ajouter d'autres documents plus tard si nécessaire.
L'avocat de la défenderesse prétend que les répon-
ses à certaines des questions aideront à préparer
cette liste. Une ordonnance sera donc rendue à cet
effet.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.